Un curieux système électoral

          En novembre prochain vont avoir lieu en Argentine des élections législatives et sénatoriales. Le système d’élection est assez semblable à celui de la France, à quelques différences près.

          Comme chez nous, ces élections sont à la fois nationales (on élit des représentants parlementaires nationaux) et régionales (chaque province élit un nombre déterminé de représentants, en fonction de sa population).
Mais d’une part, les législatives ne concernent que le renouvellement de la moitié des sièges (127 sur 257 exactement), et les sénatoriales le tiers (24 sur 72). Et d’autre part, les sénateurs ne sont pas élus au suffrage indirect, comme c’est le cas en France, mais direct, également par province. Cette année, six provinces (sur 25) vont donc participer au vote sénatorial.

          C’est une première différence. Qui n’empêche d’ailleurs pas que la majorité, jusqu’ici détenue par le parti présidentiel (péroniste) risque fort de basculer, ce qui pourrait rendre le travail gouvernemental très difficile pour les trois années qui lui restent de mandat. (En Argentine, le président est élu pour quatre ans, Alberto Fernández est en place depuis janvier 2020).

          Mais il y en a une autre, encore bien plus importante. Depuis 2009, chaque élection (présidentielle ou législative) est précédée d’une « primaire » obligatoire, qui vise à déterminer quels partis pourront réellement se présenter aux élections officielles, et, à l’intérieur de ces partis, quels candidats, ou listes de candidats.

Jeunes supporters du « Frente de todos ». On notera le soleil en lieu et place du « o » de « todos »: à la fois pour rappeler le soleil du drapeau argentin, et pour marquer l’inclusivité, à la fois « o » masculin et « a » féminin.

          Ces primaires organisées à l’échelle nationale sont appelées « PASO » : Primarias Abiertas Simultaneas Obligatorias ». C’est-à-dire :

Primaires, car organisées préalablement aux véritables élections.
Ouvertes, car tous les citoyens munis d’une carte d’électeur peuvent participer.
Simultanées, car organisées toutes en même temps sur le territoire.
Obligatoires, car elles s’imposent à tous les citoyens âgés entre 18 et 70 ans. Elles restent optionnelles pour les 70 ans et plus, ainsi que pour les 16-18 ans.

          Aucun parti souhaitant participer aux élections officielles ne peut s’y soustraire. Pour pouvoir être « qualifié », il est nécessaire d’avoir obtenu au moins 1,5% des voix lors de ces primaires.

          Cette année, ces primaires législatives ont eu lieu le 12 septembre dernier. Elles ont permis de qualifier 6 partis, et d’en éliminer la bagatelle de 19 ! Et parmi les qualifiés, seuls 2 ont obtenu plus de 6% des voix : la coalition de partis soutenant l’actuel président, Frente de Todos (Front commun), plutôt classé à gauche, et Juntos por el cambio (Ensemble pour le changement), coalition de l’ancien président Mauricio Macri, plutôt classé à droite.

Logo du mouvement d’opposition au péronisme.

          Ces primaires ont permis non seulement de départager, à l’intérieur des partis, différentes listes de candidats (encore que la plupart n’en présentaient qu’une), mais également de jauger l’état de l’opinion avant la « vraie » élection.

          Comme chez nous, le parti du gouvernement s’est vu handicapé par l’exercice du pouvoir, agglomérant les mécontentements. D’autant plus en pleine crise sanitaire, dont les Argentins ne voient pas le commencement de la fin, et qui ne contribue pas peu à dégrader l’économie nationale et les conditions de vie des citoyens. Sans parler des querelles internes au mouvement « Frente de todos », où la tendance « Kirchnériste » menée par l’ancienne présidente Cristina Kirchner s’oppose plus ou moins ouvertement à une tendance péroniste plus modérée, pour faire court.

          Bref, ces primaires ont été remportées par l’opposition, avec près de 40% des voix, contre 35,5 pour la majorité présidentielle. Ce qui augure un sérieux revers pour le président en novembre, car il est rare que les résultats des primaires ne se voient pas confirmés lors du suffrage officiel.

          Les années à venir risquent d’être assez agitées en Argentine. Ce qui ne changera guère de l’habitude, dans ce pays où la politique n’est qu’un éternel conflit ouvert, où le vainqueur du jour se sent toujours tenu de faire payer, le plus chèrement possible, le gouvernant d’hier, ainsi que ses électeurs.

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Pour les hispanophones :

Site CNN espagnol, expliquant les modalités de vote.

Quelques commentaires nationaux et internationaux, juste après le vote.

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