Argentine, pays des droits LGBT ?

Ces trois derniers jours (9, 10 et 11 mai) le journal régional Sud-Ouest publie les trois volets d’un reportage réalisé par Maud Rieu, qui a vécu en Argentine en 2017 et 2018, et qui a étudié la situation des personnes transgenres dans ce pays.

Le reportage met en lumière un paradoxe de ce pays par ailleurs très catholique (et de plus en plus évangéliste, aussi, comme ses voisins), où la violence « de genre », conjugale ou machiste, est un vrai fléau, et dans lequel a fait rage, justement en 2018, la bataille pour la légalisation de l’avortement, finalement votée par le parlement en 2020 : parmi l’ensemble des pays sud-américains, l’Argentine est probablement le plus ouvert en ce qui concerne les droits des personnes homosexuelles et transgenres.

Dans le premier volet, Maud Rieu fait le point sur la vision qu’ont les Argentins sur cette thématique si conflictuelle ailleurs :

S’intéresser à l’Argentine, c’est accepter d’être surprise. Comment ce pays où l’interruption volontaire de grossesse n’est légale que depuis 2020 peut-il être autant en avance sur les droits des personnes transgenres ? Poser cette question, c’est affronter un regard interrogateur : les interlocuteurs ne voient pas le rapport. Ici, être un homme ou une femme est une question d’identité, pas de biologie. Et le respect de l’identité est sacré dans cet état traumatisé par le souvenir des centaines de bébés volés à leurs familles et donnés à d’autres, sous la dictature militaire de 1976 à 1983.

Pour l’illustrer, elle a rencontré notamment Valeria del Mar Ramirez, une des premières bénéficiaires de la loi de 2012, qui lui a permis d’officialiser son changement de sexe. Ainsi, l’Argentine est devenue le premier pays au monde à adopter une loi d’identité de genre. Un grand pas, car comme le rappelle l’auteure, jusque dans les années 90, il était encore interdit en Argentine de s’habiller « de façon contraire à son sexe biologique ».

Cet incontestable progrès n’a pourtant pas résolu d’un coup de baguette magique toutes les discriminations. En 2015, une militante de la cause trans, qui avait trois mois auparavant fait passer une loi imposant un quota de 1% de trans parmi les fonctionnaires, a été assassinée, et, comme l’indique la députée Karina Nazabal (Membre du Frente para la Victoria, lié au parti péroniste actuellement au pouvoir, NDLA) citée par Maud Rieu :

Il faut sortir de la tête de ces personnes et de la société que les trans n’ont pas d’autre choix que se prostituer. Si vous demandez à votre voisin “Où mettriez-vous une personne trans ?”, il vous répondra sûrement “Dans la rue”.

Selon Karina, être trans ne doit pas constituer un obstacle à l’obtention d’un emploi : seule la compétence doit entrer en ligne de compte. Ce que cette loi devenue loi nationale en 2021, renforce.

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Dans le second volet, Maud Rieu raconte l’histoire de Luana, qui, à six ans seulement, a pu officiellement être considérée comme fille, sans passer par la case justice. Une histoire édifiante, en cela qu’elle démontre que le sentiment d’identité de genre n’est pas un caprice, mais représente la plupart du temps une véritable souffrance.

Le cas de Luana est emblématique. Très tôt, ce petit garçon (qui a un frère jumeau) a senti qu’il ne se trouvait pas dans le bon corps. Maud Rieu, qui a rencontré Gabriela, la mère de Luana, rapporte :

Un jour, quand il a trouvé les mots, à 20 mois, ce fils a prononcé une phrase qui a changé la vie de sa mère et de toute la famille : « Je suis une fille, je suis une princesse ».

Début d’une histoire qui n’aura rien d’un chemin de rose. Les parents mettront du temps à comprendre les appels au secours de leur enfant, ses difficultés, son mal-être, ses cheveux qui tombent, les médecins consultés qui refusent de prendre le cas au sérieux… Le père, lassé, finira par prendre la fuite, mais Gabriela, convaincue, se battra pour que Luana puisse devenir une fille à part entière. Jusqu’à ce 25 septembre 2013, où enfin, elle reçoit une carte d’identité portant son « nouveau » genre.

Une carte qui ne résout pas tout. Maud Rieu rappelle qu’en Argentine, si la loi autorise les enfants (sous réserve d’accord des deux parents) à changer d’identité « sur le papier », ceux-ci doivent attendre la majorité pour pouvoir envisager une opération.

C’est pour aider ceux qui connaissent les même problèmes que Gabriela est devenue une véritable militante des droits des enfants trans. Elle a créé une association, « Infancias libres » (Enfances libres) et donne régulièrement des conférences. Aujourd’hui, Luana a  15 ans, et vit une adolescence normale, entre sa mère et son frère. Maud Rieu conclut à ce propos en citant Gabriela :

« Il faudrait arrêter de se demander si elle va bien, elle ne devrait plus être au centre de l’attention, même si je comprends. Luana est une adolescente qui vit entourée d’amour et va bien ! »

Voir aussi le documentaire  sur Gabriela et Luana : « Yo nena, yo princesa » (2012, en espagnol avec sous-titrages en anglais)

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Enfin, pour le troisième volet de son enquête, Maud est allée assister à une remise de diplômes dans un établissement bien particulier. Il s’agit d’un lycée ouvert aux élèves trans, mais également à tous ceux et celles en difficultés sociales, souvent des jeunes sans foyer qui ont connu la rue, la prostitution, la drogue. A l’origine, une association, Mocha Celis (du nom d’une fille trans tuée par la police), fondée en 2017 et qui proposait aide, foyer et quelques cours. Peu à peu, l’association a grandi, et aujourd’hui, nous dit Maud, l’établissement, qui a déménagé, est devenu un vrai et grand lycée accueillant jusqu’à 300 élèves. Il a même fait des petits : on compte maintenant une quinzaine d’établissements du même genre dans le pays, et dans quelques autres pays d’Amérique Latine comme le Chili, le Brésil et le Paraguay.

On s’en doute, il n’est guère soutenu par les instances administratives officielles, et tient d’abord et surtout par l’action et le dévouement de ses bénévoles. Les élèves, pudiques et protégés par leurs enseignants, se livrent difficilement. Maud a néanmoins pu interroger l’une d’entre elles, Viviana, qui lui a raconté son parcours : la prise de conscience de son identité différente, le déni de l’école, le harcèlement, l’abandon scolaire. Puis la prostitution, à 13 ans, et le sport, comme une bouée de sauvetage :

«mais catégorie homme, en gardant mon apparence féminine, évidemment», précise-t-elle.

Et enfin, l’accueil à « La Mocha », comme disent ses habitués :

« À la première rencontre, le directeur m’a dit : ‘‘Bienvenue à la Mocha Celis’’. Ça m’émeut encore parce que quand il m’a dit ça, c’était la première fois qu’un établissement me disait ‘‘bienvenue’’. Jusqu’à maintenant, on me disait toujours que je ne pouvais pas.»

En conclusion, Maud cite le slogan du lycée, peint sur un mur :

« Si une trans va à l’université, ça change sa vie. Si beaucoup y vont, ça change la société. ».

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Vers le dossier de Sud-Ouest en ligne : immersion en Argentine. Mais hélas: c’est réservé aux abonnés !

Pour ceux qui ont Spotify, en recherchant « Ici Sud Ouest« , vous trouverez deux podcasts consacrés l’un à  Gabriela Mansilla, la maman de Luana (34 mn), et l’autre à Viviana Gonzalez, l’étudiante du lycée Mocha Celis (19 mn). Les deux podcast en français, naturellement.

 

 

La présidentielle vue d’Argentine

La presse argentine n’a pas fait ses choux gras de notre élection présidentielle, c’est le moins qu’on puisse dire. Lundi, avec le décalage horaire, quelques articles généraux pour donner les résultats provisoires, encore basés sur les projections de nos instituts de sondages.
Nous avons donc attendu aujourd’hui mardi pour voir si on trouvait des articles un peu plus fouillés sur le sujet.

Clarín en fait son article de tête de gondole ce matin à 10 h. Soulignant qu’en définitive, la candidature Zemmour, présenté comme un Trump français, a en fait plutôt profité à M. Le Pen en la rendant plus fréquentable, Clarín commente à partir d’une enquête du Figaro la fin d’un mythe : celui du front républicain. « Cette idée que la démocratie est en danger, comme en 2002 lorsque Jean-Marie Le Pen était à la place de sa fille, s’est évanouie. Il n’y aura pas de marche républicaine ni 90% des votes en faveur d’un candidat garantissant la survie de la démocratie ». Au passage, Clarín, en bon quotidien droitier, attribue la défaite humiliante d’Anne Hidalgo à « sa gestion catastrophique de la mairie de Paris ». Des fois que son lectorat pourrait croire, comme certains français mal informés, que la chute du PS serait davantage due à ses renoncements politiques et ses ralliements droitiers.

La Nación publiait deux articles hier lundi. Visiblement, cela les a fatigués, puisque aujourd’hui, rien à signaler. Hier donc, Luisa Corradini, avançait que ces résultats « étaient interprétés (en France, donc, doit-on supposer) comme un vote de confiance dans la gouvernance Macron… et un vote utile pour empêcher l’extrême-droite d’accéder au pouvoir ». On ne peut qu’être confondu par tant de clairvoyance. Confiante, Luisa Corradini pense même que les projections de deuxième tour (pourtant nettement plus serrées qu’en 2017) « permettent de penser que Macron n’a pas été touché par le rejet dont souffrent généralement les présidents sortants ».

Allons voir alors le quotidien de gauche Pagina/12. Pas trop prolixe sur le sujet lui non plus, il faut l’admettre. Un article hier, un autre aujourd’hui. Hier, Eduardo Febbro fustigeait notamment la responsabilité de la gauche elle-même (c’est-à-dire, la gauche « de gouvernement » comme on dit chez nous) dans ce deuxième échec consécutif à accéder au second tour. « Ses égoïsmes, ses trahisons, son immaturité, la lutte à couteaux tirés entre ses composantes et la bataille d’égos ont ouvert un boulevard à l’extrême-droite ». Rappelant le scénario de 2002, Febbro condamne ce nouvel épisode de désunion mortifère, semant la confusion parmi les électeurs avec des consignes contradictoires de vote utile en même temps qu’on réclamait de soutenir des partis moribonds comme le PS et le PC. « Le cauchemar de 2002 avait boosté l’extrême-droite, il est probable que celui de 2022 finisse par la porter au pouvoir ».

Aujourd’hui, le même Febbro, correspondant du journal à Paris, titre sur « Comment gagner en perdant », à propos de Mélenchon. Par là, il souligne que Macron dispose de très peu de réserve de voix pour le second tour, contrairement, pense-t-il, à M. Le Pen. Febbro constate qu’il a déjà lessivé le PS, dont les cadres sont en grande partie passés chez lui. Avec 1,7% des voix, celui-ci n’a plus rien à lui apporter. Idem pour LR. Il ne lui reste donc plus que des miettes à gratter de ces côtés-là.

Mais surtout Febbro pose Mélenchon et ses électeurs en arbitres, obligeant les deux candidats du deuxième tour à leur faire des risettes. Pour Macron, c’est la quadrature du cercle : « Le chef de l’état se voit obligé de mobiliser et attirer la gauche sans renoncer à son programme libéral et tout en réduisant la fracture ouverte avec les gilets jaunes ». Mais l’équation est tout aussi ardue pour M. Le Pen. En somme « L’extrême-droite et le libéralisme courent après cette gauche qu’ils n’ont jamais prise au sérieux, ont méprisée et agressée à qui mieux mieux. Le vampirisme électoraliste entreprend sa croisade ». A propos de Mélenchon, Febbro conclut que « s’il se retire, comme on peut le penser, il laissera une Union Populaire bien installée, digne et avec des perspectives qu’elle n’avait pas encore il y a deux semaines. Il a gagné un avenir en perdant en partie le présent ».

Pour terminer, le petit dessin du caricaturiste Paz dans ce même journal. Je ne peux pas le reproduire directement ici pour des raisons évidentes, mais on y voit deux Argentins commentant cette élection. L’un demande à l’autre : Pourquoi autant de Français votent à l’extrême-droite ? et l’autre : parce qu’elle diffuse un message simple et très clair. Lequel ? Liberté, égalité, fraternité, mes c…lles.

Le Jour de la mémoire

Cela pourra paraitre étonnant, mais la presse argentine n’en fait pas des tonnes sur cette date pourtant ô combien marquante de l’histoire tragique du pays. A 46 ans du coup d’état militaire de 1976, qui allait faire des milliers de morts et de disparus, et provoquer des blessures jamais entièrement refermées à ce jour, les commémorations restent pour le moins discrètes, et sont surtout l’occasion d’insister sur la nécessité d’affirmer le «Nunca más» proclamé par la commission d’enquête qui a suivi la chute de la dictature pour évaluer les responsabilités de chacun dans ce drame historique.

Rien d’étonnant à ce que ce soit les journaux situés le plus à gauche qui concentrent le plus d’articles sur le sujet. Pagina/12 en propose pas moins de 10 sur sa première page de l’édition numérique !

D’abord pour annoncer le grand rassemblement consacré au «jour de la mémoire», le premier, dit le journal, post-confinement et depuis le changement de gouvernement, puisque celle de l’an dernier n’avait pas pu avoir lieu. Parmi les mots d’ordre, un revient particulièrement «Où sont-ils ?» en référence aux disparus de la dictature, dont le nombre est discuté, mais ici, on retient celui généralement repris : 30 000.

Sur ce sujet, le quotidien de gauche rend également hommage au travail de l’association des Mères et Grands-mères de la place de Mai, créée un jour de 1977 pour réclamer, justement, qu’on leur rende leurs maris et leurs enfants enlevés par la junte. Aujourd’hui, l’association poursuit un combat acharné pour retrouver les «enfants volés de la dictature», fils et filles d’activistes arrêtés et exécutés, dont la plupart ont été escamotés à leurs familles biologiques pour être «adoptés» par des familles de militaires.

Toujours dans le même quotidien, le psychanalyste Martín Alomo fait le parallèle entre deux absences, celle de ses patients laissant le divan vide pendant la période de confinement, et celle des disparus de la dictature, «témoins de la douleur et de l’abus de pouvoir engendrés par un état d’exception». Mais là s’arrête la comparaison, parce que «…les délits de lèse-humanité ne sont pas prescriptibles, car une fois commis, ils continuent de faire souffrir de façon permanente». D’où la nécessité impérative de maintenir ce «rite social» du souvenir : on ne doit  laisser s’installer aucune possibilité de prescription.

L’écrivaine et femme politique Victoria Donda, elle-même enfant volée de la dictature, attend de ce rassemblement qu’il soit également l’occasion d’affirmer son opposition aux discours de haine et de négativisme historique qui se propagent, tant en Argentine que dans le monde, et qui, selon elle, sont surtout le fait d’une certaine droite haineuse. «Le 24 est une bonne date pour les combattre, car les discours de haine ont toujours précédé les génocides, dont les victimes ont été les sujets sociaux et les acteurs du changement. C’est important de mener une réflexion là-dessus car de nombreuses générations n’ont pas vécu la dictature, mais seulement ses effets qui se sont dilués avec le temps».

Victoria Donda

Cette année, elle y emmènera sa fille, 7 ans. «Elle m’a demandé pourquoi nous faisions cette marche. Je lui ai répondu que c’était pour que nous écoutent non seulement ceux qui avaient commis tous ces crimes, mais également tous ceux qui pourraient penser qu’il y a une partie de la société qui ne sert à rien, et qu’il faudrait faire disparaitre. (..) Il faut que les gamins et les gamines comprennent que si une époque heureuse a jamais existé, nous devons la reconstruire, mais tous ensemble».

Les autres journaux argentins sont nettement prolixes sur le sujet. Il faut descendre très bas sur la une de La Nación pour trouver un article d’opinion dénonçant une journée «de la mémoire sélective». Dans son texte, Daniel Santa Cruz regrette que, même s’il lui parait «tout à fait bien que nous Argentins gardions en mémoire ce qui s’est passé durant la dictature, à la base, et c’est la loi qui le dit, pour éviter que cela ne se reproduise». Mais il juge regrettable que, «malheureusement, ni le gouvernement, ni les militants politiques qui le soutiennent, ni les organisations de droits de l’homme qui participent activement à cette manifestation, ne disent rien des centaines de violations des droits humains commis en 2020 et 2021 pendant la pandémie, quand le gouvernement réglait par décret les comportements sociaux dans un but de sécurité sanitaire». Il regrette qu’on s’apitoie sur le sort des noirs abattus par la police aux Etats-Unis, mais, citant plusieurs exemples, pas sur celui de citoyens argentins tués par leur propre police, et que le gouvernement péroniste a souverainement passés sous silence. Il cite ainsi 200 cas de victimes de la violence institutionnelle, commise au simple prétexte d’assurer l’ordre pendant le confinement, et proteste contre ce «deux poids deux mesures», qui «s’approprie le contrôle moral des droits de l’homme» en choisissant ses causes. «Le jour de la mémoire a raison de nous rappeler la nuit obscure de la dictature, mais il ferait bien d’inciter à réfléchir sur les moyens d’éviter que de tels faits commis par la police d’état se reproduisent en démocratie, en enquêtant et en en temps et en heure».

Un seul article également dans Clarín, de l’historien Ricardo De Titto, s’attachant quant à lui à regretter que le «jour de la mémoire» soit trop centré sur le thème des droits de l’homme, alors que les conséquences de la dictature se font sentir encore aujourd’hui dans bien d’autres domaines, notamment économiques, diplomatiques, culturels ou éducatifs.

Un article très intéressant, en cela qu’il établit un parallèle entre les comportements politiques, qui, dit-il, ont tendance à s’imiter tout en donnant l’illusion du contre-pied. Dressant un bilan sévère de la période militaire, il appelle ses concitoyens à ouvrir les yeux sur son héritage : la fin de la dictature n’a jamais signifié le retour aux jours heureux. «L’héritage de la dictature se laisse apercevoir entre les draps. La politique tend à reproduire ces trucages déloyaux qui ressemblent à des montages vidéos où les amis et les adversaires changent de position et s’accusent mutuellement, à la grande confusion des spectateurs – leurs électeurs – qui observent, écoutent et doutent». L’Argentine en a sans doute fini avec les militaires, mais sa situation ne s’est guère améliorée. Les défis, que ce soit face à la pauvreté, à l’exclusion sociale, à l’état désastreux de l’éducation et de la santé publique, demeurent.

Enfin, le quotidien Crónica, lui, met deux articles en première place de sa une. Le premier raconte l’historie de Bárbara García, 9 ans en 1976, qui aujourd’hui encore tente de faire condamner celui qui a arrêté sa mère sous ses yeux, un militaire qu’elle a reconnu lors d’une manifestation des années après, et qui l’accuse de faux-témoignage. Depuis, menacée de représailles, Bárbara vit sous le statut de témoin protégé. Autre histoire, celle d’Horacio Pietragalla, fils de disparus et «enfant volé», devenu aujourd’hui président de l’Organisation des Droits de l’Homme d’Argentine. Ce n’est qu’à l’âge de 26 ans qu’il a appris que ses parents n’étaient pas ses parents biologiques. Il raconte notamment comment, une fois connue la vérité, il avait décidé de changer de vie. «Toute la question, c’est de prendre sa décision et de l’assumer. Tu éprouves une certaine culpabilité face à ce qui peut arriver à ceux qui t’ont élevé, car ils ont commis un vol, une appropriation, un délit puni par la loi. Mais pour prendre cette décision, j’ai dû penser, de manière un peu égoïste, à tous ceux qui devaient être en train de m’attendre».

Un rugbyman argentin tué à Paris

Samedi 18 mars au matin, le rugbyman argentin Federico Aramburu a été violemment agressé et tué de plusieurs balles de revolver devant un bar parisien du quartier Saint Germain, le Mabillon.

D’après le quotidien régional Sud-Ouest, qui rapporte les faits dans son édition du dimanche 20 mars, il s’agirait de l’issue tragique d’une altercation avec deux clients du bar, qui serait revenus ensuite en voiture et armés, pour régler le différent.

Federico Aramburu, 42 ans, ancien joueur des Pumas, comme on appelle l’équipe nationale argentine, avait joué notamment dans les clubs français de Biarritz, Perpignan et Dax, dans les années 2004 à 2010, et s’était définitivement installé à Biarritz avec sa femme et ses trois enfants. Il gérait avec un autre ami rugbyman, le français d’origine néo-zélandaise Shaun Hegarty, une agence de voyages spécialisée dans les manifestations sportives.

La tragique nouvelle a également fait les titres des principaux quotidiens argentins ce week-end, on s’en doute, s’agissant d’un joueur particulièrement marquant de l’histoire du rugby local.

Mais si Pagina/12 en rend compte en suivant les sources françaises, qui font état des soupçons de la police au sujet d’un suspect ancien membre du GUD, (Groupe Union Défense) un groupe d’extrême-droite violent actif jusqu’en 2017, un certain Loïk Le Priol, Clarín en revanche décrit, à la manière de certains journaux étasuniens, un Paris, et plus spécifiquement le quartier historique de Saint germain des Prés, en proie à la délinquance la plus incontrôlée :

Aramburu a été abattu à la sortie du bar “La Mabillon”, sur le Boulevard Saint Germain à Paris, un quartier qui ces dernières années est devenu aussi populeux que dangereux. Il n’y est plus sûr d’y venir manger un hamburger, comme le faisaient autrefois les habitants du quartier après la dernière séance de cinéma. On y voit maintenant des gens de la nuit, liés à la prostitution, des bandes, des dealers (La phrase en gras l’est sur l’article).

Il y est même question, sans doute pour donner à l’événement un tour plus inquiétant encore, d’un des suspects filmé par une caméra de surveillance, qui, affirme le quotidien sans citer de source, serait « un Albanais du Kosovo, membre de cette communauté de mafieux qui ont pris le contrôle des trafics d’armes et de drogue, (…) craints de tout le monde et principaux grossistes (sic) en drogue, armes et munitions en provenance de la guerre de Bosnie ».

Tremblez, Parisiens et touristes : les barbares du Kosovo font régner la terreur sur la capitale.

Il est néanmoins plus probable qu’on soit en présence d’une hélas plus banale issue tragique d’une bagarre entre clients de bar, aux petites heures du jour. Federico Aramburu s’en serait pris à la mauvaise personne, un type connu pour ses accès de violence,  et armé.

Dans cette affaire, une femme a semble-t-il été arrêtée assez rapidement. Il s’agirait de la conductrice du véhicule avec lequel les agresseurs seraient revenus sur les lieux de l’altercation.

Que ce soit en France ou en Argentine, où Federico Aramburu était unanimement apprécié, l’affaire a suscité une forte commotion.  Pour l’ancien international français Dimitri Yachvilli, « Fédé était toujours positif, plein d’entrain, en plus d’être un formidable équipier, c’était une belle personne« . Patrice Lagisquet, ancien entraineur de Biarritz, dit de lui « Le bonhomme était adorable, il avait toujours le sourire« . (Propos recueillis par Sud-Ouest Dimanche).

En Argentine, même unanimité. Le président de la fédération argentine de rugby, Santiago Marotta, estime que le fait divers « affecte tout le rugby argentin ». Celui de la Super Ligue Américaine de rugby, l’Uruguayen Sebastián Piñeyrúa, annonce pour les prochaines parties une minute de silence et le port d’un brassard noir par les équipes en présence. De son côté, Agustín Pichot, ex-capitaine des Pumas, fera le voyage à Paris pour soutenir la famille de celui qu’il a toujours considéré « comme un ami avec qui nous avons partagé des milliers de voyages et de matches ». (Propos recueillis par Pagina/12)

10/02/2022 : polémique sur les bus

Grosse polémique en ce moment à Buenos Aires. Pour satisfaire aux exigences du FMI, qui comme à son habitude, réclame en échange de ses bons offices (c’est-à-dire : un gros prêt) que l’Etat argentin serre les cordons de sa bourse pourtant déjà bien plate, celui-ci envisage de refiler la gestion de 32 lignes de bus de Buenos Aires à l’administration municipale de la ville. Un coup classique qu’on connait bien chez nous : l’état sommé de faire des économies se décharge de certaines dépenses sur des entités régionales. En l’occurrence, les bus portègnes sont un gouffre à subventions : la plupart des compagnies, toutes privées, ne tiennent que grâce aux subsides de l’état, qui verse annuellement 13 milliards de pesos, soit à peu près 107 millions d’euros. Milliards qui pourraient être consacrés, selon le gouvernement, au transport public dans les régions, qui ne bénéficient pas jusque là de la même manne, et où l’usager doit payer son ticket plus cher.

Occasion de revenir sur un système de transport aux traits assez particuliers. Les bus portègnes… Ah, oui, là, je rappelle pour la dernière fois : portègne, c’est l’adjectif qui se rapporte à tout ce qui vient de Buenos Aires. On dit aussi « bonaerense », littéralement buenosairien, mais c’est moins utilisé. Les bus portègnes, donc, existent depuis 1928, année au cours de laquelle une association de taxis décide de créer un système de transport collectif, pour faire concurrence au tram. Là-bas, on les appelle «colectivos», nom utilisé dans tout le pays pour désigner les bus de ville (Pour la route, on dit «micros». Autrement dit, bus en ville, autocar sur la route). Dans la capitale, on dit aussi «Bondi». C’est de l’argot local, le lunfardo.

1928

Ce nouveau système de «colectivos» se met doucement en place. La concurrence est rude, d’autant qu’au début des années trente, ce sont les anglais qui maitrisent le transport portègne, et que le gouvernement de l’époque (des militaires conservateurs) ne sait rien leur refuser. Il ira même, en 1932, jusqu’à restreindre par décret la circulation des nouveaux colectivos pour éviter de leur faire trop d’ombre !

Mais le public est conquis. Ce nouveau type de transport, plus souple, plus rapide, et bon marché, trouve sa clientèle. Petit à petit, le système se réglemente : couleurs distinctes pour les véhicules, définition de lignes et de trajet (1932), installation obligatoire d’un système de vente de tickets – taximètre – à bord, pour contrôler la capacité maximale de passagers (1934), puis création en 1936 d’une Corporation des transports de la ville de Buenos Aires, pour fédérer l’ensemble. Une sorte de monopole, quoi. Mais là encore, il s’agissait de faire plaisir aux Anglais, avec lesquels on venait de signer un accord d’échange commercial préférentiel : exportation de viande contre priorité pour les investissements industriels et exemption de droits de douane pour les produits importés de Grande Bretagne. Pour faire court : le transport par colectivos était rattaché au système de transport ferroviaire, alors totalement entre les mains des Anglais.

La seconde guerre mondiale met un coup d’arrêt au développement du système. D’une part, par faute de pièces détachées (La plupart étaient produites aux États-Unis), d’autre part, à cause d’un conflit ouvert entre la Corporation et les quelques compagnies restées indépendantes, qui se voyaient régulièrement interdites de circulation (La Corporation ayant le pouvoir de les exproprier).

En 1948, la Corporation, mal gérée, est mise en faillite et dissoute. L’État péroniste crée alors une nouvelle compagnie publique : «Transports de Buenos Aires», qui développe des lignes au-delà de la première ceinture de la capitale. Les banlieues sont enfin desservies. Le système reste public jusqu’à la chute du péronisme, en 1955. Ensuite, le nouveau pouvoir (toujours militaire, eh oui !), se lance dans la privatisation : il vend une vingtaine de lignes. Parallèlement, il supprime peu à peu toutes les lignes de tram et de trolley : à la fin des années soixante, il n’y a plus que des bus pour transporter les usagers en ville. Plus, naturellement, les cinq lignes de métro (la 5ème créée en 1966). Mais en ce qui concerne le métro, s’agissant d’une capitale aussi énorme (y vit le tiers de la population argentine, rappelons-le), il est notoirement sous-dimensionné, et ne s’étend pas au-delà des limites de la ville elle-même (Celle-ci compte plus de trois millions d’habitants, 17 millions pour la totalité de l’agglomération. A comparer avec Paris et ses 14 lignes de métro, pour 2 millions d’habitants, 12 en agglo).

1969

Aujourd’hui, la quasi-totalité des compagnies de colectivos est de statut privé, mais l’état garde la main sur l’organisation générale du système. Heureusement : on imagine le chaos si tout le monde pouvait faire selon sa volonté. C’est qu’il y a pas loin d’une centaine de compagnies, pour près de 350 lignes en exploitation ! Mais ces compagnies, pour la plupart, ne survivent que grâce aux subsides de l’état, qui subventionne largement le prix du gazole, d’une part, et celui du billet d’autre part. Et ce depuis la grande crise de 2001, qui avait vu s’effondrer la demande pendant que montait en flèche le prix du carburant. Mais malgré ces subventions, la flotte de bus commence à sentir de plus en plus le vieux. Tous fabriqués selon un modèle unique, ils circulent jusqu’à rendre l’âme. S’il est extrêmement rare de nos jours, de monter dans un bus neuf à Buenos Aires, en revanche il est fréquent d’avoir la sensation, à bord d’un des brinquebalants engins, de voyager dans le temps !

Le gouvernement cherche donc, aujourd’hui, à refiler le bébé à la municipalité de Buenos Aires. Celle-ci, en échange de ce transfert de charges, pourra gérer le système de lignes, décider du prix du billet, du montant des subventions. Mais bon, ça coince, naturellement : le cadeau est totalement empoisonné, s’agissant d’un service qui coûtera toujours plus cher qu’il ne rapporte !

Station Avenue 9 de Julio – Buenos Aires

Selon le journal Infobae, le gouvernement se défend de se soumettre au diktat du FMI. Il ne chercherait qu’à rétablir l’équilibre avec les systèmes de transport de province, qui, eux, ne bénéficiant pas des mêmes subventions, font payer le ticket bien plus cher à leurs usagers. En moyenne, 60-70 pesos par trajet contre 18 à Buenos Aires. Récupérer la manne distribuée jusque là aux compagnies portègnes permettrait ainsi d’en reverser une partie aux villes de l’intérieur, comme Rosario, Córdoba ou Bariloche, et d’en finir avec les disparités capitale-province. Ce que ne conteste pas la municipalité de B.A., mais celle-ci craint de devoir, du coup, augmenter substantiellement le prix du billet, qui pourrait passer de 18 à 40 pesos. Affaire à suivre : à savoir si après le transfert de charges, les provinciaux paieront effectivement un peu moins, ou si au final, ce sont seulement les usagers portègnes qui paieront leur bus plus cher !

A VOIR AUSSI

Article de La Nación

Article sur Pagina/12

Et notre « Instantané » sur le sujet, sur ce même blog ! (En français)

Pic de chaleur, Buenos Aires disjoncte

Une amie Québécoise vient de m’informer que chez elle, il faisait tellement froid en ce moment que ses fenêtres givraient de l’intérieur !

Fenêtre complètement givrée !

Ce n’est certainement pas le cas de l’Argentine, qui, en plein été austral, atteint des sommets de température. Hier à Buenos Aires, selon le journal Crónica, on a atteint le second pic de température après celui relevé en janvier 1957 (43,3) : 41,1°.

Naturellement, les clim’ tournent à plein. Résultat : les fournisseurs d’électricité sont débordés, et c’est ainsi que 700 000 foyers du secteur nord du Grand Buenos Aires ont été en partie privés de courant hier.

Comme toujours, les responsabilités de la coupure font l’objet d’une polémique entre la compagnie responsable (ici, Edenor) et l’autorité publique de régulation, ENRE (acronyme espagnol d’Entité nationale de régulation de l’électricité). Selon Edenor, la coupure serait due à un incendie dans un bidonville, qui aurait ensuite affecté des câbles haute-tension. Faux, répond ENRE. Aucun incendie : les pompiers n’ont même pas été appelés. Le quotidien Clarín qui rapporte l’événement fait état de témoignages confirmant l’incendie, mais contradictoires. Selon certains, c’est l’incendie de la maison qui a affecté le câble, d’autres ont vu des étincelles sur le câble, étincelles qui auraient ensuite provoqué l’incendie de la maison !

Ce qui met tout le monde d’accord, c’est que l’ensemble du système argentin souffre d’un manque cruel d’investissement. Pour les uns, la faute à des tarifs trop bas, ne dégageant pas suffisamment de marge aux fournisseurs, qui économisent donc en retour sur l’amélioration du réseau. Pour les autres, les fournisseurs privilégient la rétribution des actionnaires au détriment d’investissements indispensables. Le quotidien de gauche Pagina/12 rappelle que le gouvernement précédent avait imposé des hausses drastiques de tarifs (jusqu’à 300% ! On imagine la réaction des Français si cela s’était produit chez nous !), et que ces hausses auraient dû déboucher sur des améliorations, mais qu’il n’en a rien été.

La Nación prend cependant la défense du gouvernement de Mauricio Macri (2015-2019), en rappelant que les gouvernements péronistes ont toujours pratiqué une politique de gel des tarifs, à ses yeux contreproductive. Un article du 27 janvier 2016, sur le site BBC world (en espagnol), l’expliquait par le besoin dans lequel s’étaient trouvés les gouvernements péronistes de maintenir des prix bas, après la terrible crise qui avait affecté le pays en 2001, et considérablement appauvri une majorité d’Argentins. D’où des tarifs subventionnés, bien loin de couvrir les coûts réels de production, et obligeant les compagnies à restreindre les investissements.

Il n’en reste pas moins que, malgré les augmentations massives de 2016, le réseau argentin reste très précaire. Pas étonnant alors que le moindre pic un peu important fasse disjoncter le système. Pagina/12 rappelle d’ailleurs le gigantesque « apagón » (coupure) de juin 2019, qui avait plongé la quasi-totalité du pays dans le noir, et avait même affecté certains pays voisins.
En Argentine, l’électricité est aux mains d’une dizaine de compagnies privées, donc libres de leur politique d’investissement, mais contraintes néanmoins de par le contrôle de l’état sur les tarifs exigés auprès des usagers. Un système assez pervers, qui conduit comme aujourd’hui à ce que chacun se renvoie la balle des responsabilités, sans qu’aucune solution ne se pointe à l’horizon.

¡Ay, qué calor!

10/01/2022 : Soulac à la une !

Petite devinette posée par un grand quotidien argentin à ses lecteurs :

Où est-ce ? Cet immeuble est sur le point d’être avalé par la mer.

Ce n’est pas souvent, et même pratiquement jamais, que notre région fait la une d’un journal argentin ! Et pas n’importe lequel : le deuxième en nombre de lecteurs, et LE quotidien historique, fondé au XIXème siècle par un des premiers présidents de la République, Bartolomé Mitre !

Bon, évidemment, l’article est assez court, et le lecteur français n’apprendra rien de nouveau sur les malheurs de l’immeuble soulacais. Quant au lecteur argentin, il risque de n’y prêter qu’un œil rapide devant son café du matin, en se demandant comment il se fait que ces «boludos» de français n’ont pas pensé avant de construire à niveler les dunes pour les mettre au niveau de la mer. Je n’exagère rien : le quotidien permettant les commentaires sous l’article, on peut en lire de croquignolets.

Qui, si on avait mauvais esprit, pourraient venir confirmer notre réponse naïve à la question : «mais pourquoi diable La Nación se donne la peine de publier un article que 99% de ses lecteurs vont lire en demie diagonale ?» Ben, peut-être pour les rassurer. Le Signal, c’est peut-être celui d’un certain changement climatique, mais bon, Soulac, c’est loin, c’est la France, c’est l’Europe. En cette période de vacances d’été où une proportion non négligeable d’Argentins est en train de se faire rôtir sur les plages de l’Atlantique, de Mar del Plata à Villa Gesell, ça fait du bien de se dire que chez soi, on peut avoir construit les immeubles au ras des flots, on est tranquille. Et en effet. Florilège de commentaires :

Habemus Brutus : En réalité ce n’est pas la mer qui avance, mais la terre qui recule. (…) Seuls les mouvements tectoniques qui soulèvent une partie des terres et créent des fosses marines font qu’on a des continents. Donc il est normal qu’en cette période de tranquillité tectonique la mer gagne du terrain grâce à l’érosion des terres émergées. CQFD.

A Villa Gesell, tant que la mer n’avance pas…

Diamanteenbruto : on voit bien qu’il est construit sur du sable, qu’est-ce que ça a à voir avec le réchauffement global ?

Indio007 : (…) Le vrai problème c’est que ça a été construit sur du sable (dune) sans qu’on ait prévu de soutènements suffisamment profonds. C’est ainsi qu’on esquive la responsabilité pénale des architectes en utilisant l’argument commode du changement climatique. Un argument qu’on ne manque jamais de sortir quand les chats commencent à aboyer (sic).

Av6551649 : Ce phénomène naturel est confondu par les scientifiques avec l’augmentation du niveau de la mer.

Sur 26 commentaires (ce qui est très peu, pour un article du journal), un seul se montre inquiet de ce que révèle le destin du Signal.

Ceci dit, on ne pourra donc pas reprocher à La Nación de vouloir effrayer ses lecteurs. A part une phrase en passant pour évoquer le fait que «Les médias, parfois, qualifient les propriétaires de l’immeuble de réfugiés climatiques», le reste de l’article se concentre sur les conséquences économico-touristiques de l’érosion marine. «Le pays (La France, NDLA) où 35 % du littoral est constitué de plages, a perdu 26 kilomètres carrés de terre entre 1949 et 2005. Dans un endroit aussi touristique que la France, où 40% des capacités hôtelières sont concentrées sur les côtes, tous les signaux sont au rouge».

On appréciera la sollicitude du grand quotidien argentin pour nos capacités hôtelières menacées. Je connais d’autres Argentins, pour ma part, qui aimeraient bien que de temps en temps, La Nación se fende d’un petit article sur l’effondrement des glaciers patagoniques. Ou la terrible sécheresse qui accable la région viticole de Mendoza.

Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir : lire un article sur les problèmes assaillant nos belles côtes françaises, et particulièrement girondines, est tout aussi rare !

Disparition du philosophe J.P. Feinmann

          Le 17 décembre dernier l’écrivain, philosophe et essayiste José Pablo Feinmann nous a quittés. Si, en France, c’était un parfait inconnu, en Argentine en revanche, il était une figure familière à la fois du monde littéraire, cinématographique et médiatique.

José Pablo Feinmann

          Inconnu chez nous, c’est un euphémisme : si son œuvre compte une trentaine d’essais philosophiques et politiques, 14 romans de fiction, autant de scénarios de films et deux pièces de théâtre, à ma connaissance, sur ce total, on n’a traduit en français que quatre romans et une pièce, difficilement trouvables dans les librairies aujourd’hui.

          Je ne le connaissais pas non plus avant mon premier voyage en Argentine. Pourtant, presque 15 ans après, sa mort me laisse comme orphelin d’un véritable guide intellectuel : c’est à travers ses écrits que j’ai attrapé le virus de l’histoire et de la politique argentines. Lui qui m’a fait découvrir, par ses bibliographies aussi exhaustives qu’éclairées, les livres indispensables sur le sujet. Mon prof (involontaire bien sûr) de sciences po argentines, en quelque sorte !

          Je ne vais pas ici vous ennuyer avec de longs développements sur sa vie et son œuvre. Ceux que ça intéressent se reporteront avec profit aux liens que j’ajoute sous cet article.

          Celui-ci a juste pour but de témoigner de mon émotion devant sa disparition, celle d’un écrivain brillant, d’un analyste politique d’une grande finesse d’esprit, et de ce qu’on peut appeler, simplement, un homme de bien. Bien loin de l’image habituelle de l’universitaire pédant et arrogant, José Pablo Feinmann était un type modeste, humaniste, très lucide à la fois sur lui-même et sur ses compatriotes.

          Il va beaucoup manquer au paysage intellectuel argentin, dans lequel il représentait une voix atypique, parce dénuée de tout artifice, de toute méchanceté, de tout esprit de chapelle.

          Comme une bonne moitié de ses compatriotes, il était péroniste. Forcément : en Argentine, on est forcément l’un ou l’autre, pro ou anti. Mais lui, contrairement à pas mal d’autres, était ce qu’on pouvait appeler un «péroniste» lucide. Critique, comme on disait chez nous des communistes un poil dissidents. C’est qu’il avait connu, encore enfant, le premier péronisme, celui du Perón populiste, le Perón proche des petites gens, le Perón ouvriériste. Celui que les militaires avaient renversé en 1955. Feinmann avait alors 12 ans. Devenu adulte, il en était pas mal revenu : jeune militant de la gauche péroniste dans les années d’exil, il avait assisté au retour du «vieux» en 1973, flanqué de toute une clique plus ou moins fasciste, préfigurant la dictature qui allait suivre seulement deux ans après la mort du général, qui surviendra pas plus tard que l’année suivant son retour triomphal et le massacre de militants qui l’avait accompagné. Ensuite, dans les années 90, le péronisme s’était vendu au capitalisme le plus sauvage, par l’intermédiaire du président aux belles rouflaquettes, Carlos Menem. Ce péronisme là n’était, ne pouvait pas, être celui de Feinmann.

          Il laisse derrière lui, selon moi, une œuvre essentielle à qui veut comprendre, d’un point de vue plus philosophique, l’histoire contemporaine de l’Argentine. Avec en prime, et ce n’est malheureusement que trop rarement le cas chez ses collègues universitaires, un style fluide et agréable à lire, en dépit de la longueur de ses essais : Feinmann était extrêmement bavard !

          Bref, on l’aura compris, un auteur qui comptera toujours beaucoup pour moi. Je peux parler au futur : il me reste encore pas mal de ses livres à lire. Allons : José Pablo, tu n’es donc pas vraiment mort.

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DOCUMENTS ANNEXES

Fiche wikipédia en français. Attention, elle n’est qu’une traduction, et en résumé, de la fiche argentine. Sa bibliographie est notamment incomplète. (Mise à jour : encouragé par un ami lecteur, je l’ai complétée moi-même sur la fiche wiki).

Fiche wikipedia en espagnol. Biographie assez succincte, mais présentant l’essentiel.

Le très bel hommage de Rafael Bielsa dans « elDiarioAR » (en espagnol)

La nécro plutôt complète du principal quotidien argentin «Clarín»

Site officiel de l’écrivain.

La série complète de ses émissions «Philosophie, ici et maintenant» sur la chaine Encuentro. (Avec sous-titres en espagnol )

Le film « Eva Perón: La Verdadera Historia » (1996), de Juan Carlos Desanzo, scénario de JPF.

Le film « Ultimos días de la victima » (1982), d’Adolfo Aristarain, d’après un roman de JPF.

L’entrée « José Pablo Feinmann peronismo» ouvre sur une pléiade d’interviews de l’écrivain sur le sujet, sur le site youtube.

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Traduction de l’hommage d’Eduardo Aliverti (18/12/2021)

La mort de Feinmann est beaucoup plus que celle d’un intellectuel brillant, désigné comme tel par la quasi unanimité de tout le spectre idéologique.

C’est la mort d’un type qui n’a jamais hésité à mettre son savoir à la portée de tous. Qui a rendu compréhensibles les concepts les plus ardus de la philosophie. Qui les a mis au service de la divulgation collective, mais en le faisant avec une hauteur d’esprit le rendant peu suspect de diffuser une vulgate sans substance.

Ces derniers temps, on le voyait plus proche du pessimisme de l’intelligence que de l’optimisme de la volonté.

Ce qui, finalement, était la démonstration de la cohérence de sa pensée : il n’a jamais caché être plus proche de l’un que de l’autre.

En tout cas, le monde pandémique duquel l’humanité ne sort pas grandie, tout comme le resurgissement d’idées d’extrême-droite qui ravivent des dangers répugnants, entre autres images déprimantes, accrédite sa théorie selon laquelle l’intellectuel est contraint au jugement critique permanent. A ne pas perdre son indépendance d’esprit. A ne pas rester enchainé à des engagements personnels, partisans ou institutionnels.

Sans aller plus loin, il était agacé par les tiédeurs de ce gouvernement. Son absence de courage face aux puissants. Il l’a manifesté dans nombre de revues. Néanmoins il ne serait venu à l’idée de personne de décréter qu’il avait changé, que ses dénonciations étaient injustifiables, qu’il était ainsi associé au «feu ami».

Il avait demandé à son ami Horacio González, dans une déclaration bouleversante, de l’attendre car il ne tarderait pas à le rejoindre. Le pessimisme reflété par cette déclaration se voyait cependant contredit par l’intérêt qu’il portait à son activité : il a continué jusqu’à il y peu d’écrire des articles pour la rubrique «Contratapa» du journal Pagina/12.

C’est un lieu commun, mais irréfutable, de dire qu’il convient toujours, dans ces circonstances, de faire en sorte de maintenir vivante l’œuvre du défunt. Et Dieu sait s’il nous laisse un héritage immense, sous la forme d’essais, de romans, d’articles ou de cours. Ou de tout ce qu’on voudra bien retenir.

Mais il est également vrai que la première chose qui vient à l’esprit, d’abord, à tellement d’entre nous, c’est de nous révolter contre la mort des nôtres, et parce que les indispensables coups de gueule de José Pablo vont bien trop nous manquer.

Eduardo Aliverti, journaliste. Pagina/12 du 18/01/2021. Les passages soulignés en gras le sont par l’auteur.

20/12/2021 : L’extrême-droite n’est pas passée!

          Contrairement à ce que laissaient craindre les résultats du premier tour, le candidat d’extrême-droite José Antonio Kast n’a pas été élu président du Chili hier. Il a été assez nettement battu par son adversaire de gauche Gabriel Boric, qui a recueilli 56 % des suffrages.

          Les Chiliens ont par là confirmé leur large vote en faveur de la nouvelle constitution, lors du référendum d’octobre 2020, destinée à remplacer celle qui était toujours en vigueur depuis la dictature d’Augusto Pinochet. En effet, Kast, favorable au retour d’un gouvernement autoritaire et ultra libéral inspiré de celui en exercice entre 1973 et 1990, avait promis de revenir sur cette réforme.

          Le journal chilien El Mercurio souligne qu’il s’agit en outre du président le mieux élu, et le plus jeune, de l’histoire du Chili. Dans le même journal, José Antonio Kast a reconnu sa défaite et félicité l’élu, promettant une opposition constructive.

          Le quotidien La Tercera livre six clés pour mieux analyser cette nette victoire, obtenue qui plus est avec une des meilleures participations de l’historie démocratique du pays : l’arrivée d’une nouvelle génération politique ; l’excellent report de voix ; la discipline républicaine de ses adversaires, qui ont reconnu sa victoire aussitôt et sans la moindre contestation ; la réussite de Boric à réaliser l’union des différents partis et mouvements de gauche, exception faite du mouvement de centre-gauche «Concertación» qui avait gouverné après la dictature (emmené par Michelle Bachelet notamment) ; la nécessité de trouver des soutiens de gouvernement au sein d’un parlement où la gauche reste nettement minoritaire ; et naturellement les probables chausse-trappes que ne manqueront pas de poser les grands décideurs économiques, forcément très inquiets et dont on imagine facilement la déception face à ce résultat.

          Contrairement au premier tour où les analyses avaient brillé par leur absence, cette fois la presse française s’est un peu réveillée pour au moins présenter ces résultats. Médiapart (article réservé aux abonnés) parle d’un «réveil anti-fasciste», tandis que France-info sur son site souligne que Boric a recueilli les suffrages non seulement des classes défavorisées, mais également des classes moyennes lésées par l’extrême privatisation de beaucoup de services publics, comme la santé, les retraites ou l’éducation. L’Est Républicain fait quant à lui le tour des réactions des hommes et femmes politiques français de gauche, et de l’accent mis par la plupart d’entre eux sur le caractère unitaire de cette victoire, qui devrait parler à notre propre gauche. Mais dans l’ensemble, les comptes-rendus de notre presse restent pour le moment purement factuels : supposons que les analyses suivront dans les prochains jours !

          Pour beaucoup de Chiliens, l’issue du scrutin représente un véritable soulagement, tant la perspective d’un retour aux années noires de la dictature, portée par un candidat qui ne cachait pas ses affinités avec A. Pinochet, était grande. Il est évident que Kast a cristallisé contre lui bien au-delà des électeurs de gauche convaincus. Cela est très visible par exemple dans le sud du pays (Patagonie), où Kast l’avait assez largement emporté au premier tour, et où il a malgré tout perdu le ballotage dans quatre régions.

          Les Chiliens, qui avaient approuvé largement la nouvelle constitution, ont donc été cohérents. Reste à savoir quelle marge de manœuvre aura le nouveau et très jeune (35 ans) président. Il va devoir affronter de grands défis, à peu près les mêmes d’ailleurs qu’avait dû affronter en son temps Salvador Allende, dernier président réellement de gauche avant Boric. A savoir l’opposition des secteurs économiques et financiers, nourris depuis près de 50 ans à l’ultra libéralisme de «L’école de Chicago», celle des secteurs les plus conservateurs de la société, nostalgiques de la dictature et encore assez nombreux, mais aussi celle d’une partie, la plus radicale, de la gauche chilienne, celle-là même qui avait beaucoup contribué, par son jusqu’auboutisme, à la chute du leader de l’Alliance Populaire en 1973. Car pour gagner, Boric a dû tendre la main à des secteurs politiquement plus modérés, voire centristes, secteurs vers lesquels il devra également se tourner pour pouvoir gouverner et faire passer les réformes prévues dans son programme. Ces concessions ne seront sans doute pas du goût de ses alliés les plus à gauche, même s’il inclut des communistes dans son gouvernement, comme il l’a annoncé. Cela, Boric l’a déjà anticipé lors d’un débat précédent l’élection, disant que «Nous allons avoir un parlement pratiquement à égalité, et certains disent que cela va créer une paralysie (…) Je le vois plus comme une opportunité, en ce sens que nous avons le devoir de trouver des accords dans l’intérêt de tous les Chiliens». (La Tercera, «les six défis auxquels Boric va devoir faire face»).

          Son programme vise en priorité à diminuer les inégalités dans un des (sinon LE) pays d’Amérique latine où elles sont les plus criantes, ainsi qu’à rompre avec des politiques économiques qui ont fait du Chili un véritable laboratoire du libéralisme le plus sauvage. Parmi les grands axes, notons :

– Nouveau système de sécurité sociale basé sur la solidarité.
– Augmentation du salaire minimum jusqu’à 500 000 pesos (525€) en fin de mandat, avec soutien public aux PME
– Réduction du temps de travail à 40 h par semaine.
– Impôt sur la fortune, prélèvement sur les bénéfices des compagnies minières (notamment le cuivre), lutte contre l’évasion fiscale.
– Diminution du prix du logement
– Refonte de la police
– Loi sur l’eau en tant que bien commun
– Loi de protection contre les violences faites aux femmes.
– Développement de l’emploi féminin.

          On peut facilement prévoir que le parcours du nouveau président ne se fera pas sur un chemin tapissé de roses. Parviendra-t-il à réussir là où tous ses prédécesseurs ont échoué, c’est-à-dire transformer le Chili en un pays plus juste, plus démocratique, plus moderne et plus indépendant des forces économiques et financières extérieures ? Aura—t-il suffisamment d’amis pour contrer l’inévitable cohorte de tous les ennemis qui commencent déjà à imaginer les moyens de le faire tomber ?

          Comme on est en Amérique du sud, et que dans cette partie du monde, les conservateurs ont rarement la défaite sereine, parions que les premières manifestations d’opposition ne devraient pas tarder à remplir les rues de Santiago. Espérons seulement que la société chilienne sera suffisamment forte pour maintenir vaille que vaille le processus démocratique ouvert depuis maintenant trente ans, et qui a jusqu’ici été respecté par toutes les forces politiques de droite comme de gauche. Et qu’on laisse une chance, enfin, à une véritable alternance. En réalité, la balle n’est pas dans le camp de Boric, mais dans celle des plus conservateurs.

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Lire ou relire également l’article sur le premier tour : Le Pinochet nouveau est arrivé

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¡Feliz Navidad a todos!

(Ben oui, hein, là-bas, c’est l’été !)

12/12/2021 : Sous un soleil énorme

         

          Une fois n’est pas coutume, on va rester de ce côté-ci de l’Atlantique aujourd’hui pour parler de l’Argentine.

          Je ne l’aurais jamais cru : je viens de me trouver un point commun avec le chanteur Bernard Lavilliers. Car lui aussi revient du pays d’Astor Piazzolla (ou de Borges, ou de Carlos Gardel, d’Ernesto Guevara ou Lionel Messi, comme vous préférerez !), où il a passé quelques mois. Et lui aussi est tombé amoureux de Buenos Aires, qu’il a parcouru lui aussi à pieds, seul, en long et en large, pour s’imprégner de son âme particulière, jusqu’à se sentir un peu «portègne» (c’est ainsi qu’on nomme les habitants de Buenos Aires).

          Dans « Le Piéton de Buenos Aires », il nous raconte ses pérégrinations en solitaire dans la ville, et ses mots sont une évidence pour celui qui, en même temps que lui, a arpenté les trottoirs de la capitale argentine :

Je marche seul dans Buenos Aires
Personne ne demande qui je suis
Dans cette ville dos à la mer
Qui vibre encore de l’Italie

Je marche seul dans Buenos Aires,
Je sais que je n’ai rien compris
Mais cette odeur m’est familière
Comme un secret jamais écrit

          Si je ne sais pas quels quartiers, quelles rues, il a parcourus, j’imagine que nous en avons hantés de semblables, lui aussi a probablement surpris San Telmo au petit matin, encore mal réveillé et hirsute de sa mauvaise nuit, faisant une toilette de chat dans la lumière blafarde du brouillard finissant, en attendant l’assaut des touristes étrangers. Juste avant, il aura probablement promené sa carcasse dans la nuit de Palermo, et je serais bien étonné qu’il ne se soit pas accoudé à l’un des multiples bars de la Plaza Serrano. Plus baroudeur que moi, il n’aura pas hésité à arpenter les trottoirs de La Boca ou de Barracas, même tard le soir, parce c’est évidemment là qu’on est le plus sûr de la rencontrer, l’âme profonde de la ville, si on n’a pas peur des ombres inquiétantes qui surgissent des portails.

Plaza Serrano – Palermo – Buenos Aires

          Lui aussi a visité la bibliothèque nationale, ce bâtiment plutôt moche dont pourtant les Argentins sont si fiers. Je ne sais pas trop ce qu’il a pu en retirer, puisqu’il ne parle pas l’espagnol. Mais les touristes, eux, n’y entrent jamais. D’ailleurs, ils ne savent même pas qu’il existe. Il ne figure pas au catalogue des monuments « incontournables ». Alors que pourtant, s’il est un endroit où on est sûr de rencontrer la culture du pays…

Bibliothèque nationale – Buenos Aires

          Le Stéphanois a aussi compris quelque chose qui est rarement souligné à propos du caractère maritime de la ville : Buenos Aires est certes un grand port, mais, contrairement à d’autres villes portuaires célèbres et populaires, comme Lisbonne, Marseille, ou Barcelone, celle-ci… tourne clairement le dos à l’eau. Comme il le dit dans une chanson : elle est dos à la mer. Les Portègnes sont tout sauf des marins, ils en ont perdu la qualité avec la disparition du premier port, celui de La Boca qu’illustrait avec talent le peintre Benito Quinquela Martín.

Port de La Boca – Buenos Aires – Peinture de Quinquela Martin (1890-1977)

          Le second port, celui de Puerto Madero, est maintenant un quartier chic d’immeubles d’affaires, et le dernier, situé encore plus au nord, est introuvable même par les taxis les plus affutés. Buenos Aires regarde ailleurs, vers le sud et l’ouest, vers le désert des vallées Calchaquies et les prairies de La Pampa, vers le froid patagonique et la chaleur tropicale des confins du Brésil.

Buenos Aires, un port à l’envers
Où les marins restent à leur bord

          De ses pérégrinations portègnes, Bernard Lavilliers a ramené une petite collection de chansons tout en délicatesse et en nostalgie, et parmi celles-ci, quelques pépites consacrées plus spécifiquement à son amour de l’Argentine et qui prouvent, malgré ce qu’il dit, qu’il en a compris l’essentiel. Parce que, sans nul doute, il a su plus que bien d’autres regarder ce pays, et sa capitale, avec les yeux du cœur.

          J’aurais aimé avoir son talent pour rapporter de mes propres séjours d’aussi belles images. Ses chansons disent bien mieux que je n’aurais pu le faire ce que j’ai trouvé, senti, vu et vécu à chacun de mes voyages argentins. Parce qu’en Argentine, il n’y a pas que le soleil, qui soit énorme.

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SOUS UN SOLEIL ENORME : liste des chansons
(liens vers les chansons « argentines »)

Le coeur du monde
Voyages
Je tiens d’elle
Beautiful days
Toi et moi
Les Porteños sont fatigués
Le piéton de Buenos Aires
Qui a tué Davy Moore ?
Corruption
Noir Tango
L’ailleurs

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Pour une autre déambulation et d’autres images, voir aussi nos « Instantanés de Buenos Aires » de 2020.