En passant par Mendoza et Maipú

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Très amateur de vin, je ne pouvais pas imaginer ce nouveau voyage en Argentine, sans me rendre dans l’une de ses capitales mondiales : Mendoza et son célèbre malbec, cépage importé de France (région de Cahors).

Si le malbec, également dénommé «côt», est devenu emblématique de l’Argentine, (1/4 des raisins produits dans le pays proviennent de ce cépage), il est essentiellement concentré dans la province de Mendoza (85% des surfaces plantées), vinifié seul ou en assemblage. On y trouve encore des vignes de 80 ans qui n’ont jamais été greffées.

On y cultive aussi un large éventail d’autres cépages français aussi bien en rouge (le cabernet sauvignon, la syrah, le merlot, le pinot noir), qu’en blanc (le chardonnay, le chenin, le sauvignon, le sémillon, ainsi que l’ugni blanc, cépage utilisé en France notamment pour l’élaboration du cognac et de armagnac).

Vignes à Maipú – 2020

On y trouve encore quelques cépages « créoles » issus du croisement de cépages importés, l’Argentine étant un des rares pays au monde à élaborer du vin à partir de ces cépages.

Difficile de croire que cette ville se trouve en plein désert, avec ses larges avenues arborées et les nombreuses fontaines qui ornent ses places : Mendoza la bien nommée «ville forêt» et ses cinquante mille arbres, a beaucoup d’atouts pour séduire.

Mendoza : Plaza Independencia – 2020

La viticulture remonte ici au XVIème siècle avec l’arrivée des jésuites qui ont ramené et planté, autour de leurs monastères, des pieds de vigne pour produire leur vin de messe.

L’activité viticole s’est ensuite développée au gré des vagues d’immigration européenne successives, qui en apportant leur savoir-faire, ont fait de la province de Mendoza la plus importante et la plus ancienne région viticole d’Argentine.

En 1853, Domingo Faustino Sarmiento, futur président de la République (1868-1874), conseille au gouverneur de Mendoza, Pedro Pascal Segura, d’engager un agronome français qu’il a rencontré au Chili, Michel Aimé Pouget, pour développer le vignoble.

Celui-ci importe à Mendoza les premiers plants de malbec et les méthodes de son pays natal pour en faire une industrie moderne.

La région de Mendoza n’a pas été choisie au hasard : sa topographie, sa géologie et son climat en font un lieu idéal.

L’une des clés de la réussite de sa viticulture réside dans la maîtrise de l’irrigation : en l’absence des pluies bloquées par la Cordillère des Andes, c’est la fonte des neiges des montagnes andines qui alimente les canaux d’irrigation dont bénéficie la vigne.

Elle profite également de l’importance des écarts de température de ces zones désertiques : la chaleur des journées favorise la production de sucre, la fraicheur des nuits garantit un bon niveau d’acidité, le faible taux d’humidité protège des champignons et insectes nuisibles.

Pour faire connaissance avec les productions locales, nous optons pour une demi-journée d’excursion proposée par une agence de tourisme : direction Maipú, une petite dizaine de kilomètres au sud-est de Mendoza.

Au programme, visite de trois propriétés viticoles, et, surprise, d’une fabrique d’huile d’olive et de vinaigre.

La visite des deux premières «bodegas» est bien rodée : découverte au pas de charge de parcelles de vignes et des chais, dégustation au même rythme de trois sortes de vins. On n’est pas là pour trainasser : les cars succèdent aux cars ! C’est un peu rapide pour avoir le temps de bien déguster les produits locaux, assez cependant pour faire connaissance avec un charmant couple de touristes «Rosarinos» (De Rosario, en Argentine), et échanger nos connaissances vinicoles respectives ! Quoi de mieux qu’un verre de bon vin pour briser la glace ?

La troisième propriété visitée se démarque des deux premières par l’originalité de ses productions.

Cette «bodega», fondée en 1912 par un immigré italien, Antonio Florio, s’est spécialisée dans la production de «vins italiens» à partir de cépages tels que le Chianti, de «vins fortifiés» tels que le Marsala, le Porto, le Moscato, ainsi que des «vins effervescents».

Bodega Florio – Maipú – 2020

La bonne surprise de l’après midi est la visite et la découverte de l’activité de l’Olivicola Laur y Acetaia Millán.

Cette fabrique d’huile d’olive, fondée en 1906 par Francisco Laur, immigré français venu faire fortune à la «Cruz de Piedra» à Maipú, est devenue la 1ère entreprise d’oléiculture d’Argentine, et occupe depuis 2019, le 4ème rang du classement mondial des meilleurs oléiculteurs.

Fabrique d’huile Laur – 2020

Rachetée en 2010 par la famille Millán, l’entreprise s’est lancée, en 2013, dans la fabrication du vinaigre balsamique traditionnel, ce qui n’a pas manqué de piquer notre curiosité puisque ce produit bénéficie d’une appellation contrôlée historiquement réservée aux provinces de Modène et de Reggio Emilia !

Toutefois, nous apprenons qu’en dehors de l’Europe, trois entreprises, sises à Toronto, Tokyo et donc Mendoza, sont certifiées par le «Consorzio Tutela del Aceto Balsamico di Modena», garant de la qualité des produits, des méthodes et procédures de fabrication spécifiques, et sont autorisées à produire ce vinaigre.

La visite commence par l’oliveraie, aujourd’hui plus que centenaire, puis par celle de la fabrique, à la pointe des méthodes modernes de production. Nous découvrons également le musée où sont exposées les différentes machines utilisées à travers les âges.

Nous terminons par la découverte des chais de vieillissement du vinaigre élaboré selon un procédé ancestral développé à Modène.

Tout commence par la production d’un moût de raisin cuit (ici de l’Ugni Blanc) qui passe ensuite par un processus de vieillissement dans une batterie de cinq fûts en bois de tailles et d’essences différentes (chêne, châtaignier, cerisier, frêne et acacia) et permettant l’évaporation.

Huilerie Millán : presses – 2020

Chaque année, la partie évaporée est remplacée par une partie du contenu du fût immédiatement précédent ; le dernier par du nouveau moût cuit.

La durée de vieillissement étant d’au minimum 15 ans, ce n’est donc qu’en 2029 que l’Acetaia Millán deviendra la 1ère entreprise de l’hémisphère sud à embouteiller du vinaigre balsamique «IGP».

Si elle est connue du monde entier pour ses vignobles et la qualité de ses grands crus, Mendoza est une ville surprenante. Elle n’est pas la ville oasis que certains y voient. C’est une ville verdoyante au cœur du désert qui entoure les Andes, riche de son histoire et de l’apport de ceux qui s’y sont installés.

Avant d’être créé en 1561 par un dénommé Pedro del Castillo, le site était occupé par des tribus indigènes dont les «Huarpes» à qui l’on doit ce système d’irrigation appelé «acequias» qui a permis de transformer cette zone désertique en cité verdoyante, système d’irrigation toujours utilisé aujourd’hui pour l’activité phare de la Province de Mendoza.

La base urbanistique de la ville actuelle fut créée en 1863 par le français Jules Ballofet, chargé de reconstruire, un peu plus loin du site originel, la ville rasée par le violent séisme de 1861.

Ainsi, tout au long de son histoire, on y retrouve l’empreinte de nombreux français qui ont contribué à la construction et à la réputation de ce qui est aujourd’hui la 4ème ville d’Argentine.

Mendoza : parc du “Museo del área fundacional » (Musée archéologique de la ville) – 2020

IV. La guerre des Malouines

En pleine déconfiture économique, la junte militaire choisit de placer le général Leopoldo Galtieri à la tête de l’état argentin, en lieu et place de Roberto Viola.

La crise aiguë que vit le pays commence à rompre les digues de la peur vis-à-vis de la répression. Le 30 mars 1982 a même lieu ce qu’on ne pensait plus possible sous le joug militaire : une manifestation ouvrière monstre, défilant au cri de «Paix, pain et travail». L’étau qu’avait réussi à serrer la dictature autour de la société argentine commence à donner des signes de relâchement.

Alors, quelle meilleure recette, pour resserrer à nouveau les liens distendus avec le peuple, que de faire jouer la corde nationaliste ? Depuis 150 ans, face à la Patagonie, les Anglais occupent illégalement, selon les Argentins, des îles qui appartiennent de droit à l’Argentine, d’après un accord signé en 1790 ! Par ailleurs, pensent-ils, en Europe la première ministre Margaret Thatcher a d’autres chats à fouetter que la défense d’un caillou incultivable : elle est contestée jusque dans son propre parti.

C’est le moment ou jamais, se dit Galtieri, de tenter quelque chose. Le 2 avril, les forces argentines débarquent sur les îles et réduisent rapidement la mince garde anglaise chargée de les défendre. L’hôtel du gouvernement tombe aux mains des Argentins, presque sans effusion de sang : il y aura un mort.

La manœuvre de la dictature fonctionne au-delà de ses espérances : enthousiaste, le peuple argentin dans sa grande majorité acclame les militaires pour cette victoire éclair. Enfin, justice est faite, les Malouines sont revenues dans le giron légitime de la mère patrie, l’envahisseur anglais est chassé !

Manifestation de liesse populaire

Le 3 avril, le Conseil de sécurité de l’ONU statue sur la nouvelle crise ouverte, et exige des parties en conflit d’ouvrir des discussions diplomatiques, après cessation des hostilités et retrait des forces argentines.

Le 8 avril, le ministre des Affaires étrangères étatsunien, Alexander Haig, se rend à Buenos Aires pour mettre en garde la junte contre le risque d’une guerre ouverte, et insiste sur la supériorité militaire des Britanniques dans ce cas. Galtieri n’en tient aucun compte. Au contraire. Au balcon du palais présidentiel, devant la foule en liesse, il proclame, solennel «S’ils veulent venir, qu’ils viennent, on leur livrera bataille».

De son côté, Thatcher n’a pas non plus la moindre intention de négocier. Ce conflit arrive à point nommé : l’occasion est trop bonne pour elle aussi de rassembler son peuple autour de la poursuite d’un projet conservateur qui commençait à s’essouffler.

Les Etats-Unis continuent de jouer les intermédiaires. Le 15 avril, Reagan et Galtieri se parlent au téléphone, et tombent plutôt d’accord pour considérer qu’un conflit entre pays de l’ouest servirait les intérêts de l’ennemi commun soviétique. Reagan promet la neutralité dans les négociations en cours. Une neutralité qui ne va pas durer longtemps. Face à la mauvaise volonté des Argentins, qui ne cèdent rien, les Nord-Américains se lassent, et finissent par leur couper les vivres : plus question de fournir de l’armement, notamment.

Pendant ce temps, les Anglais quant à eux ne restent pas inactifs. Face à la menace, Thatcher a réagi au quart de tour, lançant dès le début avril l’opération «Corporate». A savoir : envoi de deux porte-avions, un sous-marin et 30 000 soldats, et déclaration d’une zone d’exclusion de 320, puis 370 kilomètres autour des îles.

Le 2 mai, le sous-marin «Conqueror» torpille et coule le croiseur argentin «Général Belgrano». 323 marins argentins trouveront la mort. Ce grave incident a lieu qui plus est en dehors de la zone d’exclusion. La guerre est ouverte. Elle ne va pas durer longtemps.

En effet, et comme l’avait laissé entendre le Secrétaire d’Etat étatsunien Alexander Haig, les forces argentines ne font pas le poids. N’oublions pas qu’il s’agit d’une armée qui n’a jamais fait la guerre au cours du XXème siècle. Ses généraux, mêmes formés en partie par l’Armée nord-américaine, manquent d’expérience et de compétence. Les soldats quant à eux sont pour la plupart de jeunes recrues, mal entrainées et mal équipées, qui ont face à eux des troupes professionnelles dotées d’un armement ultramoderne et puissant.

Par ailleurs, l’Argentine n’a que peu d’alliés. Même pas – ou surtout pas, plutôt – le Chili de Pinochet : en 1978, les deux pays ont été au bord de la guerre ouverte au sujet des limites de la Patagonie. Et Pinochet ne ferait rien de toute façon qui pourrait contrarier le suzerain nord-américain.

Malgré tout, les troupes argentines résistent héroïquement à la contre-attaque britannique. Leurs aviateurs font des miracles, coulant même le destroyer « Sheffield ». Mais les Anglais parviennent à prendre pied, et remportent deux batailles décisives sur le terrain : le 21 mai en débarquant à San Carlos, et sept jours plus tard en s’emparant de l’isthme séparant les deux parties de l’île orientale (Isla Soldedad), appelé Isthme de Darwin (Bataille de Pradera del Ganso, Goose Green en anglais, du nom du village situé sur l’isthme).

Le 8 juin cependant, les Argentins parviennent à stopper un nouveau débarquement anglais, en bombardant et coulant deux navires depuis leurs avions, causant 51 morts et 200 blessés anglais. Malgré tout, les forces argentines sont dans l’incapacité, faute de moyens, de pousser cet avantage. Le 11 juin, les Anglais attaquent la capitale des Malouines, Puerto Argentino (Port Stanley) encore aux mains des Argentins.

Le 14 juin, le général Mario Menéndez, en dépit de l’ordre donné par Galtieri de continuer la lutte coûte que coûte, décide de jeter l’éponge : plus aucun espoir de renverser la situation. Les Argentins se rendent.

Fin de partie

Le conflit se sera donc soldé par la mort de 650 soldats Argentins, et 250 Anglais environ. Sans compter les dégâts psychologiques : environ 500 vétérans finiront par se suicider dans les années qui suivront ce conflit.

Pour la population argentine, c’est un choc. Personne n’envisageait la possibilité d’une défaite : la propagande, ainsi que l’unité autour du projet nationaliste des militaires, n’avaient pas peu contribué à endormir les esprits. La réaction est à la mesure de la déception : les généraux au pouvoir sont définitivement discrédités, et doivent rendre des comptes. Galtieri est naturellement remplacé, c’est un autre général qui occupe son fauteuil : Reynaldo Bignone. Celui-ci ne compte pas vraiment sur un soutien inconditionnel des Forces Armées (nombre de cadres quitteront la junte après sa nomination), et il n’est tout bien considéré qu’un président de transition. La junte a perdu tout soutien populaire, les Argentins en réclament le départ au plus vite.

Le 16 décembre, la coalition des partis démocratiques civils («multipartidaria») organise une grande manifestation. Réprimée celle-ci aussi, mais cette fois, les militaires ne parviennent pas à étouffer la contestation dans l’œuf de la terreur : ils ne font plus peur à personne. Bignone est contraint d’annoncer la tenue d’élections libres pour le 30 octobre 1983. La page de la dictature se tourne enfin.

Voir également : « Brève histoire des Iles Malouines » sur ce même blog.

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Le rôle trouble de certains officiers durant cette guerre vient d’être révélé dans un article du 22 mars 2022 du quotidien « La Nación ». Il montre comment des militaires ont tenté de se faire verser d’énormes pots de vin lors d’achat d’armes, notamment à Israel, avec le Pérou, alors dirigé par le général Francisco Morales, comme intermédiaire.

Guerre en Ukraine : quelles conséquences pour l’Amérique latine ?

Comme les journaux européens, les quotidiens argentins s’intéressent de près au conflit ukrainien, même si celui-ci reste, dans l’esprit du public, relativement lointain et, pour le moment, n’a pratiquement pas de répercussions visibles sur le quotidien des habitants du cône sud.

Néanmoins, dans le monde d’aujourd’hui, est-il vraiment possible d’imaginer qu’il n’ait aucun impact ?

C’est la question posée dans le quotidien de gauche Pagina/12 par Gerardo Szalkowicz, qui intitule son article «Conflit Russie-Ukraine : impacts et défis pour l’Amérique Latine». En voici un petit résumé.

1. Les dommages collatéraux.

Tout d’abord, et ceci n’est évidemment pas spécifique au continent sud-américain, des conséquences économiques. L’augmentation du prix, et l’effondrement de la production des matières premières produites par les deux belligérants, et dont ils sont des leaders mondiaux, comme le blé, l’huile de tournesol, le maïs, le gaz, va mécaniquement mettre en difficulté les pays sud-américains importateurs. Par ailleurs, la fermeture de l’espace aérien aux avions russes affectera la manne touristique de pays comme Cuba ou la République Dominicaine, où les touristes russes représentent une part importante des apports de devises. La dépendance des pays d’Amérique latine à un système essentiellement agro-exportateur est sa faiblesse : elle dépend des cours mondiaux, et si la crise sanitaire l’a considérablement affaiblie, ce nouveau conflit de portée mondiale ne lui donne guère de perspectives positives.

2. L’Amérique Latine sur l’échiquier mondial

Les républiques latino-américaines se sont forgées au XIXème siècle en fonction des besoins et des intérêts des puissances « mères » européennes. Le XXème siècle a représenté un certain changement de cette donne, avec le surgissement des Etats-Unis comme puissance dominante, transformant les voisins du sud en « arrière-cour » politique aussi bien qu’économique. Des Etats-Unis encore renforcés par la chute de l’URSS, leur permettant d’asseoir davantage leur domination, y compris sur l’Europe. Mais là aussi, la donne commence à changer, avec la montée en puissance d’autres partenaires potentiels comme la Russie, justement, et surtout la Chine.

La Russie notamment a recréé des liens forts avec les pays les plus éloignés de l’orbite étatsunien, comme le Venezuela, Cuba et le Nicaragua. Mais également avec des pays pourtant réputés plus proches des Etats-Unis comme l’Argentine et le Brésil.

Il n’y a pas d’unité de posture parmi les différents pays sud-américains. Ainsi, quand « l’axe bolivarien » (Les pays les plus non-alignés, alliés du Venezuela, NDLA) a plutôt soutenu les Russes, les droites latino-américaines ont brandi le drapeau ukrainien, déguisant leur subordination aux puissances occidentales sous le masque d’un récit pacifiste hypocrite, quand on connait leur absence totale de réaction face aux 50 interventions nord-américaines dans le sud par le passé. Quant aux autres, leur réaction oscille entre franc rejet de l’invasion russe et critique molle.

Citant l’ancien journaliste du Monde Diplomatique Ignacio Ramonet, Gerardo Szalkowicz souligne que cette guerre « change la réalité planétaire et marque l’entrée du monde dans une nouvelle ère géopolitique ». Elle survient au moment où l’Amérique latine se trouve en pleine redéfinition de ses projets progressistes, conduits par des leaders plus modérés qu’auparavant. Elle vient à point nommé pour accélérer un processus d’articulation commerciale plus structuré.

Pour conclure, Gerardo Szalkowicz mise sur l’arrivée au pouvoir de personnalités progressistes comme Gabriel Boric au Chili (il vient d’être investi comme président de la république), Gustavo Petro (leader de la gauche colombienne) et Ignacio Lula Da Silva, l’ancien président brésilien, tous deux favoris pour les prochaines élections, pour cimenter l’unité sud-américaine et lui redonner la cohésion nécessaire aux défis à venir.

 

14/03/2022 : revue de presse

Ce lundi, la presse argentine semble délaisser ce qui faisait les principaux titres ces derniers jours, à savoir l’accord signé entre l’état et le F.M.I. Celui-ci devrait permettre à l’Argentine, en grande difficulté financière, d’étaler sa dette colossale et de pouvoir un peu renflouer ses caisses. L’accord a été approuvé par la majorité du parlement, tout en provoquant des frottements internes dans les différents partis. En effet, à droite, la philosophie est d’ordinaire plutôt favorable au F.M.I., mais étant actuellement dans l’opposition, certains se voyaient mal approuver un accord négocié par un gouvernement qu’ils abhorrent. Côté péroniste au contraire, cet accord avec le gendarme financier du monde libéral fait grincer quelques dents. Au final, on a donc assisté à un vote trans-courant.

L’accord signé, la presse peut donc s’éloigner un peu des thèmes de politique intérieure. Ce qui fait la une aujourd’hui, c’est donc naturellement la guerre en Ukraine. Le quotidien Clarín en fait l’essentiel de sa une de ce lundi, en développant trois grands axes : les bombardements sur la base de Yavoriv, les réfugiés (ici, en se concentrant sur ceux accueillis par l’Espagne), et une série de tribunes sur la psychologie du président russe, de la fabrication d’un dictateur au désir de Poutine d’effacer les erreurs commises par Lénine et Staline, en passant par la jalousie de Wladimir le petit.

Dans l’ensemble, le ton de la presse argentine est largement défavorable au leader russe, y compris dans les journaux de gauche, même si Gerardo Szalkowics, dans Pagina/12, renvoie dos à dos Russes et occidentaux en ce qui concerne la responsabilité du conflit, les uns menant une invasion «brutale et inhumaine», les autres et notamment l’OTAN, ne respectant aucun des accords diplomatiques pris avec la Russie concernant le thème de la sécurité des frontières et la neutralisation des zones proches de la Russie. (Voir notre résumé de cet article ici).

La Nación, autre quotidien plutôt situé à droite, relève le changement de position du gouvernement péroniste vis-à-vis du président Russe, jusqu’à il y a peu considéré comme un partenaire fiable. Ce changement, selon La Nación, aurait provoqué de fortes dissensions au sein du gouvernement, et entrainé la démission de certains membres du ministère des Affaires étrangères. Le quotidien indique que «L’invasion et ses conséquences atroces sur les populations civiles ont éteint les voix qui à l’intérieur du gouvernement défendaient les liens politiques et commerciaux avec le président russe, auquel le président argentin Alberto Fernández avait offert l’Argentine comme portail d’entrée sur le continent il y seulement un peu plus d’un mois. Mais les tensions persistent et ceux qui défendaient cette position ont été réduits au silence ou discrètement écartés, en même temps que les liens avec les Etats-Unis (…) ont été renforcés concomitamment  avec la signature de l’accord avec le F.M.I.»

On notera néanmoins la différence de couverture du conflit par ces deux principaux quotidiens argentins, La Nación restant davantage centré sur les thématiques nationales. C’est le cas également du journal de gauche Pagina/12, qui ne propose qu’un article en une sur l’Ukraine, de nature factuelle. Ce qui est le cas également du Diario Popular, qui s’attarde cependant sur la mort d’un journaliste abattu au nord de Kiev et les menaces de Biden affirmant que l’OTAN répliquerait en cas de franchissement de frontière des Russes vers un pays de l’Alliance.

Ce qui préoccupe également les quotidiens argentins en ce lundi, outre le conflit, c’est surtout l’augmentation du carburant, qui devrait prendre environ 10% dans les jours à venir et la suspension des exportations d’huile de soja et de farine (Avec en préparation une augmentation des taxes prélevées aux différents secteurs sur les exportations).

Pour l’anecdote, notons que Clarín parle de notre PSG en une aujourd’hui. Pour souligner qu’après la (nouvelle) honteuse défaite face à un rival espagnol, les supporters s’en prennent, entre autres, à l’icône argentine Leo Messi et au non moins argentin entraineur Mauricio Pochettino. Le seul épargné aura été le Français Kylian M’Bappé, qui, fait malicieusement remarquer le quotidien, serait annoncé l’an prochain… au Real Madrid.

Brève histoire des Iles Malouines

 

(Voir également l’article sur le déroulement de la guerre sur ce même blog)

Les Iles Malouines – Situation géographique

L’antériorité de la découverte des îles est âprement disputée. Selon les sources, elles auraient été vues pour la première fois par l’explorateur Amerigo Vespucci (celui-là même à l’origine du nom du continent : l’Amérique) entre 1501 et 1504, ou par le Portugais Magellan en 1520, ou le jésuite espagnol Francisco de Ribera en 1540. Aucune trace tangible que l’un d’entre eux ait réellement posé le pied sur les îles. Les Anglais en tiennent soit pour le corsaire Richard Hawkins en 1574, soit pour John Davis en 1592. Mais ce ne sont pas les seuls «candidats» à la primauté.

Chacun d’ailleurs les a baptisées de manière à «marquer» le territoire de son empreinte : «Iles méridionales de Davis», «Iles Sebald» (du nom d’un navigateur Hollandais), «Hawkins maiden land», par l’Anglais Richard Hawkins.

Ce qui est attesté en revanche, c’est qu’en 1764, ce sont des marins bretons venus de Saint Malo qui les baptisent « Iles Malouines », nom qui restera, du moins dans les langues latines. Le nom gardé par les Britanniques, « Falkland islands », est semble-t-il plus ancien encore, donné par le navigateur écossais John Strong en 1690 en l’honneur du Comte de Falkland.

Ce petit archipel ne va pas cesser de changer de propriétaires au cours du temps. En 1764 donc, les Français, conduits par Louis de Bougainville, installent une sorte de comptoir, Port-Louis (le village existe encore sous ce nom, au nord de l’île orientale, Isla Soledad en espagnol). Les Espagnols râlent aussitôt : ils considèrent les îles comme partie des territoires sud-américains qu’ils ont déjà conquis. Notre bon roi Louis XV, qui a déjà perdu la guerre de Sept ans et corollairement la plupart de nos colonies américaines, Canada compris, baisse pavillon et admet l’illégalité du comptoir français. Les îles restent espagnoles, après remise néanmoins d’une jolie somme aux Français en dédommagement de leurs dépenses d’installation à Port Louis.

Les tontons flingueurs Anglais ne tardent pas à rappliquer, comme toujours quand ils sentent qu’il y a moyen de rafler des marrons déjà tirés du feu. C’est que les îles constituent une sorte de porte d’entrée du Pacifique, sans être obligé de passer par le continent «espagnol». En 1765, ils fondent Port Egmont, aujourd’hui Saunders. Commence alors une dispute anglo-espagnole. Chacun revendique l’antériorité de la découverte des îles. Pas facile de trancher, entre ceux qui ont vu en premier, ceux qui ont accosté en premier, ceux qui se sont installés en premier, etc…

En 1770, les Espagnols parviennent à déloger les Anglais de Port Egmont. S’ensuit une querelle diplomatique assez acharnée : on est au bord de la guerre. Un accord est alors signé, permettant aux Anglais de pouvoir se retirer sans perdre la face : c’est l’accord de San Lorenzo (accord de Nook, en Anglais), signé en 1790. Dans un premier temps, les Espagnols permettent leur réinstallation à Port Egmont, puis la couronne d’Angleterre décrète qu’elle abandonne la souveraineté des îles aux Espagnols. En Angleterre, ça râle sec : on a l’impression de s’être fait avoir, et que le bon George III a baissé le pantalon.

Néanmoins, par cet accord, les Espagnols conservent l’autorité sur les îles, rattachées au Vice-Royaume de La Plata, la future Argentine. La population est alors essentiellement composée de militaires et de prisonniers, car les Espagnols y ont implanté un pénitencier en 1780. L’intérêt économique des îles n’est pas très évident !

Les Iles Malouines, carte argentine.

1810 : début du processus d’indépendance du vice-royaume de La Plata. Les Espagnols ont besoin de troupes pour affronter les indépendantistes : l’archipel se vide de ses habitants militaires.

1816 : l’Argentine est enfin totalement indépendante, les Malouines passent sous l’autorité du nouvel état, encore appelé «Provinces unies du Río de La Plata».

1823 : installation du gouverneur argentin Pablo Areguatí. La souveraineté de l’Argentine sur les îles, qui pour l’essentiel redeviennent un centre pénitentiaire, est officiellement proclamée, et avalisée par les autres nations. Dont, faut-il le remarquer, l’Angleterre, qui ne moufte pas à ce moment-là.

1825 : concession des droits de pêche, de chasse et d’élevage à la société fondée par l’Allemand d’origine française Louis Vernet, qui reconstruit l’ancien comptoir de Port-Louis. C’est le vrai départ économique de l’archipel, qui commence à se peupler autrement que de bagnards.

1829 : Les Anglais relèvent les sourcils. On pourrait donc tirer quelque bénéfice de ces cailloux atlantiques ? Commence alors ce qu’on n’appelle pas encore un «lobbying» de quelques entrepreneurs anglais auprès de la Couronne. Après tout, quand l’Angleterre s’est retirée en 1774, légalement, est-ce qu’elle a vraiment abandonné tous ses droits ? (Réponse : oui, mais poser la question, c’est toujours jeter un doute utile)

1830 : en vertu de l’interdiction de pêche décrétée par le gouvernement argentin, trois navires étasuniens sont arraisonnés et conduits à Buenos Aires. Les nord-américains protestent : personne au monde ne peut leur interdire de pêcher où bon leur semble, décret ou pas décret. Ils menacent : ou les Argentins libèrent leurs navires, ou ils débarquent sur les Iles Malouines.

Les Anglais sautent sur l’occasion, et appuient la demande nord-américaine, insistant sur «l’illégalité» de l’occupation de l’archipel par les Argentins, et leur propre souveraineté restée intacte depuis 1774. (Oui, ils s’assoient encore une fois sur l’accord de San Lorenzo, et alors ?)

1831 : Fort de ce soutien, les États-Unis envoient un navire à Puerto Soledad, et prennent possession du port. Parallèlement, ils négocient avec les Anglais le futur statut de l’archipel : la pleine souveraineté laissée aux Britanniques en échange d’un droit illimité de pêche. Après l’intrusion nord-américaine, les îles ont sombré dans un état d’anarchie, il n’y a plus d’autorité constituée.

1832 : pour rétablir l’ordre, l’Argentine envoie un nouveau gouverneur, Esteban Mestivier. Mais sa tentative de reprise en main arrive trop tard. Il est assassiné par un groupe factieux, le désordre est à son comble, et les îles ne sont plus suffisamment défendues par les autorités argentines. Les Anglais vont en profiter.

1833 : Les Anglais débarquent à Port Egmont. Le port est en ruines, mais ils décident de le remettre en état. La faible défense argentine, conduite par José María Pinedo, ne peut endiguer l’invasion britannique. Le 3 janvier, Pinedo quitte les îles, sur lesquelles flottent désormais les couleurs anglaises. Ceux-ci emploient alors une méthode efficace pour s’assurer un contrôle a priori définitif : peupler les îles de colons britanniques, qu’on appelle aujourd’hui les «Kelpers». Plus d’argentins, plus de problème. Jusqu’en 1982, donc, comme on pourra le lire dans l’article principal.

Les Iles Malouines, version anglaise.

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Point sur la situation actuelle

En réalité, le différent à propos des Malouines englobe aussi les îles Sandwich et La Georgie du sud, également sous tutelle britannique (Voir carte ci-dessous).
L’ONU a promulgué deux résolutions importantes qui font référence pour ce conflit, mais également et plus globalement pour différents cas similaires.

1. La résolution 1514, datée du 14 décembre 1960.

L’Argentine s’appuie sur ses articles 1 (s’opposant à l’exploitation d’un peuple par une puissance étrangère) et 6 (sur l’intégrité territoriale inaliénable) pour affirmer le caractère colonialiste de «l’occupation» britannique. En réalité, cette résolution affirme surtout le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Or, les habitants des Falklands sont pratiquement tous d’origine britannique. En 2013, lors d’un référendum, ils ont affirmé à une majorité écrasante préférer rester sous tutelle britannique. Mais l’Argentine conteste ce point, non sans arguments : la population des îles n’est pas une population native, mais une population entièrement importée, et par là même, peut et doit être considérée comme une population coloniale, et non une population native colonisée. Par ailleurs, le paragraphe 6 de la résolution s’applique parfaitement aux îles : celles-ci ont été illégalement détachées de l’ensemble territorial argentin (Elles font partie intégrante de la plateforme continentale sud-américaine). Les Britanniques de leur côté répliquent que l’origine des habitants ne saurait être un argument valable pour contester leur droit à l’autodétermination, en s’appuyant sur l’article 5, qui stipule que «des mesures immédiates seront prises (…)pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires, sans aucune condition ni réserve, conformément à leur volonté et à leurs vœux librement exprimés, sans aucune distinction de race, de croyance ou de couleur, afin de leur permettre de jouir d’une indépendance et d’une liberté complètes».

2. La résolution 2065, du 16 décembre 1965.

Cette résolution plus spécifiquement consacrée au différent anglo-argentin enjoint les deux parties à engager une négociation sans délai pour trouver une solution au conflit, pacifique, respectant les termes de la résolution 1514, et préservant l’intérêt de la population des îles. En préambule, elle rappelle clairement le caractère colonial de l’occupation des îles.

D’autres résolutions ont également été votées pour insister sur la nécessité pour les parties de ne prendre aucune initiative unilatérale qui pourrait compromettre le processus de discussion pacifique. Or, selon les Argentins, la Grande-Bretagne ne respecte pas ces résolutions. Elle refuse systématiquement de s’asseoir à la table des négociations, et, justement, ne se prive pas de mener des activités unilatérales, en militarisant la zone et en exploitant les ressources des îles. Ce que les Anglais contestent : les forces militaires installées depuis 1982 n’ont selon eux que des visées défensives, et l’exploitation des ressources est faite dans l’intérêt de la population locale.
En réalité, comme le prouvent les interventions répétées des diplomates britanniques, pour la Grande-Bretagne, il n’y a rien à négocier. En la matière, l’ONU reste impuissante à faire appliquer correctement ses résolutions. Par ailleurs, l’intervention militaire de 1982 a fortement fragilisé la position argentine, tout en renforçant la tutelle britannique. La résolution du conflit est encore très éloignée !

Situation géographique des Iles Malouines (Falklands), Georgie et Sandwich.

10/02/2022 : polémique sur les bus

Grosse polémique en ce moment à Buenos Aires. Pour satisfaire aux exigences du FMI, qui comme à son habitude, réclame en échange de ses bons offices (c’est-à-dire : un gros prêt) que l’Etat argentin serre les cordons de sa bourse pourtant déjà bien plate, celui-ci envisage de refiler la gestion de 32 lignes de bus de Buenos Aires à l’administration municipale de la ville. Un coup classique qu’on connait bien chez nous : l’état sommé de faire des économies se décharge de certaines dépenses sur des entités régionales. En l’occurrence, les bus portègnes sont un gouffre à subventions : la plupart des compagnies, toutes privées, ne tiennent que grâce aux subsides de l’état, qui verse annuellement 13 milliards de pesos, soit à peu près 107 millions d’euros. Milliards qui pourraient être consacrés, selon le gouvernement, au transport public dans les régions, qui ne bénéficient pas jusque là de la même manne, et où l’usager doit payer son ticket plus cher.

Occasion de revenir sur un système de transport aux traits assez particuliers. Les bus portègnes… Ah, oui, là, je rappelle pour la dernière fois : portègne, c’est l’adjectif qui se rapporte à tout ce qui vient de Buenos Aires. On dit aussi « bonaerense », littéralement buenosairien, mais c’est moins utilisé. Les bus portègnes, donc, existent depuis 1928, année au cours de laquelle une association de taxis décide de créer un système de transport collectif, pour faire concurrence au tram. Là-bas, on les appelle «colectivos», nom utilisé dans tout le pays pour désigner les bus de ville (Pour la route, on dit «micros». Autrement dit, bus en ville, autocar sur la route). Dans la capitale, on dit aussi «Bondi». C’est de l’argot local, le lunfardo.

1928

Ce nouveau système de «colectivos» se met doucement en place. La concurrence est rude, d’autant qu’au début des années trente, ce sont les anglais qui maitrisent le transport portègne, et que le gouvernement de l’époque (des militaires conservateurs) ne sait rien leur refuser. Il ira même, en 1932, jusqu’à restreindre par décret la circulation des nouveaux colectivos pour éviter de leur faire trop d’ombre !

Mais le public est conquis. Ce nouveau type de transport, plus souple, plus rapide, et bon marché, trouve sa clientèle. Petit à petit, le système se réglemente : couleurs distinctes pour les véhicules, définition de lignes et de trajet (1932), installation obligatoire d’un système de vente de tickets – taximètre – à bord, pour contrôler la capacité maximale de passagers (1934), puis création en 1936 d’une Corporation des transports de la ville de Buenos Aires, pour fédérer l’ensemble. Une sorte de monopole, quoi. Mais là encore, il s’agissait de faire plaisir aux Anglais, avec lesquels on venait de signer un accord d’échange commercial préférentiel : exportation de viande contre priorité pour les investissements industriels et exemption de droits de douane pour les produits importés de Grande Bretagne. Pour faire court : le transport par colectivos était rattaché au système de transport ferroviaire, alors totalement entre les mains des Anglais.

La seconde guerre mondiale met un coup d’arrêt au développement du système. D’une part, par faute de pièces détachées (La plupart étaient produites aux États-Unis), d’autre part, à cause d’un conflit ouvert entre la Corporation et les quelques compagnies restées indépendantes, qui se voyaient régulièrement interdites de circulation (La Corporation ayant le pouvoir de les exproprier).

En 1948, la Corporation, mal gérée, est mise en faillite et dissoute. L’État péroniste crée alors une nouvelle compagnie publique : «Transports de Buenos Aires», qui développe des lignes au-delà de la première ceinture de la capitale. Les banlieues sont enfin desservies. Le système reste public jusqu’à la chute du péronisme, en 1955. Ensuite, le nouveau pouvoir (toujours militaire, eh oui !), se lance dans la privatisation : il vend une vingtaine de lignes. Parallèlement, il supprime peu à peu toutes les lignes de tram et de trolley : à la fin des années soixante, il n’y a plus que des bus pour transporter les usagers en ville. Plus, naturellement, les cinq lignes de métro (la 5ème créée en 1966). Mais en ce qui concerne le métro, s’agissant d’une capitale aussi énorme (y vit le tiers de la population argentine, rappelons-le), il est notoirement sous-dimensionné, et ne s’étend pas au-delà des limites de la ville elle-même (Celle-ci compte plus de trois millions d’habitants, 17 millions pour la totalité de l’agglomération. A comparer avec Paris et ses 14 lignes de métro, pour 2 millions d’habitants, 12 en agglo).

1969

Aujourd’hui, la quasi-totalité des compagnies de colectivos est de statut privé, mais l’état garde la main sur l’organisation générale du système. Heureusement : on imagine le chaos si tout le monde pouvait faire selon sa volonté. C’est qu’il y a pas loin d’une centaine de compagnies, pour près de 350 lignes en exploitation ! Mais ces compagnies, pour la plupart, ne survivent que grâce aux subsides de l’état, qui subventionne largement le prix du gazole, d’une part, et celui du billet d’autre part. Et ce depuis la grande crise de 2001, qui avait vu s’effondrer la demande pendant que montait en flèche le prix du carburant. Mais malgré ces subventions, la flotte de bus commence à sentir de plus en plus le vieux. Tous fabriqués selon un modèle unique, ils circulent jusqu’à rendre l’âme. S’il est extrêmement rare de nos jours, de monter dans un bus neuf à Buenos Aires, en revanche il est fréquent d’avoir la sensation, à bord d’un des brinquebalants engins, de voyager dans le temps !

Le gouvernement cherche donc, aujourd’hui, à refiler le bébé à la municipalité de Buenos Aires. Celle-ci, en échange de ce transfert de charges, pourra gérer le système de lignes, décider du prix du billet, du montant des subventions. Mais bon, ça coince, naturellement : le cadeau est totalement empoisonné, s’agissant d’un service qui coûtera toujours plus cher qu’il ne rapporte !

Station Avenue 9 de Julio – Buenos Aires

Selon le journal Infobae, le gouvernement se défend de se soumettre au diktat du FMI. Il ne chercherait qu’à rétablir l’équilibre avec les systèmes de transport de province, qui, eux, ne bénéficiant pas des mêmes subventions, font payer le ticket bien plus cher à leurs usagers. En moyenne, 60-70 pesos par trajet contre 18 à Buenos Aires. Récupérer la manne distribuée jusque là aux compagnies portègnes permettrait ainsi d’en reverser une partie aux villes de l’intérieur, comme Rosario, Córdoba ou Bariloche, et d’en finir avec les disparités capitale-province. Ce que ne conteste pas la municipalité de B.A., mais celle-ci craint de devoir, du coup, augmenter substantiellement le prix du billet, qui pourrait passer de 18 à 40 pesos. Affaire à suivre : à savoir si après le transfert de charges, les provinciaux paieront effectivement un peu moins, ou si au final, ce sont seulement les usagers portègnes qui paieront leur bus plus cher !

A VOIR AUSSI

Article de La Nación

Article sur Pagina/12

Et notre « Instantané » sur le sujet, sur ce même blog ! (En français)

Politique économique de la dictature

Une fois installée au pouvoir, l’objectif de la dictature militaire est double. D’une part, réduire les syndicats au silence, d’autre part, ouvrir le marché argentin aux capitaux étrangers. En clair, pratiquer une politique la plus libérale possible.

Les militaires considèrent les syndicats en particulier, mais le monde ouvrier en général, comme un nid de marxistes et, partant, un groupe dangereux pour une société qu’ils veulent conserver traditionnelle, catholique et gardienne vigilante des hiérarchies sociales établies.

D’un autre côté, ils sont tiraillés entre une doctrine autoritaire et nationaliste, qui les pousserait naturellement vers le protectionnisme et la prééminence de l’Etat dans les affaires économiques, et leur proximité anticommuniste avec le monde occidental, et plus spécifiquement nord-américain, et donc très libéral, qui au contraire appellerait plutôt à l’ouverture du marché argentin.

Quelle doctrine choisir ? Les deux, mon général. Ouvrir l’économie nationale aux capitaux étrangers pour favoriser la concurrence et ainsi, pensent-ils, stimuler l’industrie et le commerce nationaux. Tout en maintenant une forte pression étatique sur le fonctionnement du système.

Le premier ministre de l’économie de la dictature sera José Alfredo Martínez de Hoz. Un libéral bon teint, naturellement, très lié aux milieux financiers internationaux, et qui a déjà exercé le poste, pendant le mandat de José María Guido en 1962-63.

Sa théorie est simple : on laisse tomber l’industrie locale, peu performante et incapable de lutter contre la concurrence étrangère, et on se concentre sur ce que le pays peut exporter : les produits agricoles (surtout élevage et céréales) et miniers. En somme, avaliser la division du travail prônée par le libéralisme.

Son plan, globalement, suit la recette déjà mise en œuvre au Chili par la fameuse «Ecole de Chicago» (Voir aussi ici), à savoir, un plan ultralibéral : ouverture des marchés, libéralisation des taux de change, baisse des impôts sur les exportations agricoles, réduction des taxes sur les produits importés, gel des salaires, interdiction de la grève, promotion de la concurrence étrangère.

A l’attaque

Ce dernier point ne va pas tarder à produire ses effets quasi mécaniques : l’industrie locale s’effondre, entrainant fermetures d’usines et chômage. Autre effet mécanique : la concentration des richesses, que ce soit dans l’industrie, où la faillite des uns fait le bénéfice des autres, ou dans l’agriculture, les grands propriétaires terriens profitant à plein des baisses de taxes.

Un autre effet, plus local celui-là, et certainement peu anticipé, a été le rebond spectaculaire de l’inflation. Celle-ci atteindra en 1979 le chiffre stratosphérique de 227% ! Une tendance qui mettra des années à s’inverser : en 1989 (l’Argentine était alors revenue en démocratie), l’inflation atteignait un pourcentage annuel de plus de 3000% ! Et non, il n’y a pas d’erreur de zéros. (Source Université Di Tella, Buenos Aires).

Face au problème monétaire, Martínez de Hoz mettra en place ce qu’on a appelé alors «la tablita» financière. Un système destiné à favoriser l’entrée de capitaux en dollar, celui-ci voyant sa valeur baissée artificiellement par les mesures gouvernementales. Et qui eut en réalité un effet aussi pervers que catastrophique : les capitaux ne servirent plus qu’à une pure et simple spéculation financière de va-et-vient monétaire, une «bicyclette financière» où l’argent servait… à fabriquer de l’argent. C’est la période dite de «La plata dulce». J’achète du dollar pas cher, je le transforme en pesos, puis je rachète du dollar encore moins cher. Et ainsi de suite. Comme le montre non sans humour noir le film de Fernado Ayala, intitulé justement «Plata dulce», les entreprises n’avaient plus besoin de produire pour gagner de l’argent : il suffisait de spéculer sur les monnaies (Voir extrait de texte H).

A l’arrêt

Dans le même temps, le déficit commercial n’étant plus sous contrôle, et les capitaux n’étant plus investis dans la production, la dette explose. Elle sera multipliée par six en sept ans de dictature ! Dans cette économie «dollarisée», l’industrie argentine, minée par la concurrence extérieure, n’est plus qu’un tas de cendres, à part pour une poignée d’entreprises proches du pouvoir, qui tireront un juteux bénéfice du malheur de leurs concurrents, en les rachetant et en concentrant les affaires.

A partir de 1981, la crise est à son comble. Banques en faillite, fuite des capitaux, baisse du PIB, déficit commercial abyssal, escalade de la dette publique. Il faut admettre l’échec sanglant du plan Martínez de Hoz. Il est donc remplacé. Tout comme le président en exercice, Jorge Videla. A leur place, la junte installe le général Roberto Viola à la tête de l’état, et Lorenzo Sigaut, un ancien dirigeant de FIAT, à l’économie. Avec un slogan resté célèbre : «Celui qui parie sur le dollar perd à tous les coups». Sitôt en place, le nouveau ministre supprime la tablita, et dévalue fortement le peso, histoire de faire remonter le dollar et de favoriser ainsi les exportations.

Nouvel échec : Sigaut ne parvient qu’à faire augmenter la dette (+31%) et à accélérer la chute du PIB, approfondissant la crise. Nouveau changement à la tête de l’état en conséquence, avec l’arrivée du général Leopoldo Galtieri aux manettes, et Roberto Alemann à l’économie. Viola et Sigaut n’auront tenu que huit mois, de fin mars à novembre 1981.

Politique des nouveaux dirigeants pour combattre la crise ? Rien de neuf, on reste dans le libéral pur sucre : compression des dépenses publiques, gel des salaires, privatisations de tout ce qui pouvait se privatiser. Avec comme résultats notables un chômage galopant et une flopée de fermetures d’usines. L’Argentine continue ainsi de s’enfoncer dans une de ses plus graves crises depuis celle, mondiale celle-là, de 1929. Arrivé à ce point-là, le bilan est déjà bien lourd : l’inflation à trois chiffres est devenue la norme, l’indice de pauvreté est passé de 6% en 1974 à près de 40% en 1982, l’injuste sociale est à son comble, les 10% les plus riches ayant vu leurs revenus augmenter de plus de 30%, pendant que les 30 % les plus pauvres perdaient, eux, le même pourcentage.

Acculé, de plus en plus impopulaire, le gouvernement militaire va alors tenter une manœuvre désespérée pour tenter de restaurer son image, en fédérant l’ensemble de la population autour d’un projet nationaliste : récupérer les Iles Malouines, sur lesquelles les Britanniques ont fait main basse en 1833. Ce sera leur chant du cygne.

Extraits de textes et vidéos

A. Qui a tué le syndicaliste José Rucci ?

On ne sait pas, et on ne saura jamais, qui a tué Rucci. Sa famille, en 1999, accepte la thèse qui fait porter la responsabilité à la Triple A, et reçoit une indemnisation (de l’état).

(Un des fondateurs de la Triple A, Salvador Horacio Paino, avait attribué le crime a son organistion en 1983, NDLA)

Qui l’a tué ? Eh bien, au choix :
1) Les Montoneros ou une fraction d’entre eux qui en a pris l’initiative sans consulter Firmenich (Leader du mouvement, NDLA)
2) Un ordre direct de Firmenich
3) La Triple A. López Rega était furieux de la relation privilégiée entre Perón et Rucci. Il le fait descendre.
4) L’ERP, parce que Rucci est le principal adversaire de Tosco (Agustín Tosco, autre leader syndical, NDLA) à l’intérieur du mouvement ouvrier et qu’inévitablement il va attacher celui-ci au réformisme bourgeois et au pacte du renoncement.
5) l’Armée, afin de déstabiliser le Pacte Social.
6) Perón. N’a-t-on pas fait courir une blague à ce sujet ? (…) Un aide de camp dit à Perón : «Général, Rucci a été assassiné». Perón regarde sa montre et répond : «Hein ? Non, mon vieux, ce n’est pas possible. Il n’est pas encore midi».
7) La CIA. L’affaire Allende était encore récente. La CIA n’avait aucune confiance en Perón. Elle n’a jamais aimé ce militaire pro-nazi. Il représentait un éternel danger. Le danger d’un débordement des foules que le caractère mythique de son nom suffirait à provoquer. López Rega était en contact depuis longtemps avec la CIA. (…) Est-il trop fantaisiste d’imaginer qu’ils se soient arrangés avec López Rega ou n’importe quel cinglé de la Marine pour ruiner le Pacte Social de Perón ? (…)
On croit qu’il s’agit des Montos (Montoneros, NDLA) parce que les Montos l’ont écrit.
José Pablo Feinmann – Peronismo – T2 – p 563-565 – Planeta – 2010

B. Femmes captives

1.
Les viols se répétèrent. En secret Liliana racontait ses malheurs à ses compagnons de captivité. Mais les préjugés restaient forts et ils lui renvoyaient un sentiment de culpabilité, car elle ne sentait pas toujours comprise. «Cela ne t’est pas arrivé par hasard, tu l’as cherché», voilà le message qu’elle croyait percevoir derrière certaines réponses. Les normes moralistes de l’organisation dont elle avait fait partie continuaient de peser, et elle sentait que le viol était un des moyens utilisés par les oppresseurs pour la détruire. Ils voulaient la détacher des principes qui l’avaient maintenue debout jusque-là, pour l’obliger à faire d’elle ce qu’ils voulaient. Une fois souillée, tout devenait alors possible.
(Miriam Lewin et Olga Wornat – Putas y guerrilleras, p196 – Planeta)

2.
«Dieu c’est nous», disaient les tortionnaires de La Perla. Et même si ce n’était pas vrai, cela y ressemblait assez. Ils avaient pouvoir de vie et de mort sur tous. Les viols ont été massifs. Toutes les femmes passées par La Perla en ont subi, et certains hommes également. Selon le témoignage de Piero Di Monte, quand arrivait un nouveau détachement de garde, ils obligeaient Alejandra Jaimovich à changer les draps d’un lit et tous la violaient. Ceux qui l’avaient amenée ainsi que les hommes de garde. Alejandra avait 17 ans, c’était encore une enfant. «Amenez la juive» entendait-on dire quand on allait la chercher pour accomplir le rituel pervers.
(op. cit. p198)

C. Les vols de la mort

1
– On trouvait une grande ardoise avec les noms de ceux qui devaient accompagner les prisonniers à Aeroparque (L’aéroport de Buenos Aires pour les vols intérieurs, NDLA).
– Comment appeliez-vous cela entre vous ?
– Le vol.
– Le vol ?
-On appelait ça un vol. Tout comme Pernías et Rolón avaient indiqué aux sénateurs (lors d’une audition parlementaire post-dictature, NDLA) que la torture pour obtenir des informations était aussi une méthode qui avait été employée de manière régulière. Dans ce schéma de guerre que nous étions persuadés de mener, cela faisait partie des méthodes employées.
(…)
– Quelle était l’étape suivante ?
– Je suis descendu dans la cave, où se trouvaient ceux qui devaient embarquer. (…) On les a informés qu’ils allaient être transférés dans le sud, et que pour cela on devait leur injecter un vaccin. On leur a injecté le vaccin… enfin… je veux dire, une piqûre destinée à les endormir, un sédatif.
– Une injection de quoi ?
– Je ne sais pas, une injection.
– Qui la faisait ?
– Un des médecins qui étaient là.
– Un médecin naval ?
– Oui.
(…)
– Quelle était la réaction des détenus quand ils apprenaient le transfert et la nécessité d’être vaccinés ?
– Ils étaient contents.
– Ils n’avaient aucun soupçon ?
– Aucun.
(…)
– Ils ne se rendaient pas compte de ce qui se passait ?
– Cela ne fait aucun doute. Aucun d’entre eux ne se doutait qu’il allait mourir.
(Interview du Capitaine de corvette Adolfo Francisco Scilingo par Horacio Verbitsky dans son livre « El vuelo », p 13 à 15)

2. Extrait d’un interview d’Adolfo Scilingo (2’30, sous-titré en français)

3. Extrait du film « Garaje Olimpo », de Marco Berchis (1999)

D. Ramón Camps

Ramón Camps, un des tortionnaires les plus monstrueux de la dictature civico-militaire, a été condamné, parmi les centaines de crimes dont il a été accusé, pour soixante-treize enlèvements suivis d’assassinat, pour lesquels il est directement impliqué, et pour avoir organisé et dirigé l’appareil répressif et criminel qu’il a mis en place en tant que chef de la sinistre police de Buenos Aires.
Il ne fut pas un assassin silencieux, ni resté dans l’ombre : il a utilisé les espaces dont la dictature s’était rendue maitresse et ceux qui s’étaient mis au service du régime pour organiser une défense éhontée de son action, défense qu’il a poursuivie jusqu’après le retour de la démocratie. Non sans suffisance, il a plastronné dans la presse internationale au sujet des morts et des disparus, avançant des chiffres avec tant de morgue que le gouvernement installé en 1983, pourtant hésitant au moment de juger les oppresseurs, s’était vu contraint de le poursuivre en justice.
Il a crié son fanatisme anti-communiste, son antisémitisme furieux, à la face du monde, convaincu qu’une «guerre» remportée confère des droits particuliers aux vainqueurs, contrairement, avait-il l’habitude dire, à ce qui s’était passé pour Adolf Hitler.
Il se vantait d’avoir pris part à des fusillades contre de supposés ennemis armés. Il n’était pas capable d’observer la réalité, d’en apprécier les limites et d’agir en conséquence.
(«Los monstruos», de Vicente et Hugo Muleiro – Ed. Planeta).

E. L’aide militaire française à la junte argentine

1.
(…) L’Ecole française, celle qui est impeccablement décrite dans le film «La bataille d’Alger» (De Gillo Pontecorvo, 1966, NDLA). Voilà le Manuel de contre-insurrection. Le film de Pontecorvo a pour but d’informer les marxistes révolutionnaires du monde entier sur la cruauté des paras français. Mais en même temps, il livre à ceux-ci (..) un film de propagande à la gloire de leur efficacité et de l’intelligence avec laquelle sont appliquées leurs méthodes. Si la contre-insurrection occidentale a tant étudié ce film, c’est qu’elle a vu en lui non seulement ce qu’il fallait faire, mais également la preuve de son efficacité et de sa validité. (…) Les militaires argentins sont ravis (de copier) ces méthodes, de les apprendre – ils éprouvent autant de plaisir à les apprendre qu’à les mettre en pratique. Le Général Aramburu- sur deux photos capitales sur lesquelles on peut voir nos militaires en compagnie de paras français – est assis au bout de la longue table. Mais c’est lui, le chef des soldats de la patrie, qui écoute, qui apprend et qui, bientôt, enseignera. (…) Quand à Ezeiza la rumeur court parmi les militants qu’il y a des mercenaires français sur la tribune, personne ne la croit. «Quoi ? On se bat aussi contre la France ?» Mais non : la France transmet seulement le savoir acquis en Indochine et en Algérie.
(José Pablo Feinmann – Peronismo, T2 – p388-389 – Planeta)

2.
«La première arme dans la lutte contre l’action subversive et la guérilla, et c’est un des enseignements que nous ont transmis les militaires français de leur expérience en Algérie, c’est de compter avec un bon service de renseignement»
(Général Diaz Bessone, dans Peronismo T2 p 391)
NDLA : le rôle de l’Armée française est également détaillé dans le chapitre 3 du livre d’Alejandro Horowicz « Las dictaduras argentinas », p 173 à 210.

F. La violence politique

La figure du Président Juan D. Perón est essentielle pour comprendre la violence politique des années 70. Depuis son exil madrilène, le caudillo le plus populaire de l’histoire argentine a soutenu avec enthousiasme les groupes armés. Perón avait la conviction qu’à l’intérieur de sociétés inégalitaires, des motifs de justice sociale exigeaient l’utilisation de la violence armée pour s’opposer à une «violence structurelle». Ses fréquentes interventions à ce sujet laissent peu de place au doute : «la violence existe par elle-même et seule la violence peut la détruire», et «La violence d’en haut engendre la violence d’en bas», affirmait Perón, qui par ailleurs posait la question de façon rhétorique : «A quel autre moyen que la violence peut recourir un peuple humilié ?». (…)
Au moment où Isabel Perón s’est installée aux commandes (Après la mort de J. Perón, en juillet 1974, NDLA), la violence de gauche avait été dépassée par ses adversaires de droite : groupes paramilitaires intégrés par des syndicalistes, des militaires et des policiers, pour beaucoup en retraite. Sans rencontrer le moindre obstacle du côté gouvernemental, ces groupes ont pratiqué une violence systématique à l’encontre de tous ceux qu’ils cataloguaient comme gauchistes. Des intellectuels, des artistes, des journalistes et des syndicalistes ont été alors victimes de torture et d’assassinats. Parmi les plus importants de ces groupes paramilitaires, on peut distinguer notamment la Triple A, commandée par López Rega, ex-sous-officier de police qui avait joué le rôle de secrétaire particulier de Perón durant son exil, et des groupes de syndicalistes comme celui de l’Union ouvrière métallurgiste (UOM). (…)
(Jaime Malamud Goti – Terror y justicia en la Argentina – p21-23 – Ed. De la Flor -2000)

G. La guerre culturelle

Les militaires et leurs alliés civils insistaient sur le fait que les organisations armées n’étaient que la partie visible de « l’appareil subversif ». L’ennemi réel était également celui qui diffusait des idées contraires aux « traditions argentines », dans le sens où l’entendait l’extrême-droite. Probablement initiée durant la présidence de Perón en 1973, cette « guerre culturelle », menée parallèlement à celle de l’Armée, s’est intensifiée entre 1974 et 1976, sous la présidence d’Isabel Perón. Puis les militaires passeront la surmultipliée.
Après la mort de Perón le 1er juillet 1974, le domaine de l’éducation est passé aux mains des nationalistes catholiques traditionalistes, de tendance politique fasciste. Pour la plupart antisémites, les membres de ce groupe purent compter sur le soutien de nombreux cadres des Armées de terre et de l’air. Pour la majorité d’entre eux, il était nécessaire de revenir à une « éducation traditionnelle », appellation réservée à une éducation strictement confessionnelle.
Jaime Malamud Goti – op. cit. p30-31 – Ed. De la Flor -2000

H. La tablita : dérives de la politique économique de la dictature

La dévaluation initiale favorisa le secteur agricole, qui connut une forte croissance durant les deux années suivantes (1976-1977 ; NDLA) ce qui contribua à améliorer la balance commerciale. La mise à jour des tarifs publics, alors contrôlés par l’Etat, diminua l’énorme déficit fiscal. En 1976 fut signé un accord avec le FMI, incluant la création d’un marché des changes libre et unique.
Etre parvenu à contenir l’hyperinflation, à inverser la fuite des capitaux et à commencer à reconstituer les réserves monétaires fut considéré comme un vrai succès, compte-tenu de là d’où on partait. Mais dès la fin de 1976, l’inflation repartit à la hausse et on dut décréter un gel des prix de 120 jours, qui devait durer jusqu’en juin, mais à la fin de cette période, débuta une nouvelle spirale qui contraignit le gouvernement à prendre des mesures d’orthodoxie financière pour freiner l’expansion monétaire, le déficit et le crédit.
Ces mesures eurent un effet assez rarement constaté jusqu’alors : les taux d’intérêt étaient supérieurs à l’inflation. Selon Cortés Conde (Historien de l’économie argentine, NDLA), c’est à partir de là que les milieux d’affaires prirent leurs distances avec la ligne économique gouvernementale. L’historien explique que les entreprises avaient pris l’habitude d’emprunter à des taux d’intérêts inférieurs à l’inflation, qu’on pouvait considérer comme des subventions, ou des cadeaux. La hausse des taux d’intérêt – selon le raisonnement de Cortés – eut un fort impact sur l’industrie, dont la production se mit à baisser ; en 1978, on put parler de récession.
C’est pour éviter la perte de compétitivité des entreprises que fut mise en place la fameuse «tablita», c’est-à-dire une dévaluation programmée, graduelle et annoncée (crawling peg).
(…) Les capitaux commencèrent à affluer en dollars, se transformant en pesos placés à des taux d’intérêts supérieurs à l’inflation et bien supérieurs au taux de dévaluation, ce qui permettait ensuite de racheter encore plus de dollars et les placer à l’extérieur du pays. C’est la «bicyclette financière» qui, couplé au taux de change toujours en retard sur le mouvement, a créé un sentiment «d’argent facile».
(Extrait d’un article du quotidien La Nación du 16 mars 2013)

J. 20 ans après la guerre, la nécessité de continuer à négocier la souveraineté des Iles Malouines

La revendication pacifique de souveraineté sur les Iles Malouines est et doit rester politique d’Etat. L’invasion des îles par le gouvernement militaire était un acte désespéré destiné davantage à renforcer sa position qu’à véritablement récupérer un territoire perdu. Plus encore et comme l’a mis en lumière un rapport des Forces armées après le conflit, le déroulement des opérations a montré l’impéritie des cadres militaires et leur indifférence vis-à-vis de leurs subordonnés, alors que ceux-ci ont fait preuve au contraire de volonté et d’héroïsme. La défaite a précipité la chute de la dictature et éloigné la possibilité d’une négociation pacifique avec la Grande-Bretagne au sujet de la souveraineté. La société quant à elle a recouvert la guerre d’un voile de honte, et même si le sacrifice des vétérans a été reconnu, on ne leur a jamais apporté le soutien qu’ils méritaient.
En 1998 le président en exercice de l’Argentine, Carlos Menem, et le premier ministre britannique Tony Blair ont signé un accord selon lequel la discussion était reportée tandis qu’on négociait des concessions mutuelles. Dans ce contexte, l’Argentine reconnut aux Kelpers (occupants anglais de l’île, NDLA) les droits de concession sur la pêche et l’exploitation du pétrole. Cette légitimation a permis aux Kelpers de consolider leur position et porté préjudice aux aspirations nationales.
Lors de la commémoration du vingtième anniversaire du débarquement sur les îles, le président Nestor Kirchner (2003-2007, NDLA) a critiqué cette orientation diplomatique des années 90 et a instamment prié la Grande-Bretagne de discuter en toute bonne volonté de la souveraineté, par la voie diplomatique et dans la paix. Une demande qui sera certes probablement repoussée par le gouvernement britannique, mais qui ouvre la perspective d’une nouvelle orientation diplomatique sur ce thème, en réaffirmant un droit de revendication inaliénable.
La revendication de souveraineté sur les Iles Malouines et la proposition de la régler par des voies pacifiques sont des positions qui n’auraient jamais dû être abandonnées et que le gouvernement a opportunément rétablies.
(Article du journal Clarín, du 5 avril 2006)

*

Voir bibliographie succincte en page de présentation.

Traductions des textes : PV

 

Le déchainement de la répression

La présidente María Estela Martínez de Perón renversée, commence alors ce que les militaires appellent “Processus de réorganisation nationale”. Une junte de gouvernement se constitue, englobant chacune des trois armes militaires : Jorge Rafael Videla représente l’armée de terre, Emilio Eduardo Massera la marine, et Orlando Ramón Agostí l’armée de l’air.

La junte militaire : Massera, Videla, Agostí

Leur but principal est de transformer profondément la société argentine pour en revenir à son aspect d’avant 1945. C’est-à-dire, on l’aura compris, avant l’apparition du péronisme. A savoir, une société d’ordre, sans conflit de classe, grèves ou revendications populaires.
Parallèlement, sur le plan économique, il s’agira de diminuer drastiquement l’intervention de l’état et de promouvoir une économie libérale.
Ce nouveau cap politique est ardemment soutenu, on s’en doute, par le patronat et les milieux financiers. Mais également par la majeure partie de l’Eglise, dont les yeux s’éclairent à la perspective d’un retour à l’ordre moral.

La junte ne perd pas de temps. Aussitôt en place, les militaires décrètent la fin de toute activité politique, sociale et culturelle «subversive». La signification exacte de ce dernier mot restant bien entendu à leur entière discrétion. Est subversif… tout ce qu’ils considèrent subversif. Voilà qui est tout de même assez simple à comprendre, non ? C’est peu de dire que la notion est assez étendue et ne se limite pas aux seuls mouvements révolutionnaires, premiers dans le viseur. Le syndicalisme, la culture au sens large, la littérature, la pensée politique, mais aussi le rock et même les mathématiques modernes, deviennent subversifs du jour au lendemain !

Un général, gouverneur de la province de Buenos Aires (Ibérico Saint Jean) dira même : «D’abord nous tuerons tous les subversifs, puis nous tuerons leurs collaborateurs, leurs sympathisants, puis tous les indifférents et enfin, nous tuerons les timides». Ce qui fera dire à de nombreux observateurs de l’époque qu’en définitive, le gouvernement militaire transformait l’ensemble du peuple argentin en ennemi potentiel.

Les premières mesures strictement politiques tombent rapidement : dissolution du parlement, interdiction des partis, proclamation de l’état de siège. Les militaires reprennent, mais de manière plus «industrielle», le travail commencé par la Triple A de López Rega. Les arrestations de «subversifs» se multiplient, mais en dehors de tout contexte légal : il devient impossible pour les familles concernées de localiser les personnes arrêtées, qui semblent ainsi s’évanouir dans la nature. Commence alors la longue liste des disparus de la dictature. Partout dans le pays, s’ouvrent des camps de détention plus ou moins clandestins, dans lesquels les prisonniers sont retenus pour être interrogés et la plupart du temps, torturés. Certains de ces camps sont passés à la postérité, pour leur importance ou leur caractère particulièrement sinistre . Ainsi l’ESMA (Escuela superior de mecánica de la Armada, école technique de la Marine), située au nord de Buenos Aires, «accueillera» près de 5000 prisonniers, dont seulement 500 ressortiront vivants, ou encore le centre de La Perla près de la ville de Córdoba, par lequel passeront près de 3000 individus, dont de nombreuses femmes qui y seront quasi systématiquement violées. En tout, ce sont près de 350 centres qui seront créés par la dictature. (Voir extraits B1 et B2)

L’ESMA, l’école technique de la Marine, principal centre de détention et de torture.

La plupart des victimes de cette répression sont, d’abord, les jeunes militants des groupes révolutionnaires, comme les Montoneros, l’ERP ou les FAR. C’est contre eux que la répression est la plus féroce. Dans la plupart des cas, ils deviennent des disparus. Pour cela, les militaires ont une méthode bien au point : celle des «vols de la mort». Lorsque le prisonnier n’a plus d’utilité, il est drogué, puis chargé dans un avion cargo. Celui-ci décolle vers le Rio de la Plata et, en toute discrétion, lâche son chargement dans l’estuaire. Ni vu, ni connu. (Voir extrait C1 et vidéos C2 et C3)

Dès le 30 avril 1977, un certain nombre de mères de disparus prennent l’habitude de se rassembler devant la Maison Rose (La Casa Rosada, palais présidentiel) pour manifester et réclamer des nouvelles de leurs enfants ou maris enlevés. Les militaires, pour les dénigrer, les surnommeront «les folles de Mai», la Place de Mai (Plaza de mayo) étant le nom de la place sur laquelle se trouve le palais. Ramón Camps, chef de la police de Buenos Aires, dira cyniquement à leur propos : «Si ces mères s’étaient toujours autant préoccupées de leurs enfants qu’elles ne le font aujourd’hui, elles ne seraient pas en train de se lamenter sur leur disparition. C’est avant qu’elles auraient dû tenir leur rôle de mère, et non comme elles le font maintenant tenir celui d’activistes politiques». (Voir extrait D)

Les mères sont devenues des grands-mères, mais continuent de manifester (ici en 2007)

Parmi les personnes arrêtées, on compte un certain nombre de jeunes femmes, dont certaines arrivent enceintes dans les camps de détention. Cela n’arrête en rien les militaires, et ne les empêche aucunement de leur faire subir des interrogatoires et des tortures. La plupart du temps, elles accouchent en captivité, et leurs enfants leur sont enlevés, pour être adoptés par des familles de militaires. Aujourd’hui encore, en 2022, l’association des «Mères de la Place de Mai» en recherche environ 300 qui n’ont pas pu être localisés. Dans la quasi totalité des cas, ces enfants sont orphelins de leurs parents biologiques, assassinés par la junte militaire, et ignorent totalement leur vrais liens familiaux. Une coupure qui n’est pas sans provoquer, des années après, lorsque les familles parviennent à les retrouver et à les contacter, des drames difficiles à surmonter.

Du côté de la population en général, l’ambiance est plutôt à la résignation. Personne ne peut ignorer ce qui se passe, et la réalité de la répression aveugle qui s’est abattue sur l’ensemble du pays. Mais la peur, la soif de tranquillité et d’ordre, voire l’adhésion au pouvoir autoritaire et à la lutte contre les mouvements révolutionnaires, font prévaloir la passivité et le silence parmi la majorité des gens. Une des formules les plus entendues à cette époque restera, faisant allusion aux personnes arrêtées, «il a bien dû le chercher» (En espagnol «Por algo será» ou «Algo habrá hecho», nous aurions dit chez nous, «il n’y a pas de fumée sans feu»).

Les actes de résistance sont rares, et principalement l’œuvre des mouvements de gauche révolutionnaire. En mars 1977, le journaliste et écrivain Rodolfo Walsh écrit une « lettre ouverte à la junte militaire » restée célèbre, qu’il enverra à différentes rédactions de journaux. Le lendemain de l’envoi, il tombera dans une embuscade tendue par les militaires. Grièvement blessé, il sera conduit en un endroit qui n’a jamais été révélé. On ne le reverra jamais.

Rodolfo Walsh

Pour mener à bien ce travail de répression intense, les militaires argentins peuvent compter sur l’aide et les conseils bienveillants des autorités étasuniennes, qui voient naturellement d’un très bon œil ces gouvernements de leur «arrière-cour» latino-américaine s’associer activement à la lutte anti-communiste. Autour de l’Argentine, on compte d’ailleurs pas moins de quatre pays ainsi gouvernés par l’Armée : le Chili de Pinochet (dont l’accession au pouvoir doit beaucoup au gouvernement de Richard Nixon), l’Uruguay de Bordaberry, la Bolivie de Banzer et le Paraguay de Stroessner. C’est le temps de l’influence de l’Ecole des Amériques, dans laquelle les militaires sud-américains viennent faire de fréquents et fructueux stages de «lutte anti-subversive», encadrés par l’armée de l’Oncle Sam.

Néanmoins en ce qui concerne l’Argentine, un autre pays distillera également ses bons conseils et son expérience répressive : La France. En effet, des contacts étroits vont se nouer avec certains de nos hauts – et moins hauts – gradés rescapés de la guerre d’Algérie. Une guerre (pardon, des «événements» comme on a longtemps dit chez nous) qui leur a conféré une solide expérience en ce qui concerne la lutte contre les subversifs d’une part, et les techniques d’interrogatoire musclé d’autre part. Expérience dont ils feront largement profiter leurs collègues argentins, se donnant même la peine de faire le voyage jusqu’à Buenos Aires pour dispenser leurs cours. On en trouvera même sur la tribune d’Ezeiza, parmi les nervis de droite extrême ramenés par Perón en juin 1973. Parmi les instructeurs, on retrouvera un tortionnaire célèbre : le général Paul Aussaresses, un des responsables de l’assassinat du militant communiste Maurice Audin en Algérie. (Voir extraits E1 et E2)

La répression se poursuivra tout au long de la période de dictature, même si, considérant la guerre anti-subversive gagnée, les militaires fermeront une partie des centres de détention en 1978. Il y avait pour cela une autre bonne raison. A cette époque, plus personne dans le monde n’ignorait la situation dramatique des droits de l’homme en Argentine. D’autant qu’elle était largement documentée par les exilés. De nombreux mouvements de protestation et de rejet s’organisent, exigeant transparence et fin de la répression illégale. Les galonnés argentins essaieront d’ailleurs de mobiliser la population contre ce qu’ils affirmaient être un dénigrement sans fondement du pays. A propos de ces mouvements en faveur des droits humains bafoués, ils oseront même tenter de populariser le slogan «Los argentinos somos derechos y humanos», en français, «Nous Argentins sommes droits et humains».

C’est qu’il y a un enjeu, et de taille, pour la junte au pouvoir. En effet, 1978, c’est l’année de la Coupe du monde de football. Or, elle est organisée…en Argentine ! Magnifique vitrine pour une dictature en mal de reconnaissance ! Comme cela arrive périodiquement dans le sport, de nombreux mouvements mondiaux tenteront d’imposer un boycott, mais sans grande réussite. Au contraire : le mondial est un immense succès, d’autant plus que le pays hôte… remporte la coupe ! Une coupe au parfum de scandale, entaché d’un soupçon d’arrangement entre dictatures. L’armée peut ainsi capitaliser sur la liesse populaire, et faire oublier, au moins provisoirement, le régime de terreur auquel elle soumet ses concitoyens.

Appel au boycott de la Coupe du monde, ici en catalan.

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Sources bibliographiques et vidéos : voir en fin d’article de présentation.

1976-1983 : la dictature militaire

En ce mois de mars qui va voir passer un triste anniversaire, nous débutons une série sur les origines, le déroulement et la chute de la dernière dictature militaire en date en Argentine.

En effet, celle-ci a débuté par le coup d’état du 24 mars 1976, il y a 46 ans.

Dans un premier article, nous exposerons les conditions politiques, économiques et sociales qui ont marqué le dernier gouvernement de Juan Perón, puis après sa mort, de sa femme María Estela Martínez, dite «Isabelita» de juin 1973 à mars 1976.

Le second article portera sur l’installation de la dictature et l’organisation d’une répression généralisée, quasi industrielle, contre l’ensemble du peuple argentin.

Le troisième présentera les grandes lignes de la politique économique de la junte militaire, et ses conséquences durables sur le délitement des structures industrielles et monétaires du pays.

Le quatrième enfin enfin montrera l’isolement progressif, à l’intérieur comme à l’extérieur, du pouvoir militaire, et sa chute après la tentative désespérée de rassembler les Argentins autour d’un projet nationaliste : reprendre par la force les îles Malouines aux Anglais.

Attention : ces articles n’ont pas pour ambition de faire œuvre d’érudition historique. Ils sont destinés en priorité à informer, de manière concise, et accessible, un public certes, nous l’espérons tout du moins, intéressé par la riche histoire de ce pays, mais non spécialiste.

Ceux qui voudront aller plus loin utiliseront avec profit les liens et informations bibliographiques – très loin d’être exhaustifs –  que nous listons ci-dessous !

Notre but est avant tout de donner envie, justement, d’aller plus loin, en lançant quelques pistes simples et, en tout cas nous l’essaierons, de vous faire passer un bon moment de lecture !

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Article 1 : le dernier gouvernement de Perón.

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Ci-dessous les principales sources qui nous ont aidé à la rédaction de ces articles.

A LIRE

Bufano, Sergio et Teixidó Lucrecia – Perón y la Triple A – Sudamericana – 2015

Calveiro, Pilar – Poder y desaparición – Colihue – 2014

De Riz, Liliana – La política  en suspenso 1966-1976 – Paídos – 1981

Donda, Victoria – Moi, Victoria, enfant volée de la dictature argentine – Robert Laffont – 2010

Eloy Martínez, Tomás – Las vidas del General – Aguilar – 2004

Feinmann, José Pablo – Peronismo, filosofía política de una persistencia argentina – 2 tomes – Planeta 2010 et 2011

Gabetta, Carlos et Richter, Rodolfo – Enemigos – Eudeba – 2018

Horowicz, Alejandro – Las dictaduras argentinas – Edhasa – 2012

Lafage, Franck – L’Argentine des dictatures – L’Harmattan – 1991

Lewin, Miriam et Wornat, Olga – Putas y guerrilleras -Planeta 2020

Malamud Goti, Jaime – Terror y justicia en la Argentina – Ediciones de la Flor – 2000

Méndez, Eugenio – Aramburu : el crimen perfecto – Planeta – 1987

Muleiro, Hugo et Vicente – Los monstruos – Planeta – 2016

Robin, Marie-Monique – Escadrons de la mort, l’école française – La Découverte – 2004

Rouquié, Alain – Pouvoir militaire et société politique en République argentine – Presses de la fondation nationale des sciences politiques – 1978

Rouquié, Alain – Le siècle de Perón- Seuil – 2016

Tcherkaski, Osvaldo – Las vueltas de Perón, 1971-1976 – Sudamericana – 2016

Verbitsky, Horacio – El vuelo – Planeta – 1995

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A VOIR ET ÉCOUTER

Sur le dernier gouvernement de Perón :

Un point de vue de gauche sur le dernier gouvernement de Perón :
https://www.izquierdasocialista.org.ar/2020/index.php/blog/elsocialista/item/17698-el-gobierno-peronista-de-1973-a-1976

Le regard d’un historien, José Luis Romero (1906-1977)
https://jlromero.com.ar/textos/el-carisma-de-peron-1973/

Une brève mise en contexte, avec quelques images d’époque :
https://historiadigital.jimdofree.com/cuarto/argentina-entre-1966-y-1983-gobiernos-autoritarios-y-democr%C3%A1tico-custodiados/retorno-del-peronismo-1973-a-1976/

Sur la période de la dictature :

Escadrons de la mort, l’école française, documentaire de Marie-Dominique Robin. (60′)

Présentation par l’auteure du livre « Double fond » (Ed. Métaillié) d’Elsa Osorio, sur un épisode lié à la dictature, mais se déroulant en partie en France. 4’53. En français.

Quelques points de vue des militaires, extraits d’une émission argentine (10′). Attention ici : le propos de l’émission est bien de montrer le caractère stupéfiant de l’aplomb des militaires, persuadés d’avoir accompli une action bienfaitrice pour le pays.

La noche de los lápices. Film d’Héctor Oliveira (1986) basé sur un fait réel : l’arrestation, la torture et l’assassinat d’un groupe de 7 jeunes en septembre 1976. (95′)

Un autre film très intéressant, mais désormais introuvable sur le net (on en trouve de nombreux extraits néanmoins), est « Garaje Olimpo », de Marco Bechis (1999), qui raconte l’histoire d’une jeune activiste arrêtée par les militaires, transférée dans un centre de détention (un garage désaffecté), et torturée par un jeune qui s’avère être le jeune pensionnaire à qui sa mère et elle louaient une chambre de la maison.

Lettre ouverte du journaliste Rodolfo Walsh à la junte militaire – fichier audio précédé d’une courte présentation musicale – 12’29. En espagnol. (Il en existe également des extraits. Chercher « carta abierta a la junta militar ».)
Version française du texte en lecture ici.

Sur la politique économique de la période :

Le plan économique de la dictature, documentaire en espagnol (de la chaine « Televisión Pública argentina » (Point de vue de gauche) (9′)

Plata dulce, film de Fernando Ayala (1982) sur les conséquences financières de la politique économique de la dictature. (94′)

Sur les bébés volés :

« Le héros des Malouines« , nouvelle, sur ce même blog. (En versions française et espagnole), ainsi que le livre de Victoria Donda cité dans la bibliographie ci-dessus, « Moi Victoria, enfant volée de la dictature argentine ».