La Gorge du diable est dans les détails (Iguazú)

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DU RIFIFI AUX CHUTES D’IGUAZU !

          Aujourd’hui 25 janvier, une petite information assez peu reprise par les grands journaux argentins, mais qui fait néanmoins un des titres de première page de La Nación.com, nous a conduit à ouvrir également celle du journal régional de la région de Misiones « El Territorio ».
          Nombreux sont les touristes, Argentins ou étrangers, qui passent par le superbe et célébrissime site des chutes d’Iguazú, à la frontière du Brésil et du Paraguay. Probablement le plus bel endroit au monde pour observer des cataractes impressionnantes, autant, sinon plus, que celles de Victoria ou celles du Niagara. En 2019, nous dit La Nación, le site a accueilli un nombre record de visiteurs : 1 635 000 ! Qui se massent sur les passerelles pour mitrailler les chutes et en rapporter des photos qui constitueront le clou de leurs albums de voyage, pour ceux qui en font ! Pour notre part, nous avons fait comme tout le monde, en 2008, dans un site probablement moins bien aménagé qu’il ne l’est aujourd’hui. Depuis, semble-t-il, certaines petites choses ont changé, pour les photographes amateurs comme pour les professionnels, et il ne nous a pas semblé inutile, pour les futurs visiteurs francophones, de les signaler ici.

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          Comme dans la plupart des grands sites touristiques de la planète, sur les passerelles d’observation d’Iguazú officie un certain nombre de photographes professionnels, qui vous mitraillent dès votre arrivée puis vous proposent ensuite d’acheter un ou plusieurs de ces clichés avant de repartir du site. Les photos sont généralement plutôt réussies, il faut bien le dire, et votre portait sur fond de chutes vertigineuses, avec le conjoint et/ou les enfants, peut naturellement constituer un souvenir inoubliable. Bref, malgré le prix plutôt prohibitif de l’objet, on est toujours plus ou moins tenté. Pour ces photographes, c’est un gagne-pain. Ils possèdent une autorisation officielle de l’administration du Parc et paient une patente pour pouvoir arpenter les passerelles et vous tirer le portrait. Jusque là, rien à redire, si ce n’est qu’ils peuvent parfois se montrer un brin importuns. Difficile d’admirer le paysage tranquillou sans être accosté par un de ces marchands du temple qui insiste pour que vous preniez la pose. Mais même si vous acceptez d’être photographié, rien ne vous oblige à acheter, heureusement. Enfin, presque. La mésaventure arrivée à un photographe de presse dernièrement nous a permis d’apprendre une subtilité réglementaire qu’il vaudra mieux savoir pour aller visiter le Parc en toute connaissance de cause. Samedi dernier (23 janvier), un photographe du quotidien régional «El Territorio», Sixto Fariña, venu lui aussi prendre des photos du site, s’est vu assez rudement pris à partie par les gardiens du Parc, son appareil confisqué, et sa carte mémoire effacée. Motif : il n’avait pas sollicité d’autorisation auprès de l’administration. Cette licence est gratuite pour la presse, mais néanmoins obligatoire. Ce sont les photographes officiels du Parc qui sont allés se plaindre, pour « concurrence déloyale ». Une accusation pour le moins étrange, puisque Sixto Fariña, bien entendu, n’avait aucune intention de vendre, lui, ses clichés aux touristes de passage. Certes, il avait omis de demander une autorisation. Et c’est là que le touriste doit prêter un instant d’attention.

La Garganta del Diablo – Photos PR

UN GESTE POUR AIDER LE PETIT COMMERCE SVP !      

          En effet, cette affaire, à travers la lecture attentive des deux articles de La Nación et du Territorio, nous apprend que depuis deux ans, les touristes doivent – en plus du prix d’entrée dans le Parc – s’acquitter d’un droit supplémentaire pour pouvoir entrer sur la passerelle la plus populaire – car la plus impressionnante – celle de la «Gorge du Diable» (Garganta del diablo) : à savoir, l’équivalent… du prix d’une photo de photographe professionnel ! Ainsi, rapporte El Territorio, «l’administration du Parc, aujourd’hui dirigée par Sergio Acosta, s’arroge le monopole du meilleur point de vue sur les chutes, pour le bénéfice de quelques-uns». (Par ailleurs, indique La Nación, toute une zone de la passerelle est strictement réservée aux professionnels, et interdite aux touristes, les privant ainsi d’un des meilleurs postes de photographie du lieu).
          Au-delà du malheureux incident concernant ce photographe de presse, et d’un certain abus de pouvoir des gardiens du Parc (qui n’avaient aucune qualité pour confisquer son appareil, et encore moins en vider le contenu), les touristes sont prévenus : plus question de photographier la «Garganta del diablo» gratis. Nul doute que la corporation des photographes professionnels du Parc a de l’influence : même le changement de gouvernement récent n’a pas amené l’administration à changer ce qui constitue, de notre point de vue, une forme d’impôt au bénéfice d’un groupe privé !
          L’histoire ne dit pas si le paiement de cette taxe supplémentaire vous donne droit… à une photo gratuite !

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Biden et l’Argentine

QUE PEUT ESPÉRER L’ARGENTINE DU NOUVEAU PRÉSIDENT  ?

          Comme dans tous les pays du monde ou presque, l’attente est grande en Argentine vis-à-vis du nouveau président Joe Biden. La presse en fait largement état dans ses unes de ce jeudi 21 janvier, au lendemain de la prestation de serment.

Retour au multilatéralisme ?

          Pagina/12 y consacre même un dossier complet, décliné en première page sur pas moins de huit articles. Avec entre autres, bien entendu, l’évolution de la position étatsunienne vis-à-vis du multilatéralisme et, sujet toujours brûlant en Argentine, du Fonds monétaire international (FMI), un organisme dont l’intervention est récurrente dans l’économie du grand pays sud-américain depuis de très nombreuses années. Le ministre des Finances argentin, Martín Guzmán attend beaucoup de la nomination de Janet Yellen au Trésor pour aider à sceller un accord définitif entre l’Argentine et le FMI, et régler de façon satisfaisante la brûlante question du remboursement de la dette argentine, et notamment celui du prêt extravagant de 57 milliards de dollars consenti au gouvernement de l’ancien président Mauricio Macri.
          En ce qui concerne le multilatéralisme, La Nación a noté que Biden, dans son premier discours, n’a pratiquement pas « parlé du monde », et se demande quelle conclusion on peut tirer de ce silence assourdissant de la part d’un homme qui fut quand même pendant des années, rappelle le quotidien, « un membre du Comité des Relations extérieures du Sénat , tutoie de nombreux chefs d’état, politiques et chefs d’entreprises internationaux, est venu 16 fois en Amérique du Sud et est considéré par les spécialistes du sujet comme l’un des présidents américains les plus calés en géopolitique ». Certes, Biden a proclamé la fin du repli initié par Trump, et le retour au multilatéralisme, mais n’a donné aucune précision concrète sur sa politique future dans ce domaine. La bonne volonté, conclut Ines Capdevilla dans son article, confirmée par le retour dans l’Accord de Paris sur le climat et dans l’Organisation mondiale de la santé, ne suffira pas à faire oublier que Biden, au moins dans un premier temps, aura à s’occuper de problèmes aussi aigus que bien plus internes, et n’aura pas forcément beaucoup de temps à consacrer au reste du monde.

Biden et l’administration péroniste

          En bon anti-kirchner militant, Clarín souligne dès son premier sous-titre que Biden n’a pas de bons souvenirs du kirchnerisme, du temps de sa vice-présidence avec Obama. Le quotidien consacre quatre paragraphes à en rappeler les différents épisodes, de la confiscation par les Argentins de matériel militaire étatsunien en 2011 à la dénonciation des Etats-Unis par l’Argentine devant la Cour Internationale de Justice pour un conflit financier, en passant par le rapprochement avec l’Iran impulsé par la présidente Cristina Kirchner, et les accusations à peine voilées de cette dernière sur un possible attentat des services étatsuniens contre sa personne. Néanmoins, le quotidien anti-péroniste ne se montre pas trop pessimiste quant aux futures relations entre les deux pays, soulignant le pragmatisme de Biden, mais il souligne que tout dépendra, en réalité, de l’attitude du gouvernement argentin. Un des problèmes persistant est bien entendu la relation entretenue par l’administration péroniste avec le gouvernement vénézuélien, jugée bien trop bienveillante par les nord-américains. Un autre, mentionné également par Pagina/12 (Voir plus haut), est celui de la négociation de la dette argentine avec le FMI : pour Clarín, la balle est dans le camp de l’Argentine, c’est à elle de proposer un plan de remboursement viable, que les Etats-Unis pourront alors soutenir auprès de l’organisme international.

Ne pas se faire trop d’illusions

          Il ne faut pas se faire trop d’illusions, indique pourtant Atilio Boron dans Pagina/12, dans un article néanmoins très orienté, mettant l’accent sur les biais impérialistes de la nouvelle administration.
          L’arrivée d’Obama avait suscité de nombreux espoirs, mais sa politique, dit Boron, avait déçu, notamment dans sa gestion de l’après crise de 2008, plus favorable aux puissances d’argent qu’aux gens modestes. Certes, indique l’auteur, Biden arrive avec un gouvernement nettement plus diversifié que celui de Trump, essentiellement constitué de «mâles blancs». Mais la diversité, ethnique et culturelle, n’empêche pas les membres de cette nouvelle administration d’être tout aussi liés au «grand capital».
          Le nouveau titulaire du Département d’Etat, Anthony Blinken, est «un faucon modéré, mais un faucon tout de même», qui a soutenu l’invasion de l’Irak en 2003 et l’intervention en Lybie. Son adjointe Victoria Nuland, très active sur le Maidan en Ukraine en 2014, avait envoyé promener l’Ambassadeur des Etats-Unis en personne lorsque celui-ci lui avait signalé le désaccord de l’Union Européenne avec la destitution de Victor Yanukovich d’un cinglant « Fuck the European Union ».
          Le ministre de la Défense Lloyd Austin quant à lui était jusqu’à très récemment membre du directoire de Raytheon, un des géants du complexe militaro-industriel, et sociétaire d’un fond d’investissement consacré à le vente d’équipements militaires.
          Difficile avec ce genre de personnel, conclut Boron, d’être très optimiste quant à une diminution à venir des tensions internationales. Malgré tout, Clarín veut croire qu’après un an de relations extrêmement difficiles entre l’Argentine d’Alberto Fernández et les Etats-Unis de Donald Trump, très proche de l’ancien président Mauricio Macri, des discussions positives puissent reprendre assez rapidement entre les deux pays.

          Les Etats-Unis ont toujours considéré l’Amérique Latine comme son «arrière-cour», et n’a jamais renoncé à tenter d’influer, directement ou indirectement, sur son cours politique et économique. Il est assez peu probable qu’on puisse s’attendre à de grands changements dans ce domaine avec le nouveau président. Au contraire. « America is back » est une formule à double-tranchant, surtout en Amérique du Sud, où l’histoire des relations avec le cousin du nord a toujours été pour le moins tumultueuse.

Promulgation de la loi sur l’avortement

         

La loi promulguée par le Président

      C’est officiel : l’avortement est désormais légal en Argentine. Le Président Alberto Fernández vient de signer la promulgation de la loi qui établit notamment (Article 4 de la loi) que «Les femmes et les personnes d’autres genres en capacité de procréer ont le droit de décider et d’accéder à l’interruption volontaire de leur grossesse jusqu’à la limite de 14 semaines maximum du processus en cours». La loi stipule également que la personne qui en fait la demande doit être prise en charge dans les 10 jours suivant sa déclaration.
          Assez curieusement, cette nouvelle pourtant importante ne fait pas outre mesure la une des journaux argentins aujourd’hui 15 janvier. Il est vrai que cette loi, le Parlement l’a votée il y a déjà plus de deux semaines (30 décembre 2020). La loi entrera en application à partir du 23 janvier 2021, date de sa publication au journal officiel.
          Parallèlement, est promulgué également la loi dite « des mille jours », mettant en place un dispositif d’assistance et de suivi sanitaire durant la grossesse et après l’accouchement, ainsi que tout au long de la petite enfance.
          L’information n’apparait en première page ni de La Nación ni de Clarín, deux quotidiens dont le lectorat est naturellement plutôt opposé à l’avortement.
          Pagina/12 en revanche en fait un titre important, de même que le Diario Popular, qui met en avant la satisfaction du Président d’avoir tenu sa parole et réalisé ce point important de son programme. Selon Alberto Fernández, la société vient de faire «un pas important pour que la société soit plus juste et plus égalitaire envers les femmes», ajoutant qu’il se sentait heureux «d’en finir avec le patriarcat». «Avec la promulgation de la loi sur l’avortement» dit le quotidien, «L’Argentine s’inscrit comme un des pays les plus avancé socialement d’Amérique Latine, une région où le droit à l’avortement est inexistant ou fortement limité dans la plupart des pays».

Maradona

          Sidération en Argentine. Un dieu qui jusque là était vivant, ou à peu près, est mort. A 60 ans. Pile le même âge que son ancien ami Nestor Kirchner, l’ancien président. Pile dix ans après. Et pile le même jour (mais quatre ans plus tard) que son autre ancien ami Fidel Castro. Maradona a toujours eu le don de savoir bien tomber. A une semaine près, son but de la main contre l’Angleterre en quarts de finale de la coupe du monde 1986 (22 juin) venait marquer la fière vengeance de l’humiliation subie quatre ans plus tôt lors de la guerre des Malouines. (14 juin 1982)

          L’Argentine est en larmes. L’Argentine toute entière. On a beau chercher, fouiller la presse de ce jeudi 26 novembre, pas de voix discordante. De toute façon, comme dit Clarín, ce n’est pas seulement l’Argentine qui chiale le héros trop tôt disparu, mais le monde entier. Clarín a raison, d’ailleurs : depuis hier soir, nos radios et télés nationales, en France, tournent en boucle. Pour le Parisien, c’était une rock star avec un ballon. Pour L’Equipe, « L’Argentine pleure son Dieu » (avec majuscule). Libération reprend carrément une formule nietzschéenne : « Ainsi jouait Maradona ». France info y va elle aussi de son « Dieu du foot ». Et ainsi de suite. Un dieu. Ben oui, hein, la main qui lui a servi à battre les Anglais en 1986 n’était pas vraiment la sienne, mais celle de Dieu. Maradona était donc Dieu. Personnifié. Pelé, lui, qui n’a pas la chance d’être mort, n’aura jamais eu que le titre de roi. Messi, comme son nom l’indique, ne sera jamais qu’un représentant de Dieu, Beckenbauer restera Kaiser et Johan Cruyff devra à jamais se contenter du modeste titre de « Prince d’Amsterdam ».

          Remarquez, Dieu, c’est mieux que saint. Parce que c’est bien le paradoxe, avec Maradona. Si on ne lui mégote pas son titre divin, décerné à la quasi unanimité du monde entier, donc, (et quand on dit quasi, c’est pour se donner une dernière illusion de crédibilité néanmoins tout à fait dispensable dans ce cas), il y aurait sans doute un poil moins de monde pour lui accorder la sanctification. Faut vraiment être un footballeur pour mériter ainsi l’appellation de Dieu, mais pas celle de saint. Surtout dans un pays aussi catholique que l’Argentine.

          Catholique, Maradona l’était sans nul doute, mais pas forcément au sens orthodoxe du terme. Mais comme à tout bon catholique, même non confessé, on lui accorde tous les pardons du monde. Comme dit l’excellent Roberto Fontanarrosa, célèbre écrivain et dessinateur de BD, cité par La Nación, « Je me fiche de ce que Maradona a fait de sa vie, ce qui compte, c’est ce qu’il a fait de la mienne ». Quand un type suscite un tel amour, même de la part d’un homme aussi posé, intelligent et caustique que Roberto Fontanarrosa[1], au point de faire oublier tous ses côtés obscurs, on ne peut que soulever son chapeau au passage du cercueil. Maradona fait donc partie de ces gens qui, comme disait un supporter de Trump, « peuvent abattre un type au hasard dans la rue sans perdre une once de popularité ». Maradona restera à tout jamais au-dessus de toute avanie. La Nación et Clarín, tout à leur célébration, passent en chœur au-dessus des liens de l’idole avec le guevarisme, le castrisme, le chavisme, le madurisme, tout ce que ces journaux vomissent pourtant à longueur de colonnes. Les supporters de gauche vous insultent si vous osez mentionner ses autres liens, bien différents, avec la mafia calabraise, du temps de sa splendeur napolitaine. De toute façon, ce ne sont pas les hommes qui peuvent s’arroger le droit de pardonner à un dieu, n’est-ce pas ?

          Ce déchainement d’idolâtrie, on l’aura compris, nous laisse un tantinet pantois. Il en dit long sur ce que sont devenues nos sociétés, quand la mort d’un type dont le talent consistait à jongler avec un ballon et défrayer la chronique pendant et après sa glorieuse carrière par ses frasques et ses diverses addictions devient un événement planétaire, et que son nom devient celui d’une nouvelle divinité universelle.

          Une amie vient de nous envoyer le son du discours d’une certaine Margarita Pécaros. Une Cubaine. A Cuba aussi, la mort du dieu du foot est un séisme populaire. Emportée par son lyrisme, Margarita en vient à espérer que Maradonna et Dieu, en frères jumeaux enfin réunis, vont pouvoir désormais taper le ballon ensemble. Pourvu qu’un tir trop puissant, ou un dribble trop appuyé, ne réveille pas nos valeureux morts ordinaires de leur bienheureux sommeil.

[1] Auteur notamment de l’excellente chronique « Uno nunca sabe », chez Planeta.

8 novembre 2020

         VICTOIRE POUR JOE BIDEN : les réactions de la presse Argentine

          Pas de voix discordante en ce dimanche, à la une des six grands quotidiens en ligne d’Argentine : tout le monde annonce la victoire de Joe Biden comme définitive, actant l’élection de celui-ci comme 46ème président des Etats-Unis.
          La Nación insiste sur l’extrême tension générée par ces élections assez perturbées par la crise sanitaire, induisant un fort taux de vote par correspondance. Ce qui a eu pour effet d’une part de grandement retarder le comptage des voix et la proclamation des résultats, mais a également permis à Donald Trump de jeter la suspicion sur le processus électoral. Le quotidien note par ailleurs que ces attaques, lancées déjà avant l’élection, et soutenues par de nombreux cadres républicains, ont « empêché toute possibilité de renforcer ce système électoral par anticipation ». Il relève également le caractère infondé, et non prouvé, des accusations de fraude lancées par le camp républicain.
          Crónica, conforme à sa ligne plus « people », s’intéresse plutôt à la personnalité de la vice-présidente, Kamala Harris. « Fille d’une scientifique Indienne et d’un économiste Jamaïcain, mariée à un avocat juif », relève le quotidien visiblement marqué par le cosmopolitisme de la nouvelle vice-présidente, et qui relève qu’elle est parvenue à s’imposer dans un milieu traditionnellement réservé aux « hommes blancs ». Selon le quotidien, Kamala Harris, qui a toujours mis l’accent sur la défense des droits des minorités, notamment des femmes et des noirs, peut être considérée comme un élément « progressiste » dans une balance démocrate plutôt centriste, même si elle s’est attirée de nombreuses critiques de la part de la gauche du Parti en raison de sa supposée indulgence vis-à-vis de la police.
          Le Diario Popular préfère insister sur la volonté réconciliatrice de Joe Biden, dans un pays que Trump a rendu conflictuel à l’extrême. Citant le nouveau président, il veut voir en lui celui qui « va restaurer l’âme des Etats-Unis, pour reconstruire le pays autour de sa colonne vertébrale, la classe moyenne ». Le Diario Popular souligne également que Trump est seulement le cinquième président à perdre la réélection, après Herbert Hoover en 1932, Gerald Ford en 1976, Carter en 1980 et George Bush senior en 1992, et que son mandat a été marqué par un fort taux de conflictivité à l’international, entre la sortie de l’Accord de Paris, la négation du changement climatique, l’escalade commerciale avec la Chine, la rupture de l’accord sur le nucléaire iranien, et des relations pour le moins rugueuses avec les propres alliés des Etats-Unis.
           Le retour à l’unité du pays, c’est ce que veut croire également Clarín, citant lui aussi l’appel à la réconciliation et la main tendue aux électeurs républicains : « Je comprends votre tristesse, moi aussi j’ai perdu des élections. Mais le temps est venu d’être de nouveau ensemble, de nous unir pour guérir le pays. ». Clarín craint cependant que malgré les difficultés – le résultat des recours envisagés par le camp républicain s’annonce incertain – il est « peu probable que Trump concède (de sitôt) la victoire à son adversaire ». En outre, le quotidien souligne l’enracinement probable du « Trumpisme » pour une longue période dans une opinion américaine plus divisée que jamais, et surtout, pour une bonne part, radicalisée. Ce qui annonce un après élection qui pourrait se transformer en « champ de bataille ».
          Le quotidien péroniste Pagina/12 s’intéresse quant à lui aux futures relations entre la nouvelle administration étatsunienne et celle du gouvernement argentin. Avec espoir, mais sans trop d’illusions non plus. Avec la défaite d’un Trump activement soutenu par le Brésilien Bolsonaro et le Colombien Duque, Alberto Fernández, indique Pagina/12, se verrait bien comme le nouvel interlocuteur privilégié de l’administration Biden pour l’Amérique latine. Biden et Fernández ne manquent pas de points d’intersection sur beaucoup de sujets, même si, tempère Pagina/12, il ne faut pas se faire trop d’illusions sur le plan économique : sur ce plan il n’y a pas beaucoup de différence entre les philosophies républicaine et démocrate. D’ailleurs, la plupart des diplomates argentins souligne que de ce point de vue « la période Bush aura été plus profitable à l’Argentine que celle d’Obama », et par ailleurs Trump s’est toujours montré arrangeant vis à vis de l’Argentine notamment dans les relations de cette dernière avec le FMI. Néanmoins, citant le Financial Times, il souligne qu’Alberto Fernández est là-bas considéré comme un « homme de gauche pragmatique », loin d’être un « chaviste ». En tout état de cause, il faudra de toute façon attendre le prochain Sommet des Amériques, en 2021 – qui aura précisément lieu aux Etats-Unis – pour mieux connaitre les intentions futures de Joe Biden vis-à-vis du continent sud-américain.

6 novembre 2020

REVUE DE PRESSE DU 06 NOVEMBRE 2020

Pour cette première revue, plutôt que de développer un seul sujet en confrontant les différentes présentations, nous allons simplement parcourir les unes des journaux nationaux en ligne (voir la liste sur la page « revue de presse ») afin de mettre en relief leurs priorités, ce qu’ils mettent en avant. Ceci afin de donner une petite idée de leurs différentes lignes éditoriales.

ELECTION DE JOE BIDEN

Aujourd’hui vendredi 6 novembre, l’actualité est naturellement toujours dominée par l’élection présidentielle américaine. Elle est le titre principal des deux plus grands quotidiens, Clarín et La Nación, et du principal journal de gauche, Pagina/12. Qui indiquent unanimement que Jo Biden est en bonne voie d’être élu. Leurs articles sont d’ordre factuel, donnant des informations qui leur semblent être fiables, informations qui ne diffèrent pas de celles qu’on peut par ailleurs trouver dans nos propres journaux. Ce qui a le don d’agacer les lecteurs des deux journaux de droite, à lire leurs commentaires. Pour la plupart, ceux-ci reprennent les arguments trumpistes : les démocrates sont en train de « voler » l’élection, Biden est un corrompu pédophile et sénile, les démocrates ont passé les quatre ans de mandat de Trump a tenter de le renverser, etc… En général, ils ne veulent pas croire à une victoire démocrate. Clarín néanmoins souligne l’espoir du gouvernement argentin d’une victoire de Jo Biden, qui, selon le quotidien, éloignerait les Etats-Unis du Brésil de Bolsonaro, et permettrait de renouer le dialogue avec Cuba et le Venezuela, deux pays dont les régimes sont classés par Clarín comme proches du péronisme de Cristina Fernández, la vice- présidente Argentine. Là encore, les commentaires des lecteurs sont peu amènes : pour certains, Biden, « Kristina » (avec le fameux K de ralliement utilisé par ceux qui détestent la vice-présidente), Alberto, sont à mettre dans le même sac des communistes corrompus et voleurs, et ils sont assez nombreux à critiquer l’apparent soutien porté par Clarín et la Nación au candidat démocrate.

CORONAVIRUS

L’autre grand titre, c’est naturellement l’évolution de la pandémie. Contrairement à la France, les chiffres sont un peu plus rassurants, et il semblerait qu’on se dirige vers un déconfinement progressif sur l’agglomération de Buenos Aires, où vit le quart de la population du pays. Le système est un peu différent du nôtre. A Buenos Aires, on était jusqu’ici en «confinement social préventif et obligatoire», on passerait donc à une simple «distanciation sociale». La décision de changement sera prise à l’issue de la rencontre entre le Président de la nation et les élus de la Communauté urbaine de Buenos Aires. Si elle est favorable, chaque district pourra définir les activités économiques qui pourront reprendre ou non, il n’y aura plus besoin d’attestation pour pouvoir circuler librement, même si les transports publics resteront réservés aux déplacements de travail. Les réunions de famille et d’amis seront de nouveau autorisés, et les locaux publics, comme les restaurants, les bars, les cinémas, les théâtres, pourront aller jusqu’à 50 % de leur capacité d’accueil.
En ce qui concerne un éventuel vaccin, Pagina/12 croit savoir que le gouvernement maintient d’étroites relations avec la Russie, qui non seulement a lancé d’intenses recherches sur son sol, mais investit également dans la recherche en Argentine. Clarín est même plus précis : le gouvernement aurait déjà réservé 25 millions de doses du vaccin russe «Sputnik», ce qui permettrait de vacciner, à raison de deux doses par personnes, plus de 12 millions de citoyens argentins. Selon les chiffres du même journal, le nombre de cas argentins s’élevait cette semaine à 1.205.928.

Les autres grands titres

Hors ces deux grands sujets unanimement traité par la presse argentine, celle-ci se distingue néanmoins par une grande variété de premières pages. Si Clarín consacre un article, comme à son habitude, à l’enquête en cours sur la présumée corruption de Cristina Kirchner pendant ses deux mandats, se félicitant de la décision de la Cour Suprême de ne pas destituer le juge Castelli (destitution réclamée par le gouvernement), La Nación s’inquiète d’une nouvelle probable dévaluation du peso, rendant compte d’un sondage assez pessimiste réalisé auprès des citoyens Argentins. Un sondage qui montrerait par ailleurs un retournement de l’opinion en défaveur de l’actuel gouvernement. Le « Diario Popular » quant à lui, fait son principal titre sur les 200 ans de la conquête des îles Malouines, reprises par les Britanniques 13 ans seulement plus tard. Un sujet particulièrement sensible en Argentine, où auront lieu sur tout le territoire des cérémonies de commémoration de ce bicentenaire du « Premier drapeau argentin planté sur les îles ».