Après le documentaire sur le rôle des Etats-Unis dans l’avènement des dictatures sudaméricaines, dont nous vous parlions ici-même, la chaine ARTE en a proposé un autre sur l’actuel président argentin Javier Milei, surnommé « l’homme à la tronçonneuse ».
Il a été diffusé mardi dernier, juste après l’autre documentaire, mais il reste visible sur l’application ARTE.TV, sous le titre « L’argentine dans la tourmente : Milei, le grand sauveur ? »

Il commence sur une question, que se posent tant d’Argentins : comment ce pays, qui était un des plus riches du monde jusqu’à la première moitié du XXème siècle, a-t-il pu devenir quasiment un pays du tiers-monde ?
Il revient alors sur le mal endémique de nombre de pays du sud, et spécialement américains : la corruption, couplée à la confiscation du pouvoir par un petit nombre, formant une quasi-mafia, politique et syndicale. L’Argentine est d’ailleurs classée 99ème en ce qui concerne la perception de la corruption. Pour comparer, la France est 25ème, et l’Allemagne (autre sociétaire d’ARTE, ne l’oublions pas) 15ème.
La description est sévère, mais juste, avec de nombreux exemples, toujours d’actualité, de petits arrangements avec le droit et la morale : privatisations à bon compte d’entreprises d’état, au profit d’intérêts privés, emplois fictifs au Parlement, fraudes en tous genres, notamment aux marchés publics (l’ancienne présidente Cristina Kirchner vient d’être condamnée à ce sujet à six ans de détention), évasion fiscale (278 milliards de dollars planqués à l’étranger ou dans des bas de laine, et qui ne profitent donc pas à l’économie nationale).
Alors, l’ultra-libéral Milei, élu sur la promesse de faire le ménage dans les écuries d’Augias, va-t-il enfin remettre le pays à l’endroit ? Le documentaire ne se risque pas à faire de pronostic ferme, mais rappelle à bon escient que la politique mise en place par le nouveau président a déjà eu son moment : entre 1989 et 1999, Carlos Menem, un péroniste de droite, a gouverné avec les mêmes préceptes : désétatiser au maximum, privatiser, favoriser les investissements étrangers, réduire les impôts, réduire les dépenses sociales et le train de vie de l’état. Avec comme résultat le plus visible, le désespoir du petit peuple exprimé en d’impressionnantes émeutes fin 2001, qui conduisirent à une crise politique sans précédent : trois présidents en trois ans !
Le documentaire relève les points faibles de la nouvelle politique mise en place par Milei. Insistant notamment sur deux biais malheureusement persistants de ce pays qui, comme tant d’autres en Amérique latine, ne parvient pas à se débarrasser tout à fait de son passé colonial : la trop grande dépendance aux exportations agricoles et l’absence de vision à long terme de ses dirigeants.
Un court-termisme qui, hélas, est également l’apanage du nouveau gouvernement.
En conclusion, le documentaire ne se montre guère optimiste sur l’avenir du pays, miné par un individualisme croissant (mais ça, c’est un peu comme partout, y compris chez nous, hélas), des inégalités criantes et elles aussi toujours en hausse, une criminalité, y compris d’état, galopante, et, bien entendu, une société extrêmement divisée.
Mais, paradoxalement, ce président pourtant pas si révolutionnaire garde une base de popularité encore relativement solide, envers et contre tout. Notamment auprès des jeunes. Pas si paradoxal que ça, en définitive, quand on y regarde de plus près et qu’on additionne le discrédit d’une classe politique traditionnelle qui ne se renouvelle pas avec la lassitude d’une société prête à se jeter sur toute solution pourvu qu’elle ait l’apparence de la nouveauté.
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Lien vers ARTE : https://www.arte.tv/fr/videos/119521-000-A/l-argentine-dans-la-tourmente/
A lire également en complément, sur ce même blog :
Sur Carlos Menem et sa politique ultra-libérale entre 1989 et 1999.
Sur la pauvreté en hausse dans l’Argentine de Milei.