08/10/2021 : expulsions à Buenos Aires

Expulsions au bulldozer

          Ces derniers jours, rapporte le quotidien Pagina/12, les autorités de la municipalité de Buenos Aires ont fait procéder à une vaste expulsion d’une zone connue sous le nom de « La Toma », située juste à côté du bidonville «Villa 31».

          La capitale compte de nombreux bidonvilles, disséminés sur l’ensemble de son territoire. La villa 31, situé dans le quartier de la gare de Retiro, est le plus grand d’entre eux. Ils sont habités en grande majorité par des émigrants d’autres pays d’Amérique du sud, essentiellement Paraguayens, Boliviens, Péruviens, venus en Argentine pour tenter de trouver une vie meilleure. Voir notre article ici.

Villa 31

Un bidonville à côté du bidonville

          Voici quelque temps, des mères de famille en grande difficulté sociale, sans travail, victimes de violences conjugales et sans logement, s’étaient installées sur un terrain vague à côté de la Villa 31, jusque là utilisé comme décharge publique. Elles l’avaient nettoyé, puis avaient construit des baraques avec les moyens du bord. Souvent mères de plusieurs enfants, personne ne voulait leur louer de logement, même le plus petit, même sans le moindre confort : les propriétaires du quartier refusent systématiquement de louer aux familles avec enfant. En tout, 80 familles, avec 175 enfants, s’étaient installées sur ce terrain, pour tenter d’interpeller la municipalité sur leur sort.

          Celle-ci a répondu en envoyant ses bulldozers, au petit matin à sept heures, au moment où les enfants finissaient de se préparer pour partir à l’école.

          «Ils se moquaient de nous, disaient ʽces pouilleux ne se lavent même pas’. Maintenant il faut que je recommence tout, où vais-je pouvoir aller avec mes six enfants, ils nous ont tout cassé, ont jeté les vêtements des enfants, comment ils vont pouvoir aller à l’école sans leurs cartables, comment ils vont pouvoir s’instruire ? Tout ce qu’on veut, c’est qu’ils étudient pour avoir une vie meilleure», raconte Leonela, une de ces mères de famille.

          «Depuis le début de l’installation on demande à être entendues, on a envoyé des lettres partout, même au Ministère de la Femme, mais personne ne nous a répondu. Nous n’avons pas de travail fixe, et l’autre problème, c’est qu’on ne veut pas nous louer parce qu’on a des enfants».

          La seule réponse de la municipalité a été de refuser l’accès de ces familles à la cantine populaire qu’elle gère à l’intérieur du bidonville «officiel», pour les «punir» en quelque sorte de leur installation sauvage.

          Pour tenter de justifier cette expulsion sans ménagement ni avertissement, la Ville de Buenos Aires a indiqué que le terrain occupé était prévu pour la construction d’une école primaire destinée aux habitants de la Villa 31. Pagina/12 y voit une simple manœuvre pour essayer d’opposer les mal-logés entre eux. D’après le journal, jamais avant l’installation des familles il n’en avait été question, d’ailleurs le projet ne figure nulle part dans le budget 2021 de la municipalité.

          Ce n’est pas la première occupation organisée dans la ville par des mal-logés. Il y a deux mois, un autre groupe de 150 personnes s’était installé sur l’emplacement d’un terrain désaffecté près de la Villa 21-24, dans le quartier populaire de Barracas, au sud de la ville.

Un problème, aucune solution en vue.

          Selon le quotidien, la municipalité, dirigée par l’élu de droite Horacio Rodríguez Larreta, n’apporte aucune solution au problème récurrent du mal logement à Buenos Aires. Son plan d’urbanisation, au contraire, a eu un effet pervers : en faisant craindre aux propriétaires qu’ils allaient se voir dépossédés de leurs biens, ceux-ci se sont empressés de chasser leurs locataires.

       Comme en d’autres occasions (voir notre article cité plus haut), les autorités proposent parfois des solutions de relogement, mais les maisons ou appartements proposés souffrent d’une très mauvaise qualité de construction, deviennent très vite inhabitables, et tout est à recommencer pour les habitants.  

          Le mal logement est donc très loin d’un début de solution dans la capitale argentine, qui rappelons-le, abrite un tiers de la population totale du pays. D’autant que pour les élus, il ne semble pas constituer une priorité : Pagina/12 rappelle que, pendant qu’on expulse les « pouilleux », à quelques centaines de mètres de là, on peut suivre les chantiers de construction de tours gigantesques, fruits de la spéculation immobilière et de l’appétit insatiable de milliardaires encouragés par les autorités politiques.

 

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