Présidentielle 2023 : c’est parti !

TOUR DE CHAUFFE

Cette fois, c’est lancé. A la fin de l’année, les Argentins vont retourner aux urnes pour changer de président de la République, comme tous les quatre ans.

Comme je vous l’avais expliqué ici, ils sont dotés d’un système électoral un peu différent du nôtre. Comme chez nous, pour les législatives comme pour la présidentielle, les scrutins sont «majoritaires à deux tours». Au premier, on choisit son candidat préféré, au second, on élimine celui dont on ne veut surtout pas.

LE SYSTÈME ÉLECTORAL ARGENTIN

Mais chez nous, chaque parti est censé présenter un seul candidat pour chaque scrutin et chaque poste. S’il y a concurrence interne, les partis organisent des primaires en appelant leurs militants à choisir en amont de l’élection.

Chez eux, pour cela, on organise une sorte de tour préliminaire, environ trois mois avant l’élection : les PASO, pour «Primarias Abiertas Simultaneas Obligatorias». Autrement dit, des primaires ouvertes et obligatoires : tout le corps électoral est appelé aux urnes. A cette étape, chaque parti peut présenter plusieurs candidats si ça lui chante, ou un seul.

Les électeurs votent pour un seul d’entre eux. Seuls les candidats recueillant plus de 1,5% de voix auront accès à l’élection officielle.
Il se peut alors que deux candidats d’un même parti soient au-dessus de ce minimum. En général et sauf dissidence, rare, c’est naturellement celui arrivé en tête qui représente finalement le parti.

Voilà pour le système. Les PASO vont donc avoir lieu à la mi-août. (Attention, la mi-août, chez eux, ce ne sont pas du tout les vacances : on est en plein hiver !).

Je vous le fais en version presse française, façon course de petits chevaux. En tout, une vingtaine de candidats de différents partis sont sur la ligne de départ. Après ces primaires, il devrait donc rester à peu près une demi-douzaine de qualifiés, maximum.

FORCES EN PRÉSENCE

Comme le savent ceux qui lisent régulièrement ce blog, l’Argentine se divise essentiellement en deux blocs (très) antagonistes : les péronistes et les antipéronistes. Oubliez les partis traditionnels tels qu’on les connait chez nous. En Argentine, la gauche socialiste et communiste ne pèse que quelques grammes dans la balance politique. Et ce, depuis toujours, même avant l’avènement de Juan Perón dans les années 40-50. L’écologie politique est quant à elle totalement inexistante.

La gauche est presque entièrement contenue dans le péronisme. Même si celui-ci, pourtant, recouvre à peu près l’ensemble de l’échiquier politique argentin, d’un extrême à l’autre. Je sais, c’est compliqué à comprendre, même les Argentins ont parfois du mal.

Pour vous donner une idée, entre 1989 et 1999, le président, c’était Carlos Menem. Retenez ce nom, on va en reparler plus loin. Péroniste, et… ultra-libéral. A droite toute. Reagan à côté, c’était quasiment un socialiste. Entre 2003 et 2015, Nestor Kirchner, puis sa femme, Cristina. Péronistes aussi, mais cette fois, de gauche. Tout ce que l’Argentine compte de banquiers, industriels et grands propriétaires terriens n’ont eu de cesse de les dégommer. Vous situez le paradoxe ?

La droite est tout aussi multiforme. Le gros de la troupe est constitué par une alliance de partis qui vont du centre à la droite libérale : Juntos por el Cambio (Ensemble pour le changement). Un peu plus à droite, est apparu un électron libre, dont je vous ai parlé ici et : Javier Milei.

Voilà pour les trois grandes tendances, les seules véritablement compétitives cette année. Les seules donc, dont je vais vous bailler les grandes lignes ci-après.

CANDIDATS PRINCIPAUX

Les péronistes, réunis sous la bannière de «L’union pour la patrie» (Unión por la patria), présentent deux candidats concurrents : Sergio Massa et Juan Grabois (prononcez Graboïss’). Le premier est largement favori en interne, puisque soutenu par le président sortant, Alberto Fernández, et surtout par l’icône pasionariesque du péronisme, Cristina Kirchner.

Celle-ci, aussi détestée par la droite qu’adulée par l’immense majorité des péronistes d’origine modeste, ne peut pas se présenter, rendue inéligible par la justice pour corruption.

Sergio Massa n’est pas un inconnu. Ministre de l’économie de l’actuel gouvernement, il s’était déjà présenté à la présidentielle de 2015, et avait fini troisième derrière l’élu, Mauricio Macri, et Cristina Kirchner, la sortante de l’époque, battue.

Ce n’est donc pas un péroniste pur jus, mais c’est précisément pour ça qu’on l’a choisi : pour tenter de retenir les déçus du péronisme sortant. C’est un peu le macroniste de la course : ni de droite, ni de gauche. Pour le quotidien La Nación, c’est même un candidat Meneminoïde, autrement dit, dans la ligne de Carlos Menem, dont nous parlions ci-dessus.

Juan Grabois, lui, est un vrai péroniste de gauche. Et même très à gauche. C’est son grand handicap, dans un pays qui, comme ailleurs, penche de plus en plus à droite. Les sondages le créditent d’un petit 3%.

A droite, Juntos por el cambio propose également une primaire, entre Patricia Bullrich et Horacio Larreta.

La première est une descendante de deux « grandes familles » argentines : les Bullrich et les Pueyreddón. Spécialiste des problèmes de sécurité, elle a été ministre de l’Intérieur avec Macri en 2015.

On pourrait trouver son parcours politique atypique, mais tout bien pensé il est assez classique pour une femme issue de la grande bourgeoisie : militante des jeunesses péronistes révolutionnaires à 20 ans, supportrice du gouvernement péroniste de droite de Menem à 30, fondatrice d’un parti centriste à 47, et candidate de la droite libérale aujourd’hui. Politiquement, c’est une conservatrice tendance dure.

Son élection consacrerait le choix d’une présidente très à droite, partisane de la répression des mouvements sociaux et de la remise en question des politiques de genre (LGBT, avortement…)

Le second est l’actuel gouverneur de Buenos Aires, Horacio Rodríguez Larreta. Économiste, il a été adjoint de Domingo Cavallo, ministre de l’Économie sous Menem en 1993. Il a été membre du Parti Justicialiste (péroniste) jusqu’en 2005, avant de rejoindre la coalition de centre-droit Propuesta republicana (PRO) de Mauricio Macri.

Il représente la caution «modérée» de Juntos por el cambio, proposant de tendre la main aux adversaires péronistes, militant pour une réconciliation des Argentins. C’est à mon avis ce qui le condamne dans ces primaires.

Car le clivage est trop fort. Avec ce programme, il se coupe de beaucoup d’électeurs à droite, sans pour autant pouvoir espérer en gagner à gauche, où on va plutôt se mobiliser pour sauver le navire péroniste en perdition.

Et pour finir sur ces favoris, le fameux Milei. On se reportera avec profit à mes articles précédents à son sujet (voir liens ci-dessus). Lui, c’est l’option capitalisme sauvage, version retour à la jungle. L’État réduit à son strict minimum, suppression de toute politique sociale, laisser-faire maximum, carte entièrement blanche aux capitalistes de tout poil. On ouvre les vannes, et on voit qui pourra surnager dans le courant. Le Trumpisme, en beaucoup mieux !

(Pour la liste complète des 19 candidats en lice, c’est ici).

LES PRONOS DE L’EXPERT DES CHAMPS DE COURSES

Si on en croit les sondages, trois candidats se détachent du peloton : Sergio Massa, Patricia Bullrich et Javier Milei.

Le quotidien Clarín a ainsi mesuré la popularité des différents candidats juste après l’annonce de la liste définitive. Voici les scores, en ne gardant que les votes « sûrs et certains » :

Patricia Bullrich : 22,7 % (Larreta est à 11)
Sergio Massa : 17,8 % (Grabois : 3,3)
Javier Milei : 16 %

Cela reste serré, mais une tendance se dessine quand même assez nettement. Si Bullrich est élue, comme on semble en prendre le chemin, l’Argentine suivra le parcours du Brésil, avec un temps de retard, en élisant une sorte de Bolsonaro au féminin.

Alors, faites vos jeux. Bullrich/Bolsonaro, Massa/Macron ou Milei/Trump ? En tout cas une chose est sûre : l’Argentine de 2024 ne sera pas à gauche.

*

GALERIE DE PORTRAITS

Dans l’ordre : Patricia Bullrich – Horacio Larreta – Sergio Massa – Juan Grabois.

   

    

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *