Pire que prévu !

Alors bon, je fais amende honorable : dans mon dernier article sur l’Argentine de Milei, le président à la tronçonneuse, je me suis montré piètre prévisionniste. J’annonçais une probable montée du seuil de pauvreté (40% de la population avant les dernières élections) jusqu’à 50%. Les derniers chiffres sortis par la presse argentine, et repris par les journaux français (y compris mon Ouest-France d’aujourd’hui !) font déjà état d’une poussée à plus de 57% ! Le quotidien en ligne Infobae prévoit même que ce chiffre devrait être largement dépassé à la fin de ce mois.

En cause, naturellement, les hausses de prix maousses dont je faisais état dernièrement. Plus, naturellement, l’effondrement de la monnaie nationale, qui oblige les Argentins de la classe moyenne à casser leur tirelire pour changer leurs derniers dollars planqués sous le matelas.

Un dollar amerlocain. Aujourd’hui, pour l’acheter, l’Argentin doit mettre 835 pesos. Plus du double par rapport à l’an dernier.

Milei continue de demander à ses concitoyens de serrer les dents, promettant que ses terribles mesures d’austérité, indispensables selon lui et ses supporters après des années « d’argent magique », de prix artificiellement contenus et d’interventionnisme étatique entravant l’économie, verront leurs premiers effets positifs… après le mois de mars !

Le voilà donc obligé de raccourcir les délais de ses promesses, lui qui il y a peu parlait encore de deux années difficiles à passer.

C’est que, face à l’effondrement en cours, et ses conséquences dramatiques pour les Argentins les plus fragiles, même les alliés de circonstance du nouveau pouvoir, à savoir, le PRO (Propuesta republicana, droite classique) et l’UCR (Union civique radicale, centriste), commencent à donner des signes de découragement et à prendre leurs distances.

Les plus critiques sont les gouverneurs de province élus sous ces bannières. En effet, ils ne digèrent pas facilement que le gouvernement ultralibéral leur ait coupé en partie les vivres, en suspendant les dotations budgétaires qui permettaient le bon fonctionnement des régions.

« Non seulement ils ne nous ont pas remerciés (de leur soutien, NDLA), mais ils nous traitent de la même façon qu’ils le font vis à vis des kirchernistes (les péronistes au pouvoir auparavant, NDLA), en s’asseyant sur les dotations aux régions. Milei nous insulte parce que nous avons refusé d’avaliser les 6 premiers articles de la Loi Omnibus comme il l’espérait, et par-dessus le marché il nous supprime les subventions au Transport et à l’Éducation. Face à autant de mauvais coups, nous ne voyons plus de raison de continuer à soutenir le gouvernement, nous ne nous sentons plus ni alliés ni interlocuteurs », s’épanche un gouverneur auprès d’Infobae.

Concernant le domaine de l’Éducation, justement (rappelons que Milei en a supprimé le ministère), les profs ont appelé à la grève. Le gouvernement, comme y faisait allusion le gouverneur ci-dessus, a suspendu le versement du FONID, fonds national destiné à promouvoir les actions éducatives dans les provinces, et dont celles-ci ont notamment besoin pour payer les enseignants.

École primaire argentine

Une grève qui pourrait bien affecter la rentrée (dans l’hémisphère sud, elle a lieu comme chez nous à la fin de l’été, c’est-à-dire là-bas en mars) dans 20 districts sur 24.

Même colère chez les syndicalistes, après les mesures de suppression des caisses de solidarité sociale gérées jusqu’ici par les syndicats, notamment des mutuelles de santé, et que Milei, qui les considère comme des « caisses noires », souhaite transférer au privé.

On le voit, la politique d’extrême ajustement économique commence à produire certains effets, mais pas ceux qu’espéraient ni le gouvernement, ni les Argentins.

Reste à savoir comment va évoluer la situation. Ce gouvernement, élu il y a à peine trois mois, conserve la confiance d’une majorité de citoyens (voir ci-dessous), pour lesquels il continue de représenter l’ultime espoir d’un changement radical dans un pays gangréné par la corruption, l’incompétence et l’immobilisme, et qui se trouvait dans une impasse totale. Reste à savoir s’ils ont misé sur le bon cheval, ou si celui-ci s’avère finalement aussi boiteux que ses prédécesseurs. Le spectre de la crise de 2001 continue de planer au-dessus du ciel argentin.

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Derniers indices en cours :

Inflation

Le taux annuel s’établissait à environ 160% avant les élections. En décembre,  il grimpait à 211%, pour s’établir aux dernières nouvelles aux environs de 254%. Il semblerait cependant que le taux mensuel soit en voie de stabilisation, autour de 20% quand même. (Source : CNN espagnol et Infobae).

Popularité

Selon le quotidien La Nación, le gouvernement affiche encore un taux de confiance d’environ 56%. Mais 42% des gens affichent clairement leur désapprobation. Un différentiel (soustraction des opinions positives et des opinions négatives) de +14 très en deça de celui affiché après la même durée de fonctionnement par ses trois prédécesseurs. Après trois mois d’exercice, Alberto Fernández (péroniste) affichait un différentiel de +40%, Mauricio Macri (droite libérale) de +32%, et Cristina Kirchner (péroniste) +41%.

A noter que Milei reste plus populaire en province que dans l’agglomération de Buenos Aires, où il est en chute libre, à seulement 37% d’opinions favorables.

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