Le péronisme, une persistance argentine

(NB : j’ai emprunté le titre de ce dossier à l’écrivain et philosophe José Pablo Feinmann, auteur d’une somme sur ce sujet : « Peronismo, filosofía de una persistencia argentina » (Ed. Planeta- 2010)

Comme on l’a vu dans les articles relatant les débuts du péronisme, Juan Domingo Perón a débuté son exercice du pouvoir présidentiel en 1946. A cette époque, les mandats étaient encore de 6 ans, il sera réélu en 1952 pour un second mandat qu’il ne terminera pas, renversé par un coup d’état en 1955.

En somme donc, il n’aura gouverné que 9 petites années. Soit moins qu’un de ses illustres prédécesseurs, Julio Argentino Roca (es) (2 mandats complets, 12 ans) et moins qu’un de ces successeurs, qui se réclamait de son mouvement, Carlos Saúl Menem (1989-1999). Bien moins que notre Mitterrand et ses 14 ans de règne, ou que l’Allemande Angela Merkel et ses 16 ans de pouvoir ininterrompus.

Pourtant, le péronisme a marqué, et marque encore, l’histoire politique argentine d’une empreinte extrêmement profonde, et qui semble, en dépit de toutes les crises qui l’ont traversée et la traversent encore depuis le premier avènement de « l’artisan de la nouvelle grande Argentine », comme le clamait une affiche de 1948, ne jamais devoir s’effacer.

Aujourd’hui encore, en 2022, presque 80 ans après, le péronisme demeure l’axe central autour duquel se positionne, en positif ou en négatif, l’ensemble des mouvements politiques argentins. En Argentine, qu’on soit de gauche ou de droite, du centre ou « apolitique », on est péroniste ou on est antipéroniste. Il n’y a pas d’alternative. Et du coup, le péronisme est aussi inclassable que l’anti-péronisme : les deux rassemblent large, de la droite à la gauche, et divisent la société en deux camps qui, avec le temps, ont appris à se vouer une haine de plus en plus féroce.

Pourquoi, et comment, un « règne » aussi court a-t-il pu avoir une telle influence sur l’ensemble d’une république qui a pourtant connu, au cours de ses deux siècles d’existence, 40 ans de domination conservatrice et de fraude électorale, avec le PAN (Parti autonomiste national), et une bonne quinzaine de présidents d’extraction militaire, pour, mis bout à bout, plus de 20 ans de dictature ? Sans parler des 10 ans d’ultra libéralisme débridé sous Carlos Menem, terminés par une des plus graves crises économiques de l’histoire argentine au début des années 2000 !

C’est ce que nous allons tenter de développer dans les articles qui suivent. Attention cependant : pas question de retracer une histoire exhaustive du péronisme. Pour cela, je renvoie ceux qui souhaiteraient en savoir plus à la bibliographie et aux liens qui seront donnés en fin de parcours. La littérature sur Perón et son époque abonde, et nécessiterait plusieurs vies d’un lecteur moyen pour en venir à bout.

Mon but est, une fois de plus, de permettre à chacun, dans la mesure de mes (très) modestes talents, d’appréhender un peu mieux ce mouvement extrêmement complexe, devenu avec le temps une véritable passion argentine au point d’en façonner toute la société. Et d’expliquer, si possible, les raisons d’une telle fascination, d’une telle hégémonie d’une tendance politique qui, à nos yeux d’européens, parait si atypique en ce qu’elle regroupe, contre toute logique, l’ensemble de l’échiquier politique traditionnel, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche.

Juan Perón – Caricature de la revue PBT – 1950

(Cette revue soutenait Perón. Sous le dessin, on peut lire le petit texte rimé suivant :

Suivant un cap intangible il guide le navire de la nation
Tant que Perón est aux commandes, le passager est en sécurité !)

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Article 1 : 1943-1945, Perón secrétaire d’état au travail.

Article 2 : 1946, Perón président.

Article 3 : Le premier mandat de Perón.

Article 4 : Le second mandat de Perón.

Article 5 : La résistance péroniste, 1ère partie.

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