Après les événements de 1810 (Cf texte précédent « Vers l’indépendance »), s’ensuit une période d’intenses combats entre légalistes fidèles à la Couronne d’Espagne et partisans d’une révolution politique. Ceux-ci, peu à peu, prennent l’avantage, sans pour autant se décider à déclarer l’indépendance, jugée encore trop aventureuse par les chefs des groupes patriotiques, comme Manuel de Sarratea, Gervasio de Posadas ou Miguel Estanislao Soler.
Petit à petit, l’ancien Vice-royaume se trouve grignoté, et finit, du moins pour sa partie sud, par se résumer à la région du Haut-Pérou. Les forces en présence se stabilisent sur une ligne de front située à la région frontière du Haut-Pérou et du Río de la Plata : Salta, qui va devenir pour quelques années l’épicentre d’un conflit ouvert dont seront victimes les habitants, obligés de vivre dans un perpétuel état de guerre.
Paradoxalement, c’est un général formé en Espagne, et qui a combattu activement dans l’Armée royale contre les forces Napoléoniennes, qui va donner l’impulsion décisive au mouvement vers l’indépendance totale du Río de la Plata : José de San Martín. Militaire espagnol, donc, mais né dans le Vice-royaume, la révolution du 25 mai 1810 lui fait prendre conscience des grands changements en cours dans sa « patrie » d’origine, qui font vaciller sa loyauté envers l’autorité qu’il servait jusqu’ici sans état d’âme. Il sent qu’il lui faut choisir entre celle-ci et ses véritables racines, dont il est convaincu que l’émancipation est inéluctable.
Il démissionne, et en 1812, il débarque à Buenos Aires pour offrir ses services aux autorités locales, qui l’accueillent à bras ouverts. Il se met tout de suite au boulot, et, dès octobre, commence par renverser ces mêmes autorités (Le « premier triumvirat », dirigé conjointement par Feliciano Chiclana, Manuel de Sarratea y Juan Martín de Pueyrredón), jugées trop frileusement indépendantistes.
En 1815, il propose au gouvernement de lever une armée pour marcher, à travers les Andes, vers le Chili, puis remonter au Pérou, pour défaire les armées royales. Parallèlement, d’autres régions se soulèvent, comme le Venezuela de Simón Bolívar, et peu à peu, le continent se libère de la tutelle espagnole. C’est là que les ennuis commencent, car comme de juste, les révolutionnaires ne sont pas tous d’accord sur la manière d’organiser la future indépendance. Résultat : au lieu de s’unir pour former une seule et même nouvelle patrie, on va plutôt vers une partition en plusieurs entités antagonistes. Comme souvent, ce qui motive ces luttes intestines, c’est la prétention de certains d’imposer leur suprématie. En l’occurrence, celle de Buenos Aires, comme capitale des nouveaux territoires indépendants. Ce centralisme est combattu en premier lieu par Gervasio Artigas, dirigeant la « Bande Orientale », territoire de l’est de l’estuaire recouvrant à peu près l’actuel Uruguay, qui propose lui, un système plus fédéraliste de provinces autonomes et souveraines. Voilà qui commence mal pour les « Provinces Unies du Río de la Plata », comme on appelle alors les territoires libérés du joug espagnol, car Artigas est suivi par certaines d’entre elles, comme Entre Ríos, Santa Fe, Misiones, Córdoba, formant une confédération autoproclamée « Ligue des peuples libres ». Profitant des tensions entre révolutionnaires, les royalistes reprennent pied au Mexique, dans la région de la Nouvelle-Grenade (Colombie) et du Venezuela, au Pérou et au Chili.
Début 1816, les indépendantistes ne dominent donc plus que la grande région du Río de la Plata, toujours divisée en deux. Pour tenter d’apaiser les tensions, on décide de se réunir ailleurs qu’à Buenos Aires : c’est la ville de Tucumán qui est choisie pour réunir un grand congrès destiné à mettre tout le monde d’accord autour de l’objectif ultime : la déclaration d’indépendance. Enfin. Bon, évidemment, il y a toujours des râleurs insatisfaits, et certaines régions, comme Santa Fe, Corrientes, Entre Ríos, refusent de s’asseoir autour de la table. Néanmoins, le Congrès parvient à voter l’Indépendance des Provinces Unies du Río de la Plata, actée le 9 juillet 1816.
Voici à quoi ressemblait à peu près la carte du cône sud au moment de l’indépendance:
Une curiosité :
Cette indépendance en deux temps (Prise d’autonomie en 1810 et véritable indépendance en 1816), fait que l’Argentine peut se targuer d’avoir deux jours de fête nationale : le 25 mai (Fête de la Révolution de mai) et le 9 juillet (Fête de l’indépendance) !