Pibas, livre vert du féminisme argentin

          Il y a quelque temps, une amie, qui connait mon intérêt pour tout ce qui se passe en Argentine, d’une part, et pour les idées progressistes d’autre part, m’a offert un curieux petit livre au titre on ne peut plus argentin «Pibas» (gamines, en espagnol de là-bas).
          Il est l’œuvre d’une française, Marie Audran, qui est allée à La Plata (une ville située à une soixantaine de kilomètres au sud de la capitale, Buenos Aires). Elle y a rencontré des jeunes de 13 à 20 ans, au moment où la bataille législative sur la légalisation de l’avortement battait son plein au Congrès de la Nation.
          Elle en a ramené une suite d’entretiens avec des filles, mais aussi des garçons, dans lesquels ils/elles livrent leur vision de la société argentine , de son futur, et des espoirs qu’ils/elles fondent sur leurs propres capacités à faire changer les choses, dans un pays miné par les divisions politiques, le conservatisme, le populisme et la corruption des élites.
          Marie Audran entrecoupe les comptes-rendus de ces entretiens de mises en contexte utiles pour le lecteur étranger qui ne connaitrait pas, ou superficiellement, l’Argentine. Elle présente les diverses associations féministes, comme celles des HIJXS (Filles et fils pour l’identité et la justice et contre l’oubli) issue de celle des «Grands-mères de la place de Mai», luttant pour retrouver les enfants volés de la dictature, les associations d’élèves (centres étudiants), ou le collectif «Socorristas en red» (secouristes en réseau), qui accompagne les femmes devant se faire avorter. Elle rappelle l’héritage de la dictature militaire de 1976-1983, et le positionnement politique des trois derniers gouvernants du pays, Nestor et Cristina Kirchner et Mauricio Macri.
          Tout au long du livre, on suit le cheminement intellectuel d’une douzaine de jeunes, dans le rapport qu’ils entretiennent avec la société dans laquelle ils vivent, et comment ils aimeraient la voir changer vers plus de solidarité, d’humanisme et d’égalité, que ce soit de classes ou de genres.

Quelques extraits, tirés des entretiens.

« Je n’ai jamais rien lu sur le féminisme, mais des choses réelles me sont arrivées, des choses que j’ai vécues dans ma chair. (…) Je me rappelle (….) d’une fois dans le bus, d’une femme qui était avec son petit garçon qui n’arrêtait pas de pleurer. Elle lui a dit «Mais arrête, tu ressembles à une fille». Et moi j’ai pensé «Quoi ? Je ne comprends pas… C’est n’importe quoi…» Ensuite, un homme âgé est monté avec une petite fille qui avait l’air d’être aussi l’enfant de cette femme. Ils faisaient des chatouilles à la petite fille. Le petit garçon a commencé à frapper la fille et l’homme a rigolé et a dit «Ah ah ! Ni una menos !» (Plus une en moins, slogan féministe contre les féminicides, dérivé de l’autre slogan « pas une morte de plus » NDLA) et il a fait semblant de la frapper. Je ne suis jamais descendue du bus aussi énervée. Ma journée était gâchée. Cette scène, je l’ai vue. Je me suis demandé comment ça devait être chez eux s’ils font ça dans le bus. Sans honte. »
Vicky, 13 ans.

« Aujourd’hui, il est temps que les femmes soient maîtresses de leur corps. Ni Macri (Mauricio Macri, président de l’Argentine à l’époque de l’entretien. NDLA) ni le Pape ne pourra freiner la vague féministe qui parcourt le monde.»
Ornella, 24 ans

« Moi, j’ai l’impression qu’on est la nouvelle génération. On se forme : en nous organisant, en allant à des réunions, en nous politisant et en portant les débats dans nos sphères respectives, dans nos écoles, on essaie d’inclure d’autres personnes à tout ça. Pour les temps à venir, on doit tout améliorer dès maintenant. S’impliquer dans les problématiques de la société et pas seulement dans celles de l’école, ne pas rester les bras croisés, mais être de vrais acteurs de ce qui est en train de se passer.»
Marcos, 18 ans.

« Du coup, tu ressens plus d’empathie pour les autres. Tu ne laisses pas quelqu’un se faire insulter devant toi. A chaque fois que quelqu’un fait un commentaire machiste, les pibas lui disent : « Eh ! Ta gueule ! ». Avant, les mecs parlaient mal et étaient morts de rire. Aujourd’hui, je m’en rends plus compte et je fais plus attention. »
Araceli, 19 ans.

« Il y avait une question qui commençait à nous traverser l’esprit – on avait entre 12 et 13 ans –, c’était pourquoi on nous criait des trucs dans la rue, ou qu’on se sentait mal à l’aise à cause de la présence d’un homme en se promenant. Ça, ça n’arrivait pas à mon frère. Tu te mets à faire ces petites comparaisons de la vie quotidienne. Aucune femme n’aime qu’on lui crie des choses dans la rue, mais ça nous arrivait à toutes. On commençait à se poser des questions : « Pourquoi un type pense qu’il peut se permettre de me crier ça ? » Quand tu as 12, 13, 14 ans, ce que tu penses, ce n’est pas « fils de pute », non, tu ne penses pas ça : tu te sens coupable. C’est en tout cas ce qui m’arrivait à l’époque, puis je m’en suis libérée. Me rendre compte à 13 ans que je n’étais pas coupable de cette situation. Ça a été un vrai déclencheur. Moi, 13 ans, victime de harcèlement de rue. J’ai mis plus de temps pour relier ça à des situations où le corps est considéré comme un objet. Je ne le remarquais pas directement. Je ne le reliais pas avec le regard que les hommes ont sur nos corps. »

« Pour moi, ça a été incroyable. Comme quand les choses commencent à avoir du sens. Tu vis dans un monde où tout semble être établi et d’un coup tu commences à faire des liens. Et ça a été comme ça avec tous les sujets. »

« Quand tu es ado et que tu commences à faire tous ces liens et à te rendre compte que ton corps est politique, il se passe quelque chose de très beau. »
Marina, 18 ans.

« … ils nous mettent des barrières, et nous, on saute par-dessus. »
Helena, 18 ans.

« Nous sommes tous des êtres politiques. Nous nous révolutionnerons toujours. Moi, je me suis révolutionnée. C’est sûr. Petit à petit, j’ai découvert ce que je pensais vraiment, car tout ce que je racontais avant, tout ce qu’on m’avait inculqué et tout ce que j’avais entendu de mes parents ou à l’école, tout ce que je pensais acquis a été bouleversé. Tout s’est retrouvé sens dessus dessous. »
Mercedes, 17 ans.

En complément :

Cualca fractal, la chaine youtube de l’humoriste féministe Malena Pichot.
https://www.youtube.com/channel/UCLy9QLv0obCtnYIR0bKJ37A

Site de la revue féministe argentine en ligne « Anfibia »
http://revistaanfibia.com/

(Références citées dans le livre)

 

1930 : premier coup d’état militaire

Place du Congrès – Buenos Aires – septembre 1930 – Photo DP
  1. CRISE ECONOMIQUE, CRISE POLITIQUE 

           1929, on le sait, est marquée par une grande crise économique. Pour y faire face, la Grande-Bretagne crée le Commonwealth englobant dans un premier temps le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. De grands concurrents de l’Argentine sur le marché mondial des viandes. Par ailleurs, trois autres grandes puissances restreignent leurs importations : États-Unis, Allemagne et France. Résultat : le secteur exportateur argentin, largement dépendant de l’élevage, s’effondre, et avec lui, l’entrée des devises nécessaires aux importations de biens manufacturés. Malgré cela, Irigoyen et son gouvernement continuent de creuser le déficit en alimentant le paiement de la dette.

          Pour faire face au problème de l’import, l’Argentine cherche à renforcer son marché intérieur, investissant dans la production nationale, par la création d’une industrie manufacturière locale.

          La chute des prix agricoles provoque un immense exode rural : les petits agriculteurs viennent grossir les rangs des ouvriers des nouvelles usines dans les grandes villes.

          Mais la crise économique, marquée par cet effondrement du secteur agricole, une inflation galopante, la corruption des élites politiques, le délitement du parti au pouvoir et la santé chancelante du président Irigoyen débouche sur une crise politique qui ne trouve de résolution que dans l’intervention de l’Armée. C’est le premier coup d’état militaire de l’histoire argentine, impulsé conjointement par la classe des propriétaires terriens et l’État-major militaire.

           Néanmoins, plusieurs tendances s’affrontent au sein de l’Armée. D’un côté, influencés par la montée des fascismes en Europe, les ultranationalistes, qui rêvent d’imposer à leur tour un régime autoritaire sur ces modèles étrangers. Leur leader est le général  José Félix Uriburu, soutenu par la hiérarchie catholique, très puissante en Argentine. L’autre tendance, dirigée pareillement par un général, Agustín Pedro Justo, prône le retour à «l’ancien régime» conservateur, celui qui prévalait du temps du Parti Autonomiste National, avant la Loi Saenz Peña. C’est-à-dire, le retour à un régime basé sur une démocratie «contrôlée» par la fraude électorale et la proscription des opposants.

José Félix Uriburu – Photo DP

2. UN COUP D’ÉTAT EN FORME DE COUP DE BLUFF

          L’opposition civile au gouvernement d’Irigoyen est forte, mais pareillement divisée. D’un côté, ceux qu’on pourrait qualifier de «légalistes», plutôt situés à gauche, qui critiquent sévèrement la politique sociale (ou antisociale, plutôt, voir les événements de Patagonie). On trouve là des socialistes, par exemple, ou certains militants radicaux parmi les plus à gauche. De l’autre, les chantres d’un pouvoir fort, dont l’écrivain Leopoldo Lugones se fait le porte-parole, qui qualifiait la démocratie de «culte de l’incompétence». Dans cette tendance, on trouve également tout un groupe de jeunes maurrassiens, qui créent La Nueva República, et militent pour le retour au pouvoir de l’élite ancienne, et donc de la hiérarchie sociale qui va avec. Ceux-là en pincent pour Uriburu, ce général de 60 ans qui vient de prendre sa retraite.  Mais dans l’esprit de celui-ci, dans un pays stable depuis 50 ans et qui s’est habitué à la démocratie, il convient de créer un «climat révolutionnaire» . Une Ligue républicaine se constitue, et investit la rue. Uriburu exige cependant que les militaires gardent en main tous les leviers de commande du coup d’état : il se méfie des politiques, et son but premier est d’abroger la loi Saenz Peña. Vous savez, cette loi inique qui avait mis fin au bon vieux système de la fraude électorale !

          Mais avant de pouvoir lancer la «révolution», il faut tout de même gagner le gros de l’Armée. Or pour le moment, le gros de l’Armée, justement, est plutôt légaliste, et pas encore très « Uriburiste ». Pour ces modérés, dont fait partie le «concurrent» d’Uriburu, Justo, les objectifs du général représentent un saut dans le vide. Même s’ils s’opposent eux aussi au pouvoir radical en place, ils préféreraient qu’on reste dans un strict cadre politique pour le faire tomber. Pour leur donner des gages, Uriburu finit par accepter d’associer les partis civils à son mouvement. Le coup d’état peut être lancé, et une campagne de déstabilisation d’Irigoyen débute, au Parlement, dans la presse et dans la rue. Des manifestations d’étudiants dégénèrent. Yrigoyen, malade, cède le pouvoir  le 5 septembre 1930 au vice-président Martínez, qui proclame l’état de siège.

          Côté militaire, le soulèvement est prévu pour le lendemain, 6 septembre. Mais dans les casernes, ce n’est pas le franc enthousiasme. Il y subsiste quand même pas mal de loyalistes, comme l’est également l’ensemble de la police. Le coup n’est pas assuré d’être gagnant, et certains hésitent à se lancer dans l’aventure. La Marine, par exemple, attend de voir. Pour beaucoup, il sera toujours temps après coup de rallier la victoire, ou dans le cas contraire, de proclamer son indéfectible loyauté. D’autant qu’Uriburu ne jouit pas d’une extrême popularité parmi les militaires, et qu’il n’est pas très connu dans la population.

          Malgré tout, les rebelles réussissent in-extremis à faire une bonne prise : ils rallient le directeur du collège militaire, le Général Reynolds, grand admirateur d’Irigoyen mais qui juge qu’il est temps que le vieux président  passe la main, et admet qu’il devient nécessaire de la lui forcer. Reynolds embarque alors les jeunes officiers du Collège dans l’aventure. 

          En dépit de ce ralliement de dernière minute, les troupes d’Uriburu restent maigres : 600 cadets et officiers du Collège militaire, plus 800 hommes de troupe, et une poignée de civils entreprennent une marche sur Buenos Aires.  Le miracle se produit cependant : le mouvement ne rencontre pratiquement aucune résistance sur son passage, et parvient à atteindre la place du Congrès presque sans encombre. Citons Alain Rouquié citant un personnage encore inconnu, mais qui deviendra prestigieux quelques années plus tard : «En fait, comme le remarque le Capitaine Perón, observateur et participant, le succès du mouvement tient du miracle ou, plutôt, il est dû à l’apathie et à la désintégration gouvernementale que vient renforcer l’indifférence populaire». (Pouvoir militaire et société politique en République Argentine – Alain Rouquié – Presses de la fondation nationale des sciences politiques – 1978 – p.182)  En somme, le coup d’état réussit surtout parce que le peuple argentin, fatigué, tourne le dos à un président qu’il a pourtant adulé, mais qui est jugé désormais usé. Malade, décrédibilisé, Irigoyen démissionne, tout comme son vice-président, contraint de laisser la Maison Rose (le Palais présidentiel) à des insurgés pourtant pas si sûrs d’eux, mais qui, comme le souligne Alain Rouquié dans l’ouvrage précédemment cité, ont réussi «un coup de bluff historique». Uriburu devient donc président de fait, proclame l’État de siège sur toute l’étendue du territoire argentin, et destitue tous les élus en place, sauf ceux qui lui sont favorables. Le premier coup d’état militaire de l’histoire argentine vient d’avoir lieu. Il n’y en aura pas moins de quatre autres dans les 46 ans qui vont suivre. Et entre 1930 et 1983, ce ne sont pas moins de 15 militaires qui s’assiéront dans le fauteuil présidentiel. Quelques uns élus (Agustín P. Justo, Juan Perón) mais pour la plupart, de fait.

3. UN DICTATEUR EN ÉCHEC

          Uriburu ne va durer que deux ans, ceci dit. Avec lui, on voit revenir au pouvoir les vieux caciques de l’ancien régime, certains même qu’on a vu au gouvernement…avant 1900 ! Et dans leur sillage, toute une société de gros propriétaires terriens et de membres du sélect Jockey-club, des banquiers et des hommes d’affaires. On fait mieux, pour un renouveau politique. En somme, la révolution d’Uriburu, c’est la révolution des riches, «une révolution de classe», comme le dira un partisan nationaliste du coup d’état quelques années plus tard. Toute une oligarchie favorable au libéralisme économique et admiratrice des États-Unis prend les commandes derrière Uriburu, pour mener une politique largement profitable aux intérêts privés.

          Politiquement, Uriburu cherche avant tout à abolir la démocratie et le régime des partis, pour installer un régime corporatiste et «apolitique». En d’autres termes, à réserver le pouvoir à une certaine élite, censée être «la plus apte» à gouverner, contre les partis qu’il affirme «élus par une majorité d’analphabètes». Le problème, c’est que cette orientation ne rencontre guère l’enthousiasme, ni dans l’armée, où subsiste une forte tendance «légaliste» peu encline à casser la constitution argentine et à instaurer une véritable dictature, ni parmi les partis civils, conservateurs inclus, qui se méfient des tendances autocratiques du général. Dans ce contexte, l’étoile du vieil adversaire d’Uriburu, le général Justo, commence à monter. Celui-ci représente, dans l’esprit des militaires légalistes comme des civils conservateurs, la meilleure garantie à la fois contre le retour des radicaux au pouvoir, et pour l’instauration d’une démocratie «contrôlée» c’est-à-dire dirigée par un exécutif fort, mais néanmoins entrouverte à une certaine – quoique très limitée – participation populaire. En somme, une dictature «présentable».

          Contraint d’organiser des élections, Uriburu ne pourra empêcher le triomphe de Justo, élu en novembre 1931 avec comme vice-président le fils de l’ancien président et général de la conquête du désert, Julio Roca. Il la lui aura même facilité, en interdisant la candidature du radical et ancien président (1922-1928) Marcelo T. de Alvear, donné favori.

          Uriburu mourra deux mois après l’investiture de Justo, en avril 1932. La première dictature militaire n’aura pas duré longtemps, mais elle aura fortement contribué à instiller dans l’armée un certain ferment autoritaire, qu’on ne tardera pas à revoir à l’œuvre.

Le pont Alsina à Buenos Aires. Construit entre 1932 et 1938, il s’est appelé « Pont Uriburu » jusqu’en 2002, date à laquelle on a décidé de débaptiser les lieux faisant référence à des dictateurs. En 2015, on lui a donné le nom de « Pont Ezequiel Demonty », en référence à un jeune, victime de violence policière. Tout un changement d’époque, qui aura pris…un certain temps. – Photo DP

Pour aller plus loin :

Alain RouquiéPouvoir militaire et société politique en République Argentine- Presses de la fondation nationale des sciences politiques – 1978

Franck LafageL’argentine des dictatures 1930-1983 – L’Harmattan – 1991

Alejandro HorowiczLas dictaduras argentinas – historia de una frustración nacional – Edhasa (Buenos Aires) – 2012

Cette petite vidéo sur le 6 septembre 1930. Extrait de la série historique de la chaine pédagogique argentine « Encuentro », une série complète très bien faite.

 

24 mars 2021 : 45 ans du Coup d’Etat militaire

          45 ans après le début de la plus féroce dictature de son histoire, l’Argentine célèbre dans une certaine discrétion l’anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Jorge Rafael Videla, le 24 mars 1976. Célèbre, ou plutôt, ne célèbre pas. Est-ce un effet d’une certaine culpabilité ? La presse la plus à droite du pays, de Clarín à La Nación, ne se fend pas de plus d’un article, quand le quotidien de gauche péroniste Pagina/12 en propose trois sur sa une numérique.

La junte militaire – Photo DP

          A droite, visiblement, on préfère éluder et tourner la page, en insistant tout de même au passage sur la popularité, au moins dans un premier temps, d’un coup d’état dont on espérait à l’époque qu’il mettrait un terme au chaos politique et social qui minait le pays gouverné, après la mort de l’icône Perón, par sa femme, «Isabelita». Une vice-présidente incompétente et dépassée, en butte à l’opposition conjuguée de pratiquement toutes les forces politiques du pays, de droite à gauche.
          La Nación comme Clarín préfèrent souligner la récente déclassification d’un nombre important de documents nord-américains concernant l’épisode, et montrant que l’administration de l’époque (Le vice-président républicain Gerald Ford avait remplacé Richard Nixon après l’affaire du Watergate) avait été avertie bien en amont de l’imminence d’un coup d’état. Selon ces articles, les Nord-Américains considéraient le coup d’état avec bienveillance, et même un certain espoir de normalisation, et d’un retour du pays dans «la communauté financière internationale», sous-entendu, un retour aux bonnes relations économiques avec les entreprises américaines, sous la houlette d’un général Videla jugé «modéré». L’éternelle clairvoyance de la diplomatie américaine…
          Selon Clarín, les documents «apportent la preuve de nombreux contacts entre les militaires séditieux et les fonctionnaires Etatsuniens, et montrent que les Etats-Unis les ont appuyés tacitement, car Washington considérait le coup d’état inévitable». Mais il n’y aurait pas, poursuit Clarín citant Carlos Osorio, chef de projet au Service documentaire des Archives de sécurité nationale du cône sud, de preuve que le pays du nord en aurait été un instigateur actif.
          Le contenu de l’article de La Nación n’est guère différent, mentionnant néanmoins le rôle de conseiller du directeur de la CIA d’alors, un certain… George H.W. Bush. La Nación relève également que, selon le diplomate William D. Rodgers, l’administration américaine ne se faisait guère d’illusion sur le fait que «il (était) quasi certain qu’un gouvernement militaire argentin recourrait à la violation des droits humains, suscitant les critiques internationales». Les archives déclassifiées révèlent également, indique La Nación, que les Américains du nord avaient «informé discrètement, plus d’un mois avant le coup d’état, que Washington reconnaitrait le nouveau régime».
          Pagina/12, on ne s’en étonnera pas, est beaucoup plus prolixe, proposant un dossier complet sur le coup d’état et les années de dictature. Et notamment un supplément spécial intitulé «Nunca más» (Plus jamais), reprenant le titre du rapport de la commission des droits de l’homme présidée par l’écrivain Ernesto Sabato, regroupant des articles de 18 écrivains et journalistes, parmi lesquels Luis Bruschtein, Eduardo Aliverti, Victoria Ginzberg ou Mempo Giardinelli. La psychanalyste Ana María Careaga, rescapée du centre de détention clandestin «Club Atlético» délivre une réflexion sur «le statut de la haine en tant que passion obscure», et sur le plaisir sadique du tortionnaire, qui s’érige en véritable dieu possédant droit de vie et de mort sur ses victimes. Agustin Alvarez Rey rappelle l’héritage juridique des lois de la dictature, encore prégnant dans la législation argentine d’aujourd’hui. Eduardo Aliverti, quant à lui, évoque la chape de silence qui s’est abattue sur le pays pendant ces sept années de gouvernement militaire. Il raconte le 24 mars tel qu’il l’a vécu, alors étudiant : «Dans la rue, dans les transports publics, dans les bars, parmi les clients de la pharmacie qui entraient et sortaient comme à l’ordinaire, parmi mes collègues de travail et d’études, tout le monde parlait à voix basse. Très basse. (…) Le plus étonnant fut que pendant longtemps parler à voix basse ou sans élever la voix fut également le lot des conversations intimes, privées (…)». Un des slogans de la dictature n’était-il pas «Le silence, c’est la santé» ?
          Vous trouverez d’autres documents sur ce sujet dans Pagina/12 sous cet article de Hugo Soriani présentant le livre de Mario Villani, ancien prisonnier, comme Ana María Careaga, du centre clandestin du «Club Atlético», dans le centre de Buenos Aires. Le livre s’intitule «Desaparecido, memorias de un cautiverio» (Disparu, mémoires de captivité). Voir la section «suplementos», tout en bas.

Photo DP

Hablar el argentino

          Uno puede hablar un español perfecto, incluso sin el mínimo acento de su país de origen, al llegar por primera vez en Buenos Aires, nadie se va a equivocar. Todo el mundo se percatará de que no viene de “acá”, como dicen en vez de “aquí”. A lo mejor, van a pensar que viene de España, y ya es todo un elogio. Pero lógico: los europeos aprendemos el español de España. Los suramericanos en general, y los argentinos en particular, hablan el “castellano”. También lógico: era el idioma de los primeros colonos. Claro que los españoles también hablan el castellano, pero ya no es más que una forma de distinguir ese idioma de los demás idiomas regionales, como el catalán, el gallego o el asturiano. El castellano se volvió el idioma de todos los españoles. O sea, el español. Pero los suramericanos no son españoles. Así que ellos siguen hablando el castellano. Está claro además que castellano y español evolucionaron de manera bastante distinta. Hasta formar dos idiomas muy parecidos eso sí, pero al mismo tiempo muy distintos. No sé si me explico bien.

          En América influyeron en el idioma muchas aportaciones ajenas. Empezando, como es de suponer, por los pueblos originarios: incas, mayas, aztecas, pero también guaraníes, quechuas, aymaras, mapuches, pampas, etc… Y luego, todos los inmigrantes, sobre todo europeos. No sólo aportaron su propia cultura, sino también su manera de hablar, y su propio vocabulario.

          Argentina acogió al mundo entero, o poco menos. Europeos, africanos, asiáticos, por una parte, y otros americanos, luego, por otra parte. Los primeros llegaron sobre todo hasta el principio del siglo XX, los demás, sobre todo paraguayos, bolivianos, uruguayos, en la actualidad. El gran campeón de las migraciones “argentinas” es sin duda el italiano. Son los italianos, al fin y al cabo, quienes dejaron la huella más profunda en la cultura argentina. Hasta tal punto que muchas veces oí decir que “los argentinos son italianos hablando español”. O, hablando sólo de idiomas, que el castellano es un italiano disfrazado de español. No es por casualidad que el “Lunfardo”, esa jerga porteña, viene directamente del italiano napolitano.

Unos ejemplos de palabras en lunfardo – Foto DP

          Y parece una evidencia: los argentinos hablan en español, pero como lo haría un italiano. Mismo tono de voz, mismo lenguaje corporal, mismo volumen. Misma manera de insistir en las sílabas acentuadas, misma negativa a pronunciar correctamente las “z” y las “c” delante de los vocales. El argentino no habla con la lengua entre los dientes. Coser y cocer se pronuncian igual, lo que fastidia a los españoles. Otra diferencia, pero esta vez los españoles no se enfadan, sino que se ríen, es esta manera de pronunciar las “y” y las “ll”. Algo como la “x” en asturiano, casi una “ch”, como en “Xurde”, o en “Xavi”. Algo de que, desgraciadamente, este texto no puede dar cuenta.

          Sin hablar del vocabulario. Las particularidades americanas no contribuyen poco a la riqueza del diccionario español. Y es que hay muchas. Por ejemplo, una chaqueta española es un saco en Argentina. Una falda en Madrid es una pollera en Buenos Aires. No intente encontrar melocotones en un mercado argentino: sólo encontrará duraznos. Inútil pedir un billete de tren cuando sólo venden boletos. No quejarse del mal estado de las aceras porteñas: no hay más que veredas, de todas maneras. No protestar cuando el camarero le propone facturas para desayunar: se trata sólo de bollería. Bollería constituida de medialunas en vez de “croissants” sin duda demasiados franceses. Y al marcharse de la cafetería, no llamar al mozo con el tradicional “¿me cobras por favor?”, pedir la cuenta, sencillamente.

          Y sólo son unos ejemplos, claro. No pretendo tener una ciencia académica en este terreno, faltaría mucho. Mi nivel de castellano argentino todavía queda muy bajo. En Buenos Aires todo el mundo se daba cuenta de que no era más que un mero europeo hablando español. Bastante bien, eso sí, pero hablando el español de España, con un acento indefinible, aunque sin lugar a dudas no español.

          Lo más divertido ahora, al volver a Europa, es que mis amigos asturianos se burlan de mis confusiones. Fingiendo irritarse. Es que después de cuatro viajes a Argentina, y muchos, muchos más, a Asturias, ya no hablo español ni castellano, sino una pobre mezcla de los dos. Aunque no sé decidir si “pobre” o “rica”. Pero sí sé que me falta mucho todavía para saber manejar bien los dos idiomas en todas circunstancias. Sin mezclarlos.

Para ir más lejos :

Cómo hablan los argentinos : corto video de 3’41 sobre particularidades emblemáticas
https://www.youtube.com/watch?v=9U_HCP-FVSU

Lunfardo : cómo hablar el slang de los argentinos. Video de 8’25 animado por dos argentinas muy simpáticas. Se presenta como un pequeño diccionario de lunfardo.
https://www.youtube.com/watch?v=4p8SuPSMEx4

¿Puedes adivinar los acentos hispanos? Un poco de diversión (6’17)
https://www.youtube.com/watch?v=-hJgDufbBO0

¡Y estos videos sólo representan una parte de los que podrán encontrar en la red!

Sobre una pared en Salta – 2016 – Foto PV

Parler argentin

          Vous aurez beau parler couramment l’espagnol, et même en étant capable de faire oublier la plus petite trace de votre accent d’origine, si vous arrivez pour la première fois à Buenos Aires, vous ne tromperez personne. Tout le monde saura instantanément que vous n’êtes pas d’ici. Dans le meilleur des cas, on vous prendra pour un Espagnol. Et ce sera déjà un bien beau compliment.

          C’est logique : nous autres les Européens, nous apprenons l’espagnol d’Espagne. Les Sud-Américains, en général, et les Argentins, en particulier, eux, parlent le «castillan». Bien normal : c’était le langage des premiers colons. Les Espagnols aussi, à une époque, ont parlé le castillan. Mais ils ne veulent plus trop en entendre parler. Et de toute façon, tout comme l’espagnol d’Espagne est très différent de celui d’Amérique du Sud, il en va de même avec le castillan. Le castillan s’est transformé en espagnol en Espagne, mais il est resté le castillan en Amérique du sud. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Ce que je veux dire, c’est que le langage d’origine a évolué de façon très différente, selon la géographie. En Espagne, le castillan n’étant utilisé que par des Espagnols, il est donc devenu espagnol. C’est bien logique. En Amérique du sud, il s’est enrichi de multiples influences. Les peuples premiers d’abord, Incas, Mayas, Aztèques, mais également Guaranis, Aymaras, Quechuas, Mapuches, Pampas, etc… Puis les différents groupes humains débarqués de tous les continents, mais surtout d’Europe. Les apports culturels se sont naturellement accompagné des apports de vocabulaire correspondant. Après, tout est une question de proportion : qui a apporté le plus ?

          Comme les autres pays américains, l’Argentine a accueilli pratiquement le monde entier : des Européens, des Africains, des Asiatiques et, bien entendu, d’autres Américains. Majoritairement, fin XIXème et début XXème, les premiers, et maintenant, les derniers, Paraguayens, Boliviens, Uruguayens pour la plupart. Mais le champion incontesté de l’émigration argentine, Espagnol mis à part, c’est l’Italien. Et c’est bien lui qui, au moins à Buenos Aires, a tracé le sillon le plus profond dans le champ culturel argentin. On pourrait presque dire que l’Argentin, c’est un Italien qui parle l’espagnol. Ou que l’espagnol (le castillan) argentin, est un italien déguisé en espagnol. Ce n’est pas par hasard si le «Lunfardo», l’argot typiquement portègne (on appelle portègne tout ce qui se rapporte à Buenos Aires, dont les habitants, par exemple) prend sa source dans le dialecte napolitain.

Quelques exemples de lunfardo – Photo DP

          Car si l’Argentin parle bien l’espagnol, c’est à la manière d’un Italien. Mêmes intonations, même gestuelle, même volume sonore. Même manière de laisser trainer les syllabes accentuées, même refus de prononcer correctement les «z» et les «c» devant les voyelles : un argentin ne parle pas en mettant sa langue entre les dents. Coser (coudre), et cocer (cuisiner), se prononcent de la même façon, ce qui fait hurler les Espagnols. Une autre différence, mais qui cette fois les fait plutôt rire, c’est cette façon spéciale de prononcer les «y» et les «ll» (ye, ou ill, en français). Quelque chose entre le «j» de jouet et le «ch» de chameau : caballo (cheval) devient presque «cabacho», tout comme mayoría (majorité) devient donc «machoría».

          Sans parler du vocabulaire. Qu’on ne s’étonne pas en constatant la différence d’épaisseur entre un bon vieux Robert français et le fameux «Maria Moliner» de nos voisins : il a bien fallu prendre en compte toutes les particularités américaines ! Et elles sont plus de quelques unes ! Ainsi par exemple, une veste, chaqueta en espagnol, c’est un «saco» en Argentine. Une jupe, falda en Espagne, c’est une «pollera» à Buenos Aires. N’essayez pas de trouver des «melocotones» (pêches) sur un marché : vous ne verrez que des «duraznos». Pas la peine de demander «un billete» pour prendre son train, on ne vous vendra qu’un «boleto». Ne vous plaignez pas du mauvais état de la «acera» (trottoir) : de toute façon, il n’y a que des «veredas». Ne faites pas les gros yeux si le garçon du bistrot où vous prenez votre petit-déjeuner vous propose des factures (facturas): ici, ce ne sont rien d’autre que des biscuits, ou des viennoiseries. Et à propos de factures, ne lui demandez pas, au moment de partir, «¿Me cobras por favor ?», comme le ferait tout bon Espagnol à Madrid ou à Séville: c’est un verbe qui lui sonne bizarre. Demandez «la cuenta», ça suffira.

          Et ainsi de suite, je ne vais pas vous développer tout le glossaire, d’ailleurs, je suis bien loin d’en maitriser toutes les subtilités. Moi, à Buenos Aires, tout le monde m’a reconnu : un Français qui parle l’espagnol. Pas trop mal, mais l’espagnol d’Espagne. C’est tout.

          A ceci près que, quatre séjours à Buenos Aires plus tard, mes amis Asturiens, maintenant, à chaque fois que je les vois, s’amusent grandement de mes fréquentes confusions de vocabulaire. En faisant semblant de s’en offusquer. Faudrait voir à pas confondre l’espagnol et l’argentin, tout de même, quoi, à la fin.

Pour aller plus loin :

Cómo hablan los argentinos : courte vidéo de 3’41 sur quelques particularités emblématiques
https://www.youtube.com/watch?v=9U_HCP-FVSU

Lunfardo : cómo hablar el slang de los argentinos. Vidéo de 8’25 présentée par deux dynamiques argentines, comme un petit dictionnaire de lunfardo.
https://www.youtube.com/watch?v=4p8SuPSMEx4

¿Puedes adivinar los acentos hispanos? Sous forme de jeu : saurez-vous reconnaitre les différents accents sud-américains? (6’17)
https://www.youtube.com/watch?v=-hJgDufbBO0

Et ce ne sont que quelques exemples parmi des centaines de vidéos que vous pourrez trouver sur ce sujet sur le net !

Sur un mur de Salta – 2016 – Photo PV

Astor Piazzolla aurait eu 100 ans

                    Le compositeur Argentin aurait eu 100 ans hier, 11 mars 2021. Les célébrations, hommages et rétrospectives ne manqueront pas, sur la toile et partout ailleurs, vous pourrez vous y reporter avec bénéfice si le sujet vous intéresse. Nous ne sommes pas pour notre part des spécialistes du tango, et n’avons pas eu l’occasion de suivre de près la carrière de ce compositeur décédé il y a près de 30 ans, en 1992. Il nous a paru néanmoins intéressant, à titre d’hommage, de reproduire quelques extraits de l’excellent article que lui consacre aujourd’hui le quotidien en ligne Pagina/12, par le truchement d’un des journalistes radio qui l’avaient interviewé à Rosario en 1982, Pablo Feldman.

Photo PV

*

        (Extrait  de l’article de présentation de Pagina/12. Traduction PV)

          Il est né à Mar del Plata le 11 mars 1921 et a grandit à New York, où son père lui a offert son premier bandonéon. Il a voyagé en Europe où il a suivi des études d’harmonie, de musique classique et contemporaine. Il s’est finalement lancé dans le tango en commençant par faire des arrangements pour Anibal Troilo, puis en révolutionnant le genre, sous les critiques acerbes de la vieille garde, pour être finalement reconnu par les jeunes générations du monde entier. Astor Piazzolla est un des compositeurs contemporains les plus emblématiques, en même temps qu’une des grandes icônes argentines. L’hiver 1982, au moment de la défaite des Malouines et dans un pays encore loin de voir poindre le retour à la démocratie, Piazzolla débarqua dans la ville de Rosario pour y donner un concert au Théâtre de la Comédie. Trois jeunes journalistes de radio l’approchèrent pour lui demander une interview, et à leur grande surprise, il accepta. Presque 40 ans après, l’un d’entre eux, en hommage au centenaire de sa naissance, en a retrouvé l’enregistrement, l’a retranscrit et nous le livre pour faire revivre un Piazzolla précis, sérieux, râleur et cosmopolite. Comme si le temps n’avait pas passé.

*

          (Extraits de l’interview de Pablo Feldman en 1982. En italique, notes du rédacteur de ce blog)

          C’était un froid samedi après-midi à Rosario. Le Théâtre de la Comédie recevait Astor Piazzolla et son quintet pour deux concerts. Il y avait encore des émissions consacrées au tango sur les chaines radio, et un de leurs animateurs me lança un défi : «Va donc faire un reportage sur Astor Piazzolla, je suis sûr qu’il sera ravi de t’accueillir», me dit-il ironiquement, sachant parfaitement combien le musicien renâclait à accorder des interviews.

          Ils y vont finalement à trois, et rencontrent le représentant d’Astor, Atilio Tallin.

«Je vais voir ce qu’en pense Astor, vous avez de la chance, il fait une pause pendant qu’on accorde le piano». (…) Cinq minutes après… «Venez, les gars», a-t-on entendu depuis l’obscurité de l’arrière-scène. Nous nous sommes avancés quasi à tâtons pour nous retrouver dans une petite pièce mal décorée, avec un canapé trois places, une table basse et deux chaises. C’est là que se trouvait Astor Piazzolla, qui nous a lancé aussitôt que nous sommes entrés : «Bon, jeunes gens, allons-y, car j’ai du boulot».

L’interview commence après une courte séance de photos.

Quels sont les courants musicaux qui ont influencé la musique que vous jouez aujourd’hui ?
Au départ, tous. J’ai étudié très sérieusement la musique. J’affirme que la musique doit s’étudier comme la médecine, l’ingénierie ou l’architecture, ces professions «importantes». Beaucoup de gens pensent que la musique est un métier mineur, ils se trompent, la musique est un processus d’apprentissage long, après, si Dieu t’a donné le don de la création ou de l’interprétation, c’est autre chose, parce que sans ça, tu peux étudier autant que tu veux, ça ne sert à rien.
(…)

Que pensez-vous des musiciens qui ont marqué l’histoire ? Carlos Gardel par exemple ?
Établissons une échelle de 1 à 10 points, et déroulons ça sous forme de «ping-pong». Gardel : 10 points. Pour moi, il restera le plus grand.

Les Beatles ?
10 points. Pour leur style et l’influence qu’ils ont eu sur la jeunesse du monde entier.

Les poètes du tango ?
10 points aussi, en commençant par Discépolo, Manzi, Contursi, Cadicamo, Catulo Castillo, les frères Espósito, Horacio Ferrer et Eladia Blazquez, se sont des gens qui ont fait beaucoup pour la poésie et le tango.

Changeons de « domaine ». Perón ?
0 point.

Ricardo Balbín ?
0 point.

Les dirigeants politiques d’aujourd’hui ?
0 point. Je les déteste tous.

La jeunesse argentine ?
Eh bien, c’est l’avenir, une obligation que nous avons, un devoir de nous adresser à eux, les jeunes. Ce sont les seuls qui me rendent heureux, parce que s’ils n’écoutaient pas ma musique, elle ne servirait à rien. (…) Les jeunes, ceux qui pensent, qui vont de l’avant, ce qui n’est pas seulement le mouvement de Piazzolla, mais celui de tout un groupe de musiciens, de peintres, d’écrivains qui font des choses importantes et que vous avez le devoir de suivre.

C’est pour cela que vous invitez à vos côtés des musiciens jeunes, comme votre fils ou Tomas Gubisch, qui avait moins de 20 ans quand il a commencé à jouer avec vous ?
Bien sûr. Je n’aime pas être entouré de vieux. Ainsi, je me sens jeune moi-même. Vous savez pourquoi je préfère les jeunes ? Parce que les vieux sont fatigués, sans enthousiasme. Et ne parlons pas du tango : ils ont les pieds dans la glaise. Tandis que les jeunes sont branchés sur 200 volts. Comme moi.
(…)

Il vous est arrivé de jouer gratuitement dans le métro parisien.
Oui, la Mairie avait recruté des musiciens et des artistes qui travaillaient là à ce moment-là.

Cela ne pourrait pas arriver en Argentine ?
Il faudrait : rendre l’art, la musique, plus accessibles à tous. Cela arrivera un jour. Là, c’était pour l’inauguration de la station Auber, une station de quatre étages. Il y a eu plus de 5000 personnes, sans compter ceux qui passaient par là, et ils écoutaient tous avec respect et amour. Ce fut une expérience extraordinaire, je me souviens qu’à ce moment-là je débutais à l’Olympia avec Georges Moustaki, et on s’est précipité à Auber parce qu’on ne voulait pas rater cela. Ce serait bien d’organiser un truc comme cela à Buenos Aires, ou dans une autre grande ville.

Quelle personne a eu le plus d’influence sur votre vie ?
Sans conteste ma professeure à Paris en 1954, Nadia Boulanger. Elle a été quasiment ma seconde mère. Elle m’a changé du tout au tout. Le Piazzolla qui est revenu en 1955 à Buenos Aires a révolutionné tout le tango, enclenché le grand mouvement qui était devenu nécessaire. C’est toujours difficile pour un peuple d’accepter le changement, et j’ai changé les choses, surtout en ce qui concerne cette « religion » du tango.

Pour finir, quelle opinion avez-vous… d’Astor Piazzolla ?
Eh bien… je suis quelqu’un de sincère, de respectueux. Je n’ai pas de respect pour les choses qui n’en valent pas la peine. Je n’ai pas la langue dans ma poche. Beaucoup de gens ont peur de dire ce qu’ils pensent, moi je n’ai pas peur, je ne suis pas un lâche. Si un jour je dois quitter le pays, parce qu’un Général l’aura décidé, je partirai. Mais mon avantage, c’est que le Général finira par disparaitre, et que ma musique, elle, restera.

Tango sur la place Dorrego – Buenos Aires – février 2020 – Photo PV

Villas Miseria (En español)

Escrito el 28 de enero de 2020

          El otro día, cerca de la Facultad de derecho, abajo del barrio de la Recoleta, donde resido, muy cerca del centro turístico, un joven agredió a un australiano de 67 años quien estaba corriendo para hacer algo de deporte. Le robó su celular después de haberle apuñalado en el corazón. El turista se quedó en coma (A la hora de publicar este artículo, ya murió el turista).
          Ya nos habían agredido a mi amigo Patrick y a mí, hace tres años, casi en el mismo lugar, o sea en el interior mismo de la facultad, cuando visitábamos el hall de entrada. Pasó por la mañana, pero el lugar, que tampoco es muy notable, estaba totalmente vacío. Se trató de una agresión mucho menos grave. Sentimos algo húmedo en la espalda y un tío se acercó a decirnos que teníamos las chaquetas manchadas. Pensamos en excrementos de palomas, ya que había un montón dentro del hall, y el hombre nos indicó la puerta de los servicios muy cerca. Nos acompañó adentro y nos ayudó a limpiar la ropa con servilletas de papel. Por suerte, Patrick se percató que aprovechaba para registrar nuestros bolsillos, ya me había robado la cartera y la había tapado bajo unos documentos. Me acerqué a él, tuvo miedo y pude recuperar la cartera sin problema. Le echamos a  gritos, pero sin más: no queríamos tener problemas. Podía él tener amigos en los parajes. Claro que él mismo nos había manchado la ropa, probablemente con una jeringuilla llena de un producto maloliente.
          Lo cuento para testificar que la zona no es muy segura. “Es normal”, me explicó mi amigo porteño Benito. “La facultad se halla justo en frente de la villa miseria 31, del otro lado del ferrocarril”.

(T = centro turístico)

          Se conoce mejor este tipo de lugar bajo su denominación brasileña de “Favela”. En Chile lo llaman “Chabola”, y en Francia “Bidonville”. El 31 no tiene nada que ver con el número de villas existentes dentro del perímetro de la ciudad de B.A. Por suerte, no existen tantas villas. Hay dos explicaciones: una dice que se trata de un número catastral, otra que corresponde a la clasificación por orden de aparición en la historia, las primeras villas apareciendo en los años 1930, cuando la inmigración europea fue sustituida por las migraciones del interior. Así que muchas villas han desparecido con el tiempo. Queda un poco más de una decena hoy.
En Buenos Aires son verdaderas ciudades dentro de la ciudad. Con el tiempo, las casas, temporales en un principio, dejaron sitio a construcciones más amplias y robustas, de ladrillo, de madera o de chapa. Muchas tienen varios pisos. El Estado nunca logró borrar esos estigmas de la ciudad, por falta de voluntad, de medios o de tiempo, ya que los gobiernos pasan mientras que los inmigrantes siguen afluyendo. Entonces, se adaptó, y ahora las villas incluso tienen servicio de agua corriente (aunque bastante básico), y las autoridades hacen la vista gorda sobre las desviaciones del sistema eléctrico.

Foto Commons wikimedia

          Estas ciudades hasta forman comunidades organizadas, con sus propias reglas y leyes. Así el nuevo morador tiene que acatar las leyes de instalación impuestas por los habitantes más antiguos. Son ciudades cerradas: el visitante se toma el riesgo de entrar, ya que los extranjeros siempre están considerados como intrusos. O peor aún como fisgones. Es que los habitantes quieren proteger su dignidad, y nada más les enfada como ser vistos como bichos raros. Pobres dentro de los pobres, vienen de las provincias del interior para encontrar trabajo y hacerse un lugar dentro de la sociedad porteña. Se les apodan “negros” o “grasas”, refiriéndose al color de su piel y de sus pelos oscuros y grasientos, ya que muchos de ellos vienen del norte y/o de los países limítrofes y tienen raíces indias.
          Hubo varias tentativas para cerrar esos lugares y acabar con las construcciones ilegales. En los años 60, los gobiernos militares crearon “Nucleos de construcciones transitorias”. Pero no sólo esas nuevas construcciones del estado no bastaron para albergar toda esta población precaria (cerca de 300 000 personas en 1966), pero eran más indignas aún que las que construían los mismos “villeros”: una media de 14 metros cuadrados por familia, no cuarto de baño, nada de baldosa en el piso, etc… O sea que construyeron nuevas villas al lado de las antiguas. Nada más.
Hoy en día, estas zonas de precariedad se instalaron en el espacio y en el tiempo. Forman parte de un decorado que la gente mira desde lejos y prefiere ignorar. Pero también son lugares donde la gente vive normalmente, o casi, trabaja (con contratos precarios – o sin contrato – muy a menudo, eso sí, pero mucha gente queda en paro), tiene coche, y donde hay comercios. Los niños van al colegio, y eso a veces implica cierta mezcla social: así los colegios públicos de La Recoleta, un barrio de los más acomodados de Buenos Aires, reciben chicos de la villa 31. Claro que eso provoca dificultades, y en muchos casos, la “buena sociedad” prefiere mandar sus niños en colegios privados.
          Leí en el diario de hoy que el Estado había decidió instalar oficinas del ministerio de Educación en la entrada de la villa 31. Los empleados no parecen muy felices con ese cambio geográfico, ya que además del problema del transporte (la villa queda más lejos de sus propias casas) plantea también el de la seguridad. No es que haya más delincuentes en las villas. Pero es que la pobreza se encuentra muy concentrada en esos lugares. Y el consumo de droga está muy elevado dentro de la población joven de las villas. A los villeros les gustaría integrarse en el tejido social porteño. Pero se ven algo atrapados. Todo el mundo está atrapado: ellos, el Estado que no tiene soluciones a corto plazo (y a largo plazo tampoco), los que viven al lado de las villas y que tienen que soportar un ambiente difícil y conflictivo. El problema afecta a la sociedad en su conjunto, pero nadie se hace cargo. Fatalismo argentino.

Para ir más lejos:

El bajo Belgrano : del barrio de Las latas a la villa 30 (En español)
https://rdu.unc.edu.ar/bitstream/handle/11086/13231/snitcofcky_eje%202.pdf?sequence=34&isAllowed=y

Los origenes de los barrios precarios en la ciudad (En español)
http://www.solesdigital.com.ar/sociedad/historia_villas_1.htm

Les villas miseria de Buenos Aires (En francés)
http://www.petitherge.com/article-les-villas-miseria-de-buenos-aires-113282972.html

Y acá mismo, el cuento “El buen doctor Santamans” (En dos versiones)
https://argentineceleste.2cbl.fr/le-bon-docteur-santamans-2/

Kioscos (En español)

Escrito el 28 de enero 2020

          Dentro de los lugares más típicamente argentinos que uno puede encontrar visitando Buenos Aires, como las milongas, los bares notables, los teatros de la avenida Corrientes, los restaurantes de “tenedor libre” , existe uno que por su parte no existe sino en Argentina, y, que yo sepa, nunca copiado en otro lugar del mundo: el kiosco. Todo el mundo sabe lo que significa la palabra kiosco. En francés por ejemplo, designa tanto una suerte de tarima cubierta para tocar música en los parques – algo que casi desapareció con el tiempo – como un lugar donde se puede comprar diarios y revistas, en las aceras. Este último existe también en España. Acá (en Argentina), los diarios se compran también – por cierto, únicamente – en las veredas, pero entonces a esas tiendas se las llaman “puestos”, no kioscos.
          En Buenos Aires, “kiosco” tiene otra significación. Se puede decir que es el tipo de comercio más frecuente en la ciudad: pueden encontrar uno por cuadra, nada menos. O sea, casi uno cada 150 metros.
Se trata de una tienda muy pequeña, abierta sobre la calle, y todas parecen designadas de igual manera: después de la entrada, por la izquierda o la derecha, un mostrador de forma semicircular, contra la otra pared, una estantería y en el fondo refrigeradores para las bebidas.
Todos venden lo mismo: porquerías. Chocolate, caramelos, chips, chicles, galletas, soda, cerveza, baratijas. A veces, se puede comprar yerba mate u objetos útiles como baterías o llaveros. Sólo cosas pequeñas, siempre. Y baratas. Unos kioscos albergan también una máquina para recargar la tarjeta « Sube » para los colectivos o el subte.

Dos kioscos. ¡Uno proclamando “abierto los 25 horas”, nada menos! – Fotos PV

          Pero los kioscos no sólo son puestos de venta. Me percaté bastante rápidamente que también se utilizaban como lugares de encuentro y de tertulias. El policía de guardia en la calle nunca se aleja mucho, y entra a menudo para conversar con los empleados. Supongo que eso le permite tomar el pulso del barrio, o escuchar los últimos chismes. Los ancianos fingen necesitar chicle para venir a encontrar a otro compañero con la misma necesidad. A los pocos minutos, otro llega, y otro, y así se monta toda una tertulia para comentar las últimas noticias del mundo.
No descarto la posibilidad de un acuerdo con las compañías de colectivos, si juzgo por el número de paradas que se colocaron exactamente frente a un kiosco. Así el comercio puede contar con la espera siempre larga del autobús para florecer.
          Muchas veces me pregunté si, dado el tipo de mercancías que acá se venden y el número asombroso de kioscos abiertos en la ciudad, ese tipo de comercio podía ser rentable de verdad. Parece que sí. Eso me dijeron unos porteños. Les creo: no sobrevivirían tantos si no.
          Pero si se puede ganar algo de dinero en eso, se tiene que pagar con un verdadero trabajo de esclavo. Los horarios son extraordinariamente extendidos, hay kioscos abiertos las 24 horas. Pero eso es el propio de casi todo el rubro del comercio en Buenos Aires, que quedó bastante artesanal. Otro tipo de tiendas muy frecuente, por ejemplo, son los puestos de verduras. Son casi tan numerosos como los kioscos. Abren desde las 7 hasta las 21, a veces más tarde. Igual con los “shoppings” como los llaman los porteños, pequeñas tiendas de comestibles a menudo atendidas por asiáticos. Se puede encontrar también supermercados, como en mi barrio el “Carrefour market” (una marca francesa), abierto los 24 h, incluso los domingos. Imposible quedarse con la nevera vacía. Yo, en tanto francés típico, siempre me niego a salir de compras un domingo. Cuando lo comento con mis amigos porteños, suelen mirarme como si fuera un marciano, aunque digno de respeto. Acá a los franceses nos consideran como gente que “no se deja llevar” y sabe imponer sus reglas a los “dominantes”. Tal vez. Queda por ver si ellos nos van a imitar, o si por el contrario somos nosotros quienes estamos integrando cada vez más su modelo. En eso, tengo mis propias dudas.
          Otro motivo de sorpresa, que tiene cierta relación, aunque algo distante, con lo que acabo de comentar. Dado el número de lugares donde se puede comprar “comida basura” (y no sólo los kioscos, sino también los restaurantes de “fast food” (comida rápida), los puestos de pizzas y empanadas, etc…) uno podría esperar encontrar a mucho más personas obesas. Para nada. A primera vista los argentinos aparecen mayoritariamente delgados. Claro que hay excepciones. Y esas excepciones, como es de suponer, revelan una evidente pobreza. La medida de la cintura es, acá como allá, inversamente proporcional al tamaño de la cartera, supongo que no hace falta argumentar más sobre ese concepto bien conocido. Lo que me llama la atención también, es que los lugares de mala comida, por lo general, tienen nombres con consonancia inglesa. Bueno, como en Europa. Acá se llaman Whoopies, Monday, Kentucky’s (sin el “Fried chicken”), Dean and Dennys, The Burger Joint, The Burger Company, sin hablar de los “McDonalds”, “Burger king” y compañía que pululan en esta ciudad tanto como en las nuestras.
          Así que “lengua inglesa” tampoco rima con “gastronomía”. Van a tacharme de anglófobo. Sería una calumnia. Sólo acordarme de los magníficos almuerzos tomados en los pubs del norte de Inglaterra, donde vive mi cuñado, me provoca una irreprensible nostalgia. Allí los nombres de Black Bull, George and Dragon y Royal Oak me hacen agua la boca. Pero Inglaterra no es Estados-Unidos. Y Argentina es ante todo un país… americano. Donde, como no, el Coca-Cola es el producto estrella. Algo menos que en Chile, pero estrella. Aparece en las mesas más a menudo que el vino, sin embargo orgullo de los argentinos. El Coca, y la Fanta de nuestra niñez que todavía existe, pero que hoy es propiedad de Coca-Cola Company. El agua con gas que bebo, aunque se llame Villavicencio y proclama su origen mendocina, pertenece al grupo francés Danone. América latina siempre fue muy permeable a las influencias extranjeras, nada nuevo. A eso debe parte de sus más crueles dictaduras.
           Por suerte, tampoco faltan en Buenos Aires maravillosos sitios gastronómicos. Sin embargo muy asequibles para las carteras europeas. ¡Prometo redactarles una lista pronto!

¡Encontré un kiosco llevando (casi) mi apellido! ¡Aunque muy pequeño, este “maxi” kiosco! – Foto PV

Cementerios porteños

Escrito el 17 de enero de 2020

Entrada del cementerio de La Recoleta – Foto PR

          Supongo que algunos adictos a la psicología barata lo interpretarán como un placer morboso, o por lo menos una atracción algo necrófila. Pero tan lejos que pueda alcanzar mi memoria, siempre me gusto pasearme por lo cementerios, y no por eso me avergüenzo, ni me siento perverso. Los cementerios representan para mí lugares de paseo tan agradables, y más instructivos, que los parques públicos, con los cuales comparten muchas cosas.
          Los cementerios no son sólo lugares verdes, sombreados, con pasillos bien diseñados como lo son los parques. Ofrecen una relativa quietud (no peros, no aficionados al picnic, o al futbol, o al footing), una gran serenidad y sobre todo nos regalan – por lo menos a las personas dotadas de un mínimo de imaginación – apasionantes viajes por el tiempo. Sólo me contradecirán los que nunca se pararon delante de una placa medio borrada, llevando el nombre y apellido de una persona absolutamente desconocida, sin sentir una profunda emoción. ¿Quién era? ¿Qué tipo de persona? Su muerte que destrozó a sus familiares, ¿acaso suscitó alegría dentro de sus enemigos? ¿Qué vida tuvo? ¿En qué circunstancias falleció? Etc.…
Claro que eso no lo cuentan las placas. Todos estos muertos son festejados, alabados, queridos, añorados. Todos fueron seres extraordinarios. Por ejemplo el tal Francisco Ceballo, quien era presidente de un club de polo y murió en 1948: “Al gran corazón de F. Ceballo, arquetipo del buen amigo, dedican este bronce quienes tuvieron el privilegio de su amistad”. Los “recuerdos y lamentos perpetuos”, las promesas de memoria indestructible, los dolores inconsolables pululan, cual fueron las verdaderas cualidades del ser llorado. Es la ventaja de la muerte: nos permite alcanzar cierta perfección, tan física como moral. ¡Qué padre más afortunado que el tal Alfredo Simón Roman (1915-1987)! Su familia en torno al ataúd lo recuerda así: “Papa, nuestro mejor amigo en nuestra inolvidable relación. Supiste ser nuestro compañero y amigo inseparable. Tu ejemplo nos honra y los principios que nos diste son el mayor legado que tiene nuestra familia. Tu impronta permanecerá por siempre con profundo sentimiento y veneración”. (El texto es firmado: Tu familia). Sin embargo, ¿No es posible leer entre las líneas y ver aparecer otro hombre, con principios, en efecto, o sea algo rígido y poco amigo de la permisividad? Quizás estoy exagerando, pero eso sentí al leer este pequeño texto de homenaje; me dio la impresión de un hombre sin lugar a dudas afectuoso, pero más bien severo, cuyas decisiones no se podían discutir. Ejemplo, altura de los principios, inolvidable relación, veneración, todo eso huele a verdadero “jefe” de familia, llevando firme las riendas del carro. ¿O no?
          Sin embargo algunas tumbas parecen algo más evocativas, y nos permiten viajar a través una Historia más conocida, con mayúscula. Tal es el caso de Guillermo Zapiola (1826-1871), un médico quien falleció cuando estaba cuidando los enfermos de la famosa fiebre amarilla de 1871 que devastó el barrio de San Telmo y lo vació de la casi totalidad de su población. O el caso de Emma Nicolay de Caprile (1842-1884), una estadounidense de origen húngara quien creó el primer instituto de formación docente para muchachas de Argentina. Una pionera.

Pasillo central de La Recoleta – Foto PR

          El colmo histórico lo alcanza la tumba de Pedro Aramburu. Si es muy difícil encontrar la tumba de Eva Perón (1919-1952), escondida en un callejón muy angosto donde se amontonan los turistas, o la del Presidente Irigoyen (1852-1933), relegada en el fondo del cementerio, imposible no ver la de Aramburu : se halla en medio de la calle principal, a cincuenta metros de la entrada. Y es monumental. Sin embargo, los dos personajes ya citados tuvieron mayor importancia en la historia argentina que él quien participó del derrocamiento de Perón en 1955 y se impuso como dictador hasta 1958, y fue asesinado por guerrilleros zurdos en 1970. Aramburu era un verdadero “milico”, como dicen los argentinos hablando de los militares de extrema-derecha. No dudó en dejar fusilar al General Valle, uno de sus mejores amigos, quien reclamaba el retornó de Perón . Ultra católico, amigo de los grandes empresarios argentinos o extranjeros, enemigo de los sindicatos, y que no toleraba la menor oposición. Pues sin embargo en su tumba, no dudaron en escribir dos frases del gran prócer. La primera proclama que “Sólo el pueblo es fuente legitima de poder, y su autoridad se afirma en la justicia y se pierde en el arbitrario”. Todos los que mandó a fusilar sin juicio sin duda saborean esas palabras. La segunda afirma que “El progreso, fundamento del bienestar general, es obra de los pueblos y resultado de la riqueza justamente distribuida”. Pronunciada por un dictador quien gobernó para mejor provecho de las grandes familias, ¡consideradas como una “muralla contra el comunismo”!

Tumba de Eva Perón – Foto PV

          Todos esos personajes tienen su sepultura en el cementerio de La Recoleta, el más famoso de los cementerios porteños y cementerio para famosos, donde se encuentran las tumbas de no menos de 20 presidentes de la república, un mogollón de escritores, un ejército de generales (sólo los vencedores, es de suponer), y todo un club de empresarios y miembros del muy selecto Jockey-club. Hay otro cementerio tan grande en Buenos Aires, pero menos visitado por los turistas extranjeros, ya que mucho más plebeyo: la Chacarita. Es mucho más amplio que La Recoleta, y creo yo, más conmovedor en su anonimato. Los únicos famosos enterrados acá son artistas populares, tangueros como Carlos Gardel o poetas olvidados/as como Alfonsina Storni. Pero son escasos. Y muy difíciles de encontrar: el cementerio de la Chacarita, al contrario de La Recoleta, no proporciona ningún mapa en la entrada.
Así que los cementerios son como los parques públicos: pueden servir de marcadores sociales.

Tumba de Alfonsina Storni en La Chacarita

La Manzana de las Luces (En español)

Escrito el 15 de enero de 2020

          El miércoles 15 de enero, decidí ir a visitar el Museo de la Ciudad en San Telmo. Habían escrito en el sitio web : miércoles ¡entrada gratis!
También era una oportunidad de ir hasta el mercado a comer un choripán. Esta vez, elegí un “diablo”, con puerros asados. Muy rico. He visto que proponían en la carta uno de carne de cordero con peras y queso azul. Otra oportunidad para volver una tercera vez.
          El museo estaba cerrado. El sitio web no mencionaba cierre ocasional, tampoco habían puesto un cartel en la puerta, nada. Había luz adentro, y por la ventana divisé un tipo trabajando en la sala, le saludé con la mano, pero me contestó que no con la cabeza, con cara reprobadora. Ni se molestó en acercarse para explicarme algo. Así que desistí y seguí andando hasta la Manzana de las Luces, al lado, otro “sitio notable” mencionado en la guía. En taquilla, me hicieron todo un discurso para explicarme el nombre del lugar. Manzana, porque el edificio ocupa una entera, dentro de un rectángulo limitado por cuatro calles. De las luces viene de las “Lumières”, periodo intelectual de la historia francesa contando con filósofos y escritores como Voltaire, Montesquieu y Diderot (Siglo XVIII). Sin embargo, el sitio lo fundaron los Jesuitas, lo que por lo menos huele a cierta paradoja. O sea que Luces, pero menos laicas que las francesas. Pero también el lugar constituye la primera universidad argentina, y el primer museo de las ciencias. En un principio, era sede de la “procuración” jesuita de Buenos Aires. Una sucursal argentina de la Compañía de Jesús, cuya sede principal se hallaba en el corazón de las “misiones” jesuitas, en el noreste del país (Ahora pues provincia de Misiones). Funcionaba de galpón para almacenar la mercancía proviniendo de las misiones, de hogar para los obreros guaraníes trabajando en las obras de construcción de la ciudad, de escuela, así como de residencia administrativa. O sea, un lugar multifuncional. Hoy en día, es una ruina. Ya no sirve para nada. Lo que se puede visitar son salas y patios totalmente vacíos. Un sitio fantasma, que alberga exposiciones temporales de arte contemporáneo, como tal era el caso en enero. Como se podrá comprobar en el texto del cartel abajo, también cambió mucho con el tiempo. O sea que parece peliagudo hacerse una idea exacta hoy de lo que parecía antaño.

          Si nos fiamos en los dos últimos párrafos, el visitante tiene que tener algo de imaginación, y arreglárselo para reconstituir el sitio original. Palabras de oro, pero algo despreocupadas.
          Sin embargo, en tanto aficionado a la historia argentina contemporánea, me emocionó bastante saber que este lugar era también el teatro de la famosa “Noche de los bastones largos”, en 1966. En la época, la dictadura del general Onganía quería amansar la Universidad y expulsar a los dichos “subversivos”, lo que hizo echándolos a palos, estudiantes como docentes.

          En Europa, se hubiera reconstituido el contexto histórico reestructurando los espacios y devolviéndolos, por lo menos en parte, a su estado original, como mínimo mediante maquetas y fotografías. También se hubiera reconstituido cierta cronología, para darle al visitante una idea de la evolución, del cambio, de los acontecimientos a través de la historia. Nada de eso acá. Se visita el lugar tal como salió después de tantos cambios, sin el menor arreglo. El visitante tiene que dibujárselo – el sitio original – en su mente. Nada fácil. Algo como representarse la iglesia San Simeón en Burdeos, antes de que la utilizaran como estacionamiento. Un ejemplo: he aquí lo que queda de la Universidad:

Foto PV

          Nunca hubieran tolerado tal monstruosidad en Salamanca (España, sitio de una de las universidades más emblemáticas de Europa. No resisto en traducirles un párrafo del “Petit Futé”, famoso guía turístico francés:

          Construida en el siglo XVII por los jesuitas, la Manzana es un conjunto de edificios y túneles. No se sabe exactamente porque construyeron esos túneles, pero existen varias hipótesis: sistema de defensa, contrabando, lugar secreto para albergar los amores de los patricios de la época. Un sitio increíble.

          Increíble si duda. Pero de túneles nada: sólo me permitieron visitar la planta baja, a nivel de calle. No era sino otro turista más.