Hebe de Bonafini est décédée le 20 novembre dernier, à l’âge de 93 ans. Elle était une des premières « Mères de la Plaza de Mayo », ces femmes courageuses qui avaient pris l’initiative d’aller manifester sous les fenêtres du Palais présidentiel, en avril 1977. La dictature militaire avait moins d’un an, et déjà le cycle infernal de la répression et des disparitions était bien engagé.
Les militaires enlevaient de jeunes militants et les envoyaient dans des centres de détention pour les interroger, la plupart du temps au moyen de la torture. Ensuite, la grande majorité d’entre eux étaient escamotés. Comme disait un général de l’époque : « Pas de cadavre, pas d’existence ». Faire disparaitre, en somme, était vu comme le meilleur moyen de camoufler ses crimes. Beaucoup de jeunes, notamment, seront ainsi jetés depuis un avion, parfois vivants (on leur administrait un fort soporifique) dans le Río de La Plata. (Voir notre article sur la répression militaire ici).
Leurs mères et grands-mères ont alors pris l’initiative d’aller exiger de savoir où étaient leurs enfants, en venant manifester tous les jeudis sous les fenêtres des nouveaux dirigeants. Comme on leur interdisait tout rassemblement statique, elles se sont mises alors à tourner autour de la petite pyramide qui fait face au Palais. Pour les discréditer, les militaires les surnommeront « Les folles de la Plaza de Mayo ». En français, « les folles de mai ».
Hebe de Bonafini, qui avait 50 ans à l’époque, faisait partie des premières d’entre elles. Son fils Jorge avait été enlevé par les militaires à La Plata en février 1977. Ensuite, disparaitront également son autre fils Raúl, puis sa belle-fille María Elena, dans les mêmes circonstances.
Fondée officiellement en 1979, l’association des Mères existe depuis cette époque, Hebe de Bonafini en était présidente depuis le début.
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A lire dans la presse argentine :
Hebe de Bonafini, la más intransigente, de Pablo Mendelevitch, dans La Nación.
Hebe, ¡Una imprescindible! de Sonia Alesso, dans Pagina/12
Deux visions contrastées d’une forte personnalité devenue politique qui, comme souvent en Argentine, était très clivante.