San Telmo et son histoire

S’il est un quartier à ne surtout pas manquer quand on visite Buenos Aires, c’est bien à mon humble avis celui de San Telmo. Un des plus anciens de la ville, qui s’est construite, à partir de sa fondation, en s’étendant d’abord au sud-est de sa Plaza Mayor, place centrale typique de toutes les villes espagnoles. Cette place s’appelle maintenant « Plaza de Mayo » et c’est ici que se trouve le palais présidentiel de la nation.

A l’origine, le quartier de San Telmo est né de la nécessité, pour les jésuites, d’ouvrir un hôpital et une chapelle au plus près du centre de la ville. L’espace fut donc trouvé au coin des actuelles rues Balcarce et Umberto 1er, endroit qui marquera donc le centre du nouveau quartier, dont le noyau vital se déplacera juste de quelques mètres, sur l’actuelle Plaza Dorrego, à l’origine un simple terrain où se garaient les charrettes et autres carrosses transportant voyageurs et marchandises depuis les provinces du nord.

A partir de 1600, il devient surtout un quartier habité par des marins et des pêcheurs. En effet, il constituera le premier vrai port de Buenos Aires, avant d’être remplacé par celui de La Boca, plus pratique et mieux protégé. Citons l’écrivain chroniqueur de la capitale, Manuel Mugica Lainez dans son livre Misteriosa Buenos Aires : «Les gens qui vivent dans cette partie de Buenos Aires (…) sont des pêcheurs, des marins et des ouvriers qui travaillent essentiellement au ravitaillement de la ville. On trouve également pas mal de gens originaires de Gênes.»

C’est sur la Plaza Dorrego que sera prononcée officiellement l’indépendance de l’Argentine, en 1816. En raison de sa situation portuaire, c’est naturellement par ce quartier que passera l’essentiel de l’immigration européenne, surtout espagnole et italienne, aux XVIIIème et XIXème siècle.

Plaza Dorrego

C’est par ce quartier portuaire également qu’en 1806-1807, les Anglais tenteront de mettre la main sur Buenos Aires. Ils se heurteront à une résistance farouche des locaux, menés par le français Jacques de Liniers, et devront décamper. En récompense, Liniers se verra confier le commandement militaire de la Vice-Royauté. (On notera également qu’un quartier de la capitale argentine porte désormais son nom).

Au XIXème siècle, San Telmo est habité par de nombreuses célébrités, politiques ou artistiques. Citons pêle-mêle, outre Mugica Lainez, Domingo French (héros de l’indépendance), les écrivains Juan Manuel Beruti et Esteban Echeverría, ou l’Amiral Guillermo Brown (Almirante Brown).

Mais comme nous le disons plus haut, ce quartier fut surtout, au XIXème, le premier lieu de vie des immigrés récemment débarqués d’Europe. Ils s’entassaient dans les « conventillos », des ensembles d’habitations enfermant une cour commune, autour de laquelle courait une galerie menant aux différents appartements. Exigus les appartements, quelques fois réduits à une seule pièce. Sanitaires et cuisine communes, dans la cour.

Le quartier a donc tout de suite été un quartier plutôt populaire, habité essentiellement par une population très pauvre. Les conventillos n’étaient pas loin des bidonvilles qu’on trouvera au XXème siècle, quand ils auront disparu. Car le San Telmo des origines a connu un drame qui l’a vidé de la quasi-totalité de ses habitants en 1871 : la fièvre jaune. 500 morts par jour, 70 000 déplacés, le quartier s’est trouvé subitement comme un village fantôme.

Il y a donc un avant et un après fièvre jaune. Avant, un quartier assez misérable, mais vivant et populaire. Après, un grand mouvement de démolition-reconstruction, faisant disparaitre nombre de maisons d’origine, et donnant lieu à une certaine « gentrification », comme on dirait aujourd’hui. Des bâtiments historiques, on garde encore la trace du « vieux magasin », au coin des rues Balcarce et Independancia, anciennement hôpital anglais, l’ancienne maison du peintre Castagnino au coin des rues Balcarce et Carlos Calvo, aujourd’hui dans un état lamentable, et le marché couvert. Guère plus.

El viejo almacen

On a gardé en revanche nombre de rues pavées, qui contribuent au charme nostalgique du quartier, qui a gardé malgré tout un aspect faussement populaire. Il est aujourd’hui essentiellement touristique, ce qui ne l’empêche pas de rester, parmi les autres quartiers de la capitale, un de ceux où l’histoire de la ville imprime encore le mieux les yeux du promeneur.

 

     Contrastes et anachronismes  

A voir dans ce quartier :

Le marché San Telmo, moitié marché alimentaire, moitié brocanteurs, avec plein de stands de restauration typiquement portègne, comme celui des «choripanes», sorte de sandwiches à la saucisse. (Fichtrement meilleur que le hot-dog).

La Plaza Dorrego, avec son marché aux puces le dimanche, son vieux bistrot faisant le coin. Bon, Starbucks a réussi à s’implanter juste en face, attiré par la manne touristique. Le marché aux puces, lui, déborde largement de la place dans les rues adjacentes. On trouve de tout, du moment qu’on fasse le tri entre les vrais brocs et les marchands de camelote.

Bar Le Dorrego

Le bistrot Le «Federal». Une institution fondée en 1864. J’en parle plus en détails ici.

Le parc Lezama. Un parc historique à plus d’un titre. Certains historiens pensent qu’il serait le lieu exact de la première fondation de Buenos Aires par Pedro de Mendoza, en 1536. On y a d’ailleurs planté sa statue en bonne place. Mais cette première implantation n’a duré qu’un an, entièrement détruite par les indiens, et les vestiges manquent, ce qui rend la théorie pour le moins questionnable. Le terrain a changé de propriétaires maintes fois jusqu’à ce qu’il soit acheté par Gregorio de Lezama en 1857, puis sa veuve le céda à la municipalité en 1894, à condition qu’il porte le nom de son mari. On en fit donc un parc public (aménagé par le Français Charles Thays, également créateur du jardin botanique de la ville), sur lequel est implanté le musée historique national.

Plus anecdotiquement, on pourra faire un détour par le coin des rues Chile et Defensa, où on a érigé un monument à la célèbre Mafalda, personnage de bande dessinée de Quino, résidant à San Telmo tout comme son héroïne !

Monument à Mafalda

Autres curiosités : la Casa minima, étrange maison très étroite du passage San Lorenzo, et le Zanjón de Granados, vieille demeure du XVIème siècle, un des rares vestiges d’époque encore debout (presque en face de la précédente, dans la rue Defensa).

La casa minima. La petite blanche sur la droite.

Mais une simple déambulation (avec une pause rafraichissement au Federal, quand même) vous emmènera dans une autre Buenos Aires, touristique certes, mais d’une émouvante nostalgie.

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Situation générale, San Telmo :

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