Bars remarquables à Buenos Aires

Aujourd’hui, je vous propose d’aller faire la tournée des bars.

En effet, parmi les différentes curiosités à ne pas manquer à Buenos Aires, outre les fanions habituels que de toute façon vous ne raterez jamais, car ceux-là, on en parle partout, il y a un circuit balisé qui contentera tous les amateurs de plaisirs un tantinet rétros, mais eux, parfaitement authentiques.

La capitale argentine s’est dotée d’un label spécifique : les bars, ou cafés, «notables». A savoir, tout une liste de bars, de cafés, de brasseries et de «confiterías» anciens ou plus récents, conservés dans leur décor historique et distingués pour cela et/ou pour leur architecture ou leur importance culturelle et sociale. Leur nombre est assez conséquent: on compte un peu plus de 60 lieux labellisés !

On a donc que m’embarras du choix, et du quartier, puisqu’ils sont dispersés sur à peu près toute l’agglomération.

Naturellement, je ne les ai pas tous visités ! A mon actif, je n’en compte qu’une quinzaine, ce qui n’est déjà pas mal ! (Et sans excès, c’est juré. D’autant que la plupart font aussi restaurant !).

Il serait long et un peu fastidieux, sans doute, de brosser le portrait de chacun en l’assortissant d’un (même bref) historique. Je vous ai déjà parlé dans ce blog du fameux «La Biela», où les écrivains Jorge Luis Borges et Adolfo Bioy Casares avaient l’habitude de se retrouver.

Borges était également habitué d’un autre bar fameux, le «Tortoni», situé non loin du Palais présidentiel, avenue de Mayo. Celui-ci peut-être comparé, dans l’esprit plus que dans le décor, au parisien «Café de flore».

Le Tortoni, avant de devenir un lieu de pèlerinage purement touristique, a longtemps été le rendez-vous de tout ce que Buenos Aires comptait d’intellectuels, de poètes, de chanteurs et autres célébrités, qu’à défaut de pouvoir encore rencontrer assis à une des tables, on croise désormais accrochés aux murs du petit musée du souvenir qu’il renferme. Voir plus bas, n°4.

En voici quelques uns, en images, avec la certitude qu’ils vous donneront envie d’en pousser la porte, à l’occasion d’un prochain voyage au pays des gauchos. Bon, peut-être seulement quand Milei aura été débarqué du Palais présidentiel, on va devoir patienter un peu avant que le pays revienne au calme et à la stabilité politique et économique, mais après lui, les bars remarquables seront toujours là ! Enfin, on peut espérer qu’au moins ça, il n’y touchera pas !

1. Le Federal (1864)

Situé dans le quartier historique de San Telmo, qui compte plusieurs de ces bars remarquables. Fin XIXème, ce bar était noté comme «magasin/débit de boissons», car il faisait également ce qu’on appellerait chez nous «épicerie». Ce n’est plus le cas aujourd’hui, c’est un bar-brasserie. Outre le mobilier ancien, tout en bois, on notera le comptoir atypique et très ouvragé, ainsi qu’aux murs, une formidable collection de publicités anciennes. Adresse : coin des rues Carlos Calvo et Perú.

 

2. Café de la Poesía (1982)

Même quartier, cette fois au coin (en Argentine, les bars sont très souvent au coin) des rues Chile et Bolívar. Celui-là est nettement plus récent que les autres, mais il a la particularité, comme son nom l’indique, d’avoir été le rendez-vous des plus grands poètes argentins, comme Juan Gelman, Olga Orozco ou Alejandra Pizarnik. Il a d’ailleurs été fondé par l’un d’entre eux, Rubén Derlis (1938). Très beau décor également, une des chouettes ambiances du quartier.

3. Bar musée « Simik », appelé aussi «Bar Palacio» (Début XXème – 2001)

On change complètement de quartier, pour se transplanter non loin du célèbre cimetière de la Chacarita, pendant plus populaire de celui de la Recoleta, le Père-Lachaise argentin. Ce bar est une véritable caverne d’Ali Baba des amateurs de photographie. Il expose, tant dans les vitrines qui servent à cloisonner de petites alcôves discrètes qu’à l’intérieur même des tables vitrées, une impressionnante collection d’appareils de tous genres et toutes époques. S’il ne propose plus d’ateliers-photo comme autrefois, il s’y organise régulièrement des expositions temporaires et des conférences. Le bar lui-même, appelé Bar Palacio,  existe depuis le début du XXème siècle ; sa version «musée-photo», elle, a été aménagée en 2001 par le photographe Alejandro Simik. Adresse : coin des rues Federico Lacroze et Fraga (Voir aussi la première photo de l’article).

4. Le Tortoni (1855)

S’il n’y en avait qu’un à visiter, ce serait celui-là. Le plus ancien (parait-il) et surtout le plus célèbre. Comme je le disais en introduction, on pourrait le comparer au «Flore» de Paris. En vous installant à une des tables, il y a des chances pour que vous posiez vos postérieurs sur la même chaise que, pêle-mêle, Julio Cortazar, Jorge Luis Borges, Luigi Pirandello, Federico García Lorca, Carlos Gardel ou Arthur Rubinstein. Excusez du peu. Bon, maintenant, vous allez surtout vous asseoir au milieu des autres touristes, et parfois après avoir fait la queue pendant trois bons quarts d’heure sur le trottoir. Lui aussi est devenu une sorte de musée. A noter quand même qu’on peut y assister à des spectacles de tango, certains soirs.

5. Confitería Ideal (1912)

C’est le moment d’expliquer ce qu’est, en Argentine, une « confitería ». Rien à voir avec une confiserie, ou un marchand de confitures. Une confitería, c’est un genre de salon de thé. En général, un local présentant un cachet supérieur à celui d’un bar ou d’une brasserie ordinaires. Il en existe tout un tas à Buenos Aires. Voir plus bas également la confitería «Las Violetas». La Ideal a été conçue au départ comme un bar glacier. Puis, dans les années 70, on l’a transformée un temps en salle de bal, profitant de la surface immense de sa salle principale. Le cinéaste Alan Parker s’en est servi de décor pour son film « Evita » sur Eva Perón, avec Madonna dans le rôle-titre. On la trouve en plein centre, dans la rue Suipacha, à deux pas de l’obélisque de l’Avenue du 9 de julio.

6. El Gato negro (1927)

Ce n’est pas à proprement parler un bar, mais d’abord et avant tout, une boutique historique d’épices, de café et de thé. Mais le local possède quelques tables, et fait salon de thé. On y déguste pâtisseries et tous types de boissons en humant les parfums des produits en vente dans la boutique, c’est très agréable. La déco n’a pas changé depuis sa fondation, et si vous cherchez des idées de cadeaux sympas et pas trop chers, c’est ici ! Sur l’avenue Corrientes (n° 1669), le Broadway local, avenue des théâtres, des cinémas et des bouquinistes.

7. Confitería Las Violetas (1884)

On dit que c’est l’endroit préféré des Portègnes, les habitants de Buenos Aires. C’est quand même assez éloigné du centre, ceci dit. Mais ça vaut le détour, c’est absolument magnifique. Vitraux, boiseries, marbre et mobilier parisien. Un monument historique entre tous. Élue plus beau bar remarquable de Buenos Aires en 2017. Comme le Tortoni, c’est souvent bondé. Mais on ne fait pas la queue. Adresse : coin des Avenues Medrano et Rivadavia. Station de métro Castro Barros, direct par la ligne A depuis la Plaza de mayo.

8. Le Petit Colón (1978)

C’est un de mes préférés, avec le Federal et la Biela. Pas très ancien, mais pourtant, on dirait bien. Situé, comme son nom l’indique, tout près du teatro Colón, le principal théâtre de la ville. Très parisien dans l’esprit, avec ses boiseries, son bar mi-granit mi-bois, et ses guéridons.

9. Paulín (1988)

Celui-ci non plus n’est pas très ancien, mais j’adore son ambiance. Le lieu est très atypique : le bar en grand U occupe tout le centre de la salle étroite, et on s’installe sur des tabourets tout autour pour consommer tapas, sandwiches et boissons. Ils ont une excellente cave à vins, qui vous fera faire le tour des meilleurs crus argentins ! Celui-là est en plein centre, presque au coin de la rue Sarmiento et de la célèbre rue piétonne et commerçante Florida.

10. Bar Sur (1967)

Le plus mythique de tous les bars de tango. Situé à la lisière du quartier San Telmo, on peut y assister à des spectacles tous les soirs, jusqu’au petites heures du matin. L’écrivain Espagnol Manuel Vazquez Montalbán en a fait un des décors principaux de son roman «Le quintette de Buenos Aires» (Série Pepe Carvalho). Le célèbre détective vient y écouter régulièrement la chanteuse Adriana Varela. C’est assez petit, et donc très intimiste.

 

Voilà pour un petit échantillon des «bô bars» de la capitale argentine. Vous pourrez en retrouver bien d’autres sur ce site : https://turismo.buenosaires.gob.ar/es/article/bares-notables, que je vous invite à consulter, même si les courts résumés de présentation sont, évidemment, en espagnol. Mais là, la liste est -presque – exhaustive !

 

Théorie du « crétinfluenceur »

Il y a quelque temps, nous vous parlions ici des conséquences du tourisme de masse sur des lieux qui autrefois étaient encore « sauvages », autrement dit, préservés de l’intrusion destructrice de l’homo-turisticus.

On peut d’ailleurs se demander si de tels lieux existent encore, tant notre planète est aujourd’hui parcourue, photographiée, cartographiée, dans ses plus petits détails. La notion de « Terra incognita » n’a plus aucun sens pour le globe du XXIème siècle.

Aujourd’hui, il est possible d’atteindre en quelques heures n’importe quel coin le plus reculé de la planète, de le passer au crible de nos téléphones portables, et d’en rapporter l’immense satisfaction de pouvoir dire, et montrer, que « nous y sommes allés ».

J’y suis allé – 1 : La Terre de Feu !

Mais qu’en aura-t-on rapporté, justement, sinon une collection de photos plus ou moins réussies, preuve ultime de notre présence en ces lieux forcément extraordinaires et surtout, réservés à quelques happy few, dont nous faisons donc partie ?

Quels contacts, quelles réflexions, quelles impressions, quelles leçons ? Voyage-t-on pour contempler ébahi le spectacle du monde, ou pour se donner en spectacle au monde ébahi ?

Le Parisien se photographie devant le Taj-Mahal, le Japonais devant la Tour Eiffel, le Russe au pied des Chutes du Niagara, et le Canadien en compagnie des lions du Transvaal. L’important, c’est de montrer qu’on y est allé. On fait même des selfies, tout sourire dehors, devant le portail d’Auschwitz.

C’est justement cela (les selfies à Auschwitz) qui a conduit le journaliste argentin Julian Varsavsky à réfléchir sur ces nouvelles façons de voyager. Il a publié récemment un article reprenant des extraits de son livre « Viaje a los paisajes invisibles: de Antártida a Atacama » (Voyage à l’intérieur des paysages invisibles : de l’Antarctique à l’Atacama). Avec une théorie intéressante : celle du « Boludecencer », contraction du mot argentin « Boludo » (crétin) et de l’anglais « Influencer ». En français, cela donnerait donc à peu près : « crétinfluenceur ».

En voici quelques passages.

Théorie du « crétinfluenceur », échelon supérieur du touriste.

Le chroniqueur du XXIème siècle contemple une planète révélée. Mais seulement en superficie. S’il ne creuse pas l’abstrait, s’il ne radiographie pas l’espace infranchissable, il ne fera qu’authentifier ce qui est déjà connu pour (se) donner à voir : le voyage n’est plus qu’un recueil d’anecdotes. Il se transformera ainsi en un nouveau voyageur virtuel, avec un smartphone comme organe sensitif : l’influenceur, échelon supérieur du touriste.

Voyager pour raconter est devenu plus complexe. Les progrès dans le transport se sont accélérés et les coûts ont chuté : plus un coin de la planète n’est inaccessible. Mais il est ardu de trouver un endroit dont on ne saurait encore presque rien. La révolution digitale n’avait pas encore eu lieu lorsque Levi-Strauss a dit « j’aimerais avoir vécu au temps des vrais voyages ». Si l’intérêt principal des voyages était la rencontre avec des inconnus, celle-ci n’est plus possible : il n’existe plus de Terra incognita, mais seulement une Terra digitalis.

Dans l’espace digital nous voyageons sans bouger : nous arrivons avant d’être partis. Le regard voyage par la fenêtre : c’est le windowing. L’arrivée à destination post-moderne – libérée des lois de la physique – est l’exact contraire du débarquement tumultueux : aseptisé, aussi plat que l’écran et très prévisible. La traversée n’a ni goût ni odeur, elle n’est qu’images et sons. Mais si l’arrivée se fait in situ, en chair et en os, elle ne fait que confirmer ce qui nous était promis. L’impossibilité de rencontrer l’inexploré, en revanche, devient un défi qui nous est lancé. Il s’agit alors, plus que jamais, de voir au-delà du déjà-vu.

(…)

Si voyager rend les hommes discrets – c’était l’idée de Cervantès – le « phono-sapiens » empileur de destinations de voyage réduit son extériorité à un simple cadre abritant sa jouissance. Rien de nouveau dans le voyage vaniteux : ce qui en est significatif est de voir comment le corps voyageur se superpose au paysage de la photo. Et réduit son regard à une succession addictive de selfies et de tweets.

C’est pour cela que le crétinfluenceur ne crée pas un véritable récit : il énumère des informations. Il voyage pour se voir et se faire voir, se regarde à travers sa main-nombril-miroir-écran plasma où l’autre n’est pas là, sinon en tant que décor exotique. C’est le voyage instagrammable en tant que spectacle du « moi » d’un Narcisse équipé d’une valise, qui surfe sur des vestiges et des paradis. Son récit hyperfragmenté est une suite bien contrôlée de surexpositions et de vertiges, en pleine chasse aux likes. Il capture son voyage plutôt que d’en savourer l’expérience. Le selfie devient le moteur qui aide à escalader les montagnes.

J’y suis allé – 2 : là-haut dans les Andes !

(…)

Le voyageur en mode selfie masque tout derrière sa centralité. Puis il revient chez lui sans avoir changé, mais avec un petit drapeau planté sur son planisphère digital : il se met alors à collectionner les « like ». « Nous voyageons partout sans en tirer aucune expérience« , a écrit Byung Chul Han.

(…)

L’alpiniste romantique du tableau de Caspar Friedrich – Le voyageur contemplant une mer de nuages – regarde avec fascination l’abîme devant lui, de dos par rapport au spectateur. Son successeur fut le touriste moderne qui simplement se retourna pour se trouver face à l’objectif du photographe. Au XXIème siècle le crétinfluenceur a tourné l’appareil vers lui et n’a plus cessé de s’autoportraiturer. Dans une version plus extrême, il accroche la GoPro à son casque, comme un troisième œil, il saute dans l’abîme revêtu de son wingsuit, et filme sa propre mort.

Le cybervoyageur ne perd pas de temps : il zappe avec son corps. Il regarde, puis s’en va. Il s’ennuie avec frénésie et son public également. C’est un gourmet fugace qui ne prend pas le temps de réfléchir, mais qui adore méditer face à la mer. Il exige de l’animation, de la distraction jusqu’à l’épuisement. (…) Il lance en direction de son public des messages sans aspérité, une aimable cyberempathie bien lisse qui vise à signaler que « tout se vaut ». Mais il n’y a pas d’altérité sans malaise. L’autre ne se coule pas facilement dans le moule du « nous » : il génère résistance et frictions.

(Traduction artisanale de l’auteur de ce blog !)

*

L’article complet dans le quotidien Pagina/12 : https://www.pagina12.com.ar/703258-teoria-del-boludencer-etapa-superior-del-turista

Le livre de Julian Varsavsky : Viaje a los paisajes invisibles: de Antártida a Atacama (A.hache, 2023)-Primer premio FNARTES (No ficción).

Un petit article énervé sur les selfies à Auschwitz :
https://pastoralsj.org/vivir/2227-selfies-en-auschwitz

Musée du Palais des eaux – Buenos Aires

El Chaltén, victime du surtourisme ?

L’autre jour, nous parlions des grands espaces de Patagonie, et de la grande solitude de certains de ses habitants.

Pourtant, pourtant, la Patagonie, malgré son million de km² et sa steppe immense, n’est pas forcément à l’abri du mal qui ronge les plus beaux paysages planétaires, de Venise à l’ile de Koh Lanta en passant par les Everglades et la Grande Muraille de Chine : le surtourisme.

Il y a seulement 40 ans, le village d’El Chaltén n’existait même pas. La zone était déjà connue en revanche des amateurs de grimpe : c’est là que se trouve un des plus mythiques sommets du monde, le mont Fitz Roy. Un pic de 3405 mètres d’altitude, mais extrêmement difficile d’accès et célèbre entre autres pour être pratiquement toujours noyé dans les nuages, ce qui a le don d’exciter pas mal de photographes amateurs en mal d’images rares : le pic ne se découvre qu’en de très rares occasions ! (Voir tout en bas de l’article).

Peu à peu, le site a attiré également un nombre de plus en plus grand de trekkeurs. La montagne ici est magnifique, par sa végétation unique d’espèces endémiques, comme le coihue ou le ñire, ou le fameux calafate, quasi-emblème de la région, dont les fruits sont comestibles. (La tradition dit d’ailleurs que si vous en consommez, vous vous assurez de revenir un jour en Patagonie !). Et par ses lacs d’altitude, très nombreux, également, comme ci-dessous le lac Capri, ou laguna del pato (lac du canard).

Lago Capri, avec au fond le Fitz Roy dans les nuages

C’est ainsi qu’en 1985, à la fois pour développer le peuplement de ce coin isolé et mieux accueillir les touristes, a été fondé de toutes pièces le village d’El Chaltén, au pied du Fitz Roy, à une dizaine de kilomètres de la frontière avec le Chili, en pleine Cordillère des Andes. Et ce, malgré l’opposition farouche du directeur de l’administration des parcs nationaux de l’époque.

Localisation d’El Chaltén – Province de Santa Cruz

Le développement du village commença assez lentement, puis tout s’emballa subitement, par le phénomène bien connu du « bouche à oreille ».

En 1991, six ans après sa fondation, El Chaltén comptait seulement 41 habitants, pour la plupart des fonctionnaires et des gendarmes. En 2001, on était passé à 371. 10 ans plus tard, en 2011, ce chiffre avait été multiplié par un peu plus de quatre : 1671 habitants ! Et aujourd’hui, on frise les 3000.

C’est qu’entre temps, trekking, alpinisme et simple tourisme d’excursion se sont considérablement développés. De plus en plus nombreuses sont les agences qui proposent aux touristes des séjours tout compris, et ce même depuis Buenos Aires ! Mais surtout depuis un autre village touristique, plus ancien, El Calafate, situé à trois heures et demie de route plus au sud et point de départ des excursions vers les plus impressionnants glaciers du monde !

Glaciers, paysages époustouflants, grands espaces et développement du tourisme de randonnée : tout y est pour assurer à El Chaltén un succès qui, d’abord confidentiel, est en train de devenir planétaire.

Paysage – Environs d’El Chaltén

A tel point que le village commence à souffrir sérieusement, comme d’autres endroits, d’un surtourisme particulièrement prédateur. Car aujourd’hui, les 3000 habitants réguliers doivent partager l’espace avec un nombre moyen de plus de 6000 touristes quotidiens. Des touristes dont il faut accueillir les bus et les voitures, les loger, les nourrir, tout cela en tenant compte de toutes les contraintes liées à la configuration montagnarde de l’endroit. Des touristes qui, de surcroit, ont généralement un portefeuille beaucoup plus garni que les autochtones, ce qui n’est pas sans incidence sur le coût de la vie.

Un des principaux problèmes, comme partout, c’est celui du logement. Le manque cruel de terrains exploitables, ainsi que la forte demande de logements touristiques (gîtes, hôtels) diminue fortement l’offre en direction des habitants réguliers, dont beaucoup en sont réduits à loger dans des mobils-homes (on en compte plus de 400 habités par des autochtones !), faute de place et/ou de revenus suffisants.

Or ces habitants-là sont pourtant indispensables au bon fonctionnement de la vie quotidienne d’El Chaltén : ce sont des enseignants, des commerçants, des guides de montagne, des fonctionnaires de l’administration !
Par ailleurs, certaines infrastructures n’ont pas suivi le développement trop rapide du tourisme. Ainsi, le trop plein d’eaux usées, que l’usine de retraitement locale ne suffit plus à absorber (elle a été prévue pour 3000 habitants, pas pour 10000 !) se déverse en grande partie dans les rivières, causant des dommages importants à l’environnement, qui est pourtant le fonds de commerce du lieu !

Est-il vraiment soutenable, par ailleurs, de parvenir à entretenir et surveiller les 20 000 hectares et les 113 kilomètres de sentiers du secteur avec seulement 2 garde-forestiers et 5 cantonniers ?

El Chaltén, victime de son succès, va-t-il être contraint, comme tant d’autres, de recourir à des mesures limitatives ? En Argentine, où pourtant le nombre de sites survisités commence à augmenter de façon alarmante (Chutes d’Iguazú, Ushuaia, péninsule de Valdez, parc naturel des Glaciers) la question ne se pose pas encore. D’ailleurs, le tourisme, politiquement parlant, est visiblement loin d’être une priorité. Ou plutôt si : l’essentiel est qu’il continue à engranger des recettes. L’environnement, dans ce pays où l’écologie politique en est encore à la préhistoire, et privée de mouvements dignes de ce nom, reste un détail négligeable, et négligé, des programmes électoraux.

*

Article source : « El Chaltén, le village de Patagonie qui attire des milliers de touristes, menacé par sa croissance vertigineuse » (en espagnol).

Et en bonus, le sommet du mont Fitz Roy, miraculeusement débarrassé de son brouillard quasi permanent, mais dans le lointain ! (A propos du Mont Fitz Roy : les Argentins préfèreraient qu’on le nomme « Mont Chaltén » (Cerro Chaltén, en espagnol), de son nom indien d’origine, plutôt que par ce nom donné par un explorateur en l’honneur d’un navigateur anglais ! Mais pour le moment, même sur les cartes, il reste « Fitz Roy » !)

Solitudes patagonniennes

La Patagonie, ses grands espaces, sa steppe magnifique, ses ñandus (sorte d’autruche, en plus petit), ses lacs paisibles, ses glaciers géants… N’en jetez plus, pour décrire un territoire aussi vaste, et aussi beau, on a écrit des tas de livres, avec et sans photos (mais surtout avec), que vous trouverez dans les rayons de toute bonne librairie qui se respecte.

Ce dont je veux vous parler aujourd’hui, moi, c’est d’un aspect de la Patagonie auquel on pense un peu moins, en tant que touriste de passage qui va revenir à la foule de son pays, de sa ville, au pire, de son village.

Parce que la Patagonie, cette région immense qui s’étend de La Pampa au nord jusqu’à la Terre de Feu et la célébrissime Ushuaia, ville dite «la plus australe  du monde», au sud, 1 million de km², c’est aussi, justement à cause de ses grands espaces, une terre de grande solitude ! Tous ceux qui l’ont parcourue de long en large peuvent en témoigner : question habitants et localités, ça ne se bouscule pas. On peut rouler tranquille, mais il ne faut pas tomber en panne d’essence !

Pour habiter la Patagonie, en dehors de ses rares grandes villes (et encore, pas si grandes que ça), il faut aimer l’isolement. Mais il y a des amateurs. Ou, surtout, des natifs, habitués aux rudes conditions de vie qu’entraine l’éloignement de toute civilisation urbaine. Des gens équipés pour la solitude et qui n’ont pas peur de vivre loin, très loin, comme on dit «au milieu de nulle part». Notion quand même assez largement relative, nous autres hommes ayant un peu trop tendance à estimer que nulle part, c’est simplement là où l’homme n’ a pas encore bousillé l’environnement.

Des gens sans lesquels, pourtant, la traversée de cette région plutôt inhospitalière serait nettement moins confortable. Des gens qui, justement, la rendent un tout petit peu plus hospitalière, en ménageant sur le parcours du voyageur perdu des petits îlots de chaleur et de civilisation qui l’aident à ne pas sombrer tout à fait dans la déprime, et viennent le rassurer sur l’existence de ses semblables, même au cœur de la «nada», du néant, comme on dit en espagnol.

Les déserts de sables ont leurs oasis, la Patagonie a ses relais improbables, qu’on rencontre comme par hasard, au détour d’un virage, après des centaines de kilomètres de steppe et de prairies, pile au moment où on commençait à se dire qu’on resterait éternellement prisonnier de cet espace infini.

La Leóna est située sur un bout de la fameuse route 40, que notre camarade Patrick R. a si bien décrite ici.

La Leona, partie hôtel.

Très exactement, pile à mi-chemin entre El Calafate, au bord du Lago Argentino, petite ville connue des amateurs de glaciers, et El Chaltén, localité très appréciée des trekkeurs. Entre les deux, le désert steppique, pas un bled à l’horizon. Faut surtout pas avoir oublié le pain en rentrant du boulot.

Sur la carte, il est indiqué qu’il s’agit d’un «parador deux étoiles», donc, d’un hôtel. Mais c’est bien plus que ça : hôtel de passage, certes, mais également bar, restaurant, épicerie, boutique de souvenirs, aire de repos pour bus fatigués, et même musée !

Situation La Leona

Les trois gérants, pourtant, ont l’air heureux. Remarquez, ici, ils voient quand même du monde : la route, très touristique, est fréquentée en toutes saisons. Mais justement. Comme ils sont ouverts sept jours sur sept et 24h sur 24, la Leóna est leur seul horizon. La ville «importante» la plus proche, c’est Río Gallegos, 80 000 habitants, 4 h de route. Tant pis pour le ciné.

Il paraitrait que Butch Cassidy et Sundance Kid s’y sont arrêtés, en 1905, dans leur fuite vers le Chili, après avoir braqué la Banque de Londres à Río Gallegos. C’est bien possible. Les deux gangsters avaient débarqué en Argentine en 1901, fuyant la police étatsunienne, et avaient fini par s’installer dans la province du Chubut, où la fameuse agence Pinkerton a réussi à les «loger», comme disent les policiers. D’où la nouvelle cavale, ponctuée de quelques braquages, il faut bien vivre.

Le lieu a également servi de refuge aux grévistes de «La Patagonia rebelde», en 1921. Grève monstre des ouvriers agricoles exploités par les propriétaires terriens, et réprimée dans le sang par le sinistre colonel Varela. Il est aujourd’hui inclus dans la liste des sites du patrimoine culturel et historique de la province (Le gîte, pas le colonel).

Plus au nord, dans la province de Chubut, on trouve un endroit qui lui ressemble pas mal, en plus isolé encore : Los Tamariscos. En français, les tamaris. La seule plante qui puisse pousser dans ce coin, avec la «paja brava», ou «coirón», la paille sauvage qu’on emploie parfois pour recouvrir les toits.

Là encore, il s’agit d’un gîte d’étape, également sur la route 40 (rien d’étonnant, cette route traverse toute l’Argentine de La Terre de feu jusqu’à la frontière avec la Bolivie !), mais encore plus perdu dans la steppe. Et bien moins touristique.

Ici, ne s’arrêtent que des camionneurs, ou presque. Essentiellement Chiliens : la route 40 est la seule praticable pour relier leur capitale, Santiago, au port de Punta Arenas :

Cercle rouge : los Tamariscos

La proprio, Liliana, a 64 ans et exploite le local avec son fils Maximiliano. «Nous formons un village qui n’existe pas», dit-elle. Le bled le plus proche, 200 habitants, se trouve à 50 km de là. Gobernador Costa, 2500 habitants, à 120 km. Pour la capitale régionale, Rawson, comptez 630 km. Pas d’électricité (groupe électrogène), pas de ligne téléphonique, pas d’eau courante. Un panneau solaire permet néanmoins de capter un signal wi-fi : yahoo!, ils ont internet ! Leur unique lien avec le monde extérieur, dont ils font largement profiter les clients.

Les clients, donc, ce sont surtout des chauffeurs, qui trouvent là, sur leur interminable trajet, de quoi se reposer, se restaurer et surtout, rencontrer des collègues et pouvoir communiquer avec leurs familles. Le gîte est ouvert, comme la Leóna, tous les jours de l’année, de 8 h à 23 h. Et ce, depuis que le grand-père de Liliana l’a ouvert, en 1938. Il n’a pratiquement subi aucun changement depuis : tout est d’époque ! «A part, précise quand même Liliana, quelques travaux de réfection suite à un accident il y a cinq ans. Un chauffeur s’est endormi et a percuté le gîte. Il fallait bien viser : nous sommes la seule maison dans tout ce désert !».

Comme à La Leóna, on trouve de tout à Los Tamariscos : nourriture, boissons, mais aussi tabac, conserves, pommades anti-douleur, couvertures thermiques, canifs, et même une petite librairie ! Ce n’est pas vraiment un hôtel, les chauffeurs dorment le plus souvent dans leur camion, mais Los tamariscos peuvent néanmoins héberger, le temps d’une nuit, deux dormeurs égarés, sur des lits datant encore des débuts du local!

Dans ces parages solitaires, il n’est pas rare, dit-on, de croiser des fantômes. Les chauffeurs parlent ainsi d’une ancienne station-service hantée, où on entend des coups frappés à la porte, où les moteurs des camions démarrent tout seuls. Ou encore d’un homme en noir parcourant la steppe, de pierres se déplaçant sur la route, de boules de feu survolant le lit des rivières.
 

Mais Liliana n’a jamais peur, malgré l’extrême solitude. «La nuit quand je ferme, la route 40 me protège». La route est ici le seul cordon qui vous rattache à la vie.

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Quelques sources qui m’ont aidé à écrire cet article :

Le site de La Leóna : https://www.hoteldecampolaleona.com/portada.html

Quotidien La Nación, 7-11-2023 : https://www.lanacion.com.ar/sociedad/somos-un-pueblo-de-dos-habitantes-el-parador-que-brinda-wi-fi-charla-y-una-cama-caliente-a-los-nid07112023/#/

(Vous y trouverez plein de photos de Los Tamriscos)

La tradition du maté en Argentine

Mais qu’est-ce tu bois Doudou, dis-donc ? Un café glacé ? Un negroni ? Un cocktail aux épices ?

Rien de tout cela. Ce que sirote cette jeune fille, c’est… du mate (prononcez maté, je ne vais plus mettre l’accent dans l’article). Bon. Quand même, vous avez dû en entendre parler, même ici en France. Surtout si vous êtes un amateur de foot : il parait que l’international Français Antoine Griezmann en est un grand consommateur.

C’est bien un des rares Français, cela dit. Cette tradition, en vigueur chez les Paraguayens, Argentins, Uruguayens, Brésiliens et dans une moindre mesure Boliviens et Chiliens, n’est pas encore arrivée jusqu’à nous.

C’EST QUOI LE MATE ?

A la base, le mate, c’est une infusion. A savoir : de l’herbe et de l’eau chaude. D’ailleurs, mate, exactement, c’est le nom du récipient. On verra plus loin qu’il en existe de toutes sortes. La feuille hachée menu qu’on met dedans pour la faire infuser, ça s’appelle la yerba mate. Littéralement, l’herbe à mate. Logique.

La recette est simple : on met une certaine quantité de feuille broyée dans le mate, puis on ajoute un peu d’eau chaude à chaque fois qu’on veut en boire une gorgée.

On aspire alors à l’aide de la bombilla (littéralement «petite pompe») une sorte de paille en métal munie à son extrémité d’un petit filtre pour arrêter la feuille quand on aspire. On infuse donc, en quelque sorte, à la demande. On peut également infuser la feuille comme on le fait pour le thé ou le tilleul, par exemple, et boire le liquide dans une tasse. On appelle cela alors du  mate cocido. Littéralement, du mate cuit. Bref, du mate infusé, puis passé.

D’OÙ VIENT CETTE TRADITION ?

A l’origine, ce sont les indiens Guaranis qui buvaient ainsi l’herbe à mate. Ils vivaient sur le territoire de l’actuel Paraguay. Les colons espagnols en adoptèrent ensuite la consommation, en constatant les effets bénéfiques sur la santé. L’herbe à mate contient de la caféine, elle est donc un excellent stimulant. C’est également un bon diurétique, elle facilite la digestion, et contient un certain nombre d’antioxydants.

Les Guaranis la prenaient en infusion (avec la bombilla), mais également avaient l’habitude d’en mâcher les feuilles, comme on le fait en Bolivie avec la coca. Les colons, quant à eux, ne gardèrent que la méthode de l’infusion.

A QUOI RESSEMBLE LA PLANTE ?

Sous forme d’arbuste, à ça :

De plus près :

Une fois broyée pour être infusée, à ça :

Son nom scientifique est Ilex paraguariensis. Ilex, parce qu’elle fait partie d’un ensemble de 400 plantes de cette famille, dont chez nous le houx est le seul exemple connu. Paraguariensis, on s’en doute, à cause de son territoire d’origine.

Plus précisément, en ce qui concerne le territoire, non pas le Paraguay proprement dit, mais la région qu’on appelait jadis «Provincia Paraguaria», et qui s’étendait au XVIIème siècle bien au-delà des frontières du Paraguay actuel. En gros, du nord du Chili au sud du Brésil, en passant par le nord-est argentin, l’Uruguay et bien entendu, le Paraguay. Voilà pour la localisation des plantations. Ailleurs, ça ne pousse pas.

En Argentine, la zone de culture s’étend essentiellement sur la région de Misiones. Une région nommée ainsi parce que ce sont les missionnaires jésuites espagnols qui l’ont colonisée à partir du XVIIème siècle. Une région devenue très touristique, et pas seulement à cause du mate : c’est aussi celle où se trouvent les fameuses chutes de l’Iguazu :

C’est là  (Ne vous fiez pas au repère créé automatiquement. J’ai entouré la région en vert) :

Depuis les premiers colons au XVIIème, le mate est devenu une véritable institution dans les différents pays où il est consommé. C’est une boisson de partage, essentiellement. On peut naturellement boire son mate tout seul dans son coin, mais il est d’usage d’en faire profiter les autres, quand ils sont là.

Autrement, un mate = plusieurs consommateurs. Comme pour le joint, on fait tourner ! Si si, avec la même paille/bombilla ! J’entends déjà crier les hygiénistes. Eh oui, on utilise le même instrument, et je vous jure qu’en Argentine, ça ne dégoute personne. A part en temps de COVID, il faut bien dire : pendant de très longs mois, les Argentins ont dû se faire une raison.

Les trois peuples les plus attachés à cette tradition sont : les Argentins, les Uruguayens (dont on pourrait presque dire qu’ils sont des Argentins qui ont pris leur indépendance, tant ils se ressemblent) et les Paraguayens, bien entendu.

En Argentine, il est très fréquent de croiser un homme, ou une femme, avec son mate dans une main, et son thermos d’eau chaude dans l’autre. On les fait suivre partout : au boulot, en balade, en vacances, dans le bus, etc… Je connais des Argentins qui sirotent comme ça toute la sainte journée.

DIFFÉRENTS MODÈLES DE MATE

Pour déguster son infusion, il faut donc deux instruments indispensables : le mate et la bombilla.
Le mate, d’abord. On peut utiliser à peu près ce qu’on veut. Traditionnellement, il s’agit plutôt d’une « calabaza » (calebasse), à savoir l’écorce séchée du fruit du calebassier. Ce site commercial en propose tout un tas de modèles différents. Voici par exemple celui que j’utilise :

Mais les Argentins utilisent toutes autres sortes de récipients : tasses, gobelets, grands verres, du moment que ça puisse permettre d’infuser une quantité suffisante d’herbe.

Idem pour les bombillas : on en trouve de toutes sortes. Attention cependant: le filtre est indispensable, sinon, on avale de la feuille et c’est désagréable ! Une simple paille même en métal est donc formellement déconseillée !

COMMENT PRÉPARER SON MATE

En Argentine, préparer le mate, ça se dit cebar el mate. Un verbe exclusivement local : dans le dico, à cebar, vous le trouverez bien, mais pas dans sa signification argentine.

Voici un exemple de tuto simple et très court (en français) pour bien préparer son mate.

https://www.youtube.com/watch?v=m_fN8B4PaEQ

Insistons sur quelques points développés dans ce tuto si on ne veut pas gâter son mate :

– Respecter la température. Au-delà de 80°, vous allez obtenir un mate trop amer.

– Ne pas verser l’eau chaude sur l’ensemble de l’herbe, mais bien dans le petit puits tel qu’indiqué dans le tuto. Si on infuse toute l’herbe en même temps, là aussi, vous obtiendrez une infusion trop amère.

– Lorsqu’on a versé de l’eau, pas la peine d’attendre pour boire. L’infusion est immédiate, ce n’est pas comme du thé !

– Ne pas oublier de boucher la bombilla en haut quand on l’introduit dans le récipient. Sinon, vous allez avoir de la feuille à l’intérieur. De même, une fois la bombilla introduite, ne la sortez plus !

– Après utilisation, si vous avez utilisé une écorce de calebasse, après l’avoir rincée, laissez-la sécher à l’air, et surtout pas tête en bas, pour éviter qu’elle ne moisisse.

On peut ajouter ou non du sucre. En Argentine, il y a des amateurs de mate «amargo» (amer, sans sucre), et d’autres qui le préfèrent «dulce», sucré. Chacun ses goûts.

OÙ SE PROCURER DE L’HERBE À MATE  ?

Beaucoup de boutiques de thé en vendent, bien sûr. En France cependant, ils proposent surtout du mate brésilien. Pour trouver du mate paraguayen ou argentin, mieux vaut se rendre dans des boutiques spécialisées dans les produits sud-américains. Ce site recense quelques adresses dans les grandes villes françaises, mais il ne concerne que son propre mate bio.

On peut également trouver des magasins proposant des marques connues en Argentine, comme le célèbre Taragüi, le plus vendu en Argentine. Autres marques connues : CBSé, Amanda, Rosamonte (A Bordeaux, je me fournissais soit à la Maison du Pérou, 20 rue Saint Rémi, soit à la boutique Ici Argentine, 84 Boulevard Wilson et 21 rue des Bahutiers. Les deux proposent du mate argentin).

 

(On remarquera sur ces photos qu’il existe deux qualités de yerba mate : «sin palo» et «con palo». La différence ? Dans le premier cas, qualité premium, on n’a gardé que la feuille, dans le second, on a laissé les tiges)

Dans les supermarchés, on ne trouve – quand il y en a – que du mate en sachets, pour faire des infusions type tisane. Mais ça pourra vous donner une idée du goût !

Attention à ne pas mettre trop cher : en principe, le mate est beaucoup moins cher que le thé. Heureusement, car on en utilise beaucoup plus à la fois ! En Argentine aujourd’hui, il coute à peu près l’équivalent de 5€ le kilo. En France, la maison « Palais des thés », par exemple, propose du brésilien à 6€ les 100g. Comme vous le voyez, la traversée de l’Atlantique se paie très cher ! Mais on peut trouver des paquets de 500g pour 8 à 10€ dans certaines boutiques moins huppées !

Il ne vous reste plus qu’à vous procurer le matériel (on trouve de tout en ligne !) et à tenter l’expérience !

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A lire également sur ce blog, concernant les traditions, clichés et autres points d’intérêts particuliers :

Quelques instantanés sur Buenos Aires

Le carnet de route de  Patrick Richard.

Quelques clichés sur l’Argentine.

 

Quelques clichés sur l’Argentine

Des mythes

Il faut toujours se méfier des mythes, et les regarder avec une certaine distance. Surtout en ce qui concerne les mythes « nationaux », qui ont vite fait, si on n’y prend garde, de se transformer en clichés. Quelques exemples près de chez nous, avant de traverser l’Atlantique.

Tenez, rien que la Bretagne. Qu’est-ce qui la caractérise le plus souvent, question graphique ? La coiffe bigoudène, bien sûr ! Vous savez, cette coiffe en forme de boite de bouteille de whisky qui interdit à celle qui la porte de conduire une voiture ! Des coiffes, la Bretagne en compte des centaines de modèles, et le bigouden est loin d’être le plus authentique, et le plus ancien. Et il a été assez peu porté, finalement.

Ou encore, les corridas et les castagnettes espagnoles, certes emblématiques du sud du pays, mais beaucoup moins, voire pas du tout, des régions du nord, comme la Galice et les Asturies, de culture nettement plus…celtique ! Mais pour beaucoup, pourtant, l’Espagne, c’est celle de Don Manolito, du flamenco et des toros !

Le fameux toro de la publicité Osborne en Espagne.

Et l’Argentine, quels clichés ?

On pourrait en citer pas mal, mais mettons-en au moins trois gros sous la loupe.

1. Le tango.

Ah ça, c’est sûr, le tango a été inventé en Argentine. Et lorsqu’on évoque la musique de ce pays, c’est celle-là qui nous vient en tête, en priorité. Le tango en Argentine, c’est comme la salsa à Cuba, on s’attend à en entendre et à voir des danseurs à tous les coins de rue. Je préfère prévenir tout de suite : on va être déçu.

C’est indéniable, le tango est né à Buenos Aires. Le terme existait dès le milieu du XIXème siècle. A l’origine, était le candombe des exilés noirs, qui se dansait dans les perigundines, ces troquets mal famés des rives du Río de la Plata où venaient s’échouer aussi bien des marins et des soldats, que certains fils à papa venus s’encanailler. Le manque de femmes amenaient bien souvent les hommes à danser entre eux.

C’est, nous dit Carmen Bernand dans son livre sur Buenos Aires (Histoire de Buenos Aires, chez Fayard), «l’introduction par un matelot allemand d’un instrument nouveau, le bandonéon, inventé à Hambourg, qui allait transformer radicalement le tango. La musique, joyeuse et bruyante, issue des candombes noirs, devint peu à peu mélancolique et traduisait l’angoisse de tous les déracinés échoués dans la capitale australe».

Seulement voilà : le tango, c’est donc d’abord et avant tout, une musique de danse portègne, c’est-à-dire, essentiellement cantonnée à Buenos Aires. Ah ça, à Buenos Aires, vous n’aurez pas de mal à en trouver et à en voir : des quartiers ultra touristiques du Caminito et de San Telmo à celui plus authentique de Boedo, en passant par les spectacles du café Tortoni, la capitale en regorge. Mais dès que vous serez sorti des limites de la ville, en revanche, vous vous apercevrez bien vite que le tango n’est finalement pas tant que ça une tradition nationale.

Comme le souligne le sociologue Argentin Pablo Alabarces, «Comme beaucoup de mythes argentins, le tango est d’abord un mythe portègne. On l’a décrété musique nationale par excellence. Mais le tango est un genre musical strictement portuaire, une invention de la métropole dont on a décidé qu’elle nous représentait au niveau mondial.

Bien sûr qu’on peut l’entendre dans bien des endroits en dehors de Buenos Aires, mais il ne s’est pas vraiment propagé plus loin que Rosario (grande ville à 300km au nord-ouest de la capitale, NDLA). Le cliché est facilement démontable, mais il fonctionne : c’est le principe du mythe». Exactement, donc, comme le flamenco avec l’Espagne !

Et non, tous les Argentins ne dansent pas le tango, pas plus qu’ils n’en écoutent à longueur de journée. On en est même assez loin !

Tango pour touristes dans le quartier de San Telmo

2. L’Argentine fournit la meilleure viande du monde.

Tous ceux qui ont visité le pays vous le diront : les Argentins sont des mangeurs de viande. Et surtout, de viande de bœuf. Si en France, on a sacralisé le moment de l’apéro, en Argentine, ce qui est sacré, c’est l’asado. La réunion autour du barbecue. Baladez-vous dans la campagne : même les aires de pique-nique en sont pourvues ! Le bife de chorizo, qui s’apparenterait, chez nous, à l’entrecôte, est un véritable plat national.

Il faut dire que le pays a toujours été traditionnellement, depuis sa colonisation, un pays d’élevage. Rien d’étonnant quand on connait l’étendue phénoménale des prairies de La Pampa ou de Patagonie. Là-bas, les vaches et les moutons ont de la place, et de la nourriture naturelle.

Dans la Pampa

Tout donc, pour produire «la meilleure viande du monde». Et en effet, là-bas, on en mange de la bonne ! Mais selon Pietro Sorba, un chef du cru, cette réputation serait surtout due au savoir-faire des cuisiniers argentins, plus qu’à la qualité de la viande en elle-même. Selon lui, elle n’est pas forcément meilleure que celle qu’on peut trouver dans d’autres pays d’élevage, et il cite notamment le Brésil, l’Uruguay, la Nouvelle-Zélande.

Pour ma part, même si je la mettrais volontiers très en haut du classement, je poserais tout de même quelques bémols. L’agriculture argentine est loin d’être bio, et les hormones n’y sont pas du tout interdits. Par ailleurs, depuis quelques années, les éleveurs ont cédé à la tentation du productivisme forcené, et, en dépit des immenses espaces à leur disposition, ont de plus en plus souvent recours à la technique dite du «feedlot», qu’on connait bien chez nous : l’élevage intensif en batterie.

Dommage, hein ? Quant au talent des cuisiniers («asaderos») argentins, s’il est indéniable, attention amis français : si vous aimez la viande bien saignante, vous allez avoir du mal en Argentine, où ce mode de cuisson est totalement proscrit par les papilles locales. Deux cultures culinaires bien différentes, donc.

3. L’Argentine, c’est le pays du foot.

Et comment ! Dernière championne du monde en date, trois étoiles sur le maillot (championne aussi en 1978 et 1986), berceau des célébrissimes Maradona et Messi et du fameux club de Boca Juniors, fournisseuse dans les années 70 de la plupart des buteurs du championnat de France, l’Argentine compte indubitablement parmi les premières nations footballistiques du monde, avec le Brésil, l’Allemagne, l’Espagne, L’Angleterre, L’Italie et la France.

Ouais, ouais. Et pourtant, savez-vous quel est le sport phare du pays ? Je vous laisse quelques secondes pour réfléchir. Le rugby ? Ah certes, ils sont bons là aussi, mais non, pas le rugby. La boxe ? Ils ont eu de grands champions, comme Carlos Monzón, mais ça commence à dater sérieusement. Non, non, rien de tout ça, mesdames-messieurs. Le sport phare en Argentine, c’est…le polo !

Bon, comme la plupart des sports, et justement le football, le polo a été apporté en Argentine par…des Anglais. Eh oui ! Mais il faut dire qu’entre grands espaces et aptitude pour l’élevage, les Argentins avaient quelques avantages. Ils se sont donc emparés de ce sport avec enthousiasme et passion. La première partie de polo connue daterait de 1875. Et en 1921, était créée officiellement la fédération argentine de polo. Trois ans plus tard, l’équipe argentine remportait la médaille d’or aux jeux olympiques de… Paris!

Match de polo

Bien plus que dans le foot, les Argentins dominent largement le polo mondial. Les dix joueurs considérés comme les meilleurs de la planète sont tous argentins !

Ceci dit, si ce sport attire les foules dans ses tribunes, il reste cantonné, sur le terrain, à une certaine élite, en raison du caractère onéreux de sa pratique. Tout le monde ne peut pas posséder un cheval, ni s’acheter l’équipement nécessaire. Dans ce domaine, oui, le football reste, et de loin, le sport le plus populaire, au sens strict du terme, d’Argentine !

Voilà pour quelques clichés bien ancrés. Un pays, et c’est heureux, ne peut jamais se réduire à quelques emblèmes trop facilement identifiables. Une culture, c’est toujours complexe, et ne peut jamais être totalement appréhendée en empruntant quelques raccourcis simplistes et schématiques.

Même en se baladant à Buenos Aires, ne pensez pas que chaque Argentin que vous croisez est un danseur de tango carnivore. Car il y a malgré tout quelques chances pour qu’il ne soit ni l’un, ni l’autre. Vous avez déjà vu beaucoup de Parisiens, vous, se balader un béret sur la tête et une baguette sous le bras ?

Caricature d’un journal danois

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Tout savoir sur le polo, un sport largement méconnu chez nous :

https://arecotradicion.com/fr/noticias/le-polo-argentin/

Les lumières d’Ushuaia

Latitude 54° 47’ 59’’ S, longitude 68° 17’ 59’’ O : ce sont les coordonnées géographiques de la ville où nous avions décidé de vivre les derniers jours de l’année 2007 et de saluer la nouvelle année.

Bien connues des explorateurs, des aventuriers et plus récemment des touristes, ces coordonnées sont celles de la capitale de la province argentine de « Terre de feu, Antarctique et Iles de l’Atlantique Sud » située sur la «Isla Grande» : la mythique Ushuaia.

Perchée sur une colline battue par les vents et bordée par le canal de Beagle, la ville d’Ushuaia est considérée comme la ville la plus australe du monde et surnommée à ce titre de « ville du bout du monde »

Ushuaia depuis le canal de Beagle

Ce statut lui fut longtemps contesté par la base navale chilienne de Puerto Williams située sur la «Isla Navarino» séparée de la Isla Grande par le canal de Beagle. Ce débat a été tranché par les Nations Unies qui ont estimé que Puerto Williams était trop petite (seuil 20 000 habitants) pour mériter le terme de ville !

UN PEU DE SON HISTOIRE

La Terre de Feu est séparée du continent sud-américain par un détroit, passage naturel de plus de 600 km entre les océans Atlantique et Pacifique, qui porte le nom du premier européen à l’avoir découvert et traversé en 1520, Fernand de Magellan (Fernando de Magallanes en espagnol).

L’histoire raconte que ce sont les marins de l’expédition conduite par Magellan, qui observant les feux et les fumées qui jalonnaient les côtes, baptisèrent ce lieu «Terre des Fumées et Terre des Feux» ; c’est Charles V de Habsbourg dit Charles Quint qui donnera à cet archipel le nom qu’on lui connait encore aujourd’hui : «Tierra del Fuego».

Durant les siècles qui suivirent, il y eut de nombreuses expéditions européennes et les premiers contacts avec les Amérindiens.

En 1830, lors du premier voyage du «HMS Beagle» en Terre de Feu, quatre Amérindiens furent capturés pour être présentés au roi et à la reine du Royaume-Uni.

Seuls trois de ces «sauvages» retrouvèrent la Terre de Feu en janvier 1833 lors du deuxième voyage autour du monde du «HMS Beagle» sous commandement du capitaine Robert FitzRoy accompagné de nombreux scientifiques dont le naturaliste Charles Darwin (1831-1836).

Le navire et son équipage vont passer sept semaines dans le sud de la Terre de Feu, une région alors encore très largement méconnue. Une équipe va descendre à terre, où elle restera pendant la durée du séjour pour réaliser des études météorologiques, astronomiques, zoologiques et botaniques mais également ethnologiques. Une équipe va rester à bord et naviguer le long des côtes pour faire des relevés cartographiques et hydrographiques.

Faune du Canal de Beagle

Ushuaia, qui veut dire «baie vers l’Ouest» en langue Yamana (ou Yaghan), sortit de terre en tant que première colonie non aborigène en 1869, par le biais d’une mission anglicane emmenée par le pasteur Waite Hockin Stirling. Il sera remplacé la même année par Thomas Bridges, à qui on doit le premier dictionnaire de la langue Yaghan, ce «Peuple des canoés» qui a vécu plusieurs millénaires sur ces terres sans aucun contact avec le monde extérieur.

Par la suite, renonçant à sa mission, il créera «l’estancia Haberton» (1) située à quelques kilomètres de l’actuelle Ushuaia, le long du canal de Beagle. Aujourd’hui l’estancia, toujours propriété des descendants du pasteur anglican, s’est tournée vers des activités touristiques.

Les premières habitations furent construites en 1870 par la «South American Missionary Society», société missionnaire britannique chargée de l’évangélisation des peuples autochtones.

Pour sa part, dans le cadre de l’année polaire internationale, la France mena une expédition scientifique en Terre de feu entre 1882 et 1883.

Louis-Ferdinand Martial (1836-1885) explorateur et capitaine de frégate est nommé chef de l’expédition sur le trois-mâts La Romanche. Le navire part de Cherbourg le 17 Juillet 1882 avec 140 personnes à bord et arrive le 6 septembre à l’Ile Hoste, à 40 km du Cap Horn.

La mission était chargée d’effectuer des études géologiques, botaniques, zoologiques et ethnographiques.

Les Européens installés en Terre de Feu (éleveurs, pêcheurs, exploitants de mines d’or) y perpétrèrent de terribles massacres et transmirent des maladies, réduisant à presque rien les populations autochtones. Les missionnaires qui recueillaient les survivants ont également contribué à leur déclin en les évangélisant.

Une expédition argentine débarqua sur le territoire en septembre 1884 afin de mettre en place une sous-préfecture. C’est seulement le 12 octobre 1884 que le drapeau argentin fut hissé.

La ville se développa d’abord autour d’une prison, le gouvernement argentin s’inspirant du bagne français des Iles du Salut en Guyane et des bagnes britanniques en Australie.

La ville s’est surtout développée à partir des années 1970 grâce à l’installation d’une zone franche.

La découverte de gisements de gaz naturel et de pétrole ont permis un renouveau de l’économie de cette région.

A partir des années 1980, le tourisme s’y est fortement développé, la Terre de Feu bénéficiant de son image de «bout du monde» et de point de départ de croisières vers le cap Horn et l’Antarctique.

Parc National de la Terre de Feu

MES COUPS DE CŒUR

Je le concède, c’est cette image fantasmée d’Ushuaia qui m’a attiré à la pointe australe du continent sud-américain.

Les risques avec les rêves c’est la déception de voir que la réalité n’est pas à la hauteur de son imaginaire, et le mythe s’effondre. Cela n’a pas été le cas pour moi.

Fraichement débarqué à l’aéroport international «Ushuaia – Malvinas Argentinas», Ushuaia a comblé mes attentes ; aidé par cette lumière d’une fin d’après-midi d’été, j’y ai ressenti une émotion indéfinissable, un sentiment d’accomplissement.

Port animé sur le canal de Beagle à l’architecture chaotique et colorée, adossé aux sommets enneigés de la chaîne Martial, la ville bénéficie d’un site majestueux propice aux rêves d’aventures.

En ce 31 décembre ensoleillé quoi de mieux que de naviguer sur le canal de Beagle sur fond de glaciers et d’ilots rocheux. Embarqués à bord du Yate Che en compagnie d’un petit groupe cosmopolite, direction plein Est à la découverte du petit archipel Kashuna aussi appelé îlots Les Eclaireurs.

Il a été nommé ainsi par le capitaine de frégate Louis Ferdinand Martial, commandant La Romanche en septembre 1882.

Il est composé de plusieurs îlots dont ceux de Los Pajaros et de Los Lobos où se trouve une colonie de cormorans et de lions de mer. Il possède un phare à son extrémité Est mis en service le 23 décembre 1920, le phare des Eclaireurs.

Le phare des Eclaireurs

Ce phare est souvent confondu avec le phare de San Juan del Salvamento situé sur l’île des États à l’Est de l’extrémité sud-orientale de la Terre de Feu dont Jules Verne s’est inspiré pour son roman «Le Phare du bout du monde».

A noter qu’un aventurier Rochelais, André Bronner, qui avait découvert ce phare de San Juan laissé à l’abandon, entreprit de le reconstruire à l’identique. Le 26 février 1998, en collaboration avec les Ateliers Perrault Frères, le phare reconstruit fonctionne à nouveau. Une réplique de ce phare construite à la pointe des Minimes à La Rochelle a été inaugurée le 1er janvier 2000. Un troisième exemplaire de ce bâtiment existe au Musée Maritime et du Bagne d’Ushuaia.

Ushuaia, c’est aussi le « Cerro Martial » ; culminant à près de 1 300 mètres d’altitude, c’est la plus grande source d’eau potable de la ville d’Ushuaia et accessoirement un point de vue panoramique privilégié sur la baie, les toits multicolores d’Ushuaia, le canal de Beagle et au loin la Cordillère de Darwin.

La vue est vraiment fantastique, et toujours cette lumière aussi agréable que singulière.

Ushuaia depuis le Cerro Martial

On y accède par une route en lacets de 7 km puis un trajet en télésiège avant de finir par une petite balade vivifiante qui mène au glacier éponyme.

C’est avant tout un incroyable souvenir que d’avoir foulé, un premier janvier, le glacier du bout du monde dans la ville la plus australe de la planète !

A une dizaine de kilomètres à l’ouest de la ville, une visite au Parc national de la Terre de Feu s’impose. Créé en 1960, le parc s’ouvre sur la Baie de Lapataia, (baie du bon bois en langue yamana), à l’entrée du seul fjord argentin du canal de Beagle. C’est aussi ici que se termine la «Ruta 3» partie finale de la fameuse transaméricaine, plus long réseau routier au monde.

En quelques minutes, on quitte l’agitation de la civilisation pour le calme et la beauté sauvage d’une nature qui s’est adaptée aux températures et aux vents les plus rudes.

Dans cette nature baignée d’une lumière transparente d’une pureté presque irréelle, règne une atmosphère de calme, de plénitude et de sérénité.
Baignée par cette lumière si particulière, où que notre regard se porte, Ushuaia restera pour longtemps tout en haut du hit-parade de mes plus beaux souvenirs.

Elle est mythique en toute simplicité. 

Texte : Patrick Richard.

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(1) Une estancia est une propriété agricole, généralement de grande superficie.

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Voir aussi les autres articles du carnet de route :

Dans les pas des incas

En passant par Mendoza et Maipú

Sur la ruta 7 entre Argentine et Chili

Baie de Lapataia

El héroe de las Malvinas (II)

Contexte historique de la nouvelle

Nous avons quitté le petit Javier Osorio alors qu’il s’apprêtait à quitter Buenos Aires, suite au décès de sa mère et aux vilaines rumeurs qui visaient son père, décoré en tant que « héros » de la guerre des Malouines. (Voir contexte en première partie).

20 ans plus tard, une ancienne camarade de classe vient lui rendre visite dans sa nouvelle ville, Salta, au Nord-Ouest de l’Argentine. Militante dans l’association des Mères de la Place de Mai, qui recherche pour leurs familles biologiques les enfants volés par les militaires pendant la dictature de 1976-1983, elle lui apporte une nouvelle qui devrait bouleverser sa vie, mais rien ne va se passer comme prévu.

Télécharger le texte en version PDF.

Contexto histórico del cuento

Habíamos dejado el pequeño Javier Osorio en el momento en que se preparaba a marcharse de Buenos Aires, después de la muerte de su madre y de los rumores en cuanto a su padre, condecorado en tanto “héroe” de la guerra de las Malvinas. (Ver el contexto histórico en la primera parte).

20 años más tarde, Catalina, una antigua camarada del colegio de San Telmo viene a visitarle en su nueva ciudad, Salta, en el noroeste argentino. Ella milita en la asociación de Madres de la Plaza de Mayo, que busca los niños robados por los militares durante la dictadura para devolverlos a sus familias biológicas. Catalina lleva una noticia que podría cambiar del todo la vida de Javier, pero nada funciona como lo había previsto ella.

Descargar el texto en PDF.

Texto en español del autor. Con lectura y correcciones de Adelaida Ena Noval. 

Por la ruta 7, entre Argentina y Chile

(Versión en PDF aqui)

No cabe duda que esta ruta es mucho menos conocida que la famosa 66 en Estados-Unidos, pero la « Ruta 7 » argentina vale la pena de un viaje.

Esa cinta de asfalta de 1224 kilómetros sale de las orillas del Río de la Plata para ir hasta la Cordillera de los Andes. Cruzando así de este a oeste las provincias de Buenos Aires, Córdoba, San Luis y Mendoza (Cuyo), revela la diversidad de los paisajes naturales que participan del encanto de este fascinante país.

Acá no vamos a recorrer sino les 220 kilómetros finales de la ruta, entre Mendoza y Las Cuevas, donde se encuentra el túnel del “Cristo Redentor”, última etapa del viaje. Pasando por las opulentas propiedades vitícolas de Maipú, entramos en el valle del Río Mendoza y sus paisajes desérticos. Primera parada: el embalse de Potrerillos. Nos paramos a desayunar en Uspallata, oasis de álamos en medio de un decorado más bien mineral, a 2039 metros de altitud. 165 kilómetros más allá de Mendoza, y a 2580 metros de altitud, descubrimos el sitio de “Los Penitentes”, que llamaron así por la forma de las rocas, que se parecen a frailes.

Parada imprescindible en “Puente del Inca”, puente natural formado por la acumulación de nieve y pedregal solidificados por el hierro y el azufre del “Río de las Cuevas”. Este sitio se merecería más tiempo para estudiar mejor su historia y sus leyendas, pero ya tenemos que seguir nuestro viaje.

Puente del Inca

Antes de llegar a nuestra meta final, hacemos una pausa algo “ventosa” al pie de la cumbre de las Américas: el Aconcagua que vigila desde sus 6960 metros de altura la reserva natural epónima.

Nieve en el Aconcagua

Al salir del pequeño pueblo de Las Cuevas, dejamos la Ruta 7 que continúa por el túnel que une desde 1980 Argentina y Chile. Vamos rumbo al Paso de La Cumbre, punto más alto de la antigua carretera entre Mendoza y Santiago de Chile. Esta pista de tierra que serpentea sobre una decena de kilómetros nos permite subir hasta el mirador del Cristo Redentor (3854 m.), etapa final de nuestra excursión.

Ese magnífico entorno natural de las altas Andes fue el teatro, el 13 de marzo de 1904, de la inauguración de la estatua del “Cristo Redentor de los Andes”. Un monumento clave de la historia tumultuosa de las relaciones diplomáticas entre los dos países vecinos.

El Cristo Redentor

Las dos naciones se enfrentaban desde finales del siglo XIX, en torno al problema del trazado de la frontera. Solicitaron la intermediación del Rey de Inglaterra, Eduardo VII, y este puso un punto final al desacuerdo, evitando una guerra que parecía inevitable  (Fueron los ingleses quienes fijaron la frontera entre los dos países en noviembre de 1902. Pero argentinos y chilenos  firmaron un tratado de paz unos meses antes, los “pactos de mayo).

Es para recordar el mensaje de paz del Papa León XIII que el obispo de Cuyo, Marcelino del Carmen Benavente, mandó a construir una estatua de bronce de 7 metros de altura, encomendando el trabajo al escultor Mateo Alonso. La hermana de un general argentino, Angela Oliveira Cezar, quien formaba parte de la asociación suramericana por la paz universal y era amiga del presidente argentino Julio A. Roca (segundo mandato entre 1898 y 1904), sugirió levantar la estatua en tanto símbolo de paz en el Paso de La Cumbre, lugar por donde había pasado José de San Martín con sus tropas en 1817 para liberar a Chile.

Expuesta durante un breve periodo en el patio de la escuela Lacordaire en Buenos Aires, la estatua viajó luego por tren, sobre 1200 kilómetros, antes de verse desmontada en varios trozos para terminar el viaje transportada por mulas. La levantaron sobre un pedestal de hormigón y acero laminado de 6 metros de altura diseñado por el ingeniero Juan Molina Civit, a partir de los esbozos del escultor. El trabajo lo dirigió el ingeniero Conti.

Dos veces nominaron a Angela Oliveira Cezar para recibir el premio Nobel de la Paz, pero sin éxito. Sin embargo su obra siempre quedará como un testimonio de lo que se volvió con el tiempo un verdadero símbolo de esta zona andina.

(Versión en castellano: Patrick V.)

Sur la ruta 7, entre Argentine et Chili

(Version en format PDF ici)

Sans doute moins connue que la célèbre route 66 aux Etats Unis, la «Ruta 7» en Argentine, mérite à elle seule qu’on lui consacre un voyage.

Ce ruban d’asphalte de 1224 km conduit le voyageur des rives du Rio de la Plata à la Cordillière des Andes. En traversant ainsi d’est en ouest les provinces de Buenos Aires, Cordoba, San Luis et Mendoza, il découvre la diversité des espaces naturels qui constituent le véritable attrait de ce fascinant pays.

De ce voyage, nous ne parcourrons que les 220 derniers kilomètres, de Mendoza à Las Cuevas, où se situe l’entrée du tunnel du «Christ Rédempteur», terminus de la «Ruta7». Laissant derrière nous les riches propriétés viticoles de Maipú, nous nous engageons dans la vallée du Rio Mendoza et ses paysages désertiques ; premier arrêt : le lac de barrage de Potrerillos. Pause petit déjeuner à Uspallata, oasis de peupliers dans ce décor minéral, nichée à 2 039 m d’altitude. A 165 km à l’ouest de Mendoza et à 2580 m d’altitude, découverte du site de « Los Penitentes », ainsi nommé à cause de ses pitons rocheux ressemblant à des moines.

Arrêt obligatoire à «Puente del Inca», pont naturel, résultat de l’amoncellement de neige et d’éboulis solidifié par les dépôts de fer et de soufre du «Rio Las Cuevas». Ce site, pour son histoire et sa légende, mériterait sans doute qu’on lui accorde un peu plus que ces quelques lignes d’un voyageur pressé.

Puente del Inca

Avant d’atteindre notre destination finale, pause ébouriffante au pied du «toit des Amériques», l’Aconcagua, qui domine de ses 6960 m, la réserve naturelle éponyme.

Neiges sur l’Aconcagua

A la sortie de la petite ville de Las Cuevas, nous quittons la «Ruta 7» qui s’engouffre dans le tunnel qui relie, depuis 1980, l’Argentine et le Chili ; direction le col de la Cumbre, point culminant de la vieille route Mendoza/Santiago du Chili. Cette piste en terre qui serpente sur une dizaine de kilomètres nous permet d’atteindre à 3 854 m, le «Mirador del Cristo Redentor», terme de notre périple du jour.

C’est dans ce magnifique écrin naturel des hautes Andes que fut inaugurée le 13 mars 1904, la statue du «Christ Rédempteur des Andes». Ce monument s’inscrit dans l’histoire tumultueuse entre les «deux sœurs ennemies d’Amérique du Sud».

El Cristo Redentor

Les deux nations s’affrontant depuis la fin du 19ème siècle à propos du tracé de leur frontière commune, l’arbitrage du roi Edouard VII d’Angleterre fut sollicité et il mit fin au désaccord évitant une guerre qui semblait inéluctable  (Le soin fut laissé à la Couronne britannique de fixer la frontière entre les deux pays. (Pactos de Mayo, accords de paix signés en mai 1902, l’arbitrage anglais intervenant en novembre de la même année).

Pour rappeler le message de paix du pape León XIII, une statue du Christ Rédempteur en bronze haute de 7 mètres fut commandée par l’Evêque de Cuyo, Monseigneur Marcelino del Carmen Benavente, au sculpteur Mateo Alonso. La sœur d’un général argentin, Angela Oliveira Cézar, membre de l’association sud américaine de la paix universelle et proche du président argentin de l’époque, Julio Argentino Roca (2ème mandat de 1898 à 1904), suggéra d’ériger la statue comme symbole de paix au col de la Cumbre qu’avaient franchi José de San Martín et ses troupes en 1817, pour aller libérer le Chili.

Provisoirement exposée dans la cour de l’école Lacordaire à Buenos Aires, la statue fut transportée sur 1200 km par voie ferroviaire, puis démontée en plusieurs morceaux pour être acheminée à dos d’âne. Elle fut érigée sur un piédestal en béton et acier laminé de 6 mètres de haut dessiné par l’ingénieur Juan Molina Civit, d’après les croquis du sculpteur, puis érigé sous la direction de l’ingénieur Conti.

Deux fois proposée pour recevoir le Prix Nobel de la paix, Angela Oliveira Cézar ne fut cependant pas retenue. Mais son action aura laissé après elle ce qui est devenu, avec le temps, une véritable icône de cette région andine.