Chronique des unes d’un jour ordinaire en Argentine : à travers l’exploration de cinq journaux en ligne, les priorités du moment au pays du maté calme.
Commençons par le plus lu : Clarín. Comme à son habitude, il a cherché par quel biais attaquer le gouvernement en place. Comme partout, le plus efficace en ce moment, c’est ce bon vieux virus, inépuisable source quand on veut critiquer ceux qui se tapent la douloureuse tache d’y faire face pour tout le monde. Cette fois, la critique concerne (là aussi, comme à peu près partout) la gestion des vaccins. Clarín relève que la ville de Buenos Aires (dirigée par l’opposition) se plaint que le pouvoir central distribue les doses à travers le pays non en fonction de l’importance des groupes à risque, mais au prorata des populations. Et produit un intéressant tableau corroborant ce fait. Critiquant parallèlement, au passage, le retard pris par l’Argentine dans l’achat global de vaccins, par rapport à ses voisins brésilien et chilien. Deux gouvernements évidemment plus sympathiques aux yeux du grand quotidien argentin. Qui se demande si les régions ne feraient pas mieux de prendre leur autonomie (ce que la loi argentine permet) sur le sujet.
La Nación choisit un autre angle d’attaque, probablement plus populaire et plus efficace : la corruption de l’époque Cristina Kirchner. Lázaro Báez a été condamné à 12 ans de prison pour blanchissement d’argent sale et ce que nous appellerions en France fraude aux marchés publics : l’entrepreneur de BTP d’origine chilienne aurait bénéficié de marchés truqués de la part du gouvernement de Cristina Fernández de Kirchner, elle aussi poursuivie dans différentes affaires de corruption active et passive. Une affaire aux vastes ramifications, dans laquelle interfèrent également des soupçons de « lawfare », le pouvoir en place soupçonnant certains secteurs du monde judiciaire de pactiser avec l’opposition de droite pour « mouiller » les toujours populaires dirigeants péronistes. Un peu à la manière de ce qui a été fait au Brésil contre Lula et Dilma Roussef. Mais en l’occurrence, il semblerait que les dossiers soient bien plus solides dans le cas argentin que dans le cas brésilien, même si, des deux côtés de la frontière, les dénonciateurs de la corruption sont assez loin d’être eux-mêmes des chevaliers blancs. L’Amérique latine n’est pas, et n’a jamais été en la matière, un territoire binaire. Si le pouvoir corrompt, c’est encore et toujours plus vrai de ce côté-là de l’Atlantique. Hélas. Il est néanmoins assez croustillant de voir que la justice du Panama, paradis fiscal bien connu pour avoir abrité un temps les intérêts de l’ancien président de droite Mauricio Macri, se saisisse du dossier.
On ne sera donc pas étonné de voir que c’est justement le cas Macri que met en relief le quotidien de gauche Pagina/12, fervent supporter de Cristina Kirchner et du parti péroniste. Le quotidien – qui par ailleurs évite aujourd’hui soigneusement toute allusion aux affaires en cours contre Cristina Kirchner et Lázaro Báez – poursuit son enquête au sujet de la faillite présumée frauduleuse de l’entreprise « Correo Argentino » (l’équivalent de notre Poste), jadis propriété de la famille Macri. Cette dernière est soupçonnée d’avoir profité de son passage au pouvoir pour négocier un accord avantageux de sauvetage de l’entreprise, aux frais du contribuable. Correo Argentino, qui cherche désespérément un repreneur, doit 4 milliards et demi de pesos à l’Etat (Plus de 41 millions d’euros au cours actuel) et aurait organisé son insolvabilité en « déviant » les réserves de l’entreprise vers d’autres firmes appartenant à – ou amies de – la famille Macri. Qui s’en défend, tout en tentant, selon Pagina/12, d’évincer la juge en charge du dossier par tous les moyens.
Comment s’étonner ensuite que les Argentins se désespèrent d’être un jour gouvernés par des élus honnêtes ?
A part ça, et pour plus de légèreté, dans le plus parfait désordre : Crónica a vu apparaitre un OVNI au cours d’un journal d’infos brésilien (Si si, c’est le titre de la une en ligne !), et le Diario Popular célèbre la victoire du club de Boca Junior (celui de Maradona) en… trente-deuxièmes de finale de la coupe d’Argentine. C’est aussi le titre de une, mais notons que juste en dessous, on trouve un intéressant article sur un cas assez effrayant de prostitution de mineures par leur propre mère. (De 4 à 12 ans, les filles, quand même). Un sujet hélas universel.