La presse quotidienne nationale en Argentine

Cette présentation n’a aucune prétention exhaustive. Nous présentons ici seulement les principaux quotidiens nationaux argentins, soit par leur tirage, soit par leur influence politique. Le cas d’INFOBAE, journal exclusivement en ligne, mais internationalement reconnu, est traité en fin d’article.

Il existe six quotidiens nationaux notables en Argentine, classés ici par ordre d’apparition chronologique :

La Prensa, fondé en 1869
La Nación fondé en 1870
Clarín fondé en 1945
Crónica, fondé en  1963
Diario Popular, fondé en 1974
Pagina12 fondé en 1987

Tous possèdent aujourd’hui  une version en ligne :

http://www.laprensa.com.ar/
https://www.lanacion.com.ar/
https://www.clarin.com/
https://www.cronica.com.ar/
https://www.diariopopular.com.ar/
https://www.pagina12.com.ar/

Si El Diario Popular (qui se décline également en versions régionales) est de tonalité plutôt neutre, les cinq autres sont assez marqués politiquement. Très à droite et anti péronistes pour La Prensa, La Nación et Clarín, de centre-gauche pour Crónica, et péroniste de gauche pour Pagina 12. Nos lecteurs hispanisants se reporteront avec profit aux sites internet notés ci-dessus pour s’en faire une idée plus précise.

D’une manière générale, la presse argentine peut être considérée comme très partisane, et reflétant la grande fracture politique qui a toujours caractérisé les relations sociales dans le pays. Une fracture largement aggravée avec l’apparition du péronisme, phénomène politique majeur, dans les années 40-50. A tel point que, plus, que « de gauche » ou « de droite », ces quotidiens peuvent plutôt être classés comme « péronistes » ou « anti péronistes ».

Les deux plus anciens de ces quotidiens sont tous deux nés au XIXème siècle, fondé par des membres de la haute société argentine. 

NB. Une lectrice Argentine, Alicia, m’a fait récemment remarquer que le plus ancien quotidien du pays n’était pas un des grands titres mentionnés ci-dessous, mais un quotidien régional de Rosario, « La Capital« , fondé en 1867 par Ovidio Lagos et Eudoro Carrasco ! Nous le présentons à la fin de cet article!

  1. LA PRENSA

 La première parution de La Prensa date de 1869, sous la houlette de José Camilo Diaz, propriétaire terrien, homme politique et diplomate, membre éminent de la dite « Génération 1880 » qui a gouverné l’Argentine jusqu’au début du XXème siècle par l’intermédiaire du Parti Autonomiste National (PAN), à une époque où pouvoir, argent et fraude électorale faisaient bon ménage. De tonalité extrêmement conservatrice, La Prensa a vigoureusement combattu les premières lois de transparence électorale en 1912 (qui conduisirent à la défaite du PAN), et a toujours été à la pointe du soutien aux dictatures militaires. Il sera notamment saisi par le pouvoir péroniste en 1951, et son propriétaire de l’époque, Alberto Gainza Paz, devra s’exiler pour échapper à l’arrestation. Le quotidien reviendra dans le giron de la famille Paz en 1956, un an après le renversement de Juan Perón, sous le gouvernement militaire de Pedro Aramburu. Après avoir failli disparaitre au début des années 90, il est aujourd’hui la propriété du groupe de presse Multimedios La Capital. Son tirage actuel est assez confidentiel.

  1. LA NACION

Ce quotidien historique est également connu sous le surnom de «Quotidien de Bartolomé Mitre». Car il a été fondé par le prestigieux homme d’état en 1870. Ce militaire et homme politique, vainqueur de la bataille de Pavón en 1861, déterminante dans la résolution du conflit civil entre Unitaires et Fédéralistes, a été l’un des tous premiers présidents de la jeune république argentine, entre 1862 et 1868. Il a créé son journal pour appuyer son projet politique de Parti Nationaliste (d’où le nom du journal), dans le but de promouvoir un Etat argentin fort et d’en unir toutes les provinces sous une seule égide nationale.

La Nación de Mitre s’est opposée avec force aux différents gouvernements du PAN, se posant comme un rival direct à l’autre grand quotidien national de l’époque, La Prensa (voir ci-dessus). Il en a d’ailleurs subi les conséquences, souffrant à la fin du XIXème siècle de plusieurs fermetures administratives. Après la mort de Bartolomé Mitre en 1906, il est resté la propriété de la famille, et, bien qu’à l’intérieur d’un cadre plutôt conservateur, a continué de soutenir les voies démocratiques, et notamment l’élection d’Hipólito Yrigoyen en 1916. Néanmoins, à partir de 1920, sa tonalité commence à changer : il soutient le coup d’état militaire de José Felix Uriburu contre ce même Yrigoyen, en 1930. Avec l’avènement du péronisme en 1946, cette tendance s’infléchit, et, après l’avoir combattu à ses débuts, le quotidien adopte une posture  relativement neutre face au gouvernement de Juan Perón, dont il n’approuve pas le renversement en 1955. Mais sous la dernière dictature, entre 1976 et 1983, bénéficiaire des prébendes et protections du gouvernement militaire qui cherche à s’attirer les soutiens de la grande presse nationale, il adoptera une ligne très favorable aux Forces Armées.

Dans l’actualité, c’est un journal qu’on peut classer à droite, proche des classes dominantes, très anti péroniste. Il se rapproche assez, dans son aspect général et sa ligne éditoriale, du quotidien français « Le Figaro ».

Son tirage actuel est d’environ 90 000 exemplaires.

Il possède également une chaîne de télévision informative : La Nación + (LN+)

  1. CLARIN

Le quotidien Clarín (Clairon, en français) a été fondé en 1945 par Roberto Noble, qui fut un temps ministre conservateur de la Province de Buenos Aires. Très anti péroniste, il a soutenu la « Révolution Libératrice » qui a renversé Juan Perón en 1955 et la dictature militaire qui s’en est suivie. Il accueillera tout aussi favorablement le coup d’état de 1976, parlant dune « espérance renaissante » capable de « relever (le pays) de sa ruine ».

Son anti péronisme se renforcera d’autant plus avec l’arrivée au pouvoir des Kirchner, Nestor (de 2003 à 2007), puis son épouse Cristina (de 2007 à 2015). L’opposition devient alors ouverte, et Clarín devient quasiment l’organe officiel d’un anti péronisme particulièrement impitoyable.

Bien que sa version papier soit en perte de vitesse, Clarín reste le quotidien largement en tête des tirages, avec une moyenne de publications comprise entre 150 000 et 200 000 exemplaires, selon les années. Par ailleurs, son journal en ligne est également un des plus suivis d’Argentine.

Clarín est donc incontestablement le principal quotidien d’Argentine, et le plus lu. Néanmoins, mais ce n’est que notre point de vue, son obsession anti Cristina Kirchner nuit beaucoup à sa qualité générale, en en faisant un journal strictement partisan et très partial. Mais on verra plus loin qu’il n’est pas le seul dans ce cas, hélas.

Il possède lui aussi une chaine de télévision : TN (Todo notocias, pour « Chaine tout info »).

  1. PAGINA/12

Dans un paysage médiatique tirant nettement à droite en Argentine, ce quotidien est un des rares journaux vraiment de gauche. Ou plus exactement, péroniste de gauche. C’est en effet un des seuls à soutenir ouvertement le gouvernement actuel dirigé par le président Alberto Fernández et la vice-présidente Cristina Kirchner.

Pagina/12 est un de plus jeunes quotidiens d’Argentine, fondé en 1987. Son nom fait référence au nombre de pages qu’il proposait à la lecture lors de ses premières parutions. Dès le début, il a pu compter avec la collaboration de journalistes et d’écrivains de renom, comme par exemple Tomás Eloy Martínez, Eduardo Galeano, Rodrigo Fresán, Eduardo Berti, Horacio Verbitsky ou José Pablo Feinmann.

Bien que péroniste, Pagina/12 n’a jamais soutenu le gouvernement péroniste, mais ultra-libéral de Carlos Menem, président entre 1989 et 1999, et l’a au contraire fortement critiqué. En revanche, il a été un soutien indéfectible des gouvernements péronistes de gauche de Nestor et Cristina Kirchner, un soutien qu’on peut qualifier de militant.

Au moment de l’élection présidentielle de 2015, son site a subi une cyber-attaque de grande ampleur, qui l’a paralysé pendant plusieurs jours. Le juge d’instruction en charge de l’affaire a établi que cette attaque avait été menée depuis des comptes web liés au fournisseur d’accès du quotidien Clarín, un des principaux soutiens médiatiques du candidat de droite Mauricio Macri.

Bien que pratiquement le seul grand quotidien de gauche d’Argentine, face aux géants historiques de tendance conservatrice que sont La Nación et Clarín, Pagina/12 reste assez loin de leurs chiffres de tirage, totalisant environ 25 000 acheteurs réguliers.

Contrairement à ses deux concurrents, Pagina/12 ne possède pas de chaine de télévision. Néanmoins, la chaine C5N présente une ligne politique très proche de la sienne. C5N est l’une des chaines d’information les plus suivies en Argentine.

  1. CRONICA

Fondé en 1963 par le journaliste Héctor Ricardo García, il a d’abord été publié comme un journal du soir, avant d’être uniquement distribué le matin.

C’est un journal plutôt neutre politiquement, avec un ton néanmoins assez sensationnaliste, à la manière de certains tabloïds anglais, et une assez forte coloration populiste, dont le fondateur (décédé en  2019) aimait à se réclamer. Cette tonalité lui vaut une belle popularité au sein du lectorat argentin : son tirage oscillerait entre 50 000 et 60 000 exemplaires quotidiens. Ce qui est néanmoins assez loin des chiffres qu’il pouvait exhiber dans les années 70, où il a pu compter jusqu’à 800 000 lecteurs.

Il possède également une chaine d’information, de même nom. (Crónica TV)

  1. EL DIARIO POPULAR

En ce qui concerne les tirages quotidiens, ce journal fondé en 1974 s’est hissé à la troisième place derrière Clarín et La Nación, avec entre 70 000 et 100 000 exemplaires. Il se décline également en versions « provinciales », comme par exemple le Diario Época de Corrientes (nord argentin) ou El Cordillerano de Bariloche (Patagonie).

C’est un journal de tonalité relativement neutre.

Le plus ancien quotidien argentin : La Capital

Il a été fondé en 1867, à une époque où l’Argentine était en plein débat pour se choisir une capitale, et ses créateurs militaient pour que la ville élue soit Rosario, et non Buenos Aires (qui  deviendra Capitale fédérale officielle en 1880) ! D’où son nom. Il fut également le premier vendu dans les rues par ce que nous appelons en France « les crieurs de journaux » (Canillitas, en Argentine). Alicia nous précise qu’il est aujourd’hui propriété d’un consortium privé qui possède également deux télévisions et une radio locales : Canal3, Canal5 et Radio 2.

INFOBAE

Ce journal exclusivement en ligne a été fondée en 2002 par l’entrepreneur Argentin Daniel Hadad. A l’origine, il servait de complément numérique au quotidien économique « Buenos Aires Económico », d’où le BAE de son titre. Il est devenu totalement indépendant de ce titre papier en 2007. Infobae a ensuite peu à peu internationalisé son contenu, ce qui lui a permis de gagner un rayonnement dépassant largement celui de ses concurrents argentins. Aujourd’hui, outre la maison-mère de Buenos Aires, il possède un siège à Miami et un autre à Mexico, et sa page d’accueil principale, infobae.com, est largement consacrée à l’actualité internationale. Sa ligne éditoriale tend nettement vers la droite libérale pro-étatsunienne.