08/10/2021 : expulsions à Buenos Aires

Expulsions au bulldozer

          Ces derniers jours, rapporte le quotidien Pagina/12, les autorités de la municipalité de Buenos Aires ont fait procéder à une vaste expulsion d’une zone connue sous le nom de « La Toma », située juste à côté du bidonville «Villa 31».

          La capitale compte de nombreux bidonvilles, disséminés sur l’ensemble de son territoire. La villa 31, situé dans le quartier de la gare de Retiro, est le plus grand d’entre eux. Ils sont habités en grande majorité par des émigrants d’autres pays d’Amérique du sud, essentiellement Paraguayens, Boliviens, Péruviens, venus en Argentine pour tenter de trouver une vie meilleure. Voir notre article ici.

Villa 31

Un bidonville à côté du bidonville

          Voici quelque temps, des mères de famille en grande difficulté sociale, sans travail, victimes de violences conjugales et sans logement, s’étaient installées sur un terrain vague à côté de la Villa 31, jusque là utilisé comme décharge publique. Elles l’avaient nettoyé, puis avaient construit des baraques avec les moyens du bord. Souvent mères de plusieurs enfants, personne ne voulait leur louer de logement, même le plus petit, même sans le moindre confort : les propriétaires du quartier refusent systématiquement de louer aux familles avec enfant. En tout, 80 familles, avec 175 enfants, s’étaient installées sur ce terrain, pour tenter d’interpeller la municipalité sur leur sort.

          Celle-ci a répondu en envoyant ses bulldozers, au petit matin à sept heures, au moment où les enfants finissaient de se préparer pour partir à l’école.

          «Ils se moquaient de nous, disaient ʽces pouilleux ne se lavent même pas’. Maintenant il faut que je recommence tout, où vais-je pouvoir aller avec mes six enfants, ils nous ont tout cassé, ont jeté les vêtements des enfants, comment ils vont pouvoir aller à l’école sans leurs cartables, comment ils vont pouvoir s’instruire ? Tout ce qu’on veut, c’est qu’ils étudient pour avoir une vie meilleure», raconte Leonela, une de ces mères de famille.

          «Depuis le début de l’installation on demande à être entendues, on a envoyé des lettres partout, même au Ministère de la Femme, mais personne ne nous a répondu. Nous n’avons pas de travail fixe, et l’autre problème, c’est qu’on ne veut pas nous louer parce qu’on a des enfants».

          La seule réponse de la municipalité a été de refuser l’accès de ces familles à la cantine populaire qu’elle gère à l’intérieur du bidonville «officiel», pour les «punir» en quelque sorte de leur installation sauvage.

          Pour tenter de justifier cette expulsion sans ménagement ni avertissement, la Ville de Buenos Aires a indiqué que le terrain occupé était prévu pour la construction d’une école primaire destinée aux habitants de la Villa 31. Pagina/12 y voit une simple manœuvre pour essayer d’opposer les mal-logés entre eux. D’après le journal, jamais avant l’installation des familles il n’en avait été question, d’ailleurs le projet ne figure nulle part dans le budget 2021 de la municipalité.

          Ce n’est pas la première occupation organisée dans la ville par des mal-logés. Il y a deux mois, un autre groupe de 150 personnes s’était installé sur l’emplacement d’un terrain désaffecté près de la Villa 21-24, dans le quartier populaire de Barracas, au sud de la ville.

Un problème, aucune solution en vue.

          Selon le quotidien, la municipalité, dirigée par l’élu de droite Horacio Rodríguez Larreta, n’apporte aucune solution au problème récurrent du mal logement à Buenos Aires. Son plan d’urbanisation, au contraire, a eu un effet pervers : en faisant craindre aux propriétaires qu’ils allaient se voir dépossédés de leurs biens, ceux-ci se sont empressés de chasser leurs locataires.

       Comme en d’autres occasions (voir notre article cité plus haut), les autorités proposent parfois des solutions de relogement, mais les maisons ou appartements proposés souffrent d’une très mauvaise qualité de construction, deviennent très vite inhabitables, et tout est à recommencer pour les habitants.  

          Le mal logement est donc très loin d’un début de solution dans la capitale argentine, qui rappelons-le, abrite un tiers de la population totale du pays. D’autant que pour les élus, il ne semble pas constituer une priorité : Pagina/12 rappelle que, pendant qu’on expulse les « pouilleux », à quelques centaines de mètres de là, on peut suivre les chantiers de construction de tours gigantesques, fruits de la spéculation immobilière et de l’appétit insatiable de milliardaires encouragés par les autorités politiques.

 

1ère partie : le coup d’état du G.O.U.

          Au début des années 30, le premier coup d’état militaire, qui a placé à la présidence de fait le général Uriburu, fait long feu. Dès 1932, le général, qui se voyait en dictateur à vie, est contraint par ses propres frères d’armes plus légalistes d’organiser des élections « démocratiques ». Entre guillemets, bien entendu, parce qu’il ne fallait tout de même pas exagérer, on n’allait pas laisser à d’autres partis que les conservateurs l’espoir de revenir au pouvoir. Le principal opposant aux militaires, c’est Marcelo de Alvear, l’ancien président radical (1922-1928). On lui interdit de se présenter. Trop dangereux : il est le favori de la rumeur publique, ancêtre des sondages. Facilitant ainsi la tâche du candidat des militaires et collègue du dictateur : Agustín Pedro Justo. Encore un général, bien entendu. Et qui est assez facilement, pardon, frauduleusement, élu.

Agustín Pedro Justo

          Justo a de la chance : à partir de 1933, le pays commence à sortir peu à peu de la fameuse crise de 29, qui comme ailleurs, a sévi avec rigueur. L’économie repart, l’industrie recommence à embaucher, attirant une forte migration interne de la province vers la capitale, qui concentre l’essentiel de ces emplois. Corollairement à cette augmentation de la population ouvrière, le syndicalisme se renforce, même s’il reste largement modéré dans ses rapports avec le pouvoir. Celui-ci d’ailleurs lui accorde quelques concessions, comme le samedi chômé (la «semaine anglaise»), les indemnités en cas de chômage, ou la possibilité de congé maladie pour les employés du commerce.  Ce qui ne l’empêche pas de réprimer durement les inévitables grèves et manifestations revendicatives. On ne se refait pas.

          Après 6 ans d’un mandat dont on retiendra surtout le scandale du pacte d’échanges économique « Roca-Runciman », signé avec les Britanniques et extrêmement désavantageux pour l’Argentine, Justo laisse sa place. C’est le ticket Roberto Ortíz/Ramón Castillo qui prend les rênes de l’attelage argentin. La fraude, une fois de plus, leur assure une confortable victoire aux élections. Il faut dire que nous sommes en pleine « décennie infâme», et les réflexes politiques d’avant 1912 ont refait leur apparition : pour les conservateurs, le pouvoir est un droit qui leur semble naturel, et une démocratie trop ouverte l’est surtout au désordre. Certes, Ortíz appartient à un parti de centre-droit, l’Union civique radicale, tendance anti personnaliste. Mais son vice-président, lui, est un conservateur bon teint, dans la lignée de Justo. Une alliance de circonstance assez mal attifée, mais l’essentiel, c’était de battre la gauche, n’est-ce pas.

             

Roberto Ortíz et Ramón Castillo

          Malgré tout, en bon centriste, Ortíz prône la fin de la fraude, et milite pour une politique modérée. Il annulera d’ailleurs les élections dans deux provinces gagnées frauduleusement par les conservateurs. Manque de chance : le bon Roberto, diabétique, ne gouverne vraiment que deux ans. Et après deux autres années de «congé maladie», pratiquement aveugle, il doit définitivement démissionner et laisser sa place à son vice-président, Castillo, qui prend son fauteuil le 27 juin 1942. Et voilà donc les conservateurs revenus aux manettes.

          Naturellement ça ne rate pas, Castillo ne tarde pas à rétablir le si pratique système de fraude électorale, et caresse dans le sens du poil les milieux les plus susceptibles de l’appuyer : les grands patrons, l’Eglise et l’Armée.

          Pendant ce temps, loin d’ici, la seconde guerre mondiale fait rage. Prudente, l’Argentine se déclare neutre. Mais l’avancée des Allemands, dans un premier temps, lui fait pourtant perdre une bonne partie de ses débouchés extérieurs. Certes, elle a signé des accords d’échanges avec les Anglais, mais une nouvelle fois, ceux-ci se sont arrangés pour en retirer le plus grand bénéfice. Par exemple, un accord sur l’exportation de viande (signé sous le mandat d’Ortíz) stipule que toutes les livres (£) rapportées par ces exportations devront rester consignées en Angleterre jusqu’à la fin de la guerre. Trop forts, ces Anglais.

          Débute alors une période dite « de substitution d’importations » : faute de pouvoir importer des produits manufacturés d’Europe, l’Argentine se met à développer sa propre industrie, exportant même sur tout le continent sud-américain. Seulement voilà : que deviendra cette industrie lorsque le conflit prendra fin ? Comment pourra-t-elle faire face au retour de la concurrence européenne ?

          Le gouvernement Castillo ne semble pas prendre la mesure du danger. Il prévoit bien un plan de sauvegarde, le plan «Pinedo» (du nom du ministre de l’économie), mais celui-ci ne concerne qu’une petite partie des entreprises. La plupart sera laissée à son sort quand reviendront les produits importés. Certains pans de la société s’en inquiètent, car cette situation générera immanquablement des dégâts sociaux, et activera les mécontentements dus à l’inévitable chômage et à la baisse des revenus des plus modestes. L’Eglise notamment craint que cela ne favorise le développement de l’ennemi absolu : le communisme. Arrrghhh ! Ben oui, s’agirait pas que trop de pauvreté conduise le bon peuple à de mauvais penchants. Mieux vaut lui laisser quelques miettes.

          Dans le même temps, Castillo est également talonné par les milieux militaires les plus favorables aux alliés, qui lui reprochent son choix de la neutralité. Ils vont même jusqu’à le traiter de nazi, encouragés par les États-Unis, qui cherchent à consolider leur prédominance sur leur arrière-cour du sud. Pour les amadouer, il crée un institut industriel qui permet aux militaires de contrôler de près toute l’industrie argentine, et notamment l’armement, jusqu’ici largement importé.

          Face à cette offensive de charme en direction de l’Armée, l’opposition, emmenée par l’UCR, approche le ministre de la guerre, Pedro Ramírez, et lui propose même d’être son candidat aux prochaines élections prévues fin 1943.

Pedro Ramírez

          L’Armée, ainsi placée en arbitre suprême du conflit politique, en profite alors pour pousser son avantage. Le 4 juin 1943, elle lance un coup d’état et renverse Castillo. Après un bref intérim de trois petits jours du général Arturo Rawson, Ramírez s’installe aux commandes du nouveau gouvernement militaire, soutenu par un groupe d’officiers qui ne va pas tarder à faire parler de lui : le G.O.U., « Groupe d’officiers unis », emmené par le général Edelmiro Farrell et dont fait partie un colonel de 48 ans, un certain Juan Domingo Perón.

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Sur la décennie infâme, voir aussi le court documentaire (29′) de la chaîne pédagogique argentine « Encuentro ». Très complet et bien illustré, mais en espagnol, naturellement.

Un curieux système électoral

          En novembre prochain vont avoir lieu en Argentine des élections législatives et sénatoriales. Le système d’élection est assez semblable à celui de la France, à quelques différences près.

          Comme chez nous, ces élections sont à la fois nationales (on élit des représentants parlementaires nationaux) et régionales (chaque province élit un nombre déterminé de représentants, en fonction de sa population).
Mais d’une part, les législatives ne concernent que le renouvellement de la moitié des sièges (127 sur 257 exactement), et les sénatoriales le tiers (24 sur 72). Et d’autre part, les sénateurs ne sont pas élus au suffrage indirect, comme c’est le cas en France, mais direct, également par province. Cette année, six provinces (sur 25) vont donc participer au vote sénatorial.

          C’est une première différence. Qui n’empêche d’ailleurs pas que la majorité, jusqu’ici détenue par le parti présidentiel (péroniste) risque fort de basculer, ce qui pourrait rendre le travail gouvernemental très difficile pour les trois années qui lui restent de mandat. (En Argentine, le président est élu pour quatre ans, Alberto Fernández est en place depuis janvier 2020).

          Mais il y en a une autre, encore bien plus importante. Depuis 2009, chaque élection (présidentielle ou législative) est précédée d’une « primaire » obligatoire, qui vise à déterminer quels partis pourront réellement se présenter aux élections officielles, et, à l’intérieur de ces partis, quels candidats, ou listes de candidats.

Jeunes supporters du « Frente de todos ». On notera le soleil en lieu et place du « o » de « todos »: à la fois pour rappeler le soleil du drapeau argentin, et pour marquer l’inclusivité, à la fois « o » masculin et « a » féminin.

          Ces primaires organisées à l’échelle nationale sont appelées « PASO » : Primarias Abiertas Simultaneas Obligatorias ». C’est-à-dire :

Primaires, car organisées préalablement aux véritables élections.
Ouvertes, car tous les citoyens munis d’une carte d’électeur peuvent participer.
Simultanées, car organisées toutes en même temps sur le territoire.
Obligatoires, car elles s’imposent à tous les citoyens âgés entre 18 et 70 ans. Elles restent optionnelles pour les 70 ans et plus, ainsi que pour les 16-18 ans.

          Aucun parti souhaitant participer aux élections officielles ne peut s’y soustraire. Pour pouvoir être « qualifié », il est nécessaire d’avoir obtenu au moins 1,5% des voix lors de ces primaires.

          Cette année, ces primaires législatives ont eu lieu le 12 septembre dernier. Elles ont permis de qualifier 6 partis, et d’en éliminer la bagatelle de 19 ! Et parmi les qualifiés, seuls 2 ont obtenu plus de 6% des voix : la coalition de partis soutenant l’actuel président, Frente de Todos (Front commun), plutôt classé à gauche, et Juntos por el cambio (Ensemble pour le changement), coalition de l’ancien président Mauricio Macri, plutôt classé à droite.

Logo du mouvement d’opposition au péronisme.

          Ces primaires ont permis non seulement de départager, à l’intérieur des partis, différentes listes de candidats (encore que la plupart n’en présentaient qu’une), mais également de jauger l’état de l’opinion avant la « vraie » élection.

          Comme chez nous, le parti du gouvernement s’est vu handicapé par l’exercice du pouvoir, agglomérant les mécontentements. D’autant plus en pleine crise sanitaire, dont les Argentins ne voient pas le commencement de la fin, et qui ne contribue pas peu à dégrader l’économie nationale et les conditions de vie des citoyens. Sans parler des querelles internes au mouvement « Frente de todos », où la tendance « Kirchnériste » menée par l’ancienne présidente Cristina Kirchner s’oppose plus ou moins ouvertement à une tendance péroniste plus modérée, pour faire court.

          Bref, ces primaires ont été remportées par l’opposition, avec près de 40% des voix, contre 35,5 pour la majorité présidentielle. Ce qui augure un sérieux revers pour le président en novembre, car il est rare que les résultats des primaires ne se voient pas confirmés lors du suffrage officiel.

          Les années à venir risquent d’être assez agitées en Argentine. Ce qui ne changera guère de l’habitude, dans ce pays où la politique n’est qu’un éternel conflit ouvert, où le vainqueur du jour se sent toujours tenu de faire payer, le plus chèrement possible, le gouvernant d’hier, ainsi que ses électeurs.

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Pour les hispanophones :

Site CNN espagnol, expliquant les modalités de vote.

Quelques commentaires nationaux et internationaux, juste après le vote.

La decada de los ocasos (II)

II. Eva hechicera

Eva Duarte – 1944

          El 9 de enero de 1950, mientras presencia la inauguración de un local sindical en el Dock Sud, la primera dama, Eva Perón, sufre un desmayo, tres días más tardes se interna en el Instituto del diagnostico de la Ciudad de Buenos Aires, debe someterse a una apendicetomía, la cirugía está a cargo del doctor Oscar Ivanisevic, en el acto descubre una apéndice inflamada, y también visualiza un proceso tumoral en el cuello de útero.

          Pero nadie le informa a Eva, tampoco Perón, así que se tarda en tratar su cáncer.

          Después de la apendicetomía, la compañera del líder experimenta un decaimiento permanente y una inocultable pérdida de peso.

          Pero tras la convalecencia de la cirugía de apéndice, vuelve a sus actividades habituales, las urgencias de la reelección hacen olvidar el episodio del desmayo y la posterior cirugía. Eva, impetuosa, se empeña en hacer efectiva la ley sobre el voto femenino, sancionada en 1946 pero hasta el momento no aplicada; la considera como una herramienta para las reelecciones de 1951, hasta quiere presentarse de vice-presidenta, “su” pueblo lo reclama, pero Perón se niega: sabe perfectamente que su estado de salud no permite considerarlo. Ella, vencida, da un discurso emocionante en que expresa su renuncia definitiva.

Perón sostiene a Eva mientras pronuncia un discurso en Plaza de Mayo

          Su salud se deteriora más rápido, poco a poco su aspecto personal sufre una gran transformación, padece de insomnio, anemia, anorexia y dolores intensos. La muerte viaja con ella donde quiera que vaya.

          Perón es reelecto en 1951, la primera elección donde sufragaron por igual mujeres y varones. Por primera vez las mujeres argentinas tenían derecho a emitir el voto. La muchedumbre apenas intuye toda esa liturgia propia del poder populista, no le interesa la verdad de los hechos, ya construyeron los altares necesarios para sus oraciones por pan, trabajo y justicia social, en cada aparición, el líder sacude el mantel de la fiesta para que las migas les caigan a los que menos tienen, les insufla la esperanza, les habla de una patria igualitaria, muchas fabricas, escuelas para todos, hospitales que dejen de ser morideros, lugares donde llevar a los ancianos, sindicatos poderosos que defiendan a los trabajadores de los abusos de los patrones siempre insatisfechos. El extraordinario poder de seducción del líder, casi místico, impulsa al votante a elegir este personaje de perfil mesiánico, ¡un verdadero salvador!

          El votante del peronismo es el instrumento de una fuerza que no comprende. Acata en silencio el rumbo trágico, rumbo del país y rumbo del poder, presumen que allí reside el pensamiento secreto del general, tiene el poder de manejar las fuerzas oscuras operando en la cercanía del poder. Su mirada de tehuelche sabe cómo descifrar una realidad mágica y dorada de buenas intenciones para entregarla a la muchedumbre.

Eva votando desde su cama en el hospital.

          La doliente multitud asiste a la misa popular, cuando aparece el líder acompañado por su compañera de rubio pelo se sienten ungido. La primera dama sabe que ser rubia significa salvarse de la maldición de nuestra América del sur, tierra de morenos, de “cabecitas negras”, aún se mantiene en el imaginario femenino argentino aquel estigma. Ser rubia genera más oportunidades de realización en la sociedad argentina autocomplacida.

          La iglesia y las Fuerzas Armadas comparten un amor común, bendicen el supersticioso orden establecido, no se apartan de los mandatos; respetar las tradiciones, la familia y la fe cristiana, no ocultan estar molestos por ensalzar a la clase trabajadora, darle nuevos privilegios a un estamento social que no existía hasta la llegada del peronismo, en cada oportunidad, muestran un irreconciliable desprecio por la nueva casta de trabajadores, entre rezos y homilías y charlas de cuartel se procesa una nueva tragedia nacional.

          Para los curas y los militares, Eva es una prostituta, una trepadora, un ser sediento de poder y de gloria, aquella pléyade social no la ve con buenos ojos, es la antítesis de una normalidad que está alterada. Para los más humildes, Eva es una virgen en persona, con dulzura maternal se entrega y se sacrifica por los que menos tienen.

          Dice el escritor y periodista Tomás Eloy Martínez: Eva se fue volviendo hermosa con la pasión, con la memoria y la muerte, se tejió a sí misma una crisálida de belleza, fue empollándose reina, el oro transfiguro a esa morena de piel mate, dándole una extraña palidez que su futura enfermedad tornaría en sobrenatural.

          Su empatía por los más vulnerables la convierte en una figura de culto, en un ser amado por millones de argentinos desvalidos, los huérfanos de todo, aquellos que nacieron y crecieron sin nada, Eva Perón se convierte en la única esperanza cumplida. Ella sabe usar la tonalización como uso retorico, logra llegar al inconsciente colectivo de los adorantes, usa palabras como: mis cabecitas negras, mis descamisados, mis huérfanos.

          La identificación profunda e inmediata con la tonalización de las grandes masas, les da lugar a los individuos marginados, los humildes, los ignorados por una sociedad donde el distinto color de piel es motivo suficiente para sesgar y discriminar.

          Eva incuba un cáncer que más tarde la mataría, lo encontrado en las pruebas ginecológicas le son ocultada a la primera dama, el diagnostico pasa a ser un secreto de estado.

          Diagnostico fatal: dice Borges que “cualquier destino, por largo y complicado que sea, consta en realidad de un solo momento: el momento en el que la persona sabe para siempre quien es”.

          La Argentina se vanagloria de ser cartesiana y europea, pero se nutre de otra vía, la oral, la que surge de las entrañas de la voluntad popular, de boca en boca, sin provocar en los usuarios ningún asomo de duda o tensión entre la realidad y lo sobrenatural, hacer del presente una enigma inexplicable, esta vacilación conduce a la zozobra, nada sirve como evidencia para negar o afirmar que el realismo mágico forma parte de la cultura Argentina.

Manuel Silva – 2021

Tumba de Eva en el cementerio de la Recoleta

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Quizás esta cronología pueda serle utíl…

7 de mayo de 1919: nacimiento de Eva Duarte en el pueblo de Los Toldos, Junín. (Hubo debates en cuanto a esta fecha, ya que el acta oficial del Registro civil fue falsificada a instancias de la misma Eva. En esa acta, el año mencionado es 1922).

1935: Eva Duarte se va a Buenos Aires y emprende una carrera de actriz secundaria, más bien radiofónica.

Enero de 1944: Encuentro con Juan Perón.

6 de junio – 23 de agosto de 1947: gira europea de Eva, con fines diplomáticos.

9 de septiembre de 1947: la Cámara de diputados sanciona la ley sobre el voto femenino. Las mujeres argentinas votarán por primera vez en 1951, para la elección presidencial.

8 de julio de 1948: creación de la Fundación caritativa Eva Perón.

1949: Eva crea el Partido peronista femenino.

Enero de 1950: primer diagnostico de cáncer del cuello de útero.

17 de octubre de 1951: Eva renuncia a presentarse de vice-presidenta.

26 de julio de 1952: fallecimiento.

22 de noviembre de 1955: poco después del derrocamiento de Juan Perón, el nuevo dictador Pedro Aramburu ordena el secuestro del ataúd con el cadáver de Eva. La entierran en secreto en un cementerio de Milán, Italia, bajo falsa identidad. Es el general Alejandro Lanusse, presidente de facto en 1971, quien ordena su entrega a Perón en Madrid, en septiembre. En 1976 repatrían el cuerpo en Buenos Aires y es enterrado en la bóveda familiar del cementerio de La Recoleta (Ver arriba).

PV

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Unos enlaces :

Biografía de en el sitio oficial de Eva Perón.

Biografía simplificada.

El discurso de Eva Perón, el 17 de octubre de 1951, en el canal Encuentro.

Eva Perón, pelicula de Juan Carlos Desanzo, guión de José Pablo Feinmann (1996)

Santa Evita, libro de Tomás Eloy Martínez. En el sitio Lectulandia.

La décennie de tous les déclins (II)

II. Ensorcelante Eva

Eva Duarte – 1944

          Le 9 janvier 1950, lors de l’inauguration d’un local syndical au dock sud du port de Buenos Aires, la première dame, Eva Perón, a un malaise, et trois jours plus tard, elle doit entrer dans une clinique de la capitale pour y être examinée. Le docteur Oscar Ivanisevic diagnostique une appendicite, mais il se rend compte en outre que sa patiente souffre d’une tumeur au col de l’utérus.

          Pourtant, personne n’en informe la femme du président, pas même son mari. La maladie doit rester secrète, ce qui fait perdre un temps précieux à cette lutte contre le cancer qui s’amorce.

          Après l’opération de l’appendicite, Eva Perón voit son état de santé se dégrader progressivement, et elle maigrit à vue d’œil.

          Elle reprend néanmoins ses activités habituelles, et la proximité de l’élection présidentielle lui fait oublier ses ennuis de santé. Déterminée, elle lutte pour rendre effective la loi sur le droit de vote des femmes, votée en 1946 mais jusque là non appliquée, et qui, pense-t-elle, doit aider à la réélection de son mari. Elle-même se rêve en vice-présidente, «son» peuple en rêve également, mais elle se heurtera au refus de Perón : lui sait pertinemment que la maladie qui progresse rend l’éventualité inenvisageable. La mort dans l’âme, elle se verra contrainte de renoncer, lors d’un émouvant discours sur la Place de Mai.

Eva soutenue par Perón lors du discours de 1951

          Sa santé se détériore de plus en plus rapidement. Peu à peu, la dégradation de son corps se fait plus visible, elle souffre d’insomnie, d’anémie, d’anorexie, et de douleurs intenses. Où qu’elle aille, l’ombre de la mort l’accompagne.

          Perón est réélu en 1951, première élection ouverte également aux femmes.  Derrière la liturgie propre aux rassemblements populistes, la foule ne perçoit pas le théâtre, la foule se moque bien de la vérité des faits, elle a déjà monté les autels aux pieds desquels elle prie pour son pain quotidien, pour ses emplois et pour la justice sociale, et à chacune de ses apparitions, le leader secoue la nappe du banquet pour en faire tomber les miettes sur les plus pauvres, il leur insuffle l’espoir, leur parle d’une patrie égalitaire, d’usines, d’écoles pour tous, d’hôpitaux qui ne doivent plus être des mouroirs, de lieux où accueillir les vieux, de syndicats puissants protégeant les ouvriers des abus de patrons insatiables. L’extraordinaire pouvoir de séduction du leader, quasi mystique, attire l’électeur vers ce personnage au profil messianique, un véritable sauveur !

          L’électeur péroniste est l’instrument d’une force qu’il ne contrôle pas. Il approuve en silence le choix de ce cap tragique, pour le pouvoir autant que pour le pays, croyant confusément que là réside la pensée secrète du général, ce pouvoir de contrôler les forces obscures s’agitant autour des cercles de décision. Son regard de Tehuelche sait capter la réalité magique et dorée des bonnes intentions pour la délivrer à la foule.

Eva votant depuis son lit d’hôpital

          Cette foule de gens qui souffrent assistent à la messe populaire, où apparaissent le leader et sa femme à la chevelure si blonde, et c’est comme si ceux-ci les bénissaient par leur présence. La première dame sait que sa blondeur la délivre de la malédiction de notre terre du sud, cette terre de bruns, de «cabecitas negras», ce stigmate qui se perpétue dans l’imaginaire féminin des Argentines. Être blonde offre des perspectives d’avenir bien plus intéressantes dans notre société tellement satisfaite d’elle-même.

          L’Eglise et l’Armée partagent un amour commun pour l’ordre établi, qu’ils ne tordent jamais : respect des traditions, de la famille, de la foi chrétienne. Ils ne cachent ni leur mépris pour la classe ouvrière – cette classe dont on ne parlait pas, qui n’existait seulement pas avant l’avènement du péronisme ! – ni leur mécontentement de voir le pouvoir en améliorer la condition. Les sermons et les discussions de caserne murissent les ferments d’une future tragédie nationale.

          Pour les curés et les militaires, Eva est une prostituée, une ambitieuse, assoiffée de pouvoir et de gloire, ce microcosme la regarde de travers, pour eux elle représente l’antithèse d’une normalité qu’ils jugent dégradée. Pour les humbles, au contraire, elle est la vierge incarnée, une véritable mère offrant sa vie à ceux qui n’ont rien.

          Comme le dit Tomás Eloy Martínez : Eva a été rendue belle par la passion, la mémoire et la mort, elle s’est tissé elle-même une chrysalide de beauté, elle s’est faite reine, l’or a transfiguré cette brune au teint mat, lui procurant une étrange pâleur que sa maladie allait achever de rendre surnaturelle.

          Son empathie pour les plus vulnérables la transforme en objet de culte, en être chéri par des millions d’Argentins démunis, orphelins de tout, et pour ceux-là, venus au monde et élevés dans le dénuement le plus total, Eva représente l’unique espoir enfin comblé.

          Elle sait manier la rhétorique à la perfection, comment toucher l’inconscient collectif de ses adorateurs, utilisant à leur égard des mots tendres, « mes petites têtes noires, mes pouilleux, mes orphelins ».

          Cette identification profonde et immédiate aux masses populaires rend enfin visibles tous les marginalisés, les humbles, les ignorés d’une société où la couleur de la peau est un motif suffisant de discrimination et de mépris.

          Eva couve un cancer qui ne va pas tarder à la tuer, mais les résultats d’analyse lui sont cachés, le diagnostic doit rester secret d’état.

          Un diagnostic fatal : comme le dit Borges, «chaque destin, quelque soit sa complexité et sa longévité, repose en réalité sur un seul moment : le moment où l’on sait définitivement qui on est».

          L’Argentine se vante d’être cartésienne et européenne, mais elle se nourrit davantage par la voie orale que par la voie intellectuelle, elle avale ce qui surgit des entrailles de la volonté populaire, de bouche en bouche, sans provoquer chez les consommateurs le moindre soupçon de doute ou de tension entre réalité et surnaturel, sans faire du présent une énigme inexplicable, et de cette ambigüité nait l’incertitude : le réalisme magique est-il vraiment, ou pas, intrinsèque à la culture argentine ?

 

Manuel Silva – 2021

Adaptation française du texte et chronologie : PV.

Tombeau d’Eva Perón au cimetière de la Recoleta

Petite chronologie (éventuellement) utile :

7 mai 1919 : date de naissance (discutée, car son livret de famille aurait été falsifié pour y mettre la date du 7 mai 1922) d’Eva Duarte, dans le village de Los Toldos, circonscription de Junín.

1935 : Eva Duarte part à Buenos Aires et débute une carrière d’actrice mineure, essentiellement radiophonique.

Janvier 1944 : rencontre avec Juan Perón.

6 juin au 23 août 1947 : elle représente son président de mari lors d’une tournée européenne à visée diplomatique.

9 septembre 1947 : la loi sur le vote des femmes est votée par le parlement. Elle sera effective lors de l’élection présidentielle de 1951.

8 juillet 1948 : création de la Fondation Eva Perón. (Fondation à but caritatif).

1949 : elle fonde le parti péroniste des femmes.

Janvier 1950 : premier diagnostic de cancer du col de l’utérus.

17 octobre 1951 : elle renonce à la vice-présidence de la nation.

26 juillet 1952 : décès d’Eva Perón.

22 novembre 1955 : peu après le renversement de Juan Perón, le nouveau dictateur militaire Pedro Aramburu ordonne l’enlèvement du cercueil contenant le corps d’Eva Perón. Il disparaitra pendant 16 ans, probablement enterré sous un faux nom dans un cimetière milanais. Le général Lanusse, président de fait, le rendra à Perón en septembre 1971. Il sera finalement enterré dans le caveau familial du cimetière de La Recoleta (voir ci-dessus) en 1976.

Pour aller plus loin :

Biographie sur le site officiel d’Eva Duarte de Perón.

Podcast de l’émission de France inter du 6 juin 2012.

Vidéo du discours d’Eva Perón le 17 octobre 1951 (Espagnol, avec sous-titres en espagnol)

Eva Perón, film de 1996, de Juan Carlos Desanzo, scénario de José Pablo Feinmann. (VO non sous-titrée).

A lire : « Santa Evita », de Tomás Eloy Martínez. Publié chez Robert Laffont et chez 10-18 (344 p.)

 

22/09/21 : Recul du COVID en Argentine

          Il semblerait que le coronavirus soit bien entré dans une phase de décrue – voir ici – en Argentine ces dernières semaines.

         Cette tendance positive amène le gouvernement a assouplir des mesures jusqu’ici assez strictes,et  dont l’efficacité n’a guère été probante. Le journal Clarín en déroule le détail dans son numéro d’aujourd’hui, tout comme Pagina/12. Le quotidien La Nación, de son côté, établit un comparatif entre certains pays, notamment européens, qui ont eux aussi relâché un peu les restrictions sanitaires, comme le Royaume-Uni, l’Espagne ou le Danemark, ainsi qu’Israel et les Etats-Unis. Pour montrer que bien souvent, ces assouplissements ont eu pour conséquence une remontée des taux d’incidence, et le retour à certaines restrictions.

Parmi ces mesures d’assouplissement :

Le masque ne sera donc plus obligatoire en extérieur, sauf dans les endroits densément occupés. Il reste obligatoire en revanche dans les lieux publics fermés, comme les cinémas, les établissements scolaires, les transports publics, les lieux de travail ou les rassemblements festifs. Ceux-ci sont donc de nouveau autorisés sans limite de nombre, sous réserve de respect des mesures barrières.

Le confinement est levé pour toutes les activités économiques, ainsi que les activités religieuses, sportives, culturelles et sociales en milieu fermé, toujours sous réserve des mesures barrières.

Les voyages d’agrément collectifs de retraités sont de nouveaux autorisés, tout comme les sorties scolaires.

Réouverture (jauge de 50%) des discothèques, sous réserve de passeport vaccinal complet.

Événements sportifs en extérieur : levée de la restriction limitant la jauge du public à 1000 personnes, dans la limite de 50% de la capacité totale du lieu.

Réouverture progressive des frontières, jusqu’ici totalement fermées sauf raison professionnelle, et suppression pour ces derniers cas de l’obligation d’isolement de 14 jours. A partir du 1er octobre, tous les étrangers des pays limitrophes pourront entrer sans nécessité d’isolement. A partir du 1er novembre, ouverture pour tous les étrangers. Tout cela sous réserve de présenter un passeport vaccinal établit plus de 14 jours avant l’entrée, et d’un test PCR négatif de moins de 72 heures. Plus un autre test entre 5 à 7 jours après l’entrée en Argentine. (Ce qui est la norme européenne actuellement).

          La Nación pose la question du danger d’un relâchement qui pourrait être prématuré, soulignant que les pays qui l’ont fait ont vu leur taux d’incidence remonter, les obligeant à revenir à des mesures restrictives. Ce fut le cas en Espagne : le 26 juin, quand les autorités avaient supprimé l’obligation du port du masque dans l’espace public, on comptait 4924 cas/jour. La veille du rétablissement de la mesure, on était monté à près de 22000 cas. Même chose aux Etats-Unis, passant de 38000 à 70000 cas/jour. Le journal estime qu’on sera en mesure de faire le point dès octobre sur les effets de l’assouplissement. Tout en notant que la propagation du variant delta reste très contenue dans le pays.

          Pagina/12 se réjouit de cet assouplissement, soulignant qu’il résulte logiquement de la montée de la vaccination (64% de primo-vaccinés, 45% complètement vaccinés, en Argentine, essentiellement avec le vaccin russe Sputnik, mais depuis quelque temps, également avec Pfizer et Moderna), et de la baisse des admissions en soins intensifs (1440 au dernier comptage, quand on en a compté jusqu’à près de 8000 au pic de la deuxième vague). Mais il souligne qu’il convient de rester prudent, et que le gouvernement lui-même appelle à rester vigilant. La pandémie est certes en voie de régression, mais elle doit rester sous forte surveillance. Comme le souligne le quotidien, «Tant qu’il existe une population à travers le monde susceptible d’être contaminée, il existe une probabilité que la pandémie se prolonge indéfiniment. Car tandis que certains territoires en sont à inoculer une troisième dose de vaccin à ses habitants, l’Afrique, elle, compte à peine 4% de vaccinés».

Arrivée du vaccin Sputnik-V en Argentine

La décennie de tous les déclins (I)

1950, LA DÉCENNIE DE TOUS LES DÉCLINS

«L’opposé consiste à changer la mémoire des hommes : démontrer que tout ce dont nous nous souvenons, et dans tout ce que nous sommes, que rien n’a jamais la même apparence. Que la vérité n’est pas unique, et encore moins absolue, mais qu’elle est fragile et multi facettes, comme les yeux d’une mouche».

Telles sont les mots de l’écrivain Tomás Eloy Martínez, dans une tentative de comprendre le phénomène péroniste.

I. Vérités et mensonges

          L’histoire qui commence par un tremblement de terre et se termine par le bombardement de la Place de Mai, vibre encore en répliques convulsives. Et c’est entre ces deux événements tragiques que s’est déroulée l’une des périodes les plus intenses et transformatrices de l’historie argentine : celle qui vit la naissance et la croissance du péronisme.
          Juan Domingo Perón est né en 1895 dans le village de Lobos, dans la province de Buenos Aires. Il était le fils naturel de Mario Tomás Perón et de Juana Sosa. Ses ancêtres l’ont marqué au fer rouge. Son grand-père, Tomás Liberato Perón, fut un grand médecin qui a participé à la « guerre de la Triple-Alliance », menée par le Brésil, L’Uruguay et l’Argentine contre le Paraguay ; sa grand-mère, Mercedes Toledo del Pueblo de Azul, était une indienne Tehuelche. Perón n’hésitait jamais à se prévaloir de cette ascendance indienne, tirant fierté de cette filiation métisse, affirmant à qui voulait l’entendre : «je suis fier d’avoir du sang tehuelche, je descends par ma mère de tous ceux qui peuplèrent le territoire des siècles avant l’arrivée des colons».

Gare de Lobos – Photo Commons Wikimedia

          En 1899, le père de Juan Domingo emmena sa famille habiter les plaines de la Patagonie, où le climat hostile du sud battu par les vents forgea le caractère du natif de Lobos.

En Patagonie – Photo PV

*

          A partir de 1944, pour le meilleur ou pour le pire, le phénomène péroniste prend corps, et s’installe tel un menhir dans la société argentine. Perón entre au gouvernement en tant que représentant du Parti Travailliste, un parti formé par l’union de plusieurs syndicats. Son leitmotiv est la « justice sociale », un concept relativement neuf pour l’époque en Argentine, d’où des premières mesures favorables au secteur ouvrier qui valent au nouveau secrétaire d’état le soutien des travailleurs, mais parallèlement, le rejet immédiat des secteurs patronaux.

          La popularité du Colonel Perón grandit, au point d’en faire une figure consacrée, un nouveau messie dans le désert politique argentin, porteur de nouvelles idées pour construire un état moderne, plus dynamique et plus juste. Il est élu président en février 1946, avec 56% des voix.

          Son premier mandat se caractérise par une forte dépense publique liée à ce qu’on appellera « La révolution distributive », basée sur quatre piliers de la politique péroniste : marché intérieur, nationalisme économique, intervention de l’état et rôle central de l’industrie. Suivant ces principes, en 1946 le président nationalise la Banque nationale argentine, puis les chemins de fer qui étaient entre les mains de sociétés britanniques et françaises.

          Son discours populiste, inspiré du fascisme mussolinien, séduit les foules, bien que la supposée sympathie de Perón pour les anciens nazis – qu’il en ait aidé un certain nombre à venir s’installer en argentine est un secret de polichinelle – lui ai valu les critiques de certaines couches de la société.

          L’exercice solitaire du pouvoir conduira le pays à une grande débâcle économique et politique, peu à peu la production s’effondre, et la prospérité dont jouissait le pays avec ; la pauvreté s’installe sans bruit, tandis que le leader raconte aux masses de sa voix mielleuse qu’il «combat (pour elles)».
L’emphase de la vérité trahit le menteur. Il regarde et fascine à la fois la foule qui l’idolâtre, il se sent comme un charmeur de serpent, jusqu’ici, il lui suffisait de jouer sur les ombres et les apparences, il ne voit aucune raison de changer ce qui fonctionne à la perfection, son pouvoir de séduction sur les foules est intact, même s’il sait pertinemment que le passé ne reviendra pas pour le sauver, mais pour l’écraser. Mais qu’importe : si la réalité doit le tuer, la fiction le sauvera.

          Le sourire du leader illumine la Place de Mai. Son discours grandiloquent, truffé de métaphores et de promesses dorées, jette une passerelle entre lui et la foule, il leur parle en manches de chemise, d’égal à égal, imitant le style de Mussolini (L’Italien le faisait torse nu, pour mieux s’identifier au « peuple travailleur »), l’espoir d’égalité hypnotise la volonté ardente des travailleurs. Il s’autoproclame « premier des travailleurs » : il arrive dès six heures du matin au palais présidentiel. Et quand on lui demande pourquoi il vient si tôt, il répond malicieusement : « c’est une vieille habitude de caserne : rien foutre, mais de bonne heure ».

*

          Je suis né en 1950, dans cette décennie de tous les déclins, vers la fin du premier mandat de Juan Domingo et d’Eva Perón, cette décennie des années 50 qui dévalait la pente comme un chariot fou, les roues enduites d’une boue toxique, l’atmosphère était chargée d’un vent mauvais, et bientôt on verrait apparaître le maillon faible du péronisme : le corps d’Eva Duarte de Perón.

          La maison de mon enfance n’était qu’une très grande pièce, qui ressemblait à un hangar et faisait office à la fois de chambre, de salle à manger et de salon, le toit était en zinc brut, les murs en terre cuite étaient blanchis à la chaux, et je me souviens qu’il y avait, accrochés face à face, un cadre du cœur de Jésus et un portrait du général Perón en grand uniforme, souriant sur son cheval tobiano.

          Cette décennie des années 50 transporte entre ses plis le déclin d’un régime, entrainant un énième coup d’état, et avec lui le sempiternel principe de reconstruction de l’ordre à partir du désordre, comme une anticipation du roman « Cent ans de solitude », cet emblème du réalisme magique de la littérature sud-américaine. L’éternel retour du déjà-vu.

Manuel Silva – 2021

(Adaptation française PV)

(A suivre)

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Petite chronologie (éventuellement) utile

Tremblement de terre : Juan Perón et Eva Duarte se sont rencontrés lors du tremblement de terre de San Juan, en janvier 1944 (voir ici)

Bombardement de la Place de Mai : en septembre 1955, les militaires opposés à Perón ont lancé une offensive pour terroriser la population et viser le palais présidentiel, qui se trouve sur la Plaza de Mayo, au centre de Buenos Aires. Voir la nouvelle «La toile d’araignée», dans la rubrique «Récits» sur ce même blog.

Juin 1943 : Perón participe au coup d’état militaire qui met fin à la «Décennie infâme» et au gouvernement de Ramon Castillo.

Décembre 1943 : Perón est nommé secrétaire d’état au travail et à la prévoyance du gouvernement du général Pedro Ramírez.

Février 1944 à octobre 1945 : ministre de la guerre du gouvernement du général Eldemiro Farrell.

Février 1946 : Perón remporte l’élection présidentielle avec 56 % des voix

1952 : Il est réélu avec 62% des voix.

Septembre 1955 : coup d’état dit de la «Révolution libératrice». L’Armée argentine renverse le gouvernement et Perón doit s’exiler.

La decada de los ocasos (I)

1950, LA DECADA DE LOS OCASOS

Lo opuesto reside en cambiar la memoria de los hombres: en demostrar que todo lo que recordamos, y en todo lo que somos, nunca es de una sola manera. Que la verdad no es una ni mucho menos absoluta, sino frágil y con innumerables facetas, como los ojos de una mosca”.

          Son palabras de Tomas Eloy Martinez al intentar entender el fenómeno del peronismo.

I. Verdades y mentiras

          La historia que comenzó con un terremoto y terminó con un bombardeo en la Plaza de Mayo, todavía vibra de sus replicas convulsivas. En el medio de estos dos eventos trágicos, se forjó uno de los periodos más intensos y transformadores en la historia Argentina: nace y se consolida el peronismo.

          Juan Domingo Perón nació en 1895 en la localidad de Lobos, provincia de Buenos Aires, hijo natural de Mario Tomas Perón y Juana Sosa. Sus abuelos lo marcaron a fuego, Tomas Liberato Perón, su abuelo, fue un destacado médico, participó en la guerra de la Triple Alianza (una guerra regional que opuso Brasil, Uruguay y Argentina por un lado, y Paraguay del lado opuesto), la abuela de Perón se llamaba Mercedes Toledo del Pueblo de Azul, era una india tehuelche, por eso Perón se ufanaba de tener sangre india, tener un linaje de mestizo, así llegó a presidente de la nación, afirmaba; “me siento orgulloso de llevar sangre tehuelche, descendiendo por vía materna de quienes poblaron la Argentina desde siglos antes que llegaran los colonizadores”.

Estación de Lobos – Foto Commons Wikimedia

          En 1899 el padre de Juan Domingo se trasladó a las llanuras patagónicas, al sur de la Argentina, el clima hostil del sur ventoso le templó el carácter al hijo nacido en la zona bonaerense de Lobos.

En Patagonia – Foto PV

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          Desde 1944, para bien o para mal el fenómeno cobra cuerpo y se instala como un menhir en la sociedad argentina. Perón accede al gobierno como candidato del Partido Laborista, organizado por un conjunto de sindicatos, enarbolando la bandera política de la “Justicia Social”, un concepto bastante nuevo para la época en Argentina. Las medidas implementadas favorecen a los sectores obreros, el líder gana el apoyo del movimiento de trabajadores, y al mismo tiempo se gana un abierto repudio de los sectores empresariales.

          El coronel Perón se hincha de una popularidad que crece hasta convertirle en una figura relevante, un nuevo mesías en la chata política argentina, muñido de nuevas ideas se lanza a constituir un estado moderno, más dinámico y más justo. Gana las elecciones de febrero de 1946 con un 56% y se vuelve presidente de la república argentina.

          Su primera presidencia se caracteriza por un excesivo gasto público, una redistribución hacia los más pobres conocida como “la revolución distributiva”. Impone cuatro llamados “principios peronistas”: mercado interno, nacionalismo económico, rol preponderante del estado y papel central de la industria. Bajo estas premisas, el mandatario procede en 1946 a nacionalizar el Banco de la Nación Argentina, más tarde estatiza a los ferrocarriles del país que pertenecían a empresas británicas y francesas.
Su discurso populista, por parte inspirado en el fascismo de Mussolini, resulta seductor y convincente, aunque la supuesta simpatía por antiguos nazis – que ayudó a varios radicarse en el territorio es un secreto a voces – le costó ser denunciado por algunos estamentos sociales.

          La sumatoria de decisiones unipersonales es suficiente para el comienzo de la gran debacle económica y política, en forma progresiva se pulverizan los márgenes de producción y derrumbe de la bonanza económica, en silencio los argentinos comienzan a empobrecerse, mientras que el líder le habla a la multitud con voz edulcorada: «estoy luchando por Ustedes».

          El énfasis de la verdad delata al mentiroso. Mira y fascina a la muchedumbre que lo idolatra, se siente un encantador de aves de corral, hasta ahora le bastó con mostrar un juego de sombras y simulación, no tiene que cambiarlo, es efectivo, seduce con facilidad a las masas, sabe con claridad solar que el pasado no volverá para salvarlo, vendrá para aplastarlo, pero no importa: si la realidad mata, la ficción lo salvará.
La sonrisa del líder ilumina la explanada de la Plaza de Mayo. Su discurso grandilocuente, mechado de metáforas y promesas doradas, crea un puente comunicacional con la muchedumbre, les habla en manga de camisa, de igual a igual, imitando el estilo de Mussolini, (Mussolini lo hacía con el torso desnudo para igualarse con el populo laboro), la visión de igualdad crea cierto encantamiento en la voluntad viva de los trabajadores. Se proclama el primer trabajador: llega a las seis de la mañana a la casa de gobierno, y cuando le preguntan el motivo de sus madrugones a su lugar de trabajo, el responde con jocosidad: «sigo una vieja costumbre del cuartel, al pedo, pero temprano».

*

          Yo nací en 1950, amanecí al mundo en la década de los ocasos, corría final del primer periodo del gobierno de Juan Domingo y Eva Perón, la década del cincuenta rodaba con las ruedas cubiertas por un barro emponzoñado, una energía maligna traían los vientos, luego se instalaría en el núcleo vulnerable del peronismo: el cuerpo de Eva Duarte de Perón.

          Mi casa paterna era un enorme habitación, similar a un galpón, funcionaba como dormitorio, comedor y lugar de estar, con techos de cinc desnudo, con sus paredes de barro pintadas a la cal, recuerdo los objetos de la pared, había dos cuadros enfrentados, uno era el Corazón de Jesús y en la pared del frente, el retrato del general Perón, vestido con uniforme de gala, montado en su caballo tobiano , con una sonrisa de sol.

          La década del cincuenta traía entre sus pliegues el ocaso de un régimen, la reiteración de un golpe de estado, una modalidad remanida de recomponer el orden desde el desorden, como un adelanto del futuro relato mágico de “Cien años de soledad”. El eterno retorno a lo mismo.

Manuel Silva

(Continuará)

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Quizás esta cronología pueda serle utíl…

Terremoto: Juan Perón y Eva Duarte se conocieron en San Juan, donde tuvo lugar el más importante terremoto de la historia argentina, en enero de 1944. (Ver acá)

Bombardeo de la Plaza de Mayo: en septiembre de 1955, los militares opuestos a Perón atacaron la Casa Rosada, palacio de la presidencia, para aterrorizar a la gente y obligar el presidente a renunciar. Ver el cuento “La telaraña” en este mismo blog.

Junio de 1943: Perón participa del golpe militar que puso fin a la “década infame” y al gobierno de Ramón Castillo.

Diciembre de 1943: Perón forma parte del gobierno liderado por Pedro Ramírez, en tanto Secretario de Estado para el trabajo y la previsión.

Febrero de 1944 hasta octubre de 1945: Perón ministro de guerra en el gobierno del general Edelmiro Farrell.

Febrero de 1946: Perón gana las elecciones presidenciales con 56% de los votos.

1952: gana otra vez la elección (con 62% de los votos) y empieza su segundo mandato.

Septiembre de 1955: golpe de estado llamado “Revolución libertadora”. Las fuerzas armadas derrocan a Perón. Empieza un exilio de 18 años.

2ème partie : la vie comme dans un rêve

I. Le Père éternel au pouvoir

          Le leader agit comme une sorte de kitsch esthétique, il offre du rêve à quiconque est prêt à le consommer sans se poser de question, déposant son sucre sur les papilles du désir, voilà le gourmand comblé mâchant en silence l’offrande du leader paternaliste, sans que la main du donneur n’ait eu le moindre effort à faire, et il se sent comme béni par cette main supérieure.

          La photo du leader est suspendue dans toutes les écoles du pays, dans les commissariats, les administrations publiques, image d’un cavalier montant un cheval tobiano, toisant la foule depuis sa hauteur, protégeant et guérissant les humbles de son seul regard, ce regard qui les comble en leur offrant leur dose d’espoir quotidien.

Affiche de Raúl Manteola – 1948 – Musée du Bicentenaire, Buenos Aires.

          Dans son auto décapotable, Perón traverse les quartiers déshérités pour distribuer des ballons de football, des « numéros 5 » en cuir sur lesquels on a imprimé son portrait le plus souriant, ce ballon de cuir qu’on rêvait tant de pousser sur son terrain vague, et qu’aucun autre cadeau de Noël ne pourrait dépasser.

          Voici la foule domestiquée, recevant avec des cantiques laudateurs les paroles du leader, les fidèles n’attendent que sa présence, ne veulent rien entendre d’autre que le son de sa voix, n’espèrent rien d’autre qu’entrevoir sa coiffure luisante de brillantine, son visage lisse, dont le grain disparait sous une épaisse crème visant à dissimuler une ancienne maladie de la peau… Il ne lit jamais ses discours, les visages et les cris remplis d’espoir du public de la Place de mai suffisent à lui souffler les mots qu’ils attendent, ces mots, et les gestes qui les accompagnent, sont leur pain quotidien.

          Pendant son premier mandat il gouverne avec prudence, sous le regard sévère de sa compagne qui veille à ce qu’il reste en prise constante avec les enjeux nationaux. C’est elle qui le guide, lui indiquant les bons moments, celui d’ouvrir le magasin pour distribuer la farine du pain quotidien, et le bon peuple apprend ainsi à l’aimer, à la désirer, à voir en elle la grande protectrice des plus humbles.

          Quant à moi, qui peine à démêler l’écheveau historique tellement confus de cette époque, je tente d’en pénétrer l’intérieur à la machette, de reconstituer le mythe en le décrivant, me basant sur mes propres souvenirs d’enfant. Ce petit train de bois que j’avais reçu certain Noël, de la part de la fondation Evita, que je caressais comme un talisman, et avec lequel je voyageais loin, au-delà des mers, des montagnes et des lacs. Mon grand-père m’avait construit une échelle en bois pour que je puisse grimper à un arbre, et de là-haut j’en voyais passer un vrai, de train, avec son panache de fumée couvrant l’horizon, et pour l’enfant de cinq ans que j’étais, c’était comme un prodige, une apparition magique, quand je descendais de l’arbre, je retrouvais mon petit train de bois, ce premier cadeau des rois mages que je n’ai jamais, jamais oublié.

          Perón pendant ce temps est le grand cuisinier d’une réalité illusoire et toxique, et ceux qui tendent la main veulent à tout prix le toucher, recevoir ses mannes divines. Evita, qui apprend vite les ressorts du pouvoir et de la politique, s’ouvre un espace dans le cœur des petites  gens, et dessine peu à peu l’icône qu’elle va devenir. C’est elle qui lance la révolution distributive, les miracles quotidiens accomplis pour les plus modestes, ces cadeaux semblant tomber du ciel, ici une maison, là des machines à coudre, ailleurs des fraiseuses pour les petits entrepreneurs, des barques pour les pêcheurs du Paraná, des matelas, des jouets, des uniformes scolaires, et puis, aussi, l’amélioration de la condition ouvrière, le droit de vote pour les femmes…

 

          «Les femmes voteront pour elle, et les hommes pour moi», disait le général. Et c’est vrai. Pas toutes les femmes, pas tous les hommes, mais au moins les croyants, ceux qui voient en eux les messies du miracle de la foi, tous ceux qui, plus tard, auront la nostalgie de ces jours heureux, quand l’histoire, sans pitié pour les fidèles, aura décidé de changer de cap pour profiter à d’autres.

II. Magie du pouvoir

          Il existe une croyance fortement enracinée dans l’inconscient collectif des Argentins, au sujet d’un supposé pouvoir magique de leurs dirigeants : celle du «président sauveur de corps et des âmes». Un bon exemple nous en est donné par l’histoire édifiante de la famille Godoy. Celle-ci fêtait la naissance du septième enfant de la fratrie, Hyppolite. Or, une légende courait selon laquelle si le septième enfant d’une fratrie n’avait pas pour parrain le président de la République, il pouvait se transformer en loup-garou. Pour éviter cela, le père Godoy commença par baptiser son fils des deux prénoms de Perón, Juan Domingo, puis entreprit de frapper à toutes les portes pour obtenir que le président voulût bien être le parrain du rejeton.

          Après deux semaines de démarches, vint la bonne nouvelle : le petit Godoy avait obtenu l’onction présidentielle. Il est vrai qu’un refus assorti de la vérification d’une prédiction avalisée par l’Eglise elle-même aurait pu constituer une mauvaise presse pour le gouvernement. Voilà donc Hyppolite dûment baptisé sous l’égide de Perón, tout le monde est content, tout est bien qui finit bien, rien de mal n’arrivera, la vie peut reprendre son cours harmonieux : l’onction présidentielle a préservé le fils de la malédiction !

          Je nage pour ma part dans ce mélange étrange de réalité quotidienne et d’irrationalité, je m’arrange comme je peux avec une mémoire partielle – et partiale – car j’ai grandi dans un pays dont l’univers politique est un labyrinthe impénétrable, j’y cherche mon chemin à tâtons, n’entrevoyant à grand peine qu’un tissu d’incohérences, de contradictions, de corruption, avec pour seul guide un tant soit peu efficace le recours à l’univers fictionnel, de ces fausses pistes laissées sur le chemin par un péronisme habile à habiller d’un pardessus de vérité des faits incertains, de vagues intentions et de simples postures.

          Ma compréhension est seulement parcellaire, des échos, des ombres portées d’une vérité qui se dérobe, me voici à la recherche d’une date manquante, d’un élément qui m’aide à interpréter ce labyrinthe où suinte l’histoire d’un pays lové dans son propre crédo, la réalité argentine est un animal agreste, échappant perpétuellement à l’analyse et à l’entendement.

          Les Argentins avancent comme des somnambules dans un monde qui leur reste inconnu, soixante-dix ans après nous écoutons le même concert, le même cri, reflets réprimés d’une histoire tragique. Les événements deviennent filandreux, et pour pouvoir les raconter on doit détourner les outils de la fiction, pour en donner un aspect à peu près lisible.

III. Les gouvernants et la superstition

          L’histoire des coups d’état révèle notre propre décadence, qui commence en 1930 et se répète ensuite en 1943, 1955, 1962, 1966, 1976, un coup d’état tous les dix ans, interruption du processus démocratique qui revient comme une roue dévalant vers l’abîme. Le passé se répète comme une étrange malédiction indienne. Nietzsche faisait observer que les êtres humains ne supportaient pas le trop-plein de vérité, que la vérité, souvent, était mauvaise pour la santé. Notre pays a oublié le passé, il a oublié que le passé ne s’efface jamais, qu’il n’est qu’une partie, une autre dimension, du présent, comme l’affirmait Faulkner – mais il est bien possible que le leader n’ait jamais lu Faulkner, ou qu’il ait oublié cette citation du grand écrivain Nord-Américain.

          C’est un secret de Polichinelle que tous les présidents Argentins cachaient une véritable personnalité superstitieuse, que, dans l’intimité, ils consultaient, au sein même de la Maison Rose, des voyants avant de prendre toute décision importante.

          Hyppolite Jesus Paz, chancelier durant le premier gouvernement de Perón, entre 1949 et 1951, assurait dans ses mémoires que Juan Domingo Perón avait l’habitude de consulter un voyant du nom de « Mister Lock », qui lui avait été chaudement recommandé par le ministre de la santé publique de l’époque, Ramon Carrillo. Evita, qui ne croyait pas à tout cela, fit cesser les visites du voyant de manière abrupte, lui signifiant de se retirer et de ne plus jamais revenir, car, dira-telle, «La seule ici qui prédise le futur du général, c’est moi.»

          Après la mort d’Eva, Perón commença à consulter régulièrement le Frère Lalo (Hilario Fernández, un Espagnol), qui dirigeait l’école scientifique – néo-spiritiste – Basilio.

          De la même façon que dans le réalisme magique, à l’intérieur du réalisme politique, le péronisme, en tant que phénomène social d’ordre mystique, casse l’ordre logique des choses, et dans ce contexte, n’importe quel événement prend une tournure magique.

          «Il passa de maison en maison, traînant après lui deux lingots de métal, et tout le monde fut saisi de terreur à voir les chaudrons, les poêles, les tenailles et les chaufferettes tomber tout seuls de la place où ils étaient, le bois craquer à cause des clous et des vis qui essayaient désespérément de s’en arracher, et même les objets perdus depuis longtemps apparaissaient là où on les avait le plus cherchés, et se traînaient en débandade truculente derrière les fers magiques de Melquiades.»

Cent ans de solitude, Gabriel García Márquez.

*

Manuel Silva – 2021

Version française PV

2ª parte: El peronismo, la vida es un sueño

I. Gobierna el Padre eterno

           El líder funciona como un kitsch estético, le regala ilusión a quien lo consume sin preguntar nada, les deja un sabor dulzón en el sitio de los deseos, permanecen felices gozando de lo que reciben, la mano que entrega la sal de la vida lo hace sin ningún esfuerzo personal, el bocado edulcorado del líder paternalista lo mastican en silencio, se sienten ungidos por una mano superior.

          La fotografía del líder cuelga en la paredes de todas las escuelas del país, en las comisarias, en los despachos públicos, es la imagen de un centauro montando en un caballo tobiano, mira desde su cabalgadura a la muchedumbre, su mirada protege y sana a los desposeídos, su mirada les renueva la esperanza de cada día, los deja complacidos.

Cartel de Raúl Manteola – 1948 – Museo del Bicentenario, Buenos Aires.

          Perón recorre los barrios carenciados en su auto descapotado, regala pelotas de futbol, las número 5, de cuero, en los gajos de cuero esta la cara del líder, con su mejor sonrisa, una pelota de cuero picando en un baldío, era un sueño que ningún rey mago podía superar.

          La masa está domesticada, acepta con ruidosos canticos aprobatorios la verbalización del líder, es apostólica, la multitud solo quiere su presencia, escuchar su voz, verlo con su peinado brillante de gomina, la cara restalla por la crema que oculta una vieja enfermedad de la piel, nunca porta un discurso escrito, las caras expectantes de la Plaza de Mayo, las expresiones de los movilizados son suficiente inspiración para decir lo que ellos quieren escuchar, palabras y gestos del líder son el pan para la muchedumbre.

          Yo, cernido por la dificultad de comprender el entramado histórico, entro a punta de machete en algunos tramos espesos de la historia, escribiendo reconstruyo el mito desde el llano, mis recuerdos de aquel tren de madera que recibí en una navidad, era de la fundación Eva Perón. Acariciaba el tren de madera como un talismán, deseaba viajar por mares, montañas, lagos. Mi abuelo me construyó una escalera de madera para trepar a un árbol, desde su fonda podía ver el paso de un tren de verdad, la formación cruzaba por el horizonte echando vapor por su chimenea, era una visión mágica para un niño de cinco años, aquella imagen se parecía mucho a un acto prodigioso, al bajar del árbol, me reunía con mi tren de madera de la fundación Eva Perón, nunca olvide aquel primer regalo de reyes.

          Perón se muestra como el gran cocinero de una realidad ilusoria y tóxica, personifica a un vendedor de fantasía, los que siempre piden, esperan ser tocados por sus manos, recibir las sales de la buenaventura. Su mujer, Evita, aprende rápido, los rescoldos del poder la motorizan, se está ganando un lugar entre los humildes, será una imagen de culto; ella encarga la revolución distributiva, el milagro de obsequiar unas casas, una maquinas de coser, unos tornos mecánicos para los emprendedores, canoas a los pescadores del Rio Paraná, colchones, juguetes, uniformes escolares, mejorar las leyes laborales, legislar el voto femenino.

          “Las mujeres votaran por ella, los hombres por mí” decía el general. Acertado. No todas las mujeres, no todos los hombres, pero sí los creyentes, los que veían en ellos los mesías del milagro de la fe, los quienes luego añoraran “los días felices”, cuando la historia, sin piedad para los fieles, habrá decido cambiar de rumbo para beneficiar a otras almas.

II. Magia del poder

          Existe una creencia bastante arraigada en la mente de unos argentinos, en cuanto al poder mágico de sus dirigentes supremos: la del presidente salvador de cuerpo y alma. Así la familia Godoy celebraba la llegada de su séptimo hijo varón, Hipólito Godoy. El padre del vástago comenzó a gestionar por distintas oficinas públicas como conseguir el padrinazgo de vástago por el presidente de la nación. Porque el padrinazgo presidencial es el único recurso terrenal para evitar que el séptimo hijo varón se transforme en un lobizón, (un hombre lobo). Así el séptimo hijo de la familia Godoy fue anotado con el nombre de Juan Domingo, o sea, como el presidente, como el líder.

           El bautismo con la venia presidencial para evitar la conversión del retoño en una bestia sedienta de sangre. De no cumplirse con lo estipulado por la iglesia y el mandato del gobierno, la mutación en lobizón constituirá una mala prensa para el gobierno del general. Después de dos semanas de gestión, Godoy fue escuchado en las oficinas del episcopado como de la gobernación, le otorgaron una fecha para bautizar a su séptimo hijo. Todos festejan, el pueblo festeja, nada va a cambiar, todo vuelve a estar en armonía. La unción presidencial ha salvado el hijo de la maldición.

          Dentro de esta mezcla de realidad cotidiana y de irracionalidad, soy participe de la experiencia viva, mi memoria es parcial, individual y colectiva, crecí en un país que no me permite comprender su entramado político, intento una primera aproximación, solo me deja ver un entretejido de incoherencia, de contradicciones, de corrupción, al recorrer la andadura política la explicación me llega a través de la ficción, el peronismo en su trayectoria deja pistas falsas, unos montajes destinados a dar viso de verdad a supuestos hechos, a sentimientos de intención, a gestos que se agotaron en ademanes, en amagues.

          Poseo fragmentos de comprensión, son ecos y sombras de una verdad esquiva, busco el dato ausente, la nota que me ayude a interpretar el laberinto por donde se escurre la historia de un país que se ovilla en su propio credo, la realidad Argentina es un animal montuno, siempre esquivo al análisis y la comprensión.

          Los argentinos deambulan como sonámbulos en un mundo que no reconocen como propio, después de 70 años seguimos escuchando el mismo concierto, el mismo griterío, representan el reflejo reprimido de una historia trágica. Los acontecimientos se vuelven evasivos, es necesario usurpar buenas herramientas de la ficción para poder contarlas, el zigzagueo de la política argentina requiere imprimir un efecto preformativo para escribirlo, darle algún viso de entendimiento satisfactorio a lo redactado.

III. Los dirigentes y la superstición

          La historia de los golpes de estado marca nuestra decadencia, comienza en 1930, luego se fueron repitiendo: en el 1943, 1955, 1962, 1966, 1976, un golpe de estado cada diez años, una interrupción del proceso democrático, una suerte de noria infinita rodando hacia un abismo. El pasado es repetitivo como una pasmosa maldición india. Nietzsche observó que los seres humanos no podemos soportar demasiada realidad y que a menudo la verdad es mala para la vida. El país en su andar olvidó el pasado, olvidó que el pasado no pasa nunca, es solo una parte o una dimensión del presente, —lo dijo Faulkner—, es posible que el líder nunca leyó a Faulkner, perdió de vista la observación del gran escritor del sur de los Estados Unidos.

          No es un secreto que los presidentes argentinos ocultaban una marcada personalidad supersticiosa, en la intimidad del poder consultaban a brujos y videntes antes de tomar una decisión importante, famoso augures ingresaban a la Casa Rosada mandados a llamar por el primer magistrado.

          Hipólito Jesús paz, quien fue canciller entre 1949 y 1951 del primer gobierno de Perón, aseguro en sus memorias que Juan Domingo Perón solía recurrir a un vidente llamado Míster Lock, al augur lo “protegía y admiraba” el Ministro de Salud Pública de la época, Ramón Carrillo. Las consultas al vidente se interrumpieron por la intervención directa de Evita, que no creía en brujas ni en videntes y fue terminante con Míster Lock: “retírese, no vuelva más, porque aquí la única que le lee el futuro al general soy yo”.

          Muerta Eva, Perón comenzó a conversar con frecuencia con el Hermano Lalo (Hilario Fernández, un español) que dirigía la neo espiritista Escuela Científica Basilio.

          Como ocurre en el realismo mágico, en el realismo político, el peronismo como un fenómeno social místico, puede romper el orden lógico de las cosas, y en ese contexto, cualquier acontecimiento puede resultar inverosímil, revestido de magia.

          “Fue de casa en casa arrastrando dos lingotes metálicos, y todo el mundo se espanto al ver que los calderos, las pailas, las tenazas y los anafes caían de su sitio, y las maderas crujían por la desesperación de los calvos y los tornillos tratando de desclavarse, y aun los objetos perdidos desde hacía mucho tiempo aparecían por donde más se les había buscado, y se arrastraban en desbandada truculenta detrás de los fierros mágicos de Melquiades”.

                                                             Cien años de soledad, Gabriel García Márquez.

Manuel Silva – 2021