Diplomatie : l’Argentine s’isole

Un petit séisme vient de se produire ces jours derniers à l’intérieur même du gouvernement Milei : la ministre des Affaires étrangères, Diana Mondino, a été sèchement remerciée et remplacée par le jusqu’ici ambassadeur aux Etats-Unis, Gerardo Werthein.

La raison : lors d’une session à l’ONU, elle a voté, à l’unisson de tous les pays présents sauf les États-Unis et Israël, une motion condamnant le blocus américain envers Cuba. Un blocus aussi vieux que l’installation du castrisme dans l’île des Caraïbes, et dont souffre d’abord et avant tout, le petit peuple cubain, bien plus que ses inamovibles dirigeants.

Le vote de la résolution de l’ONU condamnant le blocus contre Cuba – 30 octobre 2024 – L’Argentine a voté en faveur de la résolution, pour la plus grande fureur de son président Javier Milei. On remarquera que seulement deux pays ont voté contre : les USA et Israël, un s’est abstenu, la Moldavie, et trois n’ont pas participé au vote : l’Afghanistan, l’Ukraine et le Venezuela.

En apprenant le vote argentin, le sang du président n’a fait qu’un tour : pas question de «soutenir» un gouvernement communiste.

En prenant cette position, Milei rompt avec plus de trente ans de tradition argentine, ce pays ayant soutenu sans faille la condamnation du blocus, tout comme l’immense majorité des pays européens, qui en retour l’ont indéfectiblement soutenu dans sa demande de négociation avec le Royaume-Uni sur la question de la souveraineté sur les Iles Malouines (Falklands, pour les Anglais). Un soutien qui pourrait bien faiblir dans les années à venir, en toute conséquence.

Une nouvelle fois, le président ultra-libéral isole son pays sur la scène internationale. En effet, depuis son arrivée au pouvoir, l’Argentine, représentée par ce leader de plus en plus tourné vers l’extrême-droite, a rejeté : l’égalité des sexes, la lutte contre le changement climatique, la défense des droits de l’homme, causes que Milei considère comme fers de lance d’un complot collectiviste ! (Página/12, 31/10/2024).

En réalité, le sort de Diana Mondino était scellé avant même son vote à l’ONU. Son éviction n’est qu’un épisode de plus de la vaste purge entreprise par Milei et ses deux plus fidèles acolytes (sa propre sœur Karina, qu’il a installée, moyennant un petit arrangement avec la loi, au secrétariat de la présidence, et Santiago Caputo, conseiller n°1) pour modeler l’administration à sa mesure.

Institutions carrément fermées (Comme celle des impôts, l’AFIP – pour administration fédérale des recettes publiques – dissoute et entièrement remodelée après purge de tous ses fonctionnaires), charrettes d’emplois publics, désignés à la vindicte populaire comme, au mieux, pistonnés, au pire, inutiles, coupes claires dans les budgets de l’Education et de la Santé, remise en cause de l’indépendance de la presse, criminalisation des manifestations populaires, Milei et son gouvernement surfent sur la vague autocratique qui semble s’être emparée d’une bonne partie du monde, où la démocratie ne cesse de reculer.

L’isolement, Milei n’en a cure. Lors de son intervention à l’ONU, il y a quelques semaines, il avait déclarée que celle-ci, comme la plupart des institutions publiques qu’il rêve d’exterminer jusqu’à la dernière, était aussi inefficace que superflue. Pour Milei, tout ce qui est public est inutile et doit être supprimé à terme, pour laisser la main invisible du marché gérer la marche du monde, entre saine et émulatrice cupidité naturelle de l’homme, et ruissellement des plus riches vers les plus pauvres.

Depuis cette intervention remarquée et largement commentée dans la presse mondiale, le président à la tronçonneuse est persuadé de faire partie des grandes voix de ce monde, et un, sinon le seul, des leaders charismatiques de l’univers tout entier. Une mégalomanie qui n’est pas sans rappeler celle d’un autre dingo tout aussi effrayant pour la survie d’une démocratie très chahutée ces temps-ci, et dont il semble partager à la fois les idées et le coiffeur.

Il semblerait toutefois qu’une certaine Argentine se réveille. Ces jours-ci, le pays a été totalement paralysé par une grève générale des transports, et la mobilisation ne semble pas devoir faiblir, en dépit des menaces de la ministre de l’intérieur, Patricia Bullrich, qui promet de faire arrêter les meneurs et de les envoyer en taule. (Un décret interdit le blocage des rues, ce qui permet par ricochet d’interdire de fait la plupart des manifestations populaires).

Gare ferroviaire de Retiro, Buenos Aires.

Certes, on est encore loin d’un mouvement de fond. La grande majorité de la population reste dans l’expectative, et l’attente de résultats économiques qui tardent à venir. A force d’austérité, l’inflation a fini par décrocher un peu, mais elle est contrebalancée par la forte augmentation de certains produits de première nécessité, à commencer par l’énergie et les loyers. Et, donc, les transports, dont le rapport qualité-prix est catastrophique, notamment au niveau du train, secteur particulièrement vieillissant en Argentine, et notoirement insuffisant pour ce territoire gigantesque.

Pour le moment, Milei peut continuer de compter sur la fracture qui divise toujours le pays en deux camps réconciliables. L’anti péronisme viscéral de la moitié de la population lui profite, en l’absence de réelle alternative à cette opposition usée et toujours représentée par une figure suscitant autant de haine que de soutien : Cristina Kirchner, présidente de 2007 à 2015.

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