Guerre en Ukraine : quelles conséquences pour l’Amérique latine ?

Comme les journaux européens, les quotidiens argentins s’intéressent de près au conflit ukrainien, même si celui-ci reste, dans l’esprit du public, relativement lointain et, pour le moment, n’a pratiquement pas de répercussions visibles sur le quotidien des habitants du cône sud.

Néanmoins, dans le monde d’aujourd’hui, est-il vraiment possible d’imaginer qu’il n’ait aucun impact ?

C’est la question posée dans le quotidien de gauche Pagina/12 par Gerardo Szalkowicz, qui intitule son article «Conflit Russie-Ukraine : impacts et défis pour l’Amérique Latine». En voici un petit résumé.

1. Les dommages collatéraux.

Tout d’abord, et ceci n’est évidemment pas spécifique au continent sud-américain, des conséquences économiques. L’augmentation du prix, et l’effondrement de la production des matières premières produites par les deux belligérants, et dont ils sont des leaders mondiaux, comme le blé, l’huile de tournesol, le maïs, le gaz, va mécaniquement mettre en difficulté les pays sud-américains importateurs. Par ailleurs, la fermeture de l’espace aérien aux avions russes affectera la manne touristique de pays comme Cuba ou la République Dominicaine, où les touristes russes représentent une part importante des apports de devises. La dépendance des pays d’Amérique latine à un système essentiellement agro-exportateur est sa faiblesse : elle dépend des cours mondiaux, et si la crise sanitaire l’a considérablement affaiblie, ce nouveau conflit de portée mondiale ne lui donne guère de perspectives positives.

2. L’Amérique Latine sur l’échiquier mondial

Les républiques latino-américaines se sont forgées au XIXème siècle en fonction des besoins et des intérêts des puissances « mères » européennes. Le XXème siècle a représenté un certain changement de cette donne, avec le surgissement des Etats-Unis comme puissance dominante, transformant les voisins du sud en « arrière-cour » politique aussi bien qu’économique. Des Etats-Unis encore renforcés par la chute de l’URSS, leur permettant d’asseoir davantage leur domination, y compris sur l’Europe. Mais là aussi, la donne commence à changer, avec la montée en puissance d’autres partenaires potentiels comme la Russie, justement, et surtout la Chine.

La Russie notamment a recréé des liens forts avec les pays les plus éloignés de l’orbite étatsunien, comme le Venezuela, Cuba et le Nicaragua. Mais également avec des pays pourtant réputés plus proches des Etats-Unis comme l’Argentine et le Brésil.

Il n’y a pas d’unité de posture parmi les différents pays sud-américains. Ainsi, quand « l’axe bolivarien » (Les pays les plus non-alignés, alliés du Venezuela, NDLA) a plutôt soutenu les Russes, les droites latino-américaines ont brandi le drapeau ukrainien, déguisant leur subordination aux puissances occidentales sous le masque d’un récit pacifiste hypocrite, quand on connait leur absence totale de réaction face aux 50 interventions nord-américaines dans le sud par le passé. Quant aux autres, leur réaction oscille entre franc rejet de l’invasion russe et critique molle.

Citant l’ancien journaliste du Monde Diplomatique Ignacio Ramonet, Gerardo Szalkowicz souligne que cette guerre « change la réalité planétaire et marque l’entrée du monde dans une nouvelle ère géopolitique ». Elle survient au moment où l’Amérique latine se trouve en pleine redéfinition de ses projets progressistes, conduits par des leaders plus modérés qu’auparavant. Elle vient à point nommé pour accélérer un processus d’articulation commerciale plus structuré.

Pour conclure, Gerardo Szalkowicz mise sur l’arrivée au pouvoir de personnalités progressistes comme Gabriel Boric au Chili (il vient d’être investi comme président de la république), Gustavo Petro (leader de la gauche colombienne) et Ignacio Lula Da Silva, l’ancien président brésilien, tous deux favoris pour les prochaines élections, pour cimenter l’unité sud-américaine et lui redonner la cohésion nécessaire aux défis à venir.

 

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