Législatives 2021 : résultats

          Les élections législatives ont eu lieu hier dans la journée. Comme chez nous, elles se déroulent traditionnellement le dimanche.
          Comme cela était annoncé après le «pré-vote» des primaires en septembre, l’opposition argentine l’a assez nettement emporté sur l’ensemble du territoire. Voici les résultats globaux pour l’Assemblée nationale, après dépouillement de près de 99% des bulletins :

Mouvement «Juntos por el Cambio» (Opposition, centre-droit et droite) : 42% (+1 siège)
Mouvement «Frente de todos» (Soutien au gouvernement, péroniste) : 34% (-2 sièges)
Gauche traditionnelle : 6% (+2 sièges)

          Le reste se partageant entre différents petits partis, dont beaucoup de partis strictement locaux.

          Globalement également, le mouvement «officialiste», comme on dit là-bas (la majorité gouvernementale, dirait-on ici) a légèrement amélioré son score des primaires de septembre, d’un petit 1,19%.
          En revanche, la victoire de l’opposition est beaucoup plus nette pour le Sénat. Les péronistes n’y ont obtenu que 28%des suffrages et perdu 5 sièges, contre 47% à leur adversaire principal qui en a gagné autant.
Dans les deux cas, l’abstention a été moindre que pour les primaires. Et c’est peut-être ce qui explique que la défaite du parti au pouvoir ait pu être quelque peu contenue, car les primaires l’annonçaient plus nette.

          Voici la projection en sièges pour les deux assemblées désormais (Source : La Nación.com – captures d’écrans)

Assemblée nationale :

         

Sénat :

          Comme on le voit, la situation du Frente de Todos au pouvoir est inconfortable, puisqu’il ne dispose d’aucune majorité absolue, et devra composer avec les autres groupes pour pouvoir gouverner.

          Nous vous épargnerons les détails par région, qui intéressent essentiellement les concernés et les politologues. Notons simplement quelques faits significatifs, qui donnent à cette élection ses couleurs particulières.

1. Pour la première fois depuis 1985, la région de La Pampa a mis le péronisme en minorité : il n’a obtenu qu’un siège de sénateur sur trois.
2. Deux régions ont vu s’inverser les résultats par rapport aux primaires : Le Chaco (nord argentin) et La Terre de Feu, où les primaires avaient annoncé une victoire de l’opposition, ont finalement élu des candidats pro-gouvernement.
3. La carte électorale montre un net clivage entre le nord-ouest argentin, aux provinces plutôt pauvres et où le péronisme maintient sa popularité, et le reste du pays, qui a voté pour l’opposition (Terre de feu exceptée).

          Les réactions dans les partis et dans la presse sont conformes aux traditions électorales universelles : tout le monde est content, ou presque.

          L’opposition retient qu’une page de 18 ans de péronisme kircheniste se tourne : selon Joaquin Morales Solá (anti péroniste) dans La Nación, cette défaite sans ambigüité signe la décadence du mouvement, dont le seuil électoral n’a jamais été aussi bas depuis 2003 et l’arrivée au pouvoir de Nestor Kirchner. Pour Eduardo Van der Kooy dans Clarín, la perte de la majorité au Sénat est «une balle dans le cœur de la vice-présidente Cristina (Kirchner) et du kirchnerisme». Selon lui, la défaite au Sénat, qui lui était jusque là tout dévoué, est une défaite personnelle, qui devrait, dommage collatéral, permettre au Président Alberto Fernández de reprendre la main sur le mouvement, jusqu’ici – c’est la thèse des opposants – contrôlé par les «Kirchneristes».

          A l’opposé, Melisa Molina dans le quotidien péroniste Pagina/12 souligne la quasi égalité obtenue dans la province de Buenos Aires (Une «remontada», puisque les primaires annonçaient une sévère défaite), et le maintien de la première place en sièges à l’Assemblée nationale. Idem pour Eduardo Aliverti, selon lequel on sentait qu’au vu des résultats, le mouvement péroniste donnait «…clairement la sensation se sortir la tête de l’eau», et qu’en face, malgré les «chiffres objectivement favorables, on ne pouvait dissimuler sa déception face au match nul de la province de B.A.». Aliverti file la métaphore footbalistique : «Quand on s’attendait à ce que tu prennes une dégelée au point de t’éliminer définitivement de la lutte pour le titre, et que finalement tu livres une partie plus qu’honorable grâce à une défense qui s’est montrée à la hauteur, et que tu restes dans la course, tu as le droit de célébrer le match nul, ou la défaite honorable».
          On se console comme on peut. Il n’en reste pas moins que le gouvernement n’a plus aucune majorité absolue, ni à la Chambre ni au Sénat, qu’il devra beaucoup négocier avec les petites listes pour pouvoir avancer, et que les deux années qui lui restent de mandat vont être longues. Alberto Fernández a promis d’ouvrir plus que jamais le dialogue avec les différents partenaires politiques, économiques et sociaux, favorables comme d’opposition. Mais d’abord, il va devoir pas mal dialoguer avec ses propres amis politiques – et néanmoins concurrents – dont certains rêvent déjà de lui faire porter le chapeau de la défaite. En somme, la question est : lequel des deux Fernández tirera le plus profit de la défaite, le président Alberto, ou la vice-présidente Cristina ?

          Rien de bien neuf pour nous Français, n’est-ce pas ? Les haines recuites en moins (car en ce moment en Argentine, les crispations sont au maximum de leur intensité), les lendemains d’élections sont assez similaires. En attendant, les problèmes demeurent, et ce ne sont pas ces résultats qui font espérer des solutions à court terme. Bien au contraire.          

          L’Argentine est plus que jamais un pays ingouvernable, et qui risque, dans les deux ans à venir, de s’enfoncer dans le marasme et les conflits internes. Et là-dessus, hélas, on peut compter sur les brillants politiciens locaux, d’un bord comme de l’autre, pour gâter la sauce.

          Pour les non-hispanophones, difficile de trouver des comptes-rendus de ces élections dans la presse française. Voici deux liens, pour ceux que ça intéresse, mais ce sont des articles soit réservés aux abonnés (Le Monde), soit plutôt succincts (Ouest-France). Il est vrai que c’est tout frais : on en trouvera peut-être davantage dans les jours à venir !

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