Droits des femmes en Amérique latine : docus accessibles

Pour prolonger l’article précédent rendant compte du dossier de Sud-Ouest sur les droits des trans en Argentine, je signale ici plusieurs documentaires dont certains sont accessibles sur l’application ARTE TV.

1. Argentine : la révolte des femmes

Dans la série « Arte reportages ». De Karen Naundorf. France. 25 mn.

Le documentaire suit la famille de Monica Garnica, dans l’attente du procès où doit comparaitre son mari, qui l’a assassiné en la brûlant vive. Le propos s’étend également à l’ensemble du mouvement féministe « Ni una menos », parti d’Argentine mais qui essaime sur tout le continent.

Sur l’appli Arte.tv jusqu’au 8 octobre 2022

Sur Youtube ici.

2. Sud-Américaines contre le machisme

De Marie-Kristin Boese. Allemagne. 53 mn.

Le combat des femmes argentines pour la légalisation de l’avortement, symbolisé par le port du foulard vert, gagne l’ensemble du continent latino américain. Le documentaire fait le point sur cette lutte dans certains autres pays, comme le Mexique ou le Brésil, où le machisme reste particulièrement fort.

Sur l’appli Arte.tv jusqu’au 23 mai 2022

3. Femmes d’Argentine

De Juan Solanas. Argentine. 87 mn. Titre original : Que sea ley

Juan Solanas a suivi le parcours des femmes argentines au foulard vert, en lutte pour obtenir le vote au parlement de la légalisation de l’IVG. Le documentaire, qui donne la parole à différents acteurs du mouvement, à des député(e)s, des opposants, a été projeté au Festival de Cannes 2019, et sorti en salles en France en mars 2020, à peine quelques jours avant le confinement. En replay sur my canal jusqu’au 10 octobre 2022.

Il est aussi disponible à l’achat ou la location sur la chaine Youtube, mais en version espagnole. 

4. L’Amérique latine mobilisée contre les féminicides.

Reportage de France 24. 12 mn. Sur youtube.

Campagne argentine pour le droit à l’IVG

Argentine, pays des droits LGBT ?

Ces trois derniers jours (9, 10 et 11 mai) le journal régional Sud-Ouest publie les trois volets d’un reportage réalisé par Maud Rieu, qui a vécu en Argentine en 2017 et 2018, et qui a étudié la situation des personnes transgenres dans ce pays.

Le reportage met en lumière un paradoxe de ce pays par ailleurs très catholique (et de plus en plus évangéliste, aussi, comme ses voisins), où la violence « de genre », conjugale ou machiste, est un vrai fléau, et dans lequel a fait rage, justement en 2018, la bataille pour la légalisation de l’avortement, finalement votée par le parlement en 2020 : parmi l’ensemble des pays sud-américains, l’Argentine est probablement le plus ouvert en ce qui concerne les droits des personnes homosexuelles et transgenres.

Dans le premier volet, Maud Rieu fait le point sur la vision qu’ont les Argentins sur cette thématique si conflictuelle ailleurs :

S’intéresser à l’Argentine, c’est accepter d’être surprise. Comment ce pays où l’interruption volontaire de grossesse n’est légale que depuis 2020 peut-il être autant en avance sur les droits des personnes transgenres ? Poser cette question, c’est affronter un regard interrogateur : les interlocuteurs ne voient pas le rapport. Ici, être un homme ou une femme est une question d’identité, pas de biologie. Et le respect de l’identité est sacré dans cet état traumatisé par le souvenir des centaines de bébés volés à leurs familles et donnés à d’autres, sous la dictature militaire de 1976 à 1983.

Pour l’illustrer, elle a rencontré notamment Valeria del Mar Ramirez, une des premières bénéficiaires de la loi de 2012, qui lui a permis d’officialiser son changement de sexe. Ainsi, l’Argentine est devenue le premier pays au monde à adopter une loi d’identité de genre. Un grand pas, car comme le rappelle l’auteure, jusque dans les années 90, il était encore interdit en Argentine de s’habiller « de façon contraire à son sexe biologique ».

Cet incontestable progrès n’a pourtant pas résolu d’un coup de baguette magique toutes les discriminations. En 2015, une militante de la cause trans, qui avait trois mois auparavant fait passer une loi imposant un quota de 1% de trans parmi les fonctionnaires, a été assassinée, et, comme l’indique la députée Karina Nazabal (Membre du Frente para la Victoria, lié au parti péroniste actuellement au pouvoir, NDLA) citée par Maud Rieu :

Il faut sortir de la tête de ces personnes et de la société que les trans n’ont pas d’autre choix que se prostituer. Si vous demandez à votre voisin “Où mettriez-vous une personne trans ?”, il vous répondra sûrement “Dans la rue”.

Selon Karina, être trans ne doit pas constituer un obstacle à l’obtention d’un emploi : seule la compétence doit entrer en ligne de compte. Ce que cette loi devenue loi nationale en 2021, renforce.

*

Dans le second volet, Maud Rieu raconte l’histoire de Luana, qui, à six ans seulement, a pu officiellement être considérée comme fille, sans passer par la case justice. Une histoire édifiante, en cela qu’elle démontre que le sentiment d’identité de genre n’est pas un caprice, mais représente la plupart du temps une véritable souffrance.

Le cas de Luana est emblématique. Très tôt, ce petit garçon (qui a un frère jumeau) a senti qu’il ne se trouvait pas dans le bon corps. Maud Rieu, qui a rencontré Gabriela, la mère de Luana, rapporte :

Un jour, quand il a trouvé les mots, à 20 mois, ce fils a prononcé une phrase qui a changé la vie de sa mère et de toute la famille : « Je suis une fille, je suis une princesse ».

Début d’une histoire qui n’aura rien d’un chemin de rose. Les parents mettront du temps à comprendre les appels au secours de leur enfant, ses difficultés, son mal-être, ses cheveux qui tombent, les médecins consultés qui refusent de prendre le cas au sérieux… Le père, lassé, finira par prendre la fuite, mais Gabriela, convaincue, se battra pour que Luana puisse devenir une fille à part entière. Jusqu’à ce 25 septembre 2013, où enfin, elle reçoit une carte d’identité portant son « nouveau » genre.

Une carte qui ne résout pas tout. Maud Rieu rappelle qu’en Argentine, si la loi autorise les enfants (sous réserve d’accord des deux parents) à changer d’identité « sur le papier », ceux-ci doivent attendre la majorité pour pouvoir envisager une opération.

C’est pour aider ceux qui connaissent les même problèmes que Gabriela est devenue une véritable militante des droits des enfants trans. Elle a créé une association, « Infancias libres » (Enfances libres) et donne régulièrement des conférences. Aujourd’hui, Luana a  15 ans, et vit une adolescence normale, entre sa mère et son frère. Maud Rieu conclut à ce propos en citant Gabriela :

« Il faudrait arrêter de se demander si elle va bien, elle ne devrait plus être au centre de l’attention, même si je comprends. Luana est une adolescente qui vit entourée d’amour et va bien ! »

Voir aussi le documentaire  sur Gabriela et Luana : « Yo nena, yo princesa » (2012, en espagnol avec sous-titrages en anglais)

*

Enfin, pour le troisième volet de son enquête, Maud est allée assister à une remise de diplômes dans un établissement bien particulier. Il s’agit d’un lycée ouvert aux élèves trans, mais également à tous ceux et celles en difficultés sociales, souvent des jeunes sans foyer qui ont connu la rue, la prostitution, la drogue. A l’origine, une association, Mocha Celis (du nom d’une fille trans tuée par la police), fondée en 2017 et qui proposait aide, foyer et quelques cours. Peu à peu, l’association a grandi, et aujourd’hui, nous dit Maud, l’établissement, qui a déménagé, est devenu un vrai et grand lycée accueillant jusqu’à 300 élèves. Il a même fait des petits : on compte maintenant une quinzaine d’établissements du même genre dans le pays, et dans quelques autres pays d’Amérique Latine comme le Chili, le Brésil et le Paraguay.

On s’en doute, il n’est guère soutenu par les instances administratives officielles, et tient d’abord et surtout par l’action et le dévouement de ses bénévoles. Les élèves, pudiques et protégés par leurs enseignants, se livrent difficilement. Maud a néanmoins pu interroger l’une d’entre elles, Viviana, qui lui a raconté son parcours : la prise de conscience de son identité différente, le déni de l’école, le harcèlement, l’abandon scolaire. Puis la prostitution, à 13 ans, et le sport, comme une bouée de sauvetage :

«mais catégorie homme, en gardant mon apparence féminine, évidemment», précise-t-elle.

Et enfin, l’accueil à « La Mocha », comme disent ses habitués :

« À la première rencontre, le directeur m’a dit : ‘‘Bienvenue à la Mocha Celis’’. Ça m’émeut encore parce que quand il m’a dit ça, c’était la première fois qu’un établissement me disait ‘‘bienvenue’’. Jusqu’à maintenant, on me disait toujours que je ne pouvais pas.»

En conclusion, Maud cite le slogan du lycée, peint sur un mur :

« Si une trans va à l’université, ça change sa vie. Si beaucoup y vont, ça change la société. ».

*

Vers le dossier de Sud-Ouest en ligne : immersion en Argentine. Mais hélas: c’est réservé aux abonnés !

Pour ceux qui ont Spotify, en recherchant « Ici Sud Ouest« , vous trouverez deux podcasts consacrés l’un à  Gabriela Mansilla, la maman de Luana (34 mn), et l’autre à Viviana Gonzalez, l’étudiante du lycée Mocha Celis (19 mn). Les deux podcast en français, naturellement.

 

 

El héroe de las Malvinas (II)

Contexte historique de la nouvelle

Nous avons quitté le petit Javier Osorio alors qu’il s’apprêtait à quitter Buenos Aires, suite au décès de sa mère et aux vilaines rumeurs qui visaient son père, décoré en tant que « héros » de la guerre des Malouines. (Voir contexte en première partie).

20 ans plus tard, une ancienne camarade de classe vient lui rendre visite dans sa nouvelle ville, Salta, au Nord-Ouest de l’Argentine. Militante dans l’association des Mères de la Place de Mai, qui recherche pour leurs familles biologiques les enfants volés par les militaires pendant la dictature de 1976-1983, elle lui apporte une nouvelle qui devrait bouleverser sa vie, mais rien ne va se passer comme prévu.

Télécharger le texte en version PDF.

Contexto histórico del cuento

Habíamos dejado el pequeño Javier Osorio en el momento en que se preparaba a marcharse de Buenos Aires, después de la muerte de su madre y de los rumores en cuanto a su padre, condecorado en tanto “héroe” de la guerra de las Malvinas. (Ver el contexto histórico en la primera parte).

20 años más tarde, Catalina, una antigua camarada del colegio de San Telmo viene a visitarle en su nueva ciudad, Salta, en el noroeste argentino. Ella milita en la asociación de Madres de la Plaza de Mayo, que busca los niños robados por los militares durante la dictadura para devolverlos a sus familias biológicas. Catalina lleva una noticia que podría cambiar del todo la vida de Javier, pero nada funciona como lo había previsto ella.

Descargar el texto en PDF.

Texto en español del autor. Con lectura y correcciones de Adelaida Ena Noval. 

La présidentielle vue d’Argentine

La presse argentine n’a pas fait ses choux gras de notre élection présidentielle, c’est le moins qu’on puisse dire. Lundi, avec le décalage horaire, quelques articles généraux pour donner les résultats provisoires, encore basés sur les projections de nos instituts de sondages.
Nous avons donc attendu aujourd’hui mardi pour voir si on trouvait des articles un peu plus fouillés sur le sujet.

Clarín en fait son article de tête de gondole ce matin à 10 h. Soulignant qu’en définitive, la candidature Zemmour, présenté comme un Trump français, a en fait plutôt profité à M. Le Pen en la rendant plus fréquentable, Clarín commente à partir d’une enquête du Figaro la fin d’un mythe : celui du front républicain. « Cette idée que la démocratie est en danger, comme en 2002 lorsque Jean-Marie Le Pen était à la place de sa fille, s’est évanouie. Il n’y aura pas de marche républicaine ni 90% des votes en faveur d’un candidat garantissant la survie de la démocratie ». Au passage, Clarín, en bon quotidien droitier, attribue la défaite humiliante d’Anne Hidalgo à « sa gestion catastrophique de la mairie de Paris ». Des fois que son lectorat pourrait croire, comme certains français mal informés, que la chute du PS serait davantage due à ses renoncements politiques et ses ralliements droitiers.

La Nación publiait deux articles hier lundi. Visiblement, cela les a fatigués, puisque aujourd’hui, rien à signaler. Hier donc, Luisa Corradini, avançait que ces résultats « étaient interprétés (en France, donc, doit-on supposer) comme un vote de confiance dans la gouvernance Macron… et un vote utile pour empêcher l’extrême-droite d’accéder au pouvoir ». On ne peut qu’être confondu par tant de clairvoyance. Confiante, Luisa Corradini pense même que les projections de deuxième tour (pourtant nettement plus serrées qu’en 2017) « permettent de penser que Macron n’a pas été touché par le rejet dont souffrent généralement les présidents sortants ».

Allons voir alors le quotidien de gauche Pagina/12. Pas trop prolixe sur le sujet lui non plus, il faut l’admettre. Un article hier, un autre aujourd’hui. Hier, Eduardo Febbro fustigeait notamment la responsabilité de la gauche elle-même (c’est-à-dire, la gauche « de gouvernement » comme on dit chez nous) dans ce deuxième échec consécutif à accéder au second tour. « Ses égoïsmes, ses trahisons, son immaturité, la lutte à couteaux tirés entre ses composantes et la bataille d’égos ont ouvert un boulevard à l’extrême-droite ». Rappelant le scénario de 2002, Febbro condamne ce nouvel épisode de désunion mortifère, semant la confusion parmi les électeurs avec des consignes contradictoires de vote utile en même temps qu’on réclamait de soutenir des partis moribonds comme le PS et le PC. « Le cauchemar de 2002 avait boosté l’extrême-droite, il est probable que celui de 2022 finisse par la porter au pouvoir ».

Aujourd’hui, le même Febbro, correspondant du journal à Paris, titre sur « Comment gagner en perdant », à propos de Mélenchon. Par là, il souligne que Macron dispose de très peu de réserve de voix pour le second tour, contrairement, pense-t-il, à M. Le Pen. Febbro constate qu’il a déjà lessivé le PS, dont les cadres sont en grande partie passés chez lui. Avec 1,7% des voix, celui-ci n’a plus rien à lui apporter. Idem pour LR. Il ne lui reste donc plus que des miettes à gratter de ces côtés-là.

Mais surtout Febbro pose Mélenchon et ses électeurs en arbitres, obligeant les deux candidats du deuxième tour à leur faire des risettes. Pour Macron, c’est la quadrature du cercle : « Le chef de l’état se voit obligé de mobiliser et attirer la gauche sans renoncer à son programme libéral et tout en réduisant la fracture ouverte avec les gilets jaunes ». Mais l’équation est tout aussi ardue pour M. Le Pen. En somme « L’extrême-droite et le libéralisme courent après cette gauche qu’ils n’ont jamais prise au sérieux, ont méprisée et agressée à qui mieux mieux. Le vampirisme électoraliste entreprend sa croisade ». A propos de Mélenchon, Febbro conclut que « s’il se retire, comme on peut le penser, il laissera une Union Populaire bien installée, digne et avec des perspectives qu’elle n’avait pas encore il y a deux semaines. Il a gagné un avenir en perdant en partie le présent ».

Pour terminer, le petit dessin du caricaturiste Paz dans ce même journal. Je ne peux pas le reproduire directement ici pour des raisons évidentes, mais on y voit deux Argentins commentant cette élection. L’un demande à l’autre : Pourquoi autant de Français votent à l’extrême-droite ? et l’autre : parce qu’elle diffuse un message simple et très clair. Lequel ? Liberté, égalité, fraternité, mes c…lles.

04/04/2022 : visite surprise

Le nouveau président chilien Gabriel Boric a réservé sa première visite officielle à l’étranger à son homologue et voisin argentin, Alberto Fernández, avec lequel il partage sans nul doute une proximité politique propice à de bonnes relations diplomatiques entre ces deux pays pourtant, à la manière de la Grande-Bretagne et de la France, aussi proches qu’éternels rivaux.

Il est certain que les deux présidents n’auront pas manqué de sujets de conversation politique, la victoire de Boric ouvrant une sorte de parenthèse enchantée à son homologue argentin plutôt chahuté dans son propre pays en ce moment. Ils en auront sans doute profité pour parler de la difficulté de gouverner durablement à gauche dans un cône sud toujours étroitement surveillé par «L’empereur du nord», qui n’aime jamais autant les leaders de gauche sudistes que lorsqu’ils restent dans l’opposition.
Il est vrai que cette même gauche sud-américaine, ces derniers temps, semble reprendre quelques couleurs, du Chili au Pérou en passant par la Bolivie, et, espère-t-elle, en attendant le retour de Lula aux affaires au Brésil.

Mais loin de ces considérations politiques, Gabriel Boric a également rendu une sorte d’hommage à une belle et grande spécialité argentine : la lecture, et, corollairement, la grande tradition des librairies indépendantes qui pullulent dans tout le pays. Profitant de la proximité de son hôtel, situé dans le quartier moderne de Palermo à Buenos Aires, il a fait un saut jusqu’à la petite librairie voisine, «Eterna cadencia», pour feuilleter et acheter quelques bouquins. Pour l’anecdote, comme le rapportent Pagina/12 et Clarín, il en a acheté cinq, dont celui de Mariana Enríquez, «Alguién camina sobre tu tumba» (Quelqu’un marche sur ta tombe), chronique de ses visites de cimetières (voilà au moins un intérêt que je partage avec cette auteure argentine et le président chilien !).

Occasion de rappeler en effet que l’Argentine, c’est le pays des livres et des librairies. Des grandes, des moins grandes, mais également des bouquinistes, bien plus nombreux à Buenos Aires que nos braves bouquinistes des bords de Seine. Un article du quotidien Infobae nous apprend ainsi qu’il existerait 25 librairies pour 100 000 habitants à Buenos Aires (Plus de 700 en tout, donc) ! Naturellement, inégalement réparties sur la surface, avec des quartiers surreprésentés dans le centre et les quartiers touristiques (Recoleta, San Telmo), et des quartiers plus populaires relativement oubliés, comme Barracas ou Villa Soldati.

Il existe également une autre tradition très suivie : celle des foires aux livres d’occasion qui ont lieu tout au long de l’année. Les plus marquantes : celle, quasi permanente, de Recoleta, non loin du fameux cimetière et du célèbre bar «La Biela», qui se tient chaque fin de semaine, celle du quartier Caballito, tous les jours, ou encore celle qui se tient autour du Parque Centenario, proposant elle aussi quotidiennement divers stands du même type que nos bouquinistes parisiens.

Une simple promenade le long des avenues Corrientes ou Santa Fe nous donne une idée du succès de ce genre de librairies : il y en a quasiment une tous les trois cents mètres, de chaque côté du trottoir ! Et personnellement, même en plein mois de février (équivalent de notre mois d’août de vacances), je n’en ai jamais rencontré une de vide.

Un grand festival du livre a lieu chaque année et reçoit environ un million de visiteurs. Cette année, il se tiendra du 26 au 28 avril, au Centre d’exposition de La Rural, près de la Plaza Italia, dans le quartier de Palermo.

Outre ce nombre hors norme de librairies, Buenos Aires abrite également celle qui est considérée comme l’une des plus belles du monde : l’Ateneo. Située sur l’avenue Santa Fe, elle s’est d’abord appelée «Grand Splendid», car c’était à l’origine un théâtre à l’ancienne, où se produisaient les chanteurs de tango les plus fameux, dont le célèbre Carlos Gardel. Inauguré en 1919, il a été revendu en 1930, a servi de nombreuses années de cinéma, pour être racheté en 2000 par la Société El Ateneo qui l’a donc transformé en librairie, se servant de l’orchestre et des différents niveaux de balcons pour y installer ses étagères de livres. La scène, quant à elle, sert aujourd’hui de café ! Fort heureusement, l’ensemble architectural a été entièrement préservé, ce qui lui fait mériter son titre de «deuxième plus belle librairie du monde». (La première serait celle de la Selexyz Dominicanen à Maastricht aux Pays-Bas).

Librairie de l’Ateneo – Vu sur les balcons

L’Ateneo est ainsi devenu une des attractions touristiques à ne pas manquer dans la capitale argentine, au même titre que le Caminito, le musée des Beaux-arts, le Théâtre Colón ou le Palais Barolo. Voir ainsi les livres «mis en scène», au sens propre comme au sens figuré, est un régal pour les yeux, et justifie la promenade, même si on ne vient pas spécialement acheter des livres. D’autant qu’il est un des derniers vestiges de l’architecture des salles de spectacle du début du XXème !

Au fond, la scène et son café

A lire également au sujet de l’Ateneo l’article assez complet (de 2011) sur le blog «Petit Hergé de Buenos Aires».

Le Jour de la mémoire

Cela pourra paraitre étonnant, mais la presse argentine n’en fait pas des tonnes sur cette date pourtant ô combien marquante de l’histoire tragique du pays. A 46 ans du coup d’état militaire de 1976, qui allait faire des milliers de morts et de disparus, et provoquer des blessures jamais entièrement refermées à ce jour, les commémorations restent pour le moins discrètes, et sont surtout l’occasion d’insister sur la nécessité d’affirmer le «Nunca más» proclamé par la commission d’enquête qui a suivi la chute de la dictature pour évaluer les responsabilités de chacun dans ce drame historique.

Rien d’étonnant à ce que ce soit les journaux situés le plus à gauche qui concentrent le plus d’articles sur le sujet. Pagina/12 en propose pas moins de 10 sur sa première page de l’édition numérique !

D’abord pour annoncer le grand rassemblement consacré au «jour de la mémoire», le premier, dit le journal, post-confinement et depuis le changement de gouvernement, puisque celle de l’an dernier n’avait pas pu avoir lieu. Parmi les mots d’ordre, un revient particulièrement «Où sont-ils ?» en référence aux disparus de la dictature, dont le nombre est discuté, mais ici, on retient celui généralement repris : 30 000.

Sur ce sujet, le quotidien de gauche rend également hommage au travail de l’association des Mères et Grands-mères de la place de Mai, créée un jour de 1977 pour réclamer, justement, qu’on leur rende leurs maris et leurs enfants enlevés par la junte. Aujourd’hui, l’association poursuit un combat acharné pour retrouver les «enfants volés de la dictature», fils et filles d’activistes arrêtés et exécutés, dont la plupart ont été escamotés à leurs familles biologiques pour être «adoptés» par des familles de militaires.

Toujours dans le même quotidien, le psychanalyste Martín Alomo fait le parallèle entre deux absences, celle de ses patients laissant le divan vide pendant la période de confinement, et celle des disparus de la dictature, «témoins de la douleur et de l’abus de pouvoir engendrés par un état d’exception». Mais là s’arrête la comparaison, parce que «…les délits de lèse-humanité ne sont pas prescriptibles, car une fois commis, ils continuent de faire souffrir de façon permanente». D’où la nécessité impérative de maintenir ce «rite social» du souvenir : on ne doit  laisser s’installer aucune possibilité de prescription.

L’écrivaine et femme politique Victoria Donda, elle-même enfant volée de la dictature, attend de ce rassemblement qu’il soit également l’occasion d’affirmer son opposition aux discours de haine et de négativisme historique qui se propagent, tant en Argentine que dans le monde, et qui, selon elle, sont surtout le fait d’une certaine droite haineuse. «Le 24 est une bonne date pour les combattre, car les discours de haine ont toujours précédé les génocides, dont les victimes ont été les sujets sociaux et les acteurs du changement. C’est important de mener une réflexion là-dessus car de nombreuses générations n’ont pas vécu la dictature, mais seulement ses effets qui se sont dilués avec le temps».

Victoria Donda

Cette année, elle y emmènera sa fille, 7 ans. «Elle m’a demandé pourquoi nous faisions cette marche. Je lui ai répondu que c’était pour que nous écoutent non seulement ceux qui avaient commis tous ces crimes, mais également tous ceux qui pourraient penser qu’il y a une partie de la société qui ne sert à rien, et qu’il faudrait faire disparaitre. (..) Il faut que les gamins et les gamines comprennent que si une époque heureuse a jamais existé, nous devons la reconstruire, mais tous ensemble».

Les autres journaux argentins sont nettement prolixes sur le sujet. Il faut descendre très bas sur la une de La Nación pour trouver un article d’opinion dénonçant une journée «de la mémoire sélective». Dans son texte, Daniel Santa Cruz regrette que, même s’il lui parait «tout à fait bien que nous Argentins gardions en mémoire ce qui s’est passé durant la dictature, à la base, et c’est la loi qui le dit, pour éviter que cela ne se reproduise». Mais il juge regrettable que, «malheureusement, ni le gouvernement, ni les militants politiques qui le soutiennent, ni les organisations de droits de l’homme qui participent activement à cette manifestation, ne disent rien des centaines de violations des droits humains commis en 2020 et 2021 pendant la pandémie, quand le gouvernement réglait par décret les comportements sociaux dans un but de sécurité sanitaire». Il regrette qu’on s’apitoie sur le sort des noirs abattus par la police aux Etats-Unis, mais, citant plusieurs exemples, pas sur celui de citoyens argentins tués par leur propre police, et que le gouvernement péroniste a souverainement passés sous silence. Il cite ainsi 200 cas de victimes de la violence institutionnelle, commise au simple prétexte d’assurer l’ordre pendant le confinement, et proteste contre ce «deux poids deux mesures», qui «s’approprie le contrôle moral des droits de l’homme» en choisissant ses causes. «Le jour de la mémoire a raison de nous rappeler la nuit obscure de la dictature, mais il ferait bien d’inciter à réfléchir sur les moyens d’éviter que de tels faits commis par la police d’état se reproduisent en démocratie, en enquêtant et en en temps et en heure».

Un seul article également dans Clarín, de l’historien Ricardo De Titto, s’attachant quant à lui à regretter que le «jour de la mémoire» soit trop centré sur le thème des droits de l’homme, alors que les conséquences de la dictature se font sentir encore aujourd’hui dans bien d’autres domaines, notamment économiques, diplomatiques, culturels ou éducatifs.

Un article très intéressant, en cela qu’il établit un parallèle entre les comportements politiques, qui, dit-il, ont tendance à s’imiter tout en donnant l’illusion du contre-pied. Dressant un bilan sévère de la période militaire, il appelle ses concitoyens à ouvrir les yeux sur son héritage : la fin de la dictature n’a jamais signifié le retour aux jours heureux. «L’héritage de la dictature se laisse apercevoir entre les draps. La politique tend à reproduire ces trucages déloyaux qui ressemblent à des montages vidéos où les amis et les adversaires changent de position et s’accusent mutuellement, à la grande confusion des spectateurs – leurs électeurs – qui observent, écoutent et doutent». L’Argentine en a sans doute fini avec les militaires, mais sa situation ne s’est guère améliorée. Les défis, que ce soit face à la pauvreté, à l’exclusion sociale, à l’état désastreux de l’éducation et de la santé publique, demeurent.

Enfin, le quotidien Crónica, lui, met deux articles en première place de sa une. Le premier raconte l’historie de Bárbara García, 9 ans en 1976, qui aujourd’hui encore tente de faire condamner celui qui a arrêté sa mère sous ses yeux, un militaire qu’elle a reconnu lors d’une manifestation des années après, et qui l’accuse de faux-témoignage. Depuis, menacée de représailles, Bárbara vit sous le statut de témoin protégé. Autre histoire, celle d’Horacio Pietragalla, fils de disparus et «enfant volé», devenu aujourd’hui président de l’Organisation des Droits de l’Homme d’Argentine. Ce n’est qu’à l’âge de 26 ans qu’il a appris que ses parents n’étaient pas ses parents biologiques. Il raconte notamment comment, une fois connue la vérité, il avait décidé de changer de vie. «Toute la question, c’est de prendre sa décision et de l’assumer. Tu éprouves une certaine culpabilité face à ce qui peut arriver à ceux qui t’ont élevé, car ils ont commis un vol, une appropriation, un délit puni par la loi. Mais pour prendre cette décision, j’ai dû penser, de manière un peu égoïste, à tous ceux qui devaient être en train de m’attendre».

Un rugbyman argentin tué à Paris

Samedi 18 mars au matin, le rugbyman argentin Federico Aramburu a été violemment agressé et tué de plusieurs balles de revolver devant un bar parisien du quartier Saint Germain, le Mabillon.

D’après le quotidien régional Sud-Ouest, qui rapporte les faits dans son édition du dimanche 20 mars, il s’agirait de l’issue tragique d’une altercation avec deux clients du bar, qui serait revenus ensuite en voiture et armés, pour régler le différent.

Federico Aramburu, 42 ans, ancien joueur des Pumas, comme on appelle l’équipe nationale argentine, avait joué notamment dans les clubs français de Biarritz, Perpignan et Dax, dans les années 2004 à 2010, et s’était définitivement installé à Biarritz avec sa femme et ses trois enfants. Il gérait avec un autre ami rugbyman, le français d’origine néo-zélandaise Shaun Hegarty, une agence de voyages spécialisée dans les manifestations sportives.

La tragique nouvelle a également fait les titres des principaux quotidiens argentins ce week-end, on s’en doute, s’agissant d’un joueur particulièrement marquant de l’histoire du rugby local.

Mais si Pagina/12 en rend compte en suivant les sources françaises, qui font état des soupçons de la police au sujet d’un suspect ancien membre du GUD, (Groupe Union Défense) un groupe d’extrême-droite violent actif jusqu’en 2017, un certain Loïk Le Priol, Clarín en revanche décrit, à la manière de certains journaux étasuniens, un Paris, et plus spécifiquement le quartier historique de Saint germain des Prés, en proie à la délinquance la plus incontrôlée :

Aramburu a été abattu à la sortie du bar “La Mabillon”, sur le Boulevard Saint Germain à Paris, un quartier qui ces dernières années est devenu aussi populeux que dangereux. Il n’y est plus sûr d’y venir manger un hamburger, comme le faisaient autrefois les habitants du quartier après la dernière séance de cinéma. On y voit maintenant des gens de la nuit, liés à la prostitution, des bandes, des dealers (La phrase en gras l’est sur l’article).

Il y est même question, sans doute pour donner à l’événement un tour plus inquiétant encore, d’un des suspects filmé par une caméra de surveillance, qui, affirme le quotidien sans citer de source, serait « un Albanais du Kosovo, membre de cette communauté de mafieux qui ont pris le contrôle des trafics d’armes et de drogue, (…) craints de tout le monde et principaux grossistes (sic) en drogue, armes et munitions en provenance de la guerre de Bosnie ».

Tremblez, Parisiens et touristes : les barbares du Kosovo font régner la terreur sur la capitale.

Il est néanmoins plus probable qu’on soit en présence d’une hélas plus banale issue tragique d’une bagarre entre clients de bar, aux petites heures du jour. Federico Aramburu s’en serait pris à la mauvaise personne, un type connu pour ses accès de violence,  et armé.

Dans cette affaire, une femme a semble-t-il été arrêtée assez rapidement. Il s’agirait de la conductrice du véhicule avec lequel les agresseurs seraient revenus sur les lieux de l’altercation.

Que ce soit en France ou en Argentine, où Federico Aramburu était unanimement apprécié, l’affaire a suscité une forte commotion.  Pour l’ancien international français Dimitri Yachvilli, « Fédé était toujours positif, plein d’entrain, en plus d’être un formidable équipier, c’était une belle personne« . Patrice Lagisquet, ancien entraineur de Biarritz, dit de lui « Le bonhomme était adorable, il avait toujours le sourire« . (Propos recueillis par Sud-Ouest Dimanche).

En Argentine, même unanimité. Le président de la fédération argentine de rugby, Santiago Marotta, estime que le fait divers « affecte tout le rugby argentin ». Celui de la Super Ligue Américaine de rugby, l’Uruguayen Sebastián Piñeyrúa, annonce pour les prochaines parties une minute de silence et le port d’un brassard noir par les équipes en présence. De son côté, Agustín Pichot, ex-capitaine des Pumas, fera le voyage à Paris pour soutenir la famille de celui qu’il a toujours considéré « comme un ami avec qui nous avons partagé des milliers de voyages et de matches ». (Propos recueillis par Pagina/12)

Por la ruta 7, entre Argentina y Chile

(Versión en PDF aqui)

No cabe duda que esta ruta es mucho menos conocida que la famosa 66 en Estados-Unidos, pero la « Ruta 7 » argentina vale la pena de un viaje.

Esa cinta de asfalta de 1224 kilómetros sale de las orillas del Río de la Plata para ir hasta la Cordillera de los Andes. Cruzando así de este a oeste las provincias de Buenos Aires, Córdoba, San Luis y Mendoza (Cuyo), revela la diversidad de los paisajes naturales que participan del encanto de este fascinante país.

Acá no vamos a recorrer sino les 220 kilómetros finales de la ruta, entre Mendoza y Las Cuevas, donde se encuentra el túnel del “Cristo Redentor”, última etapa del viaje. Pasando por las opulentas propiedades vitícolas de Maipú, entramos en el valle del Río Mendoza y sus paisajes desérticos. Primera parada: el embalse de Potrerillos. Nos paramos a desayunar en Uspallata, oasis de álamos en medio de un decorado más bien mineral, a 2039 metros de altitud. 165 kilómetros más allá de Mendoza, y a 2580 metros de altitud, descubrimos el sitio de “Los Penitentes”, que llamaron así por la forma de las rocas, que se parecen a frailes.

Parada imprescindible en “Puente del Inca”, puente natural formado por la acumulación de nieve y pedregal solidificados por el hierro y el azufre del “Río de las Cuevas”. Este sitio se merecería más tiempo para estudiar mejor su historia y sus leyendas, pero ya tenemos que seguir nuestro viaje.

Puente del Inca

Antes de llegar a nuestra meta final, hacemos una pausa algo “ventosa” al pie de la cumbre de las Américas: el Aconcagua que vigila desde sus 6960 metros de altura la reserva natural epónima.

Nieve en el Aconcagua

Al salir del pequeño pueblo de Las Cuevas, dejamos la Ruta 7 que continúa por el túnel que une desde 1980 Argentina y Chile. Vamos rumbo al Paso de La Cumbre, punto más alto de la antigua carretera entre Mendoza y Santiago de Chile. Esta pista de tierra que serpentea sobre una decena de kilómetros nos permite subir hasta el mirador del Cristo Redentor (3854 m.), etapa final de nuestra excursión.

Ese magnífico entorno natural de las altas Andes fue el teatro, el 13 de marzo de 1904, de la inauguración de la estatua del “Cristo Redentor de los Andes”. Un monumento clave de la historia tumultuosa de las relaciones diplomáticas entre los dos países vecinos.

El Cristo Redentor

Las dos naciones se enfrentaban desde finales del siglo XIX, en torno al problema del trazado de la frontera. Solicitaron la intermediación del Rey de Inglaterra, Eduardo VII, y este puso un punto final al desacuerdo, evitando una guerra que parecía inevitable  (Fueron los ingleses quienes fijaron la frontera entre los dos países en noviembre de 1902. Pero argentinos y chilenos  firmaron un tratado de paz unos meses antes, los “pactos de mayo).

Es para recordar el mensaje de paz del Papa León XIII que el obispo de Cuyo, Marcelino del Carmen Benavente, mandó a construir una estatua de bronce de 7 metros de altura, encomendando el trabajo al escultor Mateo Alonso. La hermana de un general argentino, Angela Oliveira Cezar, quien formaba parte de la asociación suramericana por la paz universal y era amiga del presidente argentino Julio A. Roca (segundo mandato entre 1898 y 1904), sugirió levantar la estatua en tanto símbolo de paz en el Paso de La Cumbre, lugar por donde había pasado José de San Martín con sus tropas en 1817 para liberar a Chile.

Expuesta durante un breve periodo en el patio de la escuela Lacordaire en Buenos Aires, la estatua viajó luego por tren, sobre 1200 kilómetros, antes de verse desmontada en varios trozos para terminar el viaje transportada por mulas. La levantaron sobre un pedestal de hormigón y acero laminado de 6 metros de altura diseñado por el ingeniero Juan Molina Civit, a partir de los esbozos del escultor. El trabajo lo dirigió el ingeniero Conti.

Dos veces nominaron a Angela Oliveira Cezar para recibir el premio Nobel de la Paz, pero sin éxito. Sin embargo su obra siempre quedará como un testimonio de lo que se volvió con el tiempo un verdadero símbolo de esta zona andina.

(Versión en castellano: Patrick V.)

Sur la ruta 7, entre Argentine et Chili

(Version en format PDF ici)

Sans doute moins connue que la célèbre route 66 aux Etats Unis, la «Ruta 7» en Argentine, mérite à elle seule qu’on lui consacre un voyage.

Ce ruban d’asphalte de 1224 km conduit le voyageur des rives du Rio de la Plata à la Cordillière des Andes. En traversant ainsi d’est en ouest les provinces de Buenos Aires, Cordoba, San Luis et Mendoza, il découvre la diversité des espaces naturels qui constituent le véritable attrait de ce fascinant pays.

De ce voyage, nous ne parcourrons que les 220 derniers kilomètres, de Mendoza à Las Cuevas, où se situe l’entrée du tunnel du «Christ Rédempteur», terminus de la «Ruta7». Laissant derrière nous les riches propriétés viticoles de Maipú, nous nous engageons dans la vallée du Rio Mendoza et ses paysages désertiques ; premier arrêt : le lac de barrage de Potrerillos. Pause petit déjeuner à Uspallata, oasis de peupliers dans ce décor minéral, nichée à 2 039 m d’altitude. A 165 km à l’ouest de Mendoza et à 2580 m d’altitude, découverte du site de « Los Penitentes », ainsi nommé à cause de ses pitons rocheux ressemblant à des moines.

Arrêt obligatoire à «Puente del Inca», pont naturel, résultat de l’amoncellement de neige et d’éboulis solidifié par les dépôts de fer et de soufre du «Rio Las Cuevas». Ce site, pour son histoire et sa légende, mériterait sans doute qu’on lui accorde un peu plus que ces quelques lignes d’un voyageur pressé.

Puente del Inca

Avant d’atteindre notre destination finale, pause ébouriffante au pied du «toit des Amériques», l’Aconcagua, qui domine de ses 6960 m, la réserve naturelle éponyme.

Neiges sur l’Aconcagua

A la sortie de la petite ville de Las Cuevas, nous quittons la «Ruta 7» qui s’engouffre dans le tunnel qui relie, depuis 1980, l’Argentine et le Chili ; direction le col de la Cumbre, point culminant de la vieille route Mendoza/Santiago du Chili. Cette piste en terre qui serpente sur une dizaine de kilomètres nous permet d’atteindre à 3 854 m, le «Mirador del Cristo Redentor», terme de notre périple du jour.

C’est dans ce magnifique écrin naturel des hautes Andes que fut inaugurée le 13 mars 1904, la statue du «Christ Rédempteur des Andes». Ce monument s’inscrit dans l’histoire tumultueuse entre les «deux sœurs ennemies d’Amérique du Sud».

El Cristo Redentor

Les deux nations s’affrontant depuis la fin du 19ème siècle à propos du tracé de leur frontière commune, l’arbitrage du roi Edouard VII d’Angleterre fut sollicité et il mit fin au désaccord évitant une guerre qui semblait inéluctable  (Le soin fut laissé à la Couronne britannique de fixer la frontière entre les deux pays. (Pactos de Mayo, accords de paix signés en mai 1902, l’arbitrage anglais intervenant en novembre de la même année).

Pour rappeler le message de paix du pape León XIII, une statue du Christ Rédempteur en bronze haute de 7 mètres fut commandée par l’Evêque de Cuyo, Monseigneur Marcelino del Carmen Benavente, au sculpteur Mateo Alonso. La sœur d’un général argentin, Angela Oliveira Cézar, membre de l’association sud américaine de la paix universelle et proche du président argentin de l’époque, Julio Argentino Roca (2ème mandat de 1898 à 1904), suggéra d’ériger la statue comme symbole de paix au col de la Cumbre qu’avaient franchi José de San Martín et ses troupes en 1817, pour aller libérer le Chili.

Provisoirement exposée dans la cour de l’école Lacordaire à Buenos Aires, la statue fut transportée sur 1200 km par voie ferroviaire, puis démontée en plusieurs morceaux pour être acheminée à dos d’âne. Elle fut érigée sur un piédestal en béton et acier laminé de 6 mètres de haut dessiné par l’ingénieur Juan Molina Civit, d’après les croquis du sculpteur, puis érigé sous la direction de l’ingénieur Conti.

Deux fois proposée pour recevoir le Prix Nobel de la paix, Angela Oliveira Cézar ne fut cependant pas retenue. Mais son action aura laissé après elle ce qui est devenu, avec le temps, une véritable icône de cette région andine.

Pasando por Mendoza y Maipú

 

(Version en format PDF ici)

Aficionado al vino, no podía imaginar otro viaje a Argentina sin pasar por una de sus capitales mundiales: Mendoza y su famoso Malbec, cepa de origen francesa ya que la importaron de la región de Cahors, en el suroeste de este país.

Si el Malbec, que también se llama “Côt” es muy emblemático de Argentina (Una cuarta parte de la uva producida en este país es de esta cepa), su producción se concentra en la provincia de Mendoza (85 por ciento de la superficie total plantada), sea vinificado sólo o mesclado con otros. Se puede encontrar viñas de 80 años todavía sin trasplante.

En Mendoza cultivan también un gran abanico de cepas francesas tanto de tinto (Cabernet Sauvignon, Syrah, Merlot, Pinot noir) como de blanco (Chardonnay, Chenin, Sauvignon, Sémillon, así como el Ugni blanc, cepa que se utiliza en Francia por ejemplo para elaborar el Cognac o el Armagnac).

Viñas en Maipú – 2020

Se puede encontrar también unas cepas criollas, resultando de mezclas con cepas importadas, Argentina siendo uno de los pocos países del mundo produciendo vino con esas cepas.

Cuesta trabajo creer que esta ciudad se halla en medio del desierto, al ver sus largas avenidas arboladas y las numerosas fuentes de sus plazas: la llamada “Ciudad-bosque” y sus 50 000 árboles tiene muchos recursos para seducir el visitante.

Mendoza : Plaza Independencia – 2020

La viticultura remonta al siglo XVI cuando los jesuitas trajeron las primeras cepas y las plantaron en torno a sus monasterios, para producir el vino de misa.

 Luego la actividad se desarrolló siguiendo las olas de inmigración sucesivas: los nuevos viticultores, al traer su experiencia y sus conocimientos, hicieron de Mendoza la más importante y antigua zona de producción de vino en Argentina.

En 1853, Domingo Faustino Sarmiento, futuro presidente de la República argentina (1868-1874), dio el consejo al entonces gobernador de Mendoza, Pedro Pascual Segura, de contratar a un agrónomo francés que había conocido en Chile, un tal Michel Aimé Pouget, para desarrollar el sector de la viña.

Este importó a Mendoza los primeros cepos de Malbec y los métodos franceses para convertirlo en una industria moderna.

No eligieron la provincia de Mendoza al azar: su topografía, su geología y su clima son ideales.

Un punto clave del éxito de la viticultura mendocina reside en el manejo bien controlado del sistema de riego. La Cordillera formando un obstáculo a las lluvias del Pacífico, esta región muy árida no puede contar sino con el agua del deshielo de la primavera para alimentar las acequias.  

Se aprovecha también de la amplitud térmica de estas zonas de desierto: el calor del día favorece la producción de azúcar natural, la frescura de las noches garantiza un buen nivel de acidez, y la escasa tasa de humedad protege de los hongos e insectos dañinos.

Para conocer a los productos locales, optamos por la propuesta de excursión de una agencia de turismo. Nos llevan hasta el pueblo de Maipú, poco más de diez kilómetros al sudeste de Mendoza.

El programa incluye la visita de tres bodegas y, buena sorpresa, de una fábrica de aceite de oliva y de vinagre.

La visita de las dos primeras bodegas se parece a una carga de caballería: paseo relámpago por las viñas y las bodegas, cata también relámpago de tres vinos distintos, darse prisa por favor, hay otros autobuses llegando. Parece algo rápido para catar correctamente los productos locales, pero resulta suficiente para encontrar una encantadora pareja de Rosarinos y compartir nuestros conocimientos vitícolas respectivos. ¿Qué podría ser mejor que un buen vaso de vino para romper el hielo?

La tercera bodega se diferencia de las dos primeras en cuanto a los productos propuestos.

Esta bodega, fundada en 1912 por un inmigrante italiano, Antonio Florio, se especializó en la producción de “vinos varietales”, como el “Chianti”, de “vinos generosos” como el Marsala, el Oporto o el Moscato, así como “vinos espumantes”.

Bodega Florio – Maipú – 2020

La buena sorpresa de la tarde es la visita de la “Olivicola Laur y aceitata Millán”.

Esta fábrica de aceite de oliva, fundada en 1906 por Francisco Laur, inmigrado francés venido a buscar fortuna en “La Cruz de piedra” en Maipú, se volvió la primera empresa argentina de fabricación de aceite, y ocupa desde 2019 el cuarto puesto en la clasificación mundial de los mejores productores.

Fábrica de aceite Laur – 2020

La familia Millán compró la empresa en 2010, y empezó en seguida a producir vinagre balsámico tradicional, lo que nos sorprendió bastante ya que se trata de un producto protegido por certificado de origen, estrictamente reservado a fábricas halladas en las regiones de Módena y Reggio Emilia.

Sin embargo nos explican que fuera de Europa, tres empresas, en Toronto, Tokio y, pues, Mendoza, son certificadas por el “Consorzio Tutela del Aceto Balsamico di Modena” que garantiza la calidad del producto, los métodos y procesos específicos de producción empleados, y así tienen permiso para producir ese vinagre.

La visita empieza por la plantación de olivos, hoy en día más que centenaria, y luego visitamos la fábrica, muy moderna. Visitamos también el museo donde se pueden ver las distintas maquinas utilizadas a lo largo de la historia de la fábrica.

Terminamos por la visita de las bodegas donde envejecen el vinagre elaborado siguiendo un proceso muy antiguo inventado en Módena.
Ese proceso empieza por la producción de un mosto de uva cocida (en este caso Ugni blanc), seguida por el envejecimiento en una serie de cinco barriles de madera de distintas tamaños y esencias (Roble, castaño, cerezo, fresno y acacia) los cuales favorecen la evaporación.

Fábrica Millán : prensas – 2020

Cada año sustituyen la parte evaporada del barril siguiente por una parte del contenido del barril anterior. Llenan el primero barril con mosto cocido.
Se necesita 15 años para envejecer el vinagre, por eso se tendrá que esperar hasta 2029 para que la Aceitaia Millán se vuelva la primera empresa del hemisferio sur produciendo vinagre balsámico “IGP”.

Mendoza ya es una ciudad muy famosa en el mundo entero por sus vinos, pero no deja de sorprender el visitante. No es una “Ciudad oasis” como la llaman algunos. Pero es una ciudad muy verde en medio del desierto que rodea los Andes, y con una historia enriquecida por todos los que se instalaron.

Antes de la llegada del fundador de la ciudad, un tal Pedro del Castillo, el sitio lo ocupaban pueblos indios como los “Huarpes”, quienes crearon el sistema de acequias que permitió transformar esta zona de desierto en ciudad verde, un sistema todavía en uso hoy en día para el desarrollo de la actividad principal de Mendoza.

La base urbanística de la ciudad actual la creó el arquitecto francés Julio Ballofet en 1863, para reconstruir – unos kilómetros más lejos – la ciudad destruida por el terremoto de 1861.

Así es como, a lo largo de su historia, unos franceses dejaron su huella y contribuyeron a la fama de una ciudad que es ahora la cuarta ciudad más importante de Argentina.

Versión en castellano: Patrick V.