10/01/2022 : Soulac à la une !

Petite devinette posée par un grand quotidien argentin à ses lecteurs :

Où est-ce ? Cet immeuble est sur le point d’être avalé par la mer.

Ce n’est pas souvent, et même pratiquement jamais, que notre région fait la une d’un journal argentin ! Et pas n’importe lequel : le deuxième en nombre de lecteurs, et LE quotidien historique, fondé au XIXème siècle par un des premiers présidents de la République, Bartolomé Mitre !

Bon, évidemment, l’article est assez court, et le lecteur français n’apprendra rien de nouveau sur les malheurs de l’immeuble soulacais. Quant au lecteur argentin, il risque de n’y prêter qu’un œil rapide devant son café du matin, en se demandant comment il se fait que ces «boludos» de français n’ont pas pensé avant de construire à niveler les dunes pour les mettre au niveau de la mer. Je n’exagère rien : le quotidien permettant les commentaires sous l’article, on peut en lire de croquignolets.

Qui, si on avait mauvais esprit, pourraient venir confirmer notre réponse naïve à la question : «mais pourquoi diable La Nación se donne la peine de publier un article que 99% de ses lecteurs vont lire en demie diagonale ?» Ben, peut-être pour les rassurer. Le Signal, c’est peut-être celui d’un certain changement climatique, mais bon, Soulac, c’est loin, c’est la France, c’est l’Europe. En cette période de vacances d’été où une proportion non négligeable d’Argentins est en train de se faire rôtir sur les plages de l’Atlantique, de Mar del Plata à Villa Gesell, ça fait du bien de se dire que chez soi, on peut avoir construit les immeubles au ras des flots, on est tranquille. Et en effet. Florilège de commentaires :

Habemus Brutus : En réalité ce n’est pas la mer qui avance, mais la terre qui recule. (…) Seuls les mouvements tectoniques qui soulèvent une partie des terres et créent des fosses marines font qu’on a des continents. Donc il est normal qu’en cette période de tranquillité tectonique la mer gagne du terrain grâce à l’érosion des terres émergées. CQFD.

A Villa Gesell, tant que la mer n’avance pas…

Diamanteenbruto : on voit bien qu’il est construit sur du sable, qu’est-ce que ça a à voir avec le réchauffement global ?

Indio007 : (…) Le vrai problème c’est que ça a été construit sur du sable (dune) sans qu’on ait prévu de soutènements suffisamment profonds. C’est ainsi qu’on esquive la responsabilité pénale des architectes en utilisant l’argument commode du changement climatique. Un argument qu’on ne manque jamais de sortir quand les chats commencent à aboyer (sic).

Av6551649 : Ce phénomène naturel est confondu par les scientifiques avec l’augmentation du niveau de la mer.

Sur 26 commentaires (ce qui est très peu, pour un article du journal), un seul se montre inquiet de ce que révèle le destin du Signal.

Ceci dit, on ne pourra donc pas reprocher à La Nación de vouloir effrayer ses lecteurs. A part une phrase en passant pour évoquer le fait que «Les médias, parfois, qualifient les propriétaires de l’immeuble de réfugiés climatiques», le reste de l’article se concentre sur les conséquences économico-touristiques de l’érosion marine. «Le pays (La France, NDLA) où 35 % du littoral est constitué de plages, a perdu 26 kilomètres carrés de terre entre 1949 et 2005. Dans un endroit aussi touristique que la France, où 40% des capacités hôtelières sont concentrées sur les côtes, tous les signaux sont au rouge».

On appréciera la sollicitude du grand quotidien argentin pour nos capacités hôtelières menacées. Je connais d’autres Argentins, pour ma part, qui aimeraient bien que de temps en temps, La Nación se fende d’un petit article sur l’effondrement des glaciers patagoniques. Ou la terrible sécheresse qui accable la région viticole de Mendoza.

Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir : lire un article sur les problèmes assaillant nos belles côtes françaises, et particulièrement girondines, est tout aussi rare !

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