II. 1946 : Perón président

Les élections présidentielles ont eu lieu en février 1946. Perón s’est présenté sous la bannière d’une union de trois partis, formés quasiment pour l’occasion :

Le parti travailliste (Partido laboral), premier parti péroniste de l’histoire, créé expressément pour soutenir son champion 

L’assemblée rénovatrice de l’Union civique radicale  (UCR junta renovadora), émanation dissidente du grand parti centriste historique, pour sa part très antipéroniste 

le Parti indépendant (Partido independiente), formé par des militaires d’essence plutôt conservatrice, mais proches de Perón.

Le ticket, comme on dit aux États-Unis pour désigner les candidats président et vice-président, est formé par Perón et Hortensio Quijano, ancien ministre de l’intérieur du gouvernement militaire et membre de l’UCR-assemblée rénovatrice.

En face, à peu près tous les autres partis civils se sont unis pour faire barrage (Eh oui, déjà). Un attelage improbable qui va des plus conservateurs à la gauche traditionnelle, communistes compris.  L’union en question se nomme Union démocratique, histoire de bien montrer où se trouve le camp de la future dictature. A peine né, le péronisme divise déjà profondément le monde politique argentin, en attendant de diviser toute la société !

Le parti pivot de l’Union démocratique, c’est bien entendu l’UCR (Union civique radicale) canal historique, un parti centriste qui a déjà souvent gouverné au cours du XXème siècle. C’est donc lui qui fournit le ticket de candidats : José Tamborini et Enrique Mosca.

Manifestation de l’Union démocratique devant le bâtiment du Congrès à Buenos Aires. On remarquera les slogans assimilant le péronisme au nazisme et à la suppression des libertés.

En sous-main, l’Ambassadeur Etatsunien, Spruille Braden, apporte le soutien de l’administration de Washington à L’Union démocratique. S’agirait pas que l’Argentine tombe aux mains d’un dictateur soutenu par le prolétariat !

Braden agit de concert avec une autre organisation particulièrement puissante en Argentine : la Société rurale (Sociedad Rural), grand syndicat patronal du secteur agricole, qui rassemble les grands propriétaires terriens effrayés par la politique de Perón.

A ce propos – le soutien des Etats-Unis – les opposants à la candidature de Perón vont commettre une lourde erreur pendant la campagne : la publication d’un certain livre bleu, en réalité, un texte rédigé par les services de Braden proposant ni plus ni moins que l’occupation militaire nord-américaine de l’Argentine, et la révocation de la candidature de Perón.

Malheureusement pour l’Union démocratique, ce travail de l’ombre s’avère totalement contre-productif. La mise au jour d’un financement occulte des nord-américains en faveur du ticket antipéroniste fait très mauvais effet dans l’opinion. Surtout que le camp d’en face s’en empare immédiatement pour faire campagne avec un slogan tout trouvé : Braden ou Perón. Autrement dit : la dépendance néocoloniale ou l’indépendance.

Juan Perón mettant son bulletin dans l’urne lors de l’élection de 1946

Et ça marche. Le résultat de l’élection est sans appel : Perón l’emporte avec près de 54% des suffrages. Ce n’est pas un raz de marée non plus, mais face à une union regroupant tous les autres partis traditionnels ou presque, c’est un résultat plutôt impressionnant.  Voilà donc notre colonel – Eh oui, n’oublions pas qu’à la base, c’est un militaire – assis dans le fauteuil de Bernardino Rivadavia, comme on dit en Argentine en faisant référence à son premier occupant, en 1826.

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Quelques liens utiles

Fiche de lecture de Luis Alberto Romero dans le quotidien La Nación du 12-10-2019, à propos d’un livre sur l’Union démocratique. Le livre explique notamment les principales raisons de l’échec de cette union : son hétérogénéité (et donc, ses divisions), sa trop grande proximité avec le patronat, son penchant laïcard la privant du soutien de l’Église, et, bien entendu, l’activisme contre-productif en sa faveur du gouvernement des États-Unis.

Vidéo pédagogique (en espagnol) sur l’élection présidentielle de 1946. C’est plus un diaporama commenté qu’une vidéo, d’ailleurs. Mais le propos est très clair et montre bien les différents enjeux de cette élection, ainsi que l’antagonisme très fort, dès le début, entre péronistes et antipéronistes, qui, déjà à l’époque, étaient à peu près en nombre égal.

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Article précédent : Perón secrétaire d’état au travail.

I. 1943-1945 : Perón secrétaire d’état au travail

Dans cet article et les suivants, nous allons retracer de manière succincte les principaux aspects politiques, économiques et sociaux de l’action de Juan Domingo Perón, d’abord en tant que secrétaire d’état au travail, puis à la présidence de la nation entre 1946 et 1955. Comment a-t-il profondément changé la société argentine, pourquoi a-t-il autant suscité l’adhésion des classes les plus défavorisées, quels étaient les buts centraux de la politique qu’il a menée, comment a-t-il pu passer en neuf ans d’une popularité aussi massive qu’incontestable à un rejet certes moins massif – il était avant tout le fait des classes moyennes et plus favorisées, ainsi que des élites intellectuelles, religieuses et militaires – mais tout aussi incontestable ?

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Dès le début, Juan Perón a su s’appuyer sur les classes les plus humbles pour asseoir son pouvoir. Ce sont elles qui l’ont porté jusqu’au fauteuil présidentiel. Après le coup d’état militaire de 1943, qui avait renversé le très conservateur – et très combinard – Ramón Castillo, mettant fin à la sinistre « décennie infâme », commencée en 1930 par la dictature de Felix Uriburu et qui avait vu le retour de la fraude électorale, Perón, membre actif du G.O.U., ce groupement d’officiers unis à l’origine de la rébellion, s’est vu confier par le nouveau président de fait, Edelmiro Farrell, le poste de secrétaire d’état au travail. Poste apparemment subalterne, mais pourtant éminemment stratégique pour capter le soutien des classes populaires. Et Perón – qui avait lui-même, et non sans arrière-pensées, sollicité ce portefeuille, n’a pas manqué d’en profiter pour soigner sa popularité auprès des Argentins les plus modestes. C’est que si le nouveau secrétaire d’état a compris une chose, c’est bien celle-ci : la seule fenêtre de tir face à l’alliance anti-militaire des partis traditionnels, de droite et de gauche (on en reparlera), ce sont les Argentins les plus défavorisés. Leur situation à la sortie de la décennie infâme est particulièrement difficile : salaires bas, difficultés de logement, système de santé inexistant, idem pour les retraites, ouvriers et paysans argentins constituent un sous-prolétariat bien plus précaire encore que celui qu’on rencontre en Europe.

Aussitôt assis dans son fauteuil de ministre du travail, Perón se met au boulot. Objectif : faire promulguer des lois sociales inédites, réclamées depuis des années par l’ensemble du mouvement ouvrier. Pêle-mêle : augmentation des salaires, 13ème mois, loi sur l’indemnisation du chômage, indemnités de retraite pour les employés du commerce, statut de l’ouvrier agricole (jusque-là, corvéable à merci, payé au lance-pierre et sans droits sociaux : l’ouvrier agricole est encore un véritable serf, au sens moyenâgeux du terme), création d’une justice et d’une inspection du travail, institution de commissions paritaires dans les entreprises… Le statut de l’ouvrier agricole, notamment, lui vaudra une popularité immense chez ceux qu’on appelle là-bas les « peones », et la détestation pas du tout cordiale des « estancieros », propriétaires terriens.

(Voir la nouvelle : « Un gaucho« , sur ce même blog. FR ES)

La popularité du secrétaire d’état est telle qu’un mouvement syndical se forme pour le soutenir : le courant travailliste-nationaliste. (laboral-nacionalista). En quelque sorte, c’est le premier mouvement péroniste de l’histoire. C’est d’ailleurs en premier lieu en direction du secteur syndical que Perón va asseoir son action. Un secteur jusque-là totalement en déshérence, pratiquement inexistant. En octobre 1945, Perón fait passer une loi sur les associations professionnelles, qui fait des syndicats des entités d’intérêt public. Les syndicats sont reconnus en tant que groupements représentatifs de défenses des travailleurs.

Logo du Parti Travailliste argentin – 1945 (P.L. : Partido laboral)

Toutes ces mesures, on le voit, contribuent grandement à l’amélioration du sort des classes populaires, jusqu’ici engluées dans la misère et la précarité. Perón est ainsi devenu, en peu de temps, le bienfaiteur des plus humbles, qui, grâce à ses mesures, se sentent désormais partie prenante de la société argentine. Pas étonnant alors qu’en octobre 1945, lorsque les militaires, effrayés par cet ouvriérisme qui va à l’encontre de leurs valeurs profondes, beaucoup plus proches des classes aisées, voudront mettre Perón sur la touche et l’enverront en exil intérieur sur l’île Martín García, le petit peuple se lèvera en masse pour réclamer son retour. Avec succès : leur nombre, et leur détermination, ont forcé les militaires à le libérer, pour éviter un bain de sang. Perón renonce à revendiquer son retour au pouvoir, mais le secrétariat d’état au travail est confié à un de ses amis proches. Et d’autre part, en échange de son retrait, il obtient la garantie de l’organisation d’élections libres dès début 1946. Elections auxquelles il a bien évidemment l’intention de se présenter. En attendant, il se retire officiellement de l’armée, et se marie avec sa compagne, Eva Duarte.

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Vidéos associées :

1. Juan Perón raconte le 17 octobre 1945. (6’30, en espagnol). Depuis son arrestation et sa mise à l’isolement sur sur l’île Martín García jusqu’à son discours au balcon du palais présidentiel. (Film proposé par l’Institut National Juan Domingo Perón )

2. Interview de l’historien Felipe Pigna sur le péronisme.  (47’50 en espagnol)

Le péronisme, une persistance argentine

(NB : j’ai emprunté le titre de ce dossier à l’écrivain et philosophe José Pablo Feinmann, auteur d’une somme sur ce sujet : « Peronismo, filosofía de una persistencia argentina » (Ed. Planeta- 2010)

Comme on l’a vu dans les articles relatant les débuts du péronisme, Juan Domingo Perón a débuté son exercice du pouvoir présidentiel en 1946. A cette époque, les mandats étaient encore de 6 ans, il sera réélu en 1952 pour un second mandat qu’il ne terminera pas, renversé par un coup d’état en 1955.

En somme donc, il n’aura gouverné que 9 petites années. Soit moins qu’un de ses illustres prédécesseurs, Julio Argentino Roca (es) (2 mandats complets, 12 ans) et moins qu’un de ces successeurs, qui se réclamait de son mouvement, Carlos Saúl Menem (1989-1999). Bien moins que notre Mitterrand et ses 14 ans de règne, ou que l’Allemande Angela Merkel et ses 16 ans de pouvoir ininterrompus.

Pourtant, le péronisme a marqué, et marque encore, l’histoire politique argentine d’une empreinte extrêmement profonde, et qui semble, en dépit de toutes les crises qui l’ont traversée et la traversent encore depuis le premier avènement de « l’artisan de la nouvelle grande Argentine », comme le clamait une affiche de 1948, ne jamais devoir s’effacer.

Aujourd’hui encore, en 2022, presque 80 ans après, le péronisme demeure l’axe central autour duquel se positionne, en positif ou en négatif, l’ensemble des mouvements politiques argentins. En Argentine, qu’on soit de gauche ou de droite, du centre ou « apolitique », on est péroniste ou on est antipéroniste. Il n’y a pas d’alternative. Et du coup, le péronisme est aussi inclassable que l’anti-péronisme : les deux rassemblent large, de la droite à la gauche, et divisent la société en deux camps qui, avec le temps, ont appris à se vouer une haine de plus en plus féroce.

Pourquoi, et comment, un « règne » aussi court a-t-il pu avoir une telle influence sur l’ensemble d’une république qui a pourtant connu, au cours de ses deux siècles d’existence, 40 ans de domination conservatrice et de fraude électorale, avec le PAN (Parti autonomiste national), et une bonne quinzaine de présidents d’extraction militaire, pour, mis bout à bout, plus de 20 ans de dictature ? Sans parler des 10 ans d’ultra libéralisme débridé sous Carlos Menem, terminés par une des plus graves crises économiques de l’histoire argentine au début des années 2000 !

C’est ce que nous allons tenter de développer dans les articles qui suivent. Attention cependant : pas question de retracer une histoire exhaustive du péronisme. Pour cela, je renvoie ceux qui souhaiteraient en savoir plus à la bibliographie et aux liens qui seront donnés en fin de parcours. La littérature sur Perón et son époque abonde, et nécessiterait plusieurs vies d’un lecteur moyen pour en venir à bout.

Mon but est, une fois de plus, de permettre à chacun, dans la mesure de mes (très) modestes talents, d’appréhender un peu mieux ce mouvement extrêmement complexe, devenu avec le temps une véritable passion argentine au point d’en façonner toute la société. Et d’expliquer, si possible, les raisons d’une telle fascination, d’une telle hégémonie d’une tendance politique qui, à nos yeux d’européens, parait si atypique en ce qu’elle regroupe, contre toute logique, l’ensemble de l’échiquier politique traditionnel, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche.

Juan Perón – Caricature de la revue PBT – 1950

(Cette revue soutenait Perón. Sous le dessin, on peut lire le petit texte rimé suivant :

Suivant un cap intangible il guide le navire de la nation
Tant que Perón est aux commandes, le passager est en sécurité !)

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Article 1 : 1943-1945, Perón secrétaire d’état au travail.

Article 2 : 1946, Perón président.

Article 3 : Le premier mandat de Perón.

Article 4 : Le second mandat de Perón.

Article 5 : La résistance péroniste, 1ère partie.

Accord sur l’enseignement du français

(Tous mes remerciements à Alicia Isidori qui m’a transmis cette information)

Mercredi dernier, 8 juin, le gouverneur de la province de Santa Fe  et l’ambassadrice de France en Argentine ont signé un accord qui va grandement améliorer la situation de l’apprentissage du français dans les écoles de la province.

Le site du gouvernement de la province rend compte de cette rencontre, qui a eu lieu dans les locaux de l’ambassade de France à Buenos Aires, dans le quartier de Recoleta, entre le gouverneur Omar Perotti et l’ambassadrice Claudia Scherer-Effosse.

Ambassade de France à Buenos Aires

L’accord stipule que la province s’engage à favoriser la pédagogie du français à tous les niveaux, tant scolaires qu’associatifs, à renforcer la formation initiale et continue des enseignants de langue française, et à promouvoir les initiatives interdisciplinaires en développant notamment l’enseignement bilingue. De son côté, l’Ambassade de France s’engage à financer des moyens de formation pour les enseignants, ainsi qu’à favoriser les interactions entre les différentes entités pédagogiques des deux côtés de l’Atlantique.

A l’issue de la rencontre, le gouverneur Perotti a déclaré en substance : « Santa Fe est une province à haut potentiel d’échanges avec l’extérieur, tant au plan commercial que de l’ouverture sur le monde, et il est donc important que ses habitants soient bien formés à l’usage des langues. Il existe une forte tradition d’apprentissage du français dans nos écoles, tradition dont le présent accord devrait stimuler encore davantage l’enthousiasme et les liens déjà bien présents« .

Omar Perotti

De son côté, Claudia Scherer-Effosse a indiqué que « c’est un accord que nous mettons au point depuis des mois. L’enseignement du français dans la province de Santa Fe est une réalité. Nous souhaitons la renforcer et nous avons travaillé en ayant à l’esprit tout ce que cet accord pourrait apporter pour les relations bilatérales entre la province et la France« .

L’ambassadrice de France Claudia Scherer-Effosse, lors de la remise de sa lettre de créance au président Argentin (2015-2019) Mauricio Macri.

Cet accord est une excellente nouvelle pour l’apprentissage d’une langue malheureusement en déclin un peu partout dans le monde, où l’anglais est devenu hégémonique. On ne peut que se réjouir par ailleurs de voir ainsi se renforcer les liens culturels entre deux pays qui, sur bien des aspects, ont beaucoup en commun.

La province de Santa Fe se situe au nord-ouest de Buenos Aires, le long du fleuve Paraná. Santa Fe est sa capitale, mais la ville la plus importante en nombre d’habitants est Rosario, au sud de la province. La province abrite environ 3,5 millions d’habitants, dont un tiers habite à Rosario. C’est la troisième région en importance démographique, après Buenos Aires (17 millions) et Córdoba (3,7 millions).

Province de Santa Fe – capture d’écran

Un peu de pub touristique !

Bon, comme je suis en convalescence post opératoire, une fois n’est pas coutume, je vais profiter de mon immobilité forcée et de ma vitalité en berne pour causer tourisme argentin.

La Nación d’aujourd’hui consacre un article à un nouveau site officiel consacré aux routes et lieux touristiques les plus emblématiques du pays : La Ruta Natural.

Il s’agit de promouvoir le tourisme « à l’air libre » et la découverte des grands espaces naturels du pays, trop souvent ignorés même des locaux. Et pourtant, l’Argentine fait bien partie des pays les mieux dotés dans ce domaine, des déserts et forêts du nord tropical jusqu’aux glaciers géants et aux steppes de la Patagonie et de la Terre de feu.

Vallées Calchaquies – Nord-ouest argentin

Le nouveau site web du programme, nous explique le quotidien, réunit l’information nécessaire au touriste pour lui permettre de choisir et d’organiser ses voyages vers des sites naturels pointés comme « incontournables », en présentant 17 grands itinéraires recouvrant les différents paysages et climats du pays.

Le site, abondamment illustré, est plutôt bien fait. Il propose trois grandes entrées :
Par lieux géographiques (Les vallées Calchaquies, le parc naturel de la Terre de feu, la Péninsule de Valdez, les chutes d’Iguazu entre autres multiples exemples. Pas loin de 200 lieux présentés, hélas pas classés géographiquement)

En Terre de Feu

Par expériences à vivre (Où observer la faune, où pratiquer l’astronomie active, où camper à la belle étoile, etc…)
– Par type de tourisme : parcs nationaux, astronomie, aventure, paléo, observation de la faune…

Il fournit également un calendrier utile pour situer le meilleur moment pour chaque type de parcours.

Chutes de l’Iguazu – Province de Misiones

Comme le développe La Nación, chaque « incontournable » présenté par le site propose une information détaillée : photos, activités possibles, comment s’y rendre facilement, hébergement et restauration, meilleures époques de visite, et autres informations pratiques.

Naturellement, s’agissant d’un site argentin, il n’est pour le moment disponible qu’en espagnol. Espérons que le ministère du tourisme songera à une plus grande diffusion internationale. Mais nous n’en sommes qu’au tout début, bien entendu. Le /es à la fin de l’adresse du site nous laisse quelques espoirs de voir bientôt apparaitre /en ou /fr. Qui sait ? (Attention à ce propos : le site en anglais « The natural route » est un blog qui n’a rien à voir !)

Vous n’irez peut-être pas tout de suite en Argentine. Mais je ne saurais trop vous conseiller déjà d’aller vous balader sur le site. Il vous donnera une excellente idée de la dimension d’immense paradis naturel de l’Argentine, disposant d’une variété incroyable de paysages, de climats, de faune et de flore, qu’on trouve rarement rassemblés comme ici sur un seul territoire.
Et il vous permettra au moins de faire un beau voyage…virtuel !

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Courte présentation vidéo du site (47′) : https://www.youtube.com/watch?v=AxobWuUqnpE 

 

 

Droits des femmes en Amérique latine : docus accessibles

Pour prolonger l’article précédent rendant compte du dossier de Sud-Ouest sur les droits des trans en Argentine, je signale ici plusieurs documentaires dont certains sont accessibles sur l’application ARTE TV.

1. Argentine : la révolte des femmes

Dans la série « Arte reportages ». De Karen Naundorf. France. 25 mn.

Le documentaire suit la famille de Monica Garnica, dans l’attente du procès où doit comparaitre son mari, qui l’a assassiné en la brûlant vive. Le propos s’étend également à l’ensemble du mouvement féministe « Ni una menos », parti d’Argentine mais qui essaime sur tout le continent.

Sur l’appli Arte.tv jusqu’au 8 octobre 2022

Sur Youtube ici.

2. Sud-Américaines contre le machisme

De Marie-Kristin Boese. Allemagne. 53 mn.

Le combat des femmes argentines pour la légalisation de l’avortement, symbolisé par le port du foulard vert, gagne l’ensemble du continent latino américain. Le documentaire fait le point sur cette lutte dans certains autres pays, comme le Mexique ou le Brésil, où le machisme reste particulièrement fort.

Sur l’appli Arte.tv jusqu’au 23 mai 2022

3. Femmes d’Argentine

De Juan Solanas. Argentine. 87 mn. Titre original : Que sea ley

Juan Solanas a suivi le parcours des femmes argentines au foulard vert, en lutte pour obtenir le vote au parlement de la légalisation de l’IVG. Le documentaire, qui donne la parole à différents acteurs du mouvement, à des député(e)s, des opposants, a été projeté au Festival de Cannes 2019, et sorti en salles en France en mars 2020, à peine quelques jours avant le confinement. En replay sur my canal jusqu’au 10 octobre 2022.

Il est aussi disponible à l’achat ou la location sur la chaine Youtube, mais en version espagnole. 

4. L’Amérique latine mobilisée contre les féminicides.

Reportage de France 24. 12 mn. Sur youtube.

Campagne argentine pour le droit à l’IVG

Argentine, pays des droits LGBT ?

Ces trois derniers jours (9, 10 et 11 mai) le journal régional Sud-Ouest publie les trois volets d’un reportage réalisé par Maud Rieu, qui a vécu en Argentine en 2017 et 2018, et qui a étudié la situation des personnes transgenres dans ce pays.

Le reportage met en lumière un paradoxe de ce pays par ailleurs très catholique (et de plus en plus évangéliste, aussi, comme ses voisins), où la violence « de genre », conjugale ou machiste, est un vrai fléau, et dans lequel a fait rage, justement en 2018, la bataille pour la légalisation de l’avortement, finalement votée par le parlement en 2020 : parmi l’ensemble des pays sud-américains, l’Argentine est probablement le plus ouvert en ce qui concerne les droits des personnes homosexuelles et transgenres.

Dans le premier volet, Maud Rieu fait le point sur la vision qu’ont les Argentins sur cette thématique si conflictuelle ailleurs :

S’intéresser à l’Argentine, c’est accepter d’être surprise. Comment ce pays où l’interruption volontaire de grossesse n’est légale que depuis 2020 peut-il être autant en avance sur les droits des personnes transgenres ? Poser cette question, c’est affronter un regard interrogateur : les interlocuteurs ne voient pas le rapport. Ici, être un homme ou une femme est une question d’identité, pas de biologie. Et le respect de l’identité est sacré dans cet état traumatisé par le souvenir des centaines de bébés volés à leurs familles et donnés à d’autres, sous la dictature militaire de 1976 à 1983.

Pour l’illustrer, elle a rencontré notamment Valeria del Mar Ramirez, une des premières bénéficiaires de la loi de 2012, qui lui a permis d’officialiser son changement de sexe. Ainsi, l’Argentine est devenue le premier pays au monde à adopter une loi d’identité de genre. Un grand pas, car comme le rappelle l’auteure, jusque dans les années 90, il était encore interdit en Argentine de s’habiller « de façon contraire à son sexe biologique ».

Cet incontestable progrès n’a pourtant pas résolu d’un coup de baguette magique toutes les discriminations. En 2015, une militante de la cause trans, qui avait trois mois auparavant fait passer une loi imposant un quota de 1% de trans parmi les fonctionnaires, a été assassinée, et, comme l’indique la députée Karina Nazabal (Membre du Frente para la Victoria, lié au parti péroniste actuellement au pouvoir, NDLA) citée par Maud Rieu :

Il faut sortir de la tête de ces personnes et de la société que les trans n’ont pas d’autre choix que se prostituer. Si vous demandez à votre voisin “Où mettriez-vous une personne trans ?”, il vous répondra sûrement “Dans la rue”.

Selon Karina, être trans ne doit pas constituer un obstacle à l’obtention d’un emploi : seule la compétence doit entrer en ligne de compte. Ce que cette loi devenue loi nationale en 2021, renforce.

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Dans le second volet, Maud Rieu raconte l’histoire de Luana, qui, à six ans seulement, a pu officiellement être considérée comme fille, sans passer par la case justice. Une histoire édifiante, en cela qu’elle démontre que le sentiment d’identité de genre n’est pas un caprice, mais représente la plupart du temps une véritable souffrance.

Le cas de Luana est emblématique. Très tôt, ce petit garçon (qui a un frère jumeau) a senti qu’il ne se trouvait pas dans le bon corps. Maud Rieu, qui a rencontré Gabriela, la mère de Luana, rapporte :

Un jour, quand il a trouvé les mots, à 20 mois, ce fils a prononcé une phrase qui a changé la vie de sa mère et de toute la famille : « Je suis une fille, je suis une princesse ».

Début d’une histoire qui n’aura rien d’un chemin de rose. Les parents mettront du temps à comprendre les appels au secours de leur enfant, ses difficultés, son mal-être, ses cheveux qui tombent, les médecins consultés qui refusent de prendre le cas au sérieux… Le père, lassé, finira par prendre la fuite, mais Gabriela, convaincue, se battra pour que Luana puisse devenir une fille à part entière. Jusqu’à ce 25 septembre 2013, où enfin, elle reçoit une carte d’identité portant son « nouveau » genre.

Une carte qui ne résout pas tout. Maud Rieu rappelle qu’en Argentine, si la loi autorise les enfants (sous réserve d’accord des deux parents) à changer d’identité « sur le papier », ceux-ci doivent attendre la majorité pour pouvoir envisager une opération.

C’est pour aider ceux qui connaissent les même problèmes que Gabriela est devenue une véritable militante des droits des enfants trans. Elle a créé une association, « Infancias libres » (Enfances libres) et donne régulièrement des conférences. Aujourd’hui, Luana a  15 ans, et vit une adolescence normale, entre sa mère et son frère. Maud Rieu conclut à ce propos en citant Gabriela :

« Il faudrait arrêter de se demander si elle va bien, elle ne devrait plus être au centre de l’attention, même si je comprends. Luana est une adolescente qui vit entourée d’amour et va bien ! »

Voir aussi le documentaire  sur Gabriela et Luana : « Yo nena, yo princesa » (2012, en espagnol avec sous-titrages en anglais)

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Enfin, pour le troisième volet de son enquête, Maud est allée assister à une remise de diplômes dans un établissement bien particulier. Il s’agit d’un lycée ouvert aux élèves trans, mais également à tous ceux et celles en difficultés sociales, souvent des jeunes sans foyer qui ont connu la rue, la prostitution, la drogue. A l’origine, une association, Mocha Celis (du nom d’une fille trans tuée par la police), fondée en 2017 et qui proposait aide, foyer et quelques cours. Peu à peu, l’association a grandi, et aujourd’hui, nous dit Maud, l’établissement, qui a déménagé, est devenu un vrai et grand lycée accueillant jusqu’à 300 élèves. Il a même fait des petits : on compte maintenant une quinzaine d’établissements du même genre dans le pays, et dans quelques autres pays d’Amérique Latine comme le Chili, le Brésil et le Paraguay.

On s’en doute, il n’est guère soutenu par les instances administratives officielles, et tient d’abord et surtout par l’action et le dévouement de ses bénévoles. Les élèves, pudiques et protégés par leurs enseignants, se livrent difficilement. Maud a néanmoins pu interroger l’une d’entre elles, Viviana, qui lui a raconté son parcours : la prise de conscience de son identité différente, le déni de l’école, le harcèlement, l’abandon scolaire. Puis la prostitution, à 13 ans, et le sport, comme une bouée de sauvetage :

«mais catégorie homme, en gardant mon apparence féminine, évidemment», précise-t-elle.

Et enfin, l’accueil à « La Mocha », comme disent ses habitués :

« À la première rencontre, le directeur m’a dit : ‘‘Bienvenue à la Mocha Celis’’. Ça m’émeut encore parce que quand il m’a dit ça, c’était la première fois qu’un établissement me disait ‘‘bienvenue’’. Jusqu’à maintenant, on me disait toujours que je ne pouvais pas.»

En conclusion, Maud cite le slogan du lycée, peint sur un mur :

« Si une trans va à l’université, ça change sa vie. Si beaucoup y vont, ça change la société. ».

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Vers le dossier de Sud-Ouest en ligne : immersion en Argentine. Mais hélas: c’est réservé aux abonnés !

Pour ceux qui ont Spotify, en recherchant « Ici Sud Ouest« , vous trouverez deux podcasts consacrés l’un à  Gabriela Mansilla, la maman de Luana (34 mn), et l’autre à Viviana Gonzalez, l’étudiante du lycée Mocha Celis (19 mn). Les deux podcast en français, naturellement.

 

 

El héroe de las Malvinas (II)

Contexte historique de la nouvelle

Nous avons quitté le petit Javier Osorio alors qu’il s’apprêtait à quitter Buenos Aires, suite au décès de sa mère et aux vilaines rumeurs qui visaient son père, décoré en tant que « héros » de la guerre des Malouines. (Voir contexte en première partie).

20 ans plus tard, une ancienne camarade de classe vient lui rendre visite dans sa nouvelle ville, Salta, au Nord-Ouest de l’Argentine. Militante dans l’association des Mères de la Place de Mai, qui recherche pour leurs familles biologiques les enfants volés par les militaires pendant la dictature de 1976-1983, elle lui apporte une nouvelle qui devrait bouleverser sa vie, mais rien ne va se passer comme prévu.

Télécharger le texte en version PDF.

Contexto histórico del cuento

Habíamos dejado el pequeño Javier Osorio en el momento en que se preparaba a marcharse de Buenos Aires, después de la muerte de su madre y de los rumores en cuanto a su padre, condecorado en tanto “héroe” de la guerra de las Malvinas. (Ver el contexto histórico en la primera parte).

20 años más tarde, Catalina, una antigua camarada del colegio de San Telmo viene a visitarle en su nueva ciudad, Salta, en el noroeste argentino. Ella milita en la asociación de Madres de la Plaza de Mayo, que busca los niños robados por los militares durante la dictadura para devolverlos a sus familias biológicas. Catalina lleva una noticia que podría cambiar del todo la vida de Javier, pero nada funciona como lo había previsto ella.

Descargar el texto en PDF.

Texto en español del autor. Con lectura y correcciones de Adelaida Ena Noval. 

La présidentielle vue d’Argentine

La presse argentine n’a pas fait ses choux gras de notre élection présidentielle, c’est le moins qu’on puisse dire. Lundi, avec le décalage horaire, quelques articles généraux pour donner les résultats provisoires, encore basés sur les projections de nos instituts de sondages.
Nous avons donc attendu aujourd’hui mardi pour voir si on trouvait des articles un peu plus fouillés sur le sujet.

Clarín en fait son article de tête de gondole ce matin à 10 h. Soulignant qu’en définitive, la candidature Zemmour, présenté comme un Trump français, a en fait plutôt profité à M. Le Pen en la rendant plus fréquentable, Clarín commente à partir d’une enquête du Figaro la fin d’un mythe : celui du front républicain. « Cette idée que la démocratie est en danger, comme en 2002 lorsque Jean-Marie Le Pen était à la place de sa fille, s’est évanouie. Il n’y aura pas de marche républicaine ni 90% des votes en faveur d’un candidat garantissant la survie de la démocratie ». Au passage, Clarín, en bon quotidien droitier, attribue la défaite humiliante d’Anne Hidalgo à « sa gestion catastrophique de la mairie de Paris ». Des fois que son lectorat pourrait croire, comme certains français mal informés, que la chute du PS serait davantage due à ses renoncements politiques et ses ralliements droitiers.

La Nación publiait deux articles hier lundi. Visiblement, cela les a fatigués, puisque aujourd’hui, rien à signaler. Hier donc, Luisa Corradini, avançait que ces résultats « étaient interprétés (en France, donc, doit-on supposer) comme un vote de confiance dans la gouvernance Macron… et un vote utile pour empêcher l’extrême-droite d’accéder au pouvoir ». On ne peut qu’être confondu par tant de clairvoyance. Confiante, Luisa Corradini pense même que les projections de deuxième tour (pourtant nettement plus serrées qu’en 2017) « permettent de penser que Macron n’a pas été touché par le rejet dont souffrent généralement les présidents sortants ».

Allons voir alors le quotidien de gauche Pagina/12. Pas trop prolixe sur le sujet lui non plus, il faut l’admettre. Un article hier, un autre aujourd’hui. Hier, Eduardo Febbro fustigeait notamment la responsabilité de la gauche elle-même (c’est-à-dire, la gauche « de gouvernement » comme on dit chez nous) dans ce deuxième échec consécutif à accéder au second tour. « Ses égoïsmes, ses trahisons, son immaturité, la lutte à couteaux tirés entre ses composantes et la bataille d’égos ont ouvert un boulevard à l’extrême-droite ». Rappelant le scénario de 2002, Febbro condamne ce nouvel épisode de désunion mortifère, semant la confusion parmi les électeurs avec des consignes contradictoires de vote utile en même temps qu’on réclamait de soutenir des partis moribonds comme le PS et le PC. « Le cauchemar de 2002 avait boosté l’extrême-droite, il est probable que celui de 2022 finisse par la porter au pouvoir ».

Aujourd’hui, le même Febbro, correspondant du journal à Paris, titre sur « Comment gagner en perdant », à propos de Mélenchon. Par là, il souligne que Macron dispose de très peu de réserve de voix pour le second tour, contrairement, pense-t-il, à M. Le Pen. Febbro constate qu’il a déjà lessivé le PS, dont les cadres sont en grande partie passés chez lui. Avec 1,7% des voix, celui-ci n’a plus rien à lui apporter. Idem pour LR. Il ne lui reste donc plus que des miettes à gratter de ces côtés-là.

Mais surtout Febbro pose Mélenchon et ses électeurs en arbitres, obligeant les deux candidats du deuxième tour à leur faire des risettes. Pour Macron, c’est la quadrature du cercle : « Le chef de l’état se voit obligé de mobiliser et attirer la gauche sans renoncer à son programme libéral et tout en réduisant la fracture ouverte avec les gilets jaunes ». Mais l’équation est tout aussi ardue pour M. Le Pen. En somme « L’extrême-droite et le libéralisme courent après cette gauche qu’ils n’ont jamais prise au sérieux, ont méprisée et agressée à qui mieux mieux. Le vampirisme électoraliste entreprend sa croisade ». A propos de Mélenchon, Febbro conclut que « s’il se retire, comme on peut le penser, il laissera une Union Populaire bien installée, digne et avec des perspectives qu’elle n’avait pas encore il y a deux semaines. Il a gagné un avenir en perdant en partie le présent ».

Pour terminer, le petit dessin du caricaturiste Paz dans ce même journal. Je ne peux pas le reproduire directement ici pour des raisons évidentes, mais on y voit deux Argentins commentant cette élection. L’un demande à l’autre : Pourquoi autant de Français votent à l’extrême-droite ? et l’autre : parce qu’elle diffuse un message simple et très clair. Lequel ? Liberté, égalité, fraternité, mes c…lles.

04/04/2022 : visite surprise

Le nouveau président chilien Gabriel Boric a réservé sa première visite officielle à l’étranger à son homologue et voisin argentin, Alberto Fernández, avec lequel il partage sans nul doute une proximité politique propice à de bonnes relations diplomatiques entre ces deux pays pourtant, à la manière de la Grande-Bretagne et de la France, aussi proches qu’éternels rivaux.

Il est certain que les deux présidents n’auront pas manqué de sujets de conversation politique, la victoire de Boric ouvrant une sorte de parenthèse enchantée à son homologue argentin plutôt chahuté dans son propre pays en ce moment. Ils en auront sans doute profité pour parler de la difficulté de gouverner durablement à gauche dans un cône sud toujours étroitement surveillé par «L’empereur du nord», qui n’aime jamais autant les leaders de gauche sudistes que lorsqu’ils restent dans l’opposition.
Il est vrai que cette même gauche sud-américaine, ces derniers temps, semble reprendre quelques couleurs, du Chili au Pérou en passant par la Bolivie, et, espère-t-elle, en attendant le retour de Lula aux affaires au Brésil.

Mais loin de ces considérations politiques, Gabriel Boric a également rendu une sorte d’hommage à une belle et grande spécialité argentine : la lecture, et, corollairement, la grande tradition des librairies indépendantes qui pullulent dans tout le pays. Profitant de la proximité de son hôtel, situé dans le quartier moderne de Palermo à Buenos Aires, il a fait un saut jusqu’à la petite librairie voisine, «Eterna cadencia», pour feuilleter et acheter quelques bouquins. Pour l’anecdote, comme le rapportent Pagina/12 et Clarín, il en a acheté cinq, dont celui de Mariana Enríquez, «Alguién camina sobre tu tumba» (Quelqu’un marche sur ta tombe), chronique de ses visites de cimetières (voilà au moins un intérêt que je partage avec cette auteure argentine et le président chilien !).

Occasion de rappeler en effet que l’Argentine, c’est le pays des livres et des librairies. Des grandes, des moins grandes, mais également des bouquinistes, bien plus nombreux à Buenos Aires que nos braves bouquinistes des bords de Seine. Un article du quotidien Infobae nous apprend ainsi qu’il existerait 25 librairies pour 100 000 habitants à Buenos Aires (Plus de 700 en tout, donc) ! Naturellement, inégalement réparties sur la surface, avec des quartiers surreprésentés dans le centre et les quartiers touristiques (Recoleta, San Telmo), et des quartiers plus populaires relativement oubliés, comme Barracas ou Villa Soldati.

Il existe également une autre tradition très suivie : celle des foires aux livres d’occasion qui ont lieu tout au long de l’année. Les plus marquantes : celle, quasi permanente, de Recoleta, non loin du fameux cimetière et du célèbre bar «La Biela», qui se tient chaque fin de semaine, celle du quartier Caballito, tous les jours, ou encore celle qui se tient autour du Parque Centenario, proposant elle aussi quotidiennement divers stands du même type que nos bouquinistes parisiens.

Une simple promenade le long des avenues Corrientes ou Santa Fe nous donne une idée du succès de ce genre de librairies : il y en a quasiment une tous les trois cents mètres, de chaque côté du trottoir ! Et personnellement, même en plein mois de février (équivalent de notre mois d’août de vacances), je n’en ai jamais rencontré une de vide.

Un grand festival du livre a lieu chaque année et reçoit environ un million de visiteurs. Cette année, il se tiendra du 26 au 28 avril, au Centre d’exposition de La Rural, près de la Plaza Italia, dans le quartier de Palermo.

Outre ce nombre hors norme de librairies, Buenos Aires abrite également celle qui est considérée comme l’une des plus belles du monde : l’Ateneo. Située sur l’avenue Santa Fe, elle s’est d’abord appelée «Grand Splendid», car c’était à l’origine un théâtre à l’ancienne, où se produisaient les chanteurs de tango les plus fameux, dont le célèbre Carlos Gardel. Inauguré en 1919, il a été revendu en 1930, a servi de nombreuses années de cinéma, pour être racheté en 2000 par la Société El Ateneo qui l’a donc transformé en librairie, se servant de l’orchestre et des différents niveaux de balcons pour y installer ses étagères de livres. La scène, quant à elle, sert aujourd’hui de café ! Fort heureusement, l’ensemble architectural a été entièrement préservé, ce qui lui fait mériter son titre de «deuxième plus belle librairie du monde». (La première serait celle de la Selexyz Dominicanen à Maastricht aux Pays-Bas).

Librairie de l’Ateneo – Vu sur les balcons

L’Ateneo est ainsi devenu une des attractions touristiques à ne pas manquer dans la capitale argentine, au même titre que le Caminito, le musée des Beaux-arts, le Théâtre Colón ou le Palais Barolo. Voir ainsi les livres «mis en scène», au sens propre comme au sens figuré, est un régal pour les yeux, et justifie la promenade, même si on ne vient pas spécialement acheter des livres. D’autant qu’il est un des derniers vestiges de l’architecture des salles de spectacle du début du XXème !

Au fond, la scène et son café

A lire également au sujet de l’Ateneo l’article assez complet (de 2011) sur le blog «Petit Hergé de Buenos Aires».