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Très amateur de vin, je ne pouvais pas imaginer ce nouveau voyage en Argentine, sans me rendre dans l’une de ses capitales mondiales : Mendoza et son célèbre malbec, cépage importé de France (région de Cahors).
Si le malbec, également dénommé «côt», est devenu emblématique de l’Argentine, (1/4 des raisins produits dans le pays proviennent de ce cépage), il est essentiellement concentré dans la province de Mendoza (85% des surfaces plantées), vinifié seul ou en assemblage. On y trouve encore des vignes de 80 ans qui n’ont jamais été greffées.
On y cultive aussi un large éventail d’autres cépages français aussi bien en rouge (le cabernet sauvignon, la syrah, le merlot, le pinot noir), qu’en blanc (le chardonnay, le chenin, le sauvignon, le sémillon, ainsi que l’ugni blanc, cépage utilisé en France notamment pour l’élaboration du cognac et de armagnac).
On y trouve encore quelques cépages « créoles » issus du croisement de cépages importés, l’Argentine étant un des rares pays au monde à élaborer du vin à partir de ces cépages.
Difficile de croire que cette ville se trouve en plein désert, avec ses larges avenues arborées et les nombreuses fontaines qui ornent ses places : Mendoza la bien nommée «ville forêt» et ses cinquante mille arbres, a beaucoup d’atouts pour séduire.
La viticulture remonte ici au XVIème siècle avec l’arrivée des jésuites qui ont ramené et planté, autour de leurs monastères, des pieds de vigne pour produire leur vin de messe.
L’activité viticole s’est ensuite développée au gré des vagues d’immigration européenne successives, qui en apportant leur savoir-faire, ont fait de la province de Mendoza la plus importante et la plus ancienne région viticole d’Argentine.
En 1853, Domingo Faustino Sarmiento, futur président de la République (1868-1874), conseille au gouverneur de Mendoza, Pedro Pascal Segura, d’engager un agronome français qu’il a rencontré au Chili, Michel Aimé Pouget, pour développer le vignoble.
Celui-ci importe à Mendoza les premiers plants de malbec et les méthodes de son pays natal pour en faire une industrie moderne.
La région de Mendoza n’a pas été choisie au hasard : sa topographie, sa géologie et son climat en font un lieu idéal.
L’une des clés de la réussite de sa viticulture réside dans la maîtrise de l’irrigation : en l’absence des pluies bloquées par la Cordillère des Andes, c’est la fonte des neiges des montagnes andines qui alimente les canaux d’irrigation dont bénéficie la vigne.
Elle profite également de l’importance des écarts de température de ces zones désertiques : la chaleur des journées favorise la production de sucre, la fraicheur des nuits garantit un bon niveau d’acidité, le faible taux d’humidité protège des champignons et insectes nuisibles.
Pour faire connaissance avec les productions locales, nous optons pour une demi-journée d’excursion proposée par une agence de tourisme : direction Maipú, une petite dizaine de kilomètres au sud-est de Mendoza.
Au programme, visite de trois propriétés viticoles, et, surprise, d’une fabrique d’huile d’olive et de vinaigre.
La visite des deux premières «bodegas» est bien rodée : découverte au pas de charge de parcelles de vignes et des chais, dégustation au même rythme de trois sortes de vins. On n’est pas là pour trainasser : les cars succèdent aux cars ! C’est un peu rapide pour avoir le temps de bien déguster les produits locaux, assez cependant pour faire connaissance avec un charmant couple de touristes «Rosarinos» (De Rosario, en Argentine), et échanger nos connaissances vinicoles respectives ! Quoi de mieux qu’un verre de bon vin pour briser la glace ?
La troisième propriété visitée se démarque des deux premières par l’originalité de ses productions.
Cette «bodega», fondée en 1912 par un immigré italien, Antonio Florio, s’est spécialisée dans la production de «vins italiens» à partir de cépages tels que le Chianti, de «vins fortifiés» tels que le Marsala, le Porto, le Moscato, ainsi que des «vins effervescents».
La bonne surprise de l’après midi est la visite et la découverte de l’activité de l’Olivicola Laur y Acetaia Millán.
Cette fabrique d’huile d’olive, fondée en 1906 par Francisco Laur, immigré français venu faire fortune à la «Cruz de Piedra» à Maipú, est devenue la 1ère entreprise d’oléiculture d’Argentine, et occupe depuis 2019, le 4ème rang du classement mondial des meilleurs oléiculteurs.
Rachetée en 2010 par la famille Millán, l’entreprise s’est lancée, en 2013, dans la fabrication du vinaigre balsamique traditionnel, ce qui n’a pas manqué de piquer notre curiosité puisque ce produit bénéficie d’une appellation contrôlée historiquement réservée aux provinces de Modène et de Reggio Emilia !
Toutefois, nous apprenons qu’en dehors de l’Europe, trois entreprises, sises à Toronto, Tokyo et donc Mendoza, sont certifiées par le «Consorzio Tutela del Aceto Balsamico di Modena», garant de la qualité des produits, des méthodes et procédures de fabrication spécifiques, et sont autorisées à produire ce vinaigre.
La visite commence par l’oliveraie, aujourd’hui plus que centenaire, puis par celle de la fabrique, à la pointe des méthodes modernes de production. Nous découvrons également le musée où sont exposées les différentes machines utilisées à travers les âges.
Nous terminons par la découverte des chais de vieillissement du vinaigre élaboré selon un procédé ancestral développé à Modène.
Tout commence par la production d’un moût de raisin cuit (ici de l’Ugni Blanc) qui passe ensuite par un processus de vieillissement dans une batterie de cinq fûts en bois de tailles et d’essences différentes (chêne, châtaignier, cerisier, frêne et acacia) et permettant l’évaporation.
Chaque année, la partie évaporée est remplacée par une partie du contenu du fût immédiatement précédent ; le dernier par du nouveau moût cuit.
La durée de vieillissement étant d’au minimum 15 ans, ce n’est donc qu’en 2029 que l’Acetaia Millán deviendra la 1ère entreprise de l’hémisphère sud à embouteiller du vinaigre balsamique «IGP».
Si elle est connue du monde entier pour ses vignobles et la qualité de ses grands crus, Mendoza est une ville surprenante. Elle n’est pas la ville oasis que certains y voient. C’est une ville verdoyante au cœur du désert qui entoure les Andes, riche de son histoire et de l’apport de ceux qui s’y sont installés.
Avant d’être créé en 1561 par un dénommé Pedro del Castillo, le site était occupé par des tribus indigènes dont les «Huarpes» à qui l’on doit ce système d’irrigation appelé «acequias» qui a permis de transformer cette zone désertique en cité verdoyante, système d’irrigation toujours utilisé aujourd’hui pour l’activité phare de la Province de Mendoza.
La base urbanistique de la ville actuelle fut créée en 1863 par le français Jules Ballofet, chargé de reconstruire, un peu plus loin du site originel, la ville rasée par le violent séisme de 1861.
Ainsi, tout au long de son histoire, on y retrouve l’empreinte de nombreux français qui ont contribué à la construction et à la réputation de ce qui est aujourd’hui la 4ème ville d’Argentine.