AUX OUBLIETTES DE L’HISTOIRE
Aujourd’hui jeudi 4 février, nous dit le quotidien La Nación, est le jour du 90ème anniversaire de María Estela Martinez de Perón, plus connue sous son nom de scène (elle était danseuse avant de devenir la troisième épouse de Juan Perón) Isabelita.
Celle qui fut la première présidente de l’histoire argentine semble aujourd’hui totalement oubliée de ses compatriotes : on a eu beau chercher, aucun autre des grands quotidiens en ligne ne mentionne l’événement. Et il est même assez probable qu’en lisant l’article de La Nación, plus d’un Argentin se sera étonné d’apprendre qu’elle est encore de ce monde, 45 ans après avoir été renversée, emprisonnée puis exilée par la dictature militaire.
La Nación retrace les grandes lignes de ce qui fut sa vie, d’abord en Argentine où elle est née en 1931, puis à l’extérieur, d’abord lors des tournées sudaméricaines de sa troupe de danse, puis en exil en Espagne, avec son mari. Elle avait justement rencontré Juan Perón en 1955 à Panama, alors que celui-ci, renversé par la «Revolución Libertadora», commençait son long exil de dix-huit ans.
Elle reviendra avec lui en 1973, et ensemble, lui président et elle vice-présidente, ils remporteront l’élection à la magistrature suprême avec 62 % des voix. C’est donc elle qui, à la mort de Perón l’année d’après (juillet 1974) prendra naturellement les rênes du pouvoir. Pas pour longtemps. Car la période est très troublée, c’est le moins que l’on puisse dire. Le péronisme est très divisé, entre mouvements de jeunes d’extrême-gauche d’une part – ce sont eux qui ont principalement contribué au retour du chef – et tendance d’extrême-droite d’autre part, rapportée dans les bagages de Perón lui-même. Ne perdons pas de vue qu’il revient d’un long exil en… terre franquiste. Le retour du péronisme est donc marqué par beaucoup de violence, entre les exactions de la Triple A (Alliance anti-communiste argentine, créée et dirigée par le secrétaire particulier de Perón, Lopez Rega) contre les gauchistes, et les attentats de ces derniers, en représailles. Sans parler, bien entendu, de toutes les tendances anti-péronistes qui n’ont évidemment pas disparu comme par enchantement.
C’est avant tout cette image qui restera d’Isabelita. Celle d’une présidente dépassée, incompétente – elle se fera même remplacer un mois pour «raisons de santé» pendant son mandat par Italo Luder, le président du Sénat – et finalement destituée par un coup d’état militaire en mars 1976.
Emprisonnée pendant cinq ans, les militaires l’ont libérée en 1981, et elle est repartie en Espagne, d’abord dans la résidence qu’elle partageait autrefois avec Perón, « Puerta de Hierro », puis dans son actuelle résidence à 30 kilomètres de Madrid. Elle y vit depuis complètement retirée, et s’est doucement fait oublier de ses concitoyens. Au point qu’il ne s’est trouvé qu’un seul quotidien, aujourd’hui, pour se rappeler qu’elle était toujours vivante, et que ce 4 février était le jour de son 90ème anniversaire.