Peu de gens le savent (mais nos lecteurs, oui, naturellement !), mais l’Argentine abrite, dans l’immense région patagonienne, un des plus importantes réserves d’eau douce du monde : ses glaciers.
Ils sont tous situés dans la même zone, à peu près :
Toute la zone, appelée Champ glaciaire de Sud Patagonie, comporte environ 300 glaciers de toutes tailles et a une superficie de plus de 12 000 km², soit très exactement celle des départements Nord et Pas de Calais réunis.
L’ensemble de ces glaciers côté argentin (il y en a aussi côté chilien, bien sûr) forme le Parque nacional de los glaciares, qui en comprend une douzaine de très étendus.
La plupart sont difficiles d’accès, c’est pourquoi le plus célèbre d’entre eux n’est pas le plus grand : il s’agit du Perito Moreno, qui s’étend quand même sur une surface de 250km², soit un peu plus que la superficie de la Capitale, Buenos Aires ! La superficie totale de tous ces glaciers est estimée à 7270 km². Soit, à peu près, l’équivalent du département du Maine-et-Loire.
Le plus étendu est le glacier Viedma, avec 940 km². 9 fois la ville de Paris.
Si, de loin, ils apparaissent comme une grande surface neigeuse bien lisse, en réalité, ils sont parcourus de crevasses énormes, et leur intérieur est quadrillé de canaux qui permettent à l’eau de s’écouler jusqu’aux lacs dans lesquels ils se jettent. La neige n’occupe qu’environ 40 cm de hauteur sur la croûte, le reste étant constitué de glace compacte. Ils se sont formés lors de la dernière période de glaciation, il y environ 18 000 ans.
Mais aujourd’hui, quasiment tous sont en constante diminution, en raison, comme on le devine, du réchauffement climatique en cours. Le problème étant que depuis quelques années, cette diminution s’accélère de façon inquiétante. A tel point que le glacier Upsala (640 km²), autrefois alimenté par son voisin Bertachi, en est désormais déconnecté. L’Upsala a ainsi perdu 14 km de longueur sur les 50 dernières années. Il faut dire qu’il subit un handicap supplémentaire : contrairement au Perito Moreno, qui repose sur une base entièrement rocheuse, donc solide, l’Upsala, lui, est en grande partie flottant, ce qui accélère son érosion par les eaux souterraines. S’y ajoute le fait que ce glacier se jette dans le Lago Argentino, un lac d’une profondeur de 700 mètres à cet endroit, et constitue un autre facteur d’accélération des détachements de blocs de glace.
Pour revenir au Perito Moreno, depuis 1990 des scientifiques effectuent des mesures de sa hauteur moyenne, selon un axe Nord-Sud (pour faire simple : sur sa largeur frontale). Entre 1990 et 2018, ce glacier a perdu 9 m. A partir de 2018, il a commencé à baisser de 4,30m par an. Et depuis 2023, la baisse est passée à 8m/an ! En tout, depuis 2018, Le Perito Moreno a perdu 25 m de hauteur !
C’est en partie ce qui explique, également, le phénomène qui, justement, attire le plus les touristes, depuis toujours : les desprendimientos, les éboulements (Voir vidéos à la fin de l’article). Il s’en produit plusieurs chaque jour. Des blocs plus ou moins gros se détachent de la paroi frontale, s’effondrent dans le lac, et forment des icebergs qui flottent ensuite à la dérive. Un spectacle unique, mais malheureusement de plus en plus facile à capter si on se montre un peu patient sur les passerelles, car de plus en plus fréquent. Ce qui n’est pas bon signe.
Tous ces éboulements ne sont pourtant pas visibles. Certains se produisent à l’intérieur même du glacier, qui fait entendre alors de déchirants craquements : du son, mais pas d’image, on ne voit rien de ce qu’il se passe en dessous.
Hélas, au train où va le réchauffement, il y a peu de chances pour que nos petits-enfants profitent jamais du même spectacle !
Nous n’en sommes heureusement pas encore là, ces énormes glaciers ont encore de beaux jours devant eux, mais rien n’incite à l’optimisme. Dépêchons-nous donc d’aller les admirer avant qu’il ne soit trop tard. En ce qui concerne le Perito Moreno, l’Argentine a justement fait de gros efforts, surtout depuis 2010, pour aménager la zone en construisant tout un réseau de passerelles qui permettent d’observer le glacier sous différents angles. On peut également l’approcher en bateau, et ainsi admirer sur le lac les magnifiques « tempanos » (icebergs) qui prennent parfois des formes et des couleurs d’une grande poésie.
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PETITE GALERIE PHOTOS POUR FAIRE ENVIE
UNE COURTE VIDEO (4’26) D’UN EBOULEMENT SPECTACULAIRE AU PERITO MORENO :
(Ci-dessus, moins spectaculaire, mais du vécu en direct ! Merci à Quentin pour cette vidéo captée au vol !)
Et pêle-mêle, quelques autres icebergs :
(Photos PV – 2008)
Très intéressant et très impressionnant. Maintenant est-ce bien raisonnable de se rendre là-bas et de participer de la sorte au réchauffement général de la planète (dit-il alors qu’il revient de vacances au Japon).
Hé hé ! La question se pose avec de plus en plus d’acuité. D’autant que depuis l’Europe, il faut avionner sec : 12 heures de traversée, puis encore 3 et demie de Buenos Aires à El Calafate. Après, si on décide de faire le voyage une fois dans sa vie… (dit-il après l’avoir fait 3 fois 🙂 !)