Mais qu’est-ce tu bois Doudou, dis-donc ? Un café glacé ? Un negroni ? Un cocktail aux épices ?
Rien de tout cela. Ce que sirote cette jeune fille, c’est… du mate (prononcez maté, je ne vais plus mettre l’accent dans l’article). Bon. Quand même, vous avez dû en entendre parler, même ici en France. Surtout si vous êtes un amateur de foot : il parait que l’international Français Antoine Griezmann en est un grand consommateur.
C’est bien un des rares Français, cela dit. Cette tradition, en vigueur chez les Paraguayens, Argentins, Uruguayens, Brésiliens et dans une moindre mesure Boliviens et Chiliens, n’est pas encore arrivée jusqu’à nous.
C’EST QUOI LE MATE ?
A la base, le mate, c’est une infusion. A savoir : de l’herbe et de l’eau chaude. D’ailleurs, mate, exactement, c’est le nom du récipient. On verra plus loin qu’il en existe de toutes sortes. La feuille hachée menu qu’on met dedans pour la faire infuser, ça s’appelle la yerba mate. Littéralement, l’herbe à mate. Logique.
La recette est simple : on met une certaine quantité de feuille broyée dans le mate, puis on ajoute un peu d’eau chaude à chaque fois qu’on veut en boire une gorgée.
On aspire alors à l’aide de la bombilla (littéralement «petite pompe») une sorte de paille en métal munie à son extrémité d’un petit filtre pour arrêter la feuille quand on aspire. On infuse donc, en quelque sorte, à la demande. On peut également infuser la feuille comme on le fait pour le thé ou le tilleul, par exemple, et boire le liquide dans une tasse. On appelle cela alors du mate cocido. Littéralement, du mate cuit. Bref, du mate infusé, puis passé.
D’OÙ VIENT CETTE TRADITION ?
A l’origine, ce sont les indiens Guaranis qui buvaient ainsi l’herbe à mate. Ils vivaient sur le territoire de l’actuel Paraguay. Les colons espagnols en adoptèrent ensuite la consommation, en constatant les effets bénéfiques sur la santé. L’herbe à mate contient de la caféine, elle est donc un excellent stimulant. C’est également un bon diurétique, elle facilite la digestion, et contient un certain nombre d’antioxydants.
Les Guaranis la prenaient en infusion (avec la bombilla), mais également avaient l’habitude d’en mâcher les feuilles, comme on le fait en Bolivie avec la coca. Les colons, quant à eux, ne gardèrent que la méthode de l’infusion.
A QUOI RESSEMBLE LA PLANTE ?
Sous forme d’arbuste, à ça :
De plus près :
Une fois broyée pour être infusée, à ça :
Son nom scientifique est Ilex paraguariensis. Ilex, parce qu’elle fait partie d’un ensemble de 400 plantes de cette famille, dont chez nous le houx est le seul exemple connu. Paraguariensis, on s’en doute, à cause de son territoire d’origine.
Plus précisément, en ce qui concerne le territoire, non pas le Paraguay proprement dit, mais la région qu’on appelait jadis «Provincia Paraguaria», et qui s’étendait au XVIIème siècle bien au-delà des frontières du Paraguay actuel. En gros, du nord du Chili au sud du Brésil, en passant par le nord-est argentin, l’Uruguay et bien entendu, le Paraguay. Voilà pour la localisation des plantations. Ailleurs, ça ne pousse pas.
En Argentine, la zone de culture s’étend essentiellement sur la région de Misiones. Une région nommée ainsi parce que ce sont les missionnaires jésuites espagnols qui l’ont colonisée à partir du XVIIème siècle. Une région devenue très touristique, et pas seulement à cause du mate : c’est aussi celle où se trouvent les fameuses chutes de l’Iguazu :
C’est là (Ne vous fiez pas au repère créé automatiquement. J’ai entouré la région en vert) :
Depuis les premiers colons au XVIIème, le mate est devenu une véritable institution dans les différents pays où il est consommé. C’est une boisson de partage, essentiellement. On peut naturellement boire son mate tout seul dans son coin, mais il est d’usage d’en faire profiter les autres, quand ils sont là.
Autrement, un mate = plusieurs consommateurs. Comme pour le joint, on fait tourner ! Si si, avec la même paille/bombilla ! J’entends déjà crier les hygiénistes. Eh oui, on utilise le même instrument, et je vous jure qu’en Argentine, ça ne dégoute personne. A part en temps de COVID, il faut bien dire : pendant de très longs mois, les Argentins ont dû se faire une raison.
Les trois peuples les plus attachés à cette tradition sont : les Argentins, les Uruguayens (dont on pourrait presque dire qu’ils sont des Argentins qui ont pris leur indépendance, tant ils se ressemblent) et les Paraguayens, bien entendu.
En Argentine, il est très fréquent de croiser un homme, ou une femme, avec son mate dans une main, et son thermos d’eau chaude dans l’autre. On les fait suivre partout : au boulot, en balade, en vacances, dans le bus, etc… Je connais des Argentins qui sirotent comme ça toute la sainte journée.
DIFFÉRENTS MODÈLES DE MATE
Pour déguster son infusion, il faut donc deux instruments indispensables : le mate et la bombilla.
Le mate, d’abord. On peut utiliser à peu près ce qu’on veut. Traditionnellement, il s’agit plutôt d’une « calabaza » (calebasse), à savoir l’écorce séchée du fruit du calebassier. Ce site commercial en propose tout un tas de modèles différents. Voici par exemple celui que j’utilise :
Mais les Argentins utilisent toutes autres sortes de récipients : tasses, gobelets, grands verres, du moment que ça puisse permettre d’infuser une quantité suffisante d’herbe.
Idem pour les bombillas : on en trouve de toutes sortes. Attention cependant: le filtre est indispensable, sinon, on avale de la feuille et c’est désagréable ! Une simple paille même en métal est donc formellement déconseillée !
COMMENT PRÉPARER SON MATE
En Argentine, préparer le mate, ça se dit cebar el mate. Un verbe exclusivement local : dans le dico, à cebar, vous le trouverez bien, mais pas dans sa signification argentine.
Voici un exemple de tuto simple et très court (en français) pour bien préparer son mate.
https://www.youtube.com/watch?v=m_fN8B4PaEQ
Insistons sur quelques points développés dans ce tuto si on ne veut pas gâter son mate :
– Respecter la température. Au-delà de 80°, vous allez obtenir un mate trop amer.
– Ne pas verser l’eau chaude sur l’ensemble de l’herbe, mais bien dans le petit puits tel qu’indiqué dans le tuto. Si on infuse toute l’herbe en même temps, là aussi, vous obtiendrez une infusion trop amère.
– Lorsqu’on a versé de l’eau, pas la peine d’attendre pour boire. L’infusion est immédiate, ce n’est pas comme du thé !
– Ne pas oublier de boucher la bombilla en haut quand on l’introduit dans le récipient. Sinon, vous allez avoir de la feuille à l’intérieur. De même, une fois la bombilla introduite, ne la sortez plus !
– Après utilisation, si vous avez utilisé une écorce de calebasse, après l’avoir rincée, laissez-la sécher à l’air, et surtout pas tête en bas, pour éviter qu’elle ne moisisse.
On peut ajouter ou non du sucre. En Argentine, il y a des amateurs de mate «amargo» (amer, sans sucre), et d’autres qui le préfèrent «dulce», sucré. Chacun ses goûts.
OÙ SE PROCURER DE L’HERBE À MATE ?
Beaucoup de boutiques de thé en vendent, bien sûr. En France cependant, ils proposent surtout du mate brésilien. Pour trouver du mate paraguayen ou argentin, mieux vaut se rendre dans des boutiques spécialisées dans les produits sud-américains. Ce site recense quelques adresses dans les grandes villes françaises, mais il ne concerne que son propre mate bio.
On peut également trouver des magasins proposant des marques connues en Argentine, comme le célèbre Taragüi, le plus vendu en Argentine. Autres marques connues : CBSé, Amanda, Rosamonte (A Bordeaux, je me fournissais soit à la Maison du Pérou, 20 rue Saint Rémi, soit à la boutique Ici Argentine, 84 Boulevard Wilson et 21 rue des Bahutiers. Les deux proposent du mate argentin).
(On remarquera sur ces photos qu’il existe deux qualités de yerba mate : «sin palo» et «con palo». La différence ? Dans le premier cas, qualité premium, on n’a gardé que la feuille, dans le second, on a laissé les tiges)
Dans les supermarchés, on ne trouve – quand il y en a – que du mate en sachets, pour faire des infusions type tisane. Mais ça pourra vous donner une idée du goût !
Attention à ne pas mettre trop cher : en principe, le mate est beaucoup moins cher que le thé. Heureusement, car on en utilise beaucoup plus à la fois ! En Argentine aujourd’hui, il coute à peu près l’équivalent de 5€ le kilo. En France, la maison « Palais des thés », par exemple, propose du brésilien à 6€ les 100g. Comme vous le voyez, la traversée de l’Atlantique se paie très cher ! Mais on peut trouver des paquets de 500g pour 8 à 10€ dans certaines boutiques moins huppées !
Il ne vous reste plus qu’à vous procurer le matériel (on trouve de tout en ligne !) et à tenter l’expérience !
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A lire également sur ce blog, concernant les traditions, clichés et autres points d’intérêts particuliers :
Quelques instantanés sur Buenos Aires
Le carnet de route de Patrick Richard.
Quelques clichés sur l’Argentine.