Une amie Québécoise vient de m’informer que chez elle, il faisait tellement froid en ce moment que ses fenêtres givraient de l’intérieur !
Ce n’est certainement pas le cas de l’Argentine, qui, en plein été austral, atteint des sommets de température. Hier à Buenos Aires, selon le journal Crónica, on a atteint le second pic de température après celui relevé en janvier 1957 (43,3) : 41,1°.
Naturellement, les clim’ tournent à plein. Résultat : les fournisseurs d’électricité sont débordés, et c’est ainsi que 700 000 foyers du secteur nord du Grand Buenos Aires ont été en partie privés de courant hier.
Comme toujours, les responsabilités de la coupure font l’objet d’une polémique entre la compagnie responsable (ici, Edenor) et l’autorité publique de régulation, ENRE (acronyme espagnol d’Entité nationale de régulation de l’électricité). Selon Edenor, la coupure serait due à un incendie dans un bidonville, qui aurait ensuite affecté des câbles haute-tension. Faux, répond ENRE. Aucun incendie : les pompiers n’ont même pas été appelés. Le quotidien Clarín qui rapporte l’événement fait état de témoignages confirmant l’incendie, mais contradictoires. Selon certains, c’est l’incendie de la maison qui a affecté le câble, d’autres ont vu des étincelles sur le câble, étincelles qui auraient ensuite provoqué l’incendie de la maison !
Ce qui met tout le monde d’accord, c’est que l’ensemble du système argentin souffre d’un manque cruel d’investissement. Pour les uns, la faute à des tarifs trop bas, ne dégageant pas suffisamment de marge aux fournisseurs, qui économisent donc en retour sur l’amélioration du réseau. Pour les autres, les fournisseurs privilégient la rétribution des actionnaires au détriment d’investissements indispensables. Le quotidien de gauche Pagina/12 rappelle que le gouvernement précédent avait imposé des hausses drastiques de tarifs (jusqu’à 300% ! On imagine la réaction des Français si cela s’était produit chez nous !), et que ces hausses auraient dû déboucher sur des améliorations, mais qu’il n’en a rien été.
La Nación prend cependant la défense du gouvernement de Mauricio Macri (2015-2019), en rappelant que les gouvernements péronistes ont toujours pratiqué une politique de gel des tarifs, à ses yeux contreproductive. Un article du 27 janvier 2016, sur le site BBC world (en espagnol), l’expliquait par le besoin dans lequel s’étaient trouvés les gouvernements péronistes de maintenir des prix bas, après la terrible crise qui avait affecté le pays en 2001, et considérablement appauvri une majorité d’Argentins. D’où des tarifs subventionnés, bien loin de couvrir les coûts réels de production, et obligeant les compagnies à restreindre les investissements.
Il n’en reste pas moins que, malgré les augmentations massives de 2016, le réseau argentin reste très précaire. Pas étonnant alors que le moindre pic un peu important fasse disjoncter le système. Pagina/12 rappelle d’ailleurs le gigantesque « apagón » (coupure) de juin 2019, qui avait plongé la quasi-totalité du pays dans le noir, et avait même affecté certains pays voisins.
En Argentine, l’électricité est aux mains d’une dizaine de compagnies privées, donc libres de leur politique d’investissement, mais contraintes néanmoins de par le contrôle de l’état sur les tarifs exigés auprès des usagers. Un système assez pervers, qui conduit comme aujourd’hui à ce que chacun se renvoie la balle des responsabilités, sans qu’aucune solution ne se pointe à l’horizon.