Ce mardi 24 juin, la chaine publique ARTE propose un documentaire en trois volets intitulé «Amérique latine, un continent sous influence».
L’influence ici, c’est bien entendu celle des États-Unis, qui ont toujours considéré, et continuent de le faire, l’Amérique du sud comme leur arrière-cour, simple vassal à surveiller et soumettre.
Le documentaire, qui retrace 60 ans d’interventionnisme nord-américain, se limite cependant à l’histoire de six pays : le Brésil, le Chili, la Colombie, le Venezuela, le Panama et le Nicaragua. Un parti-pris sans nul doute justifié par l’étendue du sujet, car en réalité, du Mexique à l’Uruguay en passant par l’Argentine, la Bolivie, le Paraguay, le Honduras, etc… tous les pays ont été à un moment ou un autre objet de l’attention du «protecteur» yankee.
Tout au long de ces trois épisodes de 55 minutes, on parcourt donc l’histoire mouvementée de ces six pays, parsemée de révolutions et de coups d’état, et pris dans les vents contraires de la guerre froide.
Obsession principale des États-Unis, surtout après la révolution castriste : éviter à tout prix l’effet dominos, et la constitution d’autres blocs communistes. A tout prix, c’est-à-dire même à celui de favoriser l’installation de dictatures extrêmes-droitières, comme ce sera le cas au Brésil en 1964, avec le renversement du président de gauche Joao Goulart au bout de deux ans et demi de pouvoir, ou au Chili en 1973.
L’un des points forts du documentaire est de donner la parole à des acteurs de tous bords, anciens révolutionnaires, anciens ministres ou conseillers de dictateurs, ou encore ministres, ambassadeurs, conseillers techniques, nord-américains. Mais là résident également ses limites : les personnalités interrogées déroulent leurs versions des faits sans jamais être mis devant leurs contradictions, livrant ainsi des récits parallèles jamais recontextualisés. A chaque spectateur alors de se faire son opinion : il y a donc peu de chance que le visionnage fasse varier les a priori de départ.
Résultat : un récit médian, plutôt tiède, qui ne décortique pas vraiment les ressorts complexes ni de l’installation, ni du fonctionnement des régimes révolutionnaires ou dictatoriaux. De même qu’on survole les moyens mis en œuvre par les États-Unis pour renverser les régimes qui lui déplaisent, sans jamais véritablement montrer la réalité des liens entre l’administration nord-américaine et les mouvements d’extrême-droite, ou les militaires, du sud.
Néanmoins, le documentaire est extrêmement intéressant si on se place uniquement d’un point de vue historique et chronologique, et il montre clairement le cynisme des États-Unis qui, tout en se proclamant « plus grande démocratie au monde », n’hésitent jamais à la maltraiter chez les autres, quitte à laisser prospérer des dictatures sanglantes lorsque leurs intérêt sont en jeu.
Comme l’admet dans le troisième épisode un conseiller étasunien en parlant de la Colombie «certes, beaucoup de droits de l’homme ont été bafoués, mais Uribe (le président colombien de droite) a fait un travail efficace». On pourra remplacer Uribe par Pinochet (Chili), Branco (Brésil), Videla (Argentine), Bordaberry (Uruguay), Noriega (Panama), etc, etc… sans changer le reste de la phrase.
Le documentaire montre également le genèse de la fameuse Opération Condor, qui a permis aux dictatures de six pays (Argentine, Chili, Brésil, Uruguay, Paraguay et Bolivie), avec le soutien actif des Etats-Unis, de mener à bien une vaste campagne d’assassinat d’opposants politiques, y compris en exil. Comme notamment l’ancien ministre de Salvador Allende (Chili), Orlando Letelier, assassiné aux États-Unis mêmes.
Même s’il n’est pas parfait, loin de là, ce documentaire permettra sans nul doute aux spectateurs les moins avertis de mieux comprendre la portée de l’interventionnisme étasunien en Amérique latine, et d’en reconstituer la chronologie historique, de l’après-guerre mondiale à nos jours.
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Mon conseil si trois épisodes, ça vous fait trop : privilégiez le premier, le plus «historique» dans son contenu.
Mardi 24 juin – 21 h – ARTE
Déjà en ligne sur ARTE.TV, il y restera un certain temps !